Le droit des entreprises en difficulté : quelques avancées récentes

Publié le 28/06/2017

Le dernier bulletin de santé des entreprises établi au 1er février et publié par l’OCED montre une diminution sensible des défaillances au plan national de – 7,4 % et en Île-de-France une baisse de 4,5 %. Une baisse sensible en dessous de 60 000 procédures est enregistrée sur l’année 2016 avec une progression importante des mesures de prévention (voir la récente étude Altarès-Deloitte publiée en mars dernier).

I – L’évolution de la jurisprudence sur les aspects de droit social

1. Une décision récente1 est venue confirmer le mouvement de reflux de la jurisprudence sur le co-emploi, la Cour de cassation étant de plus en plus vigilante sur l’appréciation restrictive de critères déterminés.

Il s’agissait d’une société en liquidation judiciaire membre d’un groupe et les salariés licenciés pour motif économique demandaient des indemnités en faisant valoir qu’il existait entre la société mère et sa filiale en liquidation judiciaire, une situation de co-emploi.

Cette réclamation avait été admise par les juges du fond qui avaient donc condamné la mère.

La Cour de cassation a rendu une décision de censure en rappelant les principes plus restrictifs déjà posés2.

En effet, l’existence d’un état de subordination est nécessaire pour caractériser le co-emploi et une situation de coordination des actions économiques entre les sociétés d’un groupe avec un état de domination économique qui en résulte, ne peut engendrer une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale considérée, ce qui est le véritable critère du co-emploi.

En l’espèce, les dirigeants de la filiale provenaient du groupe et étaient en étroite collaboration avec la société dominante et le fait que la mère ait apporté à sa filiale un important soutien financier et qu’une convention de trésorerie et d’assistance soit rémunérée ne pouvait caractériser une situation de co-emploi, cette situation étant insuffisante à caractériser cet état.

2. Le contrôle du PSE : le juge administratif précise les contours du contrôle du PSE. À cet égard, une décision récente du Conseil d’État du 15 mars 20173 a statué sur le droit à réintégration d’un salarié en cas d’annulation d’une décision d’homologation ou de validation d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Le Conseil d’État a scindé deux hypothèses :

  • l’hypothèse où l’entreprise n’est pas en procédure collective : dans ce cas, le juge administratif doit se prononcer sur le moyen tiré de l’absence ou de l’insuffisance de plan, lorsque l’annulation a été prononcée ;

  • en revanche, si l’entreprise fait l’objet d’une procédure collective, le juge administratif n’est pas tenu de se prononcer devant un tel moyen. Dans ce cas, la nullité du licenciement pour défaut ou insuffisance de PSE n’est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire4.

3. Une récente décision de la Cour de Chambéry5 a statué sur la nullité d’un contrat de travail avec un salaire disproportionné par rapport au poste intervenu pendant la période suspecte. A contrario, si le salaire est normal et que l’entreprise était viable au moment du renouvellement, le contrat ne sera pas annulé.

II – L’évolution du droit européen

Une décision récente est intervenue sur le droit à un jugement dans un délai raisonnable.

La Cour européenne des droits de l’Homme a rejeté le 13 avril dernier6 une demande formulée par un ressortissant français qui avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire et qui se plaignait de la durée excessive de la procédure en invoquant l’article 6, alinéa 1er, de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Nous savons que la CEDH ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes.

Dans cette hypothèse, elle a estimé que depuis le revirement de la Cour de cassation intervenu en 2014, le débiteur à la liquidation peut désormais intervenir au titre de ses droits propres pour se plaindre de la durée de la procédure.

La Cour a donc estimé qu’il disposait d’un recours effectif pour redresser ce grief et elle a estimé que, faute de l’avoir exercé, la requête devait être rejetée7.

III – L’articulation du droit des procédures collectives avec la récente réforme du droit civil

L’éminent professeur Jacques Mestre a bien voulu nous signaler son Forum contractuel8 cosigné avec Madame le professeur Julia Heinich concernant notamment une ordonnance rendue sur requête par Monsieur le président du tribunal de commerce de Castres le 6 avril 2017.

Il s’agissait d’une société anonyme avec directoire et conseil de surveillance qui demandait le redressement judiciaire mais était dépourvue de président de directoire. Elle a demandé la nomination d’un mandataire ad hoc à cette fin et il a été fait droit à sa demande au visa de l’article 875 du CPC mais en cantonnant cette nomination à la seule demande d’ouverture d’un redressement judiciaire.

