Les principales dispositions de l’ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles

Publié le 22/06/2017

Présentée au Conseil des ministres du 8 mars 2017, l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles a été publiée au Journal officiel du 10 mars 2017. Cette ordonnance transpose la directive n° 2014/104/UE du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne.

La prohibition des pratiques qui ont pour objet ou pour effet d’entraver le libre jeu de la concurrence est prévue aussi bien en droit de l’Union européenne (articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union) qu’en droit national (C. com., art. L. 420-1 à L. 420-5).

Au sein de l’Union européenne, la Commission européenne et les autorités nationales de régulation de la concurrence (en France, l’Autorité de la concurrence et le ministre de l’Économie et des Finances) sont chargées de mettre en œuvre ces dispositions et de sanctionner les entreprises reconnues coupables d’un manquement à celles-ci.

Les victimes de ces pratiques anticoncurrentielles ayant notamment souffert d’une hausse injustifiée des prix peuvent saisir les juridictions nationales compétentes afin de demander paiement de dommages et intérêts à la personne physique ou morale sanctionnée.

Les victimes peuvent agir individuellement à la suite d’une procédure de sanction devant les autorités de concurrence, ou indépendamment d’une telle procédure. Depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, elles ont aussi la possibilité, à l’issue d’une procédure de sanction, d’introduire une action de groupe devant les juridictions judiciaires compétentes.

Constatant cependant que les actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles demeuraient peu fréquentes en Europe, alors qu’elles permettent non seulement aux victimes d’obtenir réparation de leurs préjudices mais aussi de sanctionner efficacement les entreprises coupables des pratiques, une directive du 26 novembre 2014 a harmonisé le cadre juridique de ces actions.

Dans un arrêt Courage contre Crehan du 20 septembre 20011, la Cour de justice de l’Union européenne a affirmé le droit des victimes d’obtenir une juste et effective réparation du dommage causé par une entreprise en raison de la commission d’une pratique anticoncurrentielle définie aux articles 101 et 102 du TFUE.

Dans ce contexte, la directive du 26 novembre 2014 poursuit un triple objectif : instaurer un équilibre entre le droit des victimes d’obtenir réparation intégrale de leur préjudice et la nécessité de préserver l’efficacité des procédures devant les autorités de concurrence ; offrir une protection équivalente à toute victime d’une pratique anticoncurrentielle en harmonisant les règles qui encadrent les actions en dommages et intérêts entre les États membres ; encourager l’introduction de ces actions qui permettent de sanctionner efficacement les entreprises auteurs de pratiques anticoncurrentielles en offrant aux victimes un cadre juridique rénové et adapté (rapport au président de la République).

En particulier, la directive prévoit des règles relatives à la charge de la preuve et à la production des éléments de preuve aux fins de l’action en responsabilité, à l’effet des décisions des autorités de concurrence, à la répercussion du surcoût, à la responsabilité solidaire, aux délais de prescription, et à l’incidence des procédures alternatives de règlement des différends.

Ces règles sont transposées par l’ordonnance du 9 mars 2017 lorsque le droit commun de la responsabilité civile et de la procédure civile ou administrative, qui régit les actions en réparation engagées par les victimes de pratiques anticoncurrentielles, ne comporte pas de dispositions équivalentes ou conformes. Inversement, ce droit commun continuera de s’appliquer dès lors qu’aucune règle spéciale issue de la transposition n’y déroge.

L’ordonnance met le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne, en ce qui concerne les règles de niveau législatif contenues dans le Code de commerce. Le dispositif issu de cette transposition vise à faciliter la réparation des dommages causés par une pratique anticoncurrentielle (private enforcement), en complément, voire en substitution, de l’action des autorités publiques, dite public enforcement, visant à réprimer de telles pratiques2.

Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 11 mars 2017, étant précisé que :

  • certaines dispositions, notamment celles relatives à la communication et à la production des pièces, sont applicables aux instances introduites devant les juridictions administratives et judiciaires à compter du 26 décembre 2014 ;

  • les dispositions qui allongent la durée d’une prescription s’appliquent lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance (il est, dans ce cas, tenu compte du délai déjà écoulé).

