Les principales dispositions du décret n° 2017-888 du 6 mai 2017 relatif à l’action de groupe et à l’action en reconnaissance de droits

Publié le 19/10/2017

Le décret est pris pour application des titres V et VI de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Cette loi a étendu les actions de groupe hors du champ du droit de la consommation.

Préalablement à la loi du 18 novembre 2016, le législateur avait introduit en droit français l’action collective en matière de consommation (I).

Toutefois, ce dispositif n’était pas transposable, de manière générale, à tous les autres domaines du droit où une forme d’action de groupe aurait toute sa place. Le décret du 6 mai 2017 prend un certain nombre de dispositions concernant l’introduction d’un socle commun aux actions de groupe sur des questions de discrimination (notamment au travail), d’environnement, de protection des données personnelles ou de santé. Il définit ainsi les règles procédurales applicables, devant le juge judiciaire d’une part, et devant le juge administratif, d’autre part, aux actions de groupe régies par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (II).

I – Un précédent : l’action collective, introduite en matière de consommation

Inventé aux États-Unis dans les années 1950, le système des « class actions » a été adapté dans plusieurs pays d’Europe, notamment au Portugal, en Italie, en Suède, aux Pays-Bas, ou encore en