Les difficultés de l’avocat et le mode de traitement par les ordres

Publié le 30/08/2017

L’ordre des avocats de Paris a mis en place au fil des années, différents services qui ont pour vocation d’aider et d’accompagner l’avocat en difficulté, tout en lui faisant prendre conscience de ses obligations, notamment en regard de la loi. Celle-ci est exigeante car elle impose une déclaration de cessation des paiements lorsque cet état survient dans un délai de 45 jours. Il est essentiel que les avocats qui rencontrent des difficultés, ce qui est malheureusement de plus en plus fréquent, aient conscience qu’ils doivent avoir recours le plus possible à la prévention plutôt qu’attendre l’aggravation de leur difficulté et d’entrer dans une spirale qui peut devenir irréversible. Cet article a donc pour objet de faire le point sur les possibilités que mettent les ordres à la disposition des avocats.

Depuis 20061, les avocats peuvent bénéficier d’un statut aligné sur les autres professions, ce qui a été une avancée importante.

Rappelons que c’est par la loi de 2005 que les professions libérales ont pu bénéficier de ces dispositions, tant pour la prévention que la sauvegarde que pour le redressement judiciaire2 et la liquidation judiciaire3.

Les professions libérales qui étaient déjà concernées en cas d’exercice sous forme de sociétés (SCP, SEL) ont été soumises au droit commun des procédures collectives, selon la formule des articles L. 620-2 et L. 631-2.

Avant cette réforme, les professions libérales ne pouvaient bénéficier que de la déconfiture, ce qui était loin d’être satisfaisant4.

Avant d’évoquer les modalités pratiques d’accueil et de traitement des difficultés des avocats, il convient de rappeler les dispositions législatives qui s’appliquent à eux.

I – Les dispositions législatives et réglementaires applicables aux avocats

A – La prévention

Le dispositif est le suivant.

Ils peuvent bénéficier d’une conciliation ou d’un mandat ad hoc pour négocier avec leurs créanciers, ce qui suppose en principe l’intervention d’un tiers désigné par le président du tribunal. La confidentialité est de droit5.

La requête qui est laissée à l’initiative du débiteur doit répondre à des conditions fixées par l’article R. 611-22 du Code de commerce, c’est-à-dire en fournissant des renseignements qui permettront d’apprécier sa situation. L’avocat doit préciser l’ordre professionnel ou l’autorité dont il relève. Il a la possibilité de proposer un conciliateur à la désignation du président du tribunal.

Le conciliateur peut être récusé à condition que la demande soit formulée dans les 15 jours de la notification de la décision6.

Lors de la procédure de conciliation, la décision d’ouverture est communiquée à l’ordre professionnel7 qui est entendu ou appelé par le tribunal avant qu’il ne statue sur l’homologation d’un accord8.

B – La sauvegarde

La sauvegarde peut être demandée en application des articles L. 620-2, L. 621-1 et R. 621-1 du Code de commerce.

La procédure de sauvegarde est ouverte sur demande d’un débiteur qui sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter, et cela afin de faciliter la réorganisation d’entreprises afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.

C – La place de l’ordre dans les procédures collectives

Les dispositions concernant l’intervention des ordres sont régies par les articles L. 621-1, L. 621-10, L. 622-6, L. 623-3 et L. 642-2 du Code de commerce.

Certaines dispositions sont cependant difficiles à exécuter et posent problème (le cabinet secondaire, le droit d’un administrateur d’exiger la poursuite du contrat en cours, ce qui est difficile entre un avocat et un client9

En outre, a surgi la question du sort du professionnel indépendant associé d’une société professionnelle.

La Cour de cassation a rendu 3 arrêts de principe le 9 février 201010.

L’avocat qui a cessé d’exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d’une SCP ou d’une SEL n’agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société.

Il cesse dès lors d’exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l’article L. 631-2 du Code de commerce.

Le bénéfice d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ne peut donc bénéficier de ces procédures en principe en sa qualité de professionnel associé.

Rappelons en effet que l’avocat exerce son activité dans cette hypothèse au nom de la société11.