Citant la motivation de ce juge, les professeurs ont indiqué que la décision du juge ne saurait pallier la carence des membres du conseil de surveillance dans la désignation des membres du directoire, le conseil de surveillance devant désigner rapidement le nombre de membres du directoire permettant d’assurer le respect des statuts.

L’ordonnance a aussi visé le nouvel article 1153 du Code civil qui était entré en vigueur en octobre 2016 sur le fait que « le représentant (…) judiciaire n’est fondé à agir que dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés ».

Pour les autres pouvoirs, il n’est pas dérogé aux règles du droit des sociétés, en application de l’article 1159 du Code civil qui cantonne les effets d’une représentation judiciaire au seul transfert de pouvoirs expressément prévu par le magistrat.

Les professeurs Jacques Mestre et Julia Heinich ont salué cette décision qui paraît bienvenue.

IV – Le droit fiscal

Une décision récente9 est venue préciser les effets redoutables d’une délégation de pouvoir. En l’espèce, cette délégation ne portait pas sur l’ensemble des tâches administratives et financières mais il a été jugé que la responsabilité du délégataire ne pouvait être exclue en qualité de gérant de fait au titre des obligations fiscales de la société.

Une série de décisions récentes est venue statuer sur la question du fait générateur de la créance fiscale résultant du paiement de la taxe d’apprentissage et de formations professionnelles. Il a été jugé que ce fait générateur doit être situé à la fin du délai pour procéder à ces dépenses, soit le 31 décembre de l’année concernée, ce qui est évidemment favorable à l’administration fiscale10. Il s’agit du débat bien connu sur le tri qui doit être fait pour savoir si ces taxes sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure collective ou de la période d’observation ou s’ils sont nés en contrepartie d’une véritable prestation servie au débiteur.

La Cour de cassation avait indiqué que s’agissant d’une obligation légale, ces impôts et taxes étaient inhérents à l’activité poursuivie au moins pour certains d’entre eux11.

Si ces taxes ne sont évidemment pas « utiles » à la poursuite de l’activité (et c’est un euphémisme), elles en découlent cependant car il n’est pas défendable qu’une activité puisse être poursuivie en dehors du respect des prescriptions légales.

V – Les nouvelles propositions

À côté des propositions qui ont été formulées à l’occasion de la campagne électorale présidentielle par l’ARE et sur lesquelles nous publions un article séparé12, il convient de citer les propositions faites par l’AFFIC (Association française en faveur de l’institution consulaire) qui a présenté 11 propositions pour réduire les délais de paiement, favoriser les procédures amiables de traitement des difficultés et adapter le droit du travail aux contraintes des entreprises en difficulté.

Signalons sur cette question des délais de paiement, le décret du 20 mars 201713 et l’arrêté du 20 mars 201714 concernant les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes qui doivent communiquer des informations sur les délais de paiement dans leur rapport de gestion, selon l’article L. 446-6-1 du Code de commerce.

Pour les comptes afférents aux exercices ouverts à compter du 1er juillet 2016, les mentions du rapport ont été précisées par un décret du 27 novembre 201515. Le décret du 20 mars 2017 a modifié les mentions de cet article pour ouvrir aux sociétés soumises à cette obligation d’information, la possibilité de mentionner des montants hors taxe ou TTC et un arrêté du 20 mars 2017 a remplacé les tableaux récapitulatifs prévus à cet effet.

Que propose l’AFFIC ?

En premier lieu et relevant que les retards de paiement constituent une des causes principales de difficultés en particulier pour les PME, il a été proposé d’automatiser le recouvrement avec une systématisation des sanctions avec la validation de la mention obligatoire des délais de paiement et des décaissements par un tiers de confiance.

Il est aussi proposé l’extension aux experts-comptables de l’attestation des commissaires aux comptes sur les délais de paiement16.

Il est aussi demandé un déplafonnement de l’amende et en cas de redressement judiciaire, la possibilité pour l’administrateur judiciaire de demander un état des clients ayant des délais de paiement non conformes avec la possibilité d’étendre l’action en comblement de passif aux mauvais payeurs.

Nous devons constater à cet égard que la réglementation française sur les délais de paiement est en gros, à peu près inefficace bien qu’elle existe depuis plusieurs années. Il existe chez nous un problème culturel, l’État ne donnant certes pas le bon exemple avec des délais de paiement qui peuvent parfois dépasser largement les délais couramment admissibles.