I – Les conditions de la responsabilité

L’ordonnance précise d’abord que « toute personne physique ou morale formant une entreprise ou un organisme mentionné à l’article L. 464-23 est responsable du dommage qu’elle a causé du fait de la commission d’une pratique anticoncurrentielle »4.

Le principal apport de l’ordonnance concerne l’aménagement des règles de preuve. Elle crée, au bénéfice des victimes, des présomptions qui facilitent la preuve non seulement du fait générateur de la responsabilité du défendeur à l’action en dommages et intérêts, mais aussi du préjudice.

Ainsi, une pratique anticoncurrentielle est présumée établie de manière irréfragable dès lors que son existence et son imputation à cette entreprise ont été constatées par une décision qui ne peut plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire pour la partie relative à ce constat, prononcée par l’Autorité de la concurrence (ou par la juridiction de recours d’un autre État membre de l’Union européenne).

Le juge de l’indemnisation sera lié par ce constat, l’existence du fait générateur de responsabilité ne pourra pas être remise en question devant lui. Cette présomption irréfragable ne s’applique pas aux décisions d’irrecevabilité, de non-lieu, d’engagements et de mesures conservatoires, en l’absence de constat d’infraction par l’Autorité de la concurrence dans de telles décisions. Cela étant, la jurisprudence considère que la décision d’acceptation d’engagements constitue un commencement de preuve du fait générateur de responsabilité5.

En revanche, la décision d’une autorité de concurrence d’un autre État membre ou de la juridiction de recours constatant une pratique anticoncurrentielle constitue un simple moyen de preuve qui sera apprécié par la juridiction compétente avec les autres éléments de preuve apportés par les parties. « En d’autres termes, il ne s’agit alors, semble-t-il, que d’une présomption simple. Mais, lorsque la décision constatant la pratique anticoncurrentielle émane de la Commission européenne, la juridiction nationale saisie d’une action en dommages-intérêts ne peut plus prendre une décision qui irait à l’encontre de celle adoptée par la Commission »6.

Le préjudice réparable est entendu de manière large. Il peut consister notamment en un surcoût correspondant à la différence entre le prix du bien ou du service qu’il a effectivement payé et celui qui l’aurait été en l’absence de commission de l’infraction, sous réserve de la répercussion totale ou partielle de ce surcoût qu’il a éventuellement opérée sur son contractant direct ultérieur.

Le préjudice peut aussi consister en une minoration résultant d’un prix plus bas que lui a payé l’auteur de l’infraction.

Il peut s’agir aussi du gain manqué résultant notamment de la diminution du volume des ventes liée à la répercussion partielle ou totale du surcoût qu’il a été amené à opérer sur ses contractants directs ou de la prolongation certaine et directe des effets de la minoration des prix qu’il a dû pratiquer.

Il peut s’agir enfin d’une perte de chance ou d’un préjudice moral.

Quoi qu’il en soit, rompant avec une jurisprudence de la Cour de cassation7, le nouvel article L. 481-4 du Code de commerce facilite l’indemnisation de l’acheteur. En effet, l’acheteur direct ou indirect, qu’il s’agisse de biens ou de services, est présumé n’avoir pas répercuté le surcoût sur ses contractants directs, sauf la preuve contraire d’une telle répercussion totale ou partielle apportée par le défendeur, auteur de la pratique anticoncurrentielle.

C’est à l’acheteur direct ou indirect, qu’il s’agisse de biens ou de services, qui prétend avoir subi l’application ou la répercussion d’un surcoût d’en prouver l’existence et l’ampleur mais la tâche de l’acheteur indirect est simplifiée lorsqu’il démontre certains éléments (C. com., art. L. 481-5).

L’article L. 481-6 du Code de commerce, quant à lui, énonce que les règles de preuve précitées s’appliquent également lorsque la pratique prohibée concerne la fourniture de biens ou de services à l’auteur de la pratique anticoncurrentielle. Dans une telle situation, le préjudice subi par la victime s’analyse en un sous-coût, défini par la différence entre le prix effectivement obtenu et le prix qui aurait prévalu si la pratique anticoncurrentielle n’avait pas été commise.