Cependant, le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire après la cessation d’activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l’activité professionnelle antérieure.

Si la procédure est ouverte sur assignation d’un créancier, cette dernière doit intervenir dans un délai d’un an à compter de la cessation de l’activité individuelle (C. com., art. L. 631-5 ; C. com., art. L. 640-5).

Il semble que les arrêts du 9 février 2010 ont pour conséquence que le point de départ du délai d’un an se situe à la date d’entrée de l’avocat dans la société, soit à la date d’immatriculation de la société, soit celle de la souscription de l’associé au capital de la société12.

La conséquence est donc l’impossibilité dans laquelle le professionnel libéral lorsqu’il est en société, de se voir appliquer le droit des procédures collectives pour ses dettes professionnelles personnelles.

Il convient de signaler la possibilité pour l’avocat d’invoquer les dispositions de l’article 47 du CPC13. Il est jugé depuis longtemps14 que cet article 47 est applicable dans l’hypothèse de l’ouverture d’une procédure collective15.

La Cour de cassation a récemment statué16 en cassant un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait considéré que l’article 47 n’était pas applicable devant le juge-commissaire.

Le nouvel article R. 662-3-1 du Code de commerce a exclu l’application de l’article 47 du CPC aux litiges qui relèvent de la compétence du juge-commissaire.

En ce qui concerne le redressement judiciaire, la situation est fixée par les articles L. 631-2 et R. 631-1. L’article L. 631-2 dispose en effet dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008 que cette procédure est applicable à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ce qui concerne évidemment les avocats.

Depuis le 1er janvier 2006, une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire peut donc être ouverte à l’encontre d’une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante en état de cessation des paiements.

L’article L. 631-3 prévoit aussi l’ouverture d’un redressement judiciaire qui est applicable après la cessation de l’activité professionnelle si tout ou partie du passif provient de cette dernière ou en cas de décès, le tribunal pouvant être saisi dans un délai d’un an à compter de la date du décès sur l’assignation d’un créancier.

Rappelons qu’il est impératif que la déclaration de cessation des paiements soit faite dans un délai de 45 jours à compter de la survenance de cet état17.

En ce qui concerne la liquidation judiciaire, elle est régie par les articles L. 640-2, L. 640-3, R. 641-15 et R. 641-36 du Code de commerce.

L’article L. 640-2 se réfère expressément à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Il n’y a donc pas d’ambiguïté.

Cela concerne un débiteur en état de cessation des paiements et dont le redressement judiciaire est manifestement impossible18.

Il est possible de demander une liquidation judiciaire dans un délai d’un an après la cessation de l’activité professionnelle si tout ou partie du passif provient de cette dernière.

L’hypothèse du débiteur décédé ouvre un même délai.

L’article R. 641-36 concerne l’hypothèse du débiteur qui exerce une profession libérale : le tribunal désigne, lors de l’ouverture de la procédure, le représentant de l’ordre professionnel dont les débiteurs relèvent aux fins d’exercer les actes de la profession, ce représentant pouvant déléguer cette mission à l’un des membres de la profession en activité ou retraité.

Les rémunérations prévues à l’article L. 631-11 sont fixées par le juge-commissaire.

Il doit aussi fixer la rémunération de la personne chargée d’exercer les actes de la profession19.

En ce qui concerne la place de l’ordre professionnel, une circulaire du 16 novembre 2006 (précité) a prévu les conditions d’intervention de l’ordre dans les conditions suivantes :

  • dans les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire, l’ordre professionnel doit avoir été convoqué à l’audience au cours de laquelle, il est débattu de l’ouverture de la procédure20 ;

  • l’ordre peut saisir le ministère public pour demander le remplacement de l’administrateur judiciaire, de l’expert, du mandataire judiciaire ou du liquidateur et il peut saisir d’une demande d’adjonction d’un ou de plusieurs administrateurs, mandataires judiciaires ou liquidateurs.

    Il peut aussi, lorsque la liquidation est prononcée, saisir le tribunal pour que le liquidateur ne soit pas le mandataire judiciaire déjà désigné, le ministère public étant toutefois libre de ne pas donner suite à la demande21.