La véritable difficulté vient de ce qu’en exigeant le respect du délai légal, le fournisseur risque de perdre son client et vit parfois dans une situation de dépendance à son égard.

La solution est souvent dans la possibilité de mobiliser les créances, ce qui pose le débat des mécanismes ouverts à cet effet (Dailly, affacturage…), franchement onéreux et mobilisateur de lourdes garanties.

Il est à espérer que notre culture évoluera en la matière mais parions que cela risque d’être relativement lent …

Il est en outre indiqué que les PME n’ont pas suffisamment d’outils permettant d’anticiper les difficultés et méconnaissent les procédures préventives. Il est proposé d’introduire dans le rapport de gestion, deux indicateurs obligatoires, le point mort et le besoin en fonds de roulement et il est proposé la mise en œuvre d’une alerte qui incomberait à l’expert-comptable.

Cette proposition risque de soulever l’hostilité des experts-comptables qui ne sont guère désireux d’exercer ce type d’alerte, souhaitant conserver une relation de confiance à l’égard de leurs clients …

Les mentalités évoluent pourtant et ces propositions le démontrent.

Enfin, l’AFFIC préconise le financement par l’AGS du PSE avec le bénéfice du privilège d’argent frais en procédure de conciliation. Il est vrai qu’une intervention plus en amont de l’AGS permettrait sans doute une intervention plus efficace et à terme, d’éviter une « casse sociale » qui risquerait d’être plus lourde.

Cette mesure mériterait d’être encouragée en concertation avec l’AGS et en lui laissant bien entendu un pouvoir d’appréciation et de validation pour éviter les abus que l’on peut imaginer.

En cette matière, la souplesse et le dialogue doivent être privilégiés plutôt que la contrainte.

VI – L’évolution des structures professionnelles

Un intéressant article cosigné par Nicolas Borga (professeur à Lyon  II) et Éric Étienne Martin (administrateur judiciaire) a permis de faire le point sur « la moralisation du droit des affaires aux prises avec les sociétés pluri professionnelles d’exercice »17.

Dans cet intéressant article que nous n’avons pas ici la possibilité d’exposer en détail, sont évoqués les effets de la loi Macron du 6 août 2015 qui a assoupli les règles de détention du capital des SEL et des SPFPL en permettant aux professionnels du droit de constituer des sociétés commerciales, à l’exception de celles conférant la qualité de commerçant.

En outre, le gouvernement a été autorisé à prendre par voie d’ordonnance, des mesures facilitant la création de sociétés pluri professionnelles, ce qui a été fait par l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016.

Nous savons que désormais, l’article 31-3 de la loi du 31 décembre 1990 modifiée prévoit qu’une société peut être constituée avec l’exercice en commun des professions d’avocats, d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaires-priseurs judiciaires, d’huissiers de justice, de notaires, d’administrateurs judiciaires, de mandataires judiciaires, de conseils en propriété industrielle et d’experts-comptables (SPE).

Il a été prévu que cette ordonnance rentrerait en vigueur au plus tard le 1er juillet 2017.

Le but est d’offrir aux entreprises « un point d’entrée unique pour la réalisation de leurs affaires ».

Ceci présenterait l’avantage d’une mutualisation des charges, selon le rapport au président de la République établi pour cette ordonnance.

Cet article évoque l’épineuse question des conflits d’intérêts, dont le risque est bien réel dans le cadre de cette SPE. En effet, l’indépendance de l’exercice professionnel des associés doit être garantie et il est prévu à cet égard par l’article 31-8 de la loi du 31 décembre 1990 que chaque professionnel doit informer les autres professionnels de l’existence de tout conflit d’intérêts susceptible de naître, cette obligation d’information étant bien à sa charge.

Or, la recommandation 1.4 de la résolution du Parlement européen du 15 novembre 2011 sur les procédures d’insolvabilité prévoit l’homologation du Syndic par une autorité compétente ainsi que l’indépendance des créanciers et des autres parties concernées par la procédure d’insolvabilité.

Il appartient aux statuts de gérer les conflits d’intérêts et les rédacteurs de l’article considèrent qu’il s’agit d’une espèce d’angélisme…

Ces craintes demeurent donc.