Enfin, compte tenu de la nature secrète des ententes entre concurrents qui rend plus difficile pour la victime la démonstration d’un préjudice, l’article L. 481-7 du Code de commerce instaure une présomption simple que de telles pratiques causent un préjudice.

II – Les effets de la responsabilité

A – La réparation du préjudice

L’article L. 481-8 du Code du commerce comporte une disposition générale relative à la date d’évaluation du préjudice et aux conséquences de l’écoulement du temps sur cette évaluation. Dans un objectif de lisibilité du droit, cet article reprend les solutions prétoriennes établies en droit commun de la responsabilité civile. Les dommages et intérêts sont évalués au jour du jugement, en tenant compte de toutes les circonstances qui ont pu affecter la consistance et la valeur du préjudice depuis le jour de la manifestation du dommage, ainsi que de son évolution raisonnablement prévisible.

Le décret du 9 mars 2017 précité prévoit que le juge peut, après avoir recueilli les observations des parties, solliciter l’Autorité de la concurrence afin d’obtenir des orientations sur l’évaluation du préjudice dont il est demandé réparation. Cette dernière dispose d’un délai de deux mois pour communiquer ses observations au juge. À défaut de réponse dans ce délai, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge.

B – L’incidence de la pluralité de responsables et des transactions

1 – La solidarité des responsables

L’article L. 481-9 du Code de commerce prévoit que l’obligation à la dette de dommages et intérêts est solidaire et non plus in solidum comme c’est actuellement le cas du fait de l’application du droit commun de la responsabilité civile. Ainsi, lorsque plusieurs personnes physiques ou morales ont concouru à la réalisation d’une pratique anticoncurrentielle (entente notamment) elles sont solidairement tenues de réparer le préjudice en résultant. Elles contribuent entre elles à la dette de réparation à proportion de la gravité de leurs fautes respectives et de leur rôle causal dans la réalisation du dommage.

Par dérogation, afin de protéger les PME-PMI, une petite ou moyenne entreprise n’est pas tenue solidairement de réparer le préjudice subi par les victimes autres que ses contractants directs ou indirects (ces victimes ne pourront réclamer à cette PME que sa part de la dette commune de dommages et intérêts).

Par ailleurs, afin de préserver l’attractivité des procédures de clémence qui permettent aux autorités de concurrence de détecter les pratiques anticoncurrentielles, les articles L. 481-11 et L. 481-12 du Code de commerce prévoient des dispositions spécifiques au profit de la personne ayant bénéficié d’une exonération totale de sanction pécuniaire. L’obligation à la dette de cette personne présente un caractère subsidiaire à l’égard des victimes qui ne sont pas ses contractants directs ou indirects (C. com., art. L. 481-11). Ces victimes peuvent être les contractants directs ou indirects des autres coresponsables ou toute autre partie lésée.

Dans le cadre des recours en contribution entre coauteurs, lorsque les victimes indemnisées sont les contractants directs ou indirects de l’ensemble des coauteurs, y inclus la personne bénéficiaire d’une exonération totale de sanction pécuniaire, la part contributive de cette personne ne peut être supérieure au montant du préjudice subi par ses contractants directs ou indirects (C. com., art. L. 481-12).

Cette disposition n’est pas applicable lorsque la pratique prohibée a causé un préjudice à d’autres parties lésées : la part contributive de la personne ayant bénéficié d’une exonération totale de sanction pécuniaire sera alors déterminée conformément aux dispositions prévues à la seconde phrase de l’article L. 481-9 du Code de commerce.

2 – L’incidence des transactions

Afin d’encourager les procédures négociées (conciliation, médiation, procédure participative), l’ordonnance comporte des dispositions aménageant l’effet des transactions.

Le premier alinéa de l’article L. 481-13 du Code de commerce est relatif à la somme pouvant être demandée en paiement aux personnes solidairement responsables par une victime qui a déjà perçu une indemnisation en exécution d’une transaction conclue avec l’une de ces personnes. La victime devra déduire du montant total de sa créance de dommages et intérêts, non pas le montant de la somme obtenue en exécution de la transaction, mais le montant de la part du préjudice imputable au codébiteur solidaire avec lequel elle a conclu la transaction. Ce reliquat, soit la part du préjudice imputable aux autres codébiteurs solidaires, ne pourra être demandé par la victime qu’aux autres codébiteurs solidaires qui ne disposeront pas de recours contributif à l’égard du codébiteur ayant transigé8.