Rappelons que l’ordre est d’office contrôleur mais il n’a pas les mêmes prérogatives que les créanciers désignés à cette fonction22.

En effet, il n’est pas exigé que l’ordre soit créancier, ce qui est normalement une condition requise pour désigner un contrôleur.

L’ordre ne peut être révoqué, contrairement aux autres contrôleurs23.

L’ordre doit pouvoir se faire représenter par un préposé ou par un avocat24.

L’ordre doit faire la déclaration au greffe de la personne qu’il a désignée pour le représenter dans sa fonction de contrôleur. À défaut, c’est au représentant légal d’exercer la fonction25.

L’inventaire des biens du débiteur ne peut être dressé hors la présence d’un représentant de l’ordre et ne peut porter atteinte au secret professionnel (C. com., art. L. 622-6).

En liquidation judiciaire, le tribunal désigne, dès l’ouverture de la procédure, le représentant de l’ordre pour désigner les actes de la profession, cette mission pouvant être déléguée. Le juge-commissaire fixe la rémunération de cette personne26.

L’ordre professionnel doit donner son accord au liquidateur sur la destination des archives du débiteur (C. com., art. L. 642-23).

La requête demandant l’ouverture d’une conciliation faite par un débiteur avocat doit préciser l’ordre professionnel dont il relève. C’est la même solution pour les autres procédures27.

Au titre des professions réglementées, la circulaire du 16 décembre 2006 vise expressément la profession d’avocat et d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation aux côtés d’autres professions libérales. Il n’y a donc pas d’ambiguïté.

D – Le rétablissement professionnel

Nous devons aussi citer la procédure de rétablissement professionnel prévue à l’article L. 645-1 concernant le débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible, qui n’a pas cessé son activité depuis plus d’un an, n’a employé aucun salarié au cours des 6 derniers mois et dont l’actif déclaré a une valeur inférieure à un montant fixé par décret (C. com., art. R. 645-1, c’est-à-dire une valeur de l’actif inférieure à 5 000 €).

Pour cela, une liquidation judiciaire doit avoir été clôturée pour insuffisance d’actif depuis plus de 5 ans (ou le même délai concernant une décision de clôture, de rétablissement professionnel).

Les effets de cette procédure sont non négligeables puisqu’il s’agit d’un effacement des dettes à l’égard des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture28.

E – La cession du cabinet

En ce qui concerne la cession de « l’entreprise », rappelons qu’elle est régie par l’article L. 642-1 du Code de commerce dont l’ancienne rédaction prévoyait que la cession ne peut porter que sur des éléments corporels.

L’ordonnance du 18 décembre 2008 a supprimé la restriction sur les éléments corporels.

Cette interdiction pouvait être pénalisante dans la mesure où le droit de présentation de la clientèle peut représenter une part importante de la valeur de l’actif29.

L’article L. 642-2 du Code de commerce organise les conditions de la cession et prévoit notamment que lorsque le débiteur exerce une profession libérale dont le titre est protégé, l’offre doit en outre comporter l’indication de la qualification professionnelle du cessionnaire.

F – Les sanctions

Bien entendu, ce panorama ne peut être exhaustif mais il convient cependant d’évoquer la question épineuse des sanctions.

Rappelons que l’article L. 653-1 du Code de commerce applicable à la faillite personnelle et autres mesures d’interdiction prévoit que les dispositions du chapitre sont applicables aux personnes physiques exerçant une profession libérale dont le titre est protégé.

Ces actions se prescrivent par 3 ans à compter du jugement d’ouverture de la procédure. Cet article poursuit en indiquant que ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personnes morales exerçant une activité professionnelle indépendante et à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.

Dans ce cas, les sanctions prévues par le droit des procédures collectives sont exclues. Certains ont prétendu que les domaines de la faillite personnelle et les manquements à la déontologie ne se recoupent pas nécessairement30.