En revanche, le risque est moindre sur la confusion des professions, l’article 3, alinéa 1er, de la loi de 1990 prévoyant que la société ne peut exercer la ou les professions constituant son objet social qu’après son agrément par l’autorité ou les autorités compétentes et son inscription sur la liste ou les listes au tableau de l’ordre ou des ordres professionnels avec une information annuelle sur l’évolution du capital social.

En outre, le client doit désigner les professionnels auxquels il entend confier ses intérêts au sein de la société et la SPE n’a donc pas à gérer l’intégralité des affaires d’un client.

Il est indiqué que les SPE vont permettre à des administrateurs judiciaires et à des mandataires judiciaires de s’associer, ce qui est nouveau. Bien entendu, le même professionnel ne peut accéder aux deux missions dans un même dossier car celui qui assure le sauvetage ne doit pas avoir intérêt à la liquidation.

Nous voyons ainsi que nous sommes à l’aube d’évolutions importantes qui vont sans doute avoir un retentissement sur le suivi des procédures et qui vont nécessiter une plus grande vigilance.

VII – Les sanctions et interdictions

Plusieurs décisions intéressantes sont intervenues dans cette matière, qu’il convient d’examiner.

1. L’extension de procédures collectives : lorsqu’une extension est intervenue pour confusion patrimoniale, une récente décision de la Cour de cassation18 a indiqué que l’action en insuffisance d’actif implique la réunion des conditions de sa mise en œuvre pour chaque dirigeant et chaque société concernée.

Dans cette affaire, la procédure avait été étendue à une SCI et le liquidateur avait assigné le dirigeant des deux sociétés en paiement de l’insuffisance d’actif. Il avait été condamné à payer l’insuffisance d’actif de la première société à concurrence de 80 % et au paiement d’une provision.

L’arrêt avait retenu que le dirigeant ne pouvait se prévaloir de l’actif de la SCI malgré la décision d’extension de la procédure à l’égard de celle-ci.

La Cour de cassation a rappelé que si une même personne a été le dirigeant de plusieurs personnes morales, l’insuffisance d’actif mise à sa charge doit comprendre celle de l’ensemble des personnes morales dont cette personne a été le dirigeant et auquel la procédure de liquidation judiciaire a été étendue sur le fondement d’une confusion des patrimoines.

La Cour a prononcé une décision de cassation en visant la publication, en reprochant à l’arrêt d’appel qui avait condamné le dirigeant de ne pas avoir recherché s’il avait été aussi dirigeant de fait ou de droit de la SCI, de sorte que la cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision.

2. L’interposition de personne : une décision assez rare19 est intervenue sur la matière de la fraude et de l’interposition de personne. Il s’agissait en effet d’une SCI déclarée adjudicataire d’éléments d’actifs d’une société en liquidation judiciaire et ses offres d’achat avaient été annulées au motif d’une interposition.

En effet, les juges avaient considéré que la SCI avait l’intention de revendre les éléments d’actif à une société dont les dirigeants de la personne morale en liquidation étaient les associés, ce qui caractérisait une fraude.

Les juges avaient aussi relevé que les biens acquis par la SCI n’entraient pas dans son objet social et qu’elle n’avait pas les moyens financiers pour accomplir cette opération, une résolution de l’assemblée générale l’autorisant à céder les biens acquis à un tiers.

Bien entendu, la Cour de cassation a estimé que le juge du fond avait rendu sa décision dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation. La Cour de cassation a estimé que l’interposition de personne au sens de l’article L. 642-3 s’entend de l’intervention d’une personne morale qui masque la participation des dirigeants à l’opération d’acquisition, ce qui était le cas en l’espèce.

VIII – La déclaration de créance

Des nouveautés doivent être signalées sur ce contentieux qui demeure relativement important.

En premier lieu, l’avertissement de déclarer une créance doit reproduire les mentions légales. À défaut, cet avertissement ne fait pas courir le délai de déclaration de la créance20. Il s’agissait d’un avertissement adressé à une banque titulaire d’une hypothèque qui ne reproduisait pas les mentions prévues à l’article R. 621-19 du Code de commerce.

Cet article indique que le mandataire judiciaire prend toute mesure pour informer et consulter les créanciers et que les créanciers qui en font la demande par lettre recommandée avec AR sont informés des étapes essentielles de la procédure au fur et à mesure de leur déroulement.

Faute d’avoir reproduit cette mention contrairement aux prescriptions de l’article R. 622-21 du Code de commerce, le délai n’a donc pas commencé à courir, ce qui est une sanction importante.