Cette solution permet de préserver le codébiteur solidaire ayant transigé sans remettre en cause le principe selon lequel les codébiteurs ne peuvent exiger de l’un d’eux plus que sa part contributive dans le cadre de leurs recours en contribution.

En outre, par dérogation à la force obligatoire des contrats et à l’effet d’une transaction en vertu de l’article 2052 du Code civil, le second alinéa de l’article L. 481-13 du Code de commerce dispose que la victime a la possibilité, sous certaines conditions restrictives, de réclamer à son cocontractant une nouvelle somme à titre d’indemnité. Cette règle pourra cependant être écartée par les parties par une clause contraire.

L’article L. 481-14, quant à lui, est relatif à la détermination par le juge du montant de la contribution qu’un codébiteur peut récupérer auprès des autres codébiteurs solidaires lorsque la pratique a causé un préjudice à plusieurs victimes et que l’un des codébiteurs a conclu une transaction avec l’une des victimes.

Cette règle permet d’éviter que le codébiteur qui a payé des dommages et intérêts en exécution de la transaction ne soit amené, à la suite des recours contributifs, à régler in fine une somme supérieure à sa part totale dans l’ensemble des préjudices causés par la pratique anticoncurrentielle.

Afin de déterminer le montant de la contribution due par ce codébiteur, la juridiction doit également tenir compte de la somme qu’il a déjà réglée en exécution de la transaction. Cette disposition étant favorable à ce codébiteur, il lui appartiendra d’établir le montant de la somme payée, à défaut de quoi la juridiction ne pourra en tenir compte.

III – La prescription des actions

L’action en dommages et intérêts se prescrit à l’expiration d’un délai de cinq ans. Si, en droit commun, le délai de prescription de l’action en responsabilité commence à courir à compter du moment où la victime a eu connaissance du dommage, l’article L. 482-1 impose la caractérisation de la connaissance par le demandeur non seulement du dommage qui lui a été causé mais encore des actes ou faits constituant une pratique anticoncurrentielle et de l’identité de l’un des auteurs de cette pratique. Toutefois, la prescription ne court pas tant que la pratique anticoncurrentielle n’a pas cessé.

L’ordonnance élargit également les cas d’interruption de la prescription prévus par l’article L. 462-7 du Code de commerce. À présent, à l’instar de la prescription devant l’Autorité de la concurrence, « tout acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles » interrompt la prescription de l’action civile.

IV – La communication et la production des pièces

A – La protection des pièces couvertes par le secret des affaires

Lorsqu’à l’occasion d’une instance en réparation d’un dommage causé par une pratique anticoncurrentielle, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge pourra d’office ou à la demande des parties, si la protection de ce secret ne peut être autrement assurée, déroger à certains principes fondamentaux de la procédure civile (comme le principe du contradictoire ou le principe de la publicité des débats et de la décision, sans préjudice toutefois de l’exercice des droits de la défense).

Si le juge estime que la pièce doit être communiquée ou produite dans son intégralité dans la mesure où elle est nécessaire à la solution du litige ou à l’exercice des droits de la défense, l’accès des parties à cette pièce doit s’accompagner de mesures utiles à la préservation du secret des affaires en application de l’article L. 483-3 du Code de commerce : toutes les personnes ayant accès à la pièce (personnes physiques et leurs avocats) et toutes les personnes désignées pour la représentation d’une personne morale, sont tenues de respecter une obligation de confidentialité limitée dans le temps. De plus, les débats peuvent se poursuivre hors la présence du public, et la décision peut également ne pas être rendue publiquement.

L’obligation de confidentialité perdure à l’issue de l’instance. Toutefois elle prend fin si une juridiction décide, par une décision qui n’est plus susceptible de recours, qu’il n’existe pas de secret des affaires ou si les informations en cause ont entre-temps cessé de constituer un secret des affaires ou sont devenues aisément accessibles.