Il n’est pas douteux que les professionnels libéraux soumis à l’autorité d’un ordre sont soustraits à la faillite personnelle, quelle que soit leur modalité d’exercice de la profession, que ce soit pour les personnes physiques ou en tant que dirigeant d’une personne morale. L’ordre doit cependant exercer ses prérogatives31.

D’autres encore ont prétendu que cette disposition serait contraire au principe d’égalité devant la loi32. Cependant, ce « privilège » ne semble pas s’appliquer lorsqu’il s’agit d’une mesure de faillite personnelle à titre de peine complémentaire à une sanction pénale pour banqueroute (C. com., art. L. 654-6)33.

La conséquence est notamment que les créanciers ne vont pas recouvrer leur droit de poursuite individuelle (C. com., art. L. 643-11, III)34.

Rappelons que les dispositions de l’article L. 654-1 concernant la banqueroute prévoient dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008 que celle-ci est applicable à toute personne physique exerçant une profession libérale dont le titre est protégé.

Il s’agit notamment du recours à des moyens ruineux pour éviter ou retarder l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le détournement d’actif, l’augmentation frauduleuse du passif, la tenue d’une comptabilité fictive ou la disparition d’éléments comptables ou la tenue d’une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière.

À cela, il convient d’ajouter le corpus des infractions et sanctions ordinales que l’on peut résumer en quelques catégories :

  • l’omission (qui n’est pas une sanction mais une mesure administrative ayant tout de même l’effet d’une interdiction d’exercice jusqu’à ce que la cause, c’est-à-dire le non-paiement de cotisations soit purgée). Cette mesure a donc des effets redoutables et elle est couramment utilisée ;

  • le non-respect des obligations financières de l’avocat qui est puni par différentes dispositions du RIN ;

  • la violation des obligations légales, ce qui concerne notamment le non-respect de l’obligation légale de déclarer un état de cessation des paiements, ce sur quoi l’attention des ordres doit être attirée, ainsi naturellement que celle des débiteurs qui l’ignorent fréquemment ;

  • il faut ajouter à cela le fait que les avocats doivent tenir une comptabilité probante, cette obligation devant être vérifiée. Elle est bien entendu une condition essentielle du redressement, qu’il s’agisse d’une mesure de prévention ou d’une procédure collective. L’Ordre dispose du pouvoir d’organiser un contrôle de la comptabilité de l’avocat, dans le cadre de ses attributions.

Sans entrer dans le détail de ces dispositions que chacun connaît, rappelons quelques principes.

  • L’exercice de l’activité peut être poursuivi en redressement judiciaire avec l’effet pratique du gel du passif antérieur à l’ouverture de la procédure. L’attention des avocats doit être attirée sur ce point, dès lors qu’elle peut leur permettre de surmonter une importante difficulté s’ils sont aptes à faire face au paiement de leurs charges courantes en échelonnant le passif sur une durée qui peut aller jusqu’à 10 ans.

  • Les conditions d’exercice doivent être clarifiées et expliquées, notamment sur les effets de l’ouverture d’une liquidation judiciaire, qui ne permet plus à l’avocat de poursuivre son activité autrement que d’une manière salariée. La question de la clôture de la liquidation judiciaire pose aussi celle de la reprise d’une activité dans des conditions qu’il conviendra de vérifier, l’avocat devant répondre aux conditions requises pour son exercice. À cet égard, un arrêt récent35 a rejeté un pourvoi formulé contre un arrêt de la cour de Besançon s’agissant d’un avocat qui a demandé son inscription après la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif. L’arrêt avait noté à bon droit qu’un manquement aux règles de probité et de dignité était constitué par le non-paiement de son passif professionnel et par le non-respect de son obligation de formation depuis 3 ans.

  • Enfin, il convient de veiller au respect des obligations financières au-delà même des cotisations ordinales ou professionnelles, de façon à ce qu’il ne soit pas reproché aux ordres un laxisme dans la surveillance du respect des obligations légales et afin de ne pas laisser perdurer des situations que l’ordre est seul en mesure de sanctionner.