Sur le même sujet, signalons un intéressant article signé par le professeur Pierre-Michel Le Corre21.

Dans cet article, le professeur Pierre-Michel Le Corre évoque une récente décision de la Cour de cassation22. Il s’agissait d’un mandant qui n’avait pas obtenu restitution des versements effectués pour son compte entre les mains de l’agent et qui avait déclaré sa créance de restitution en demandant l’admission au passif.

La question était de savoir si cette déclaration remettait ou non en cause l’affectation spéciale au remboursement des fonds effets ou valeurs déposés de la garantie financière prévue à l’article 3 paragraphe 2.2 de la loi du 2 janvier 1970.

La Cour de cassation a jugé que cette affectation spéciale n’est pas remise en cause par la déclaration de créance qui a été faite. La déclaration ou l’absence de déclaration de créance restera donc sans conséquence selon le professeur Pierre-Michel Le Corre.

En résumé, dès lors qu’un créancier peut se faire payer sur des biens non compris dans les faits réels de la procédure collective, il peut ne pas déclarer sa créance. S’il la déclare, cela n’a pas pour effet de lui faire perdre le droit d’être payé sur les biens échappant à cet effet réel de la procédure collective.

En ce qui concerne la demande de désignation d’un expert-comptable par un comité d’entreprise, une récente décision est venue préciser un point intéressant23.

Il est confirmé que l’assistance de l’expert-comptable peut se situer à un double niveau : il s’agit d’une part de l’examen annuel des comptes avec la nuance que le comité d’établissement peut se faire assister par un expert-comptable, ce qui n’empêche pas le comité central de le faire en application des articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du Code du travail.

Cette double assistance a déjà été admise précédemment24 et cela concerne aussi bien la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi que la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise avec un double niveau d’assistance qui sera admis par la jurisprudence25.

IX – La réserve de propriété

Après un arrêt intéressant déjà commenté sur la possibilité de répartir d’une manière proportionnelle des marchandises ayant fait l’objet de différentes requêtes en revendication au titre de biens fongibles26, un arrêt récent27 indique que le délai de revendication sans possibilité de relevé de forclusion ne porte pas atteinte au droit de propriété.

Il s’agissait d’une question prioritaire de constitutionnalité posée sur les articles L. 624-9 et L. 624-10-1 du Code de commerce ayant pour effet de rendre inopposable à la procédure collective le droit du propriétaire sur les biens remis au débiteur lorsqu’ils ne sont pas revendiqués dans les 3 mois du jugement d’ouverture, même lorsque les organes de la procédure ont demandé la continuation du contrat en vertu duquel ils ont été remis.

Selon la Cour de cassation, cette disposition n’a ni pour objet ni pour effet d’entraîner la privation du droit de propriété du fait de cette inopposabilité. Elle répond à un objectif d’intérêt général sans porter une atteinte disproportionnée aux conditions d’exercice du droit de propriété. Cette question ne sera donc pas posée au Conseil constitutionnel.

X – Le bail

Deux décisions méritent d’être signalées :

La première28 concerne la résiliation d’un bail pour non-paiement de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Le bailleur avait assigné en référé la société preneuse en acquisition de la clause résolutoire.

Il s’agissait notamment de l’application de l’article L. 622-23 du Code de commerce qui vise la mise en cause du mandataire judiciaire et de l’administrateur judiciaire lors de la poursuite des instances en cours sur le non-paiement des créances postérieures à l’ouverture de la procédure collective. La Cour de cassation apporte une réponse négative.

Le commentateur (Marie-Hélène Monsérié) considère cependant qu’il serait nécessaire que le commandement adressé par le bailleur au locataire pour se prévaloir d’une clause résolutoire fondée sur le non-paiement de loyers postérieurs, soit notifié, non seulement à l’administrateur s’il a été désigné, mais aussi « très certainement » au mandataire judiciaire. Il appartient donc au praticien de rester prudent sur ce point.

Une décision récente a réglé la question d’une déclaration de créances dans la succession d’un débiteur d’une société en liquidation judiciaire. Il est indiqué que sous peine d’extinction de la créance chirographaire, le liquidateur titulaire d’une créance contre un débiteur décédé, doit la déclarer dans les 15 mois à compter de la publicité de la déclaration d’acceptation à concurrence de l’actif par l’héritier29.