Le décret du 9 mars 2017 précité prévoit que la partie ou le tiers qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée doit remettre au président de la formation de jugement, dans le délai que celui-ci fixe, la version confidentielle intégrale de cette pièce, une version non confidentielle et un résumé ainsi qu’un mémoire précisant, pour chaque information ou partie du document en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.

Le président peut, hors la présence de toute autre personne, entendre le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée. Au vu des éléments qui lui ont été remis ou qu’il a recueillis, le président de la formation de jugement statue sur la communication de la pièce et ses modalités par une ordonnance notifiée aux parties.

B – La communication et la production des pièces figurant dans le dossier d’une autorité de concurrence

L’article L. 483-4 du Code de commerce consacre le caractère subsidiaire de l’injonction de production d’une pièce délivrée à une autorité de concurrence. Le juge ne peut pas ordonner à l’Autorité de la concurrence, au ministre chargé de l’Économie, à toute autorité de concurrence d’un autre État membre ou à la Commission européenne la production d’une pièce figurant dans son dossier lorsque l’une des parties ou un tiers est raisonnablement en mesure de fournir cette pièce.

Les articles L. 483-5 à L. 483-10, quant à eux, ont pour objet de poser des limites à la communication ou à la production de pièces pouvant comporter des informations devant être soit perpétuellement, soit temporairement protégées. L’objectif poursuivi est, d’une part, de préserver l’attractivité des procédures de clémence et de transaction devant les autorités de concurrence (C. com., art. L. 483-5 à L. 483-7) et, d’autre part, de préserver l’efficacité des enquêtes et instructions menées par ces autorités (C. com., art. L. 483-8). Ces règles permettront aussi de sécuriser les procédures judiciaires engagées par les victimes9.

L’article L. 483-6, quant à lui, crée une nouvelle procédure de vérification par le juge du contenu d’une pièce pouvant faire l’objet de l’interdiction prévue à l’article L. 483-5 du Code de commerce. Afin de ne pas divulguer une pièce pouvant comporter une auto-incrimination, des limites sont apportées au principe du contradictoire : seul le juge peut avoir accès à la pièce litigieuse et entendre, sans forme particulière, son auteur. Il peut également se prononcer hors la présence du public et il adapte la motivation de sa décision à la confidentialité de la pièce concernée.

Par ailleurs, l’article L. 483-8 du Code de commerce interdit à un juge d’ordonner la communication ou la production de certaines pièces figurant au dossier d’une autorité de concurrence tant que cette autorité n’a pas rendu une décision ayant pour effet de clore la procédure engagée devant elle.

Quoi qu’il en soit, pour le gouvernement, grâce à l’ensemble ces dispositions et à celles introduites par la loi du 17 mars 2014, le droit français offre désormais un cadre complet de réparation des dommages causés par les pratiques anticoncurrentielles, à côté de celui existant pour la sanction de ces pratiques, contribuant ainsi à l’efficacité économique et à la protection des victimes, qu’il s’agisse d’entreprises, d’acheteurs publics ou de consommateurs.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CJUE, 20 sept. 2001, n° C-453/99 : Rec. CJCE 2001, I, p. 6297.
  • 2.
    Dalloz actualité, 15 mars 2017.
  • 3.
    Not. une association exerçant une activité économique ; pour une illustration récente, v. Cass. com., 8 févr. 2017, n° 15-15005 : Dalloz actualité, 30 oct. 2015, obs. Chapuis C. (Dalloz préc.).
  • 4.
    En droit national : C. com., art. L. 420-1 (ententes), C. com., art. L. 420-2, al. 1er (abus de position dominante), C. com., art. L. 420-2, al. 2 (abus de dépendance économique), C. com., art. L. 420-2-1 (accords sur les droits exclusifs d’importation en outre-mer), C. com., art. L. 420-2-2 (accords et pratiques dans le domaine du transport), et C. com., art. L. 420-5 (pratiques de prix abusivement bas) ; en droit de l’Union européenne : TFUE, art. 101 (ententes) et TFUE, art. 102 (abus de position dominante).
  • 5.
    August Debouzy.
  • 6.
    Dalloz actualité, 15 mars 2017.
  • 7.
    Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-18495.
  • 8.
    V. rapport au président de la République.
  • 9.
    Rapp. préc.
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