Bien entendu, cela n’exclut ni la compréhension ni la mansuétude, ni la confraternité. Il importe cependant que les avocats en difficulté soient détectés, aidés et accompagnés dans des conditions qui vont leur permettre de respecter la loi afin que le pouvoir de sanction demeure aux ordres.

II – Les aspects pratiques

Bien entendu, chaque ordre n’a pas les mêmes capacités d’organisation et d’accueil, ce qui est aisément compréhensible. Il convient donc d’adapter le suivi de ces questions selon les moyens dont chaque ordre peut disposer.

À Paris, différents services de l’ordre sont chargés de régler et de traiter les difficultés des avocats. Leur fonctionnement peut être ainsi résumé :

  • un service d’aide sociale : ce service emploie notamment deux assistantes sociales qui rendent visite aux avocats, examinent leur situation personnelle et recherchent les moyens de les aider, souvent en présence d’un problème personnel grave, maladie, divorce, recomposition familiale…

    Certains avocats peuvent recevoir des secours destinés à palier un besoin urgent dans une situation de crise aiguë, selon le principe d’entraide dont les avocats en grave difficulté doivent bénéficier.

    Cet accueil permet aussi aux avocats d’exposer leurs difficultés, ce qui permettra de rechercher le meilleur moyen d’y remédier et d’inciter les autres services de l’ordre à une attitude compréhensive devant des situations vérifiées.

  • Le bureau d’information et de prévention (BIP) a pour mission d’accueillir les avocats et de les aider à traiter en amont leurs difficultés, notamment en leur permettant d’obtenir des moratoires et en les aidant à préparer leur dossier pour restructurer leurs dettes, dès lors qu’il s’agit d’une activité viable.

    L’ordre peut être en mesure de leur permettre de bénéficier d’une assistance comptable qui est, le plus souvent, indispensable afin de bien connaître leur situation et de maîtriser la capacité des avocats à y faire face, dans un délai qu’il convient de valider.

    Il conviendrait de développer la possibilité de recourir à un tiers car l’ordre n’a pas vocation à être conseil. Pour cela, le recours à des administrateurs judiciaires habitués à traiter les difficultés des avocats peut être utile, dès lors que l’avocat souhaite coopérer, participe activement à ce processus. Il doit exercer une activité permettant de proposer utilement des solutions de restructuration et il doit disposer d’une comptabilité probante.

    Le recours à la désignation d’un tiers par le président du tribunal devrait donc être envisagé afin qu’il favorise la conclusion d’accords, après avoir vérifié la situation de l’avocat concerné, naturellement en relation avec l’ordre compétent.

  • Le service chargé du suivi des procédures collectives a pour vocation de recevoir les avocats qui doivent déposer leur bilan, leur expliquer la législation et les accompagner. Ce bureau va désigner les contrôleurs qui vont suivre les procédures collectives ouvertes, qu’il s’agisse de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

    À cette occasion, l’ordre va réunir à chaque audience des informations et se tiendra informé de l’évolution de l’activité et des perspectives concernant le débiteur, afin qu’il ne crée pas un nouveau passif et afin qu’il prépare des propositions dont le sérieux sera suivi par l’ordre dans le cadre de sa mission légale.

    Il est fréquent que l’avocat obtienne ainsi un plan de sauvegarde ou de continuation lui permettant de poursuivre son activité et de payer son passif dans une durée maximale de 10 ans. D’une manière générale, l’attitude des mandataires judiciaires est compréhensive et positive.

    À cette occasion, l’ordre va réunir des éléments sur le comportement de l’avocat qui pourront être utilisés dans le cadre de l’ouverture de procédures de sanction. Il importe en effet de faire le tri entre l’avocat malheureux et de bonne foi et celui qui profite abusivement du système et qui doit être sanctionné.

  • Le service des omissions va naturellement convoquer les avocats lorsque les cotisations à l’ordre ou au CNB ne sont pas payées et il va s’inquiéter à cette occasion des autres cotisations (notamment URSSAF, TVA) pour examiner la situation de l’avocat.