XI – La fermeture d’un établissement

Il s’agissait, en l’espèce, d’une fermeture d’établissement imposée par un tiers et l’entreprise en avait tiré la conséquence que les licenciements économiques pouvaient être justifiés par cette cessation partielle de l’activité de l’entreprise.

Tel n’a pas été l’avis de la Cour de cassation qui a considéré que le licenciement économique ne peut être justifié qu’en cas de difficulté économique, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, peu important que la fermeture de l’établissement résulte de la décision d’un tiers30.

Les récents développements de l’affaire Whirlpool, instrumentalisée à des fins politiques montrent que la fermeture d’une entreprise qui est rentable passe mal. L’objectif d’améliorer la rentabilité en délocalisant ou en choisissant une autre implantation pose problème.

À terme, cela pose le problème du choix entre la liberté de la recherche du profit et une économie dirigée, plus protectrice des salariés mais sans doute moins attractive aux yeux de certains.

Droit et politique vivent dans un mariage forcé et nous en voyons les enjeux.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. soc., 7 mars 2017, nos 15-16865 à 15-16867, PB.
  • 2.
    V. not. Cass. soc., 10 déc. 2015, n° 14-19316, PB ; Cass. soc., 6 juill. 2016, n° 15-15481, PB.
  • 3.
    CE, 15 mars 2017, n° 387728.
  • 4.
    Note de Michel Morand, newsletter éd. Lég., 12 avr. 2017.
  • 5.
    CA Chambéry, 12 janv. 2016, n° 15/01218 : Rev. proc. coll. mars 2017, p. 46.
  • 6.
    CEDH, 13 avr. 2017, n° 16470/15.
  • 7.
    Revue de la délégation des barreaux de France, 4-13 avr. 2017, n° 801.
  • 8.
    Forum contractuel pour défendre l’attractivité du droit français des contrats, n° 3, avr. 2017.
  • 9.
    Cass. crim., 22 mars 2017, n° 16-81337.
  • 10.
    Cass. com., 22 févr. 2017, nos 15-17166 à 15-17168 (3 arrêts), PBI : Gaz. Pal. 7 mars 2017, n° 290d4, p. 36, note Berlaud C.
  • 11.
    Cass. com., 15 juin 2011, n° 10-18726, PB ; Cass. com., 17 sept. 2013, n° 12-10261 ; a contrario, sur la taxe foncière, Cass. com., 14 oct. 2014, n° 13-24555, PB.
  • 12.
    Teboul G., « Recommandation pour un meilleur traitement des entreprises en difficulté », Gaz. Pal. 16 mai 2017, n° 293v5, p. 17.
  • 13.
    D. n° 2017-350, 20 mars 2017.
  • 14.
    ECFT 1701706A : JO, 21 mars 2017.
  • 15.
    C. com., art. D. 441-4 ; v. Newsletter éd. Législatives, 24 mars 2017 ; D. n° 2017-350, 20 mars 2017 ; A. 20 mars 2017 ; ECFT 1701706A : JO, 21 mars 2017.
  • 16.
    C. com., art. L. 441-6-1.
  • 17.
    Journal des sociétés, janv. 2017, n° 148, p. 33.
  • 18.
    Cass. com., 8 mars 2017, n° 15-22337, PB.
  • 19.
    Cass. com., 8 mars 2017, n° 15-22987, F-PBI.
  • 20.
    Cass. com., 22 mars 2017, n° 15-19317, PBI.
  • 21.
    Le Corre P.-M., « La déclaration de créance au passif de l’agent immobilier », Gaz. Pal. 28 mars 2017, n° 291m6, p. 54.
  • 22.
    Cass. com., 18 janv. 2017, n° 15-16531.
  • 23.
    Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-22882, D.
  • 24.
    Cass. soc., 23 mars 2011, n° 09-67512.
  • 25.
    Commentaires de Michel Morand, newsletter éd. Lég., 12 avr. 2017.
  • 26.
    Teboul G., « Droit des entreprises en difficulté : les nouveaux arrivages », Gaz. Pal. 21 mars 2017, n° 290f2. p. 30 ; Cass. com., 29 nov. 2016, n° 15-12350, PBRI.
  • 27.
    Cass. com., 7 mars 2017, n° 16-22000.
  • 28.
    Cass. 2e civ., 16 mars 2017, n° 15-29206, PB.
  • 29.
    Cass. 1re civ., 22 mars 2017, n° 15-25545, PB.
  • 30.
    Cass. soc., 23 mars 2017, n° 15-21183, PB.
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