    Il est prévu qu’à la suite de ces réunions administratives sur les omissions (qui sont le plus souvent efficaces, dès lors que l’avocat souhaite poursuivre son activité) un suivi soit ensuite fait par un ancien membre du conseil de l’ordre de préférence, de façon à ce que l’avocat puisse bénéficier d’une écoute attentive de l’ordre, afin qu’il expose ses difficultés et les moyens d’y remédier.

    À cette occasion, le service d’aide sociale et/ou les autres services peuvent être alertés aux fins d’intervention (si l’avocat rencontre un incident de vie mettant en jeu l’entraide et la situation de l’avocat apparaît trop obérée, il convient en effet qu’il soit incité à déposer son bilan dès que possible pour éviter l’accumulation d’un passif qu’il sera rapidement incapable de maîtriser).

Des informations vont être obtenues par d’autres moyens dont la liste n’est pas exhaustive :

  • Le président du tribunal de grande instance ne procède qu’à l’information de l’ordre professionnel sur les difficultés portées à sa connaissance sur la situation économique, sociale, financière et patrimoniale de l’avocat en application de l’article R. 611-10-1 du Code de commerce. Le président établit à cet égard une note exposant ces difficultés et elle est transmise par le greffier au bâtonnier.

    Le représentant de l’ordre doit faire connaître au président du tribunal sous la même forme, les suites données à cette information dans le délai d’un mois. Le bâtonnier pourrait se borner à indiquer qu’il s’occupe du dossier.

    Bien entendu, le bâtonnier doit convoquer l’avocat et il rédigera, en application de l’article R. 611-11 du Code de commerce un rapport ne mentionnant que la date et le lieu de l’entretien et l’identité des personnes présentes ou à défaut, un procès-verbal de carence pour en informer le président du tribunal.

  • Le service des visas qui va vérifier la présence d’assignations répétitives sur des manquements aux obligations financières et qui va permettre d’alerter l’ordre.

  • La commission déontologique qui pourra aussi être saisie de difficultés concernant le non-respect par l’avocat de ses obligations financières (rétention d’honoraires, manquement aux obligations sur les maniements de fonds, etc.).

  • Les renseignements provenant de la chambre des huissiers qui sont régulièrement transmis.

  • Et d’une manière générale, toutes les informations parvenant à l’ordre montrant que l’avocat ne respecte pas ses obligations à l’égard de ses clients, des organismes sociaux et fiscaux, de ses fournisseurs et notamment son bailleur…

  • Le bâtonnier peut entrer en rapport avec les administrations fiscales et sociales en application de l’article L. 611-2 du Code de commerce, le bâtonnier pouvant exercer ici les pouvoirs d’information du président du tribunal.

Il faut y ajouter les informations provenant du parquet qui peuvent concourir à l’édification de l’ordre.

Le traitement de tous ces éléments doit être fait dans un délai rapide, de façon à ce que l’avocat soit incité à tirer les conséquences de sa situation en respectant les délais légaux qui sont brefs.

À défaut, son attention doit clairement être attirée sur le fait que des sanctions disciplinaires peuvent être encourues.

Pour autant, l’ordre doit conserver son visage humain, dans le respect de nos règles de confraternité car le traitement des difficultés des avocats doit commencer avant tout par une main tendue, une écoute compréhensive et humaine et la volonté d’aider le confrère en difficulté.

Pour conclure, loin de constituer un privilège de notables indélicats, la possibilité laissée à l’ordre de sanctionner les avocats indélicats et coupables au titre du non-respect de leurs obligations financières doit au contraire être poursuivie.

En effet, l’ordre est le gardien naturel de nos valeurs et il appréciera avec ce prisme les difficultés de paiement qui lui sont signalées.

S’il convient de faire preuve d’une mansuétude à l’égard des avocats malheureux, l’ordre saura le faire.

Il convient aussi que les ordres s’organisent pour mieux poursuivre et sanctionner les agissements d’avocats qui nuisent à leur entourage, leur clientèle, à leurs confrères ainsi qu’à l’image de la profession d’avocat.

C’est cette analyse nuancée et équilibrée qu’il convient de préserver.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2005-845, 26 juill. 2005.
  • 2.
    C. com., art. L. 631-2.
  • 3.
    C. com., art. L. 640-2.
  • 4.
    Soinne B., « La procédure de rétablissement personnel, propos introductifs », JCP G 2003, act. 475, spéc. n° 4.
  • 5.
    C. com., art. L. 611-15.
  • 6.
    C. com., art. R. 611-28.
  • 7.
    C. com., art. L. 611-6.
  • 8.
    C. com., art. L. 611-9 ; circ., 16 nov. 2006 : BOMJ 2006, n° 104.
  • 9.
    V. Rev. proc. coll. 2006, 152, spéc. n° 153, Retif S. ; JCP G 2006, I 125, Martin R. et Neveu Y.
  • 10.
    Cass. com., 9 févr. 2010, n° 08-17670 pour les SCP ; Cass. com., 9 févr. 2010, nos 08-15191 et 08-17144 pour les sociétés d’exercice libéral ; Cass. com., 9 févr. 2010, n° 08-17670 pour le redressement judiciaire ; Cass. com., 9 févr. 2010, nos 08-15191 et 08-17144 pour la liquidation.
  • 11.
    V. Rev. proc. coll. 2010, étude 6, Bonhomme R. ; Dr. sociétés 2010, n° 76, note Legros J.-P.
  • 12.
    JCP E 2010, 1267, note Cerati-Gauthier A.
  • 13.
    V. Montéran T., « L’Ordre face à l’avocat en difficulté financière », Gaz. Pal. 22 nov. 2016, n° 280n0, p. 18.
  • 14.
    Cass. com., 28 oct. 2008, n° 07-20801 : Bull. civ. IV, n° 177.
  • 15.
    Vallens J.-L., « Un avocat en redressement judiciaire doit pouvoir bénéficier de la délocalisation prévue par le NCPC », D. 2007, p. 1702.
  • 16.
    Cass. com., 31 janv. 2012, n° 10-25693 : Bull. civ. IV, n° 15.
  • 17.
    Sur la possibilité d’assigner dans un délai d’un an, v. C. com., art. L. 631-5.
  • 18.
    C. com., art. L. 640-1.
  • 19.
    D. n° 2005-1677, 28 déc. 2005, art. 247.
  • 20.
    C. com., art. L. 621-1.
  • 21.
    C. com., art. L. 621-7 ; C. com., art. L. 641-1.
  • 22.
    C. com., art. L. 621-10.
  • 23.
    V. Montéran T., obs. sur l’avant-projet de loi de sauvegarde, Gaz. Pal. 11 déc. 2003, n° F2768, p. 2.
  • 24.
    V. Reigné P., « L’application aux professions libérales des procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises », colloque du CRAJEFE, Nice, 27 mars 2004, LPA 10 juin 2004, p. 10.
  • 25.
    C. com., art. R. 621-24 ; JCP G 2006, I 125, spéc. n° 21, Martin R. et Neveu Y.
  • 26.
    D. n° 2005-1677, 28 déc. 2005, art. 247.
  • 27.
    C. com., art. R. 611-22.
  • 28.
    C. com., art. L. 645-11.
  • 29.
    V. les obs. du professeur Le Corre P.-M., Gaz. Pal. 11 déc. 2003, n° F2634, p. 13 sur l’avant-projet.
  • 30.
    Rétif S., « L’extension des procédures collectives aux professions libérales », Rev. proc. coll. 2006, 152, spéc. n° 153.
  • 31.
    TGI Clermont-Ferrand, 2 mars 2006 : Act. proc. coll. 2006, n° 167, obs. Rétif S.
  • 32.
    Pérochon F., « Le privilège des notables indélicats : un nouveau privilège ? », D. 2005, p. 1146.
  • 33.
    RTD com. 2006, p. 209, spéc. p. 213, Mascala C.
  • 34.
    Dr. et patr., mars 2006, p. 95, spéc. p. 96, Rétif S.
  • 35.
    Cass. 1re civ., 8 févr. 2017, n° 16-12810.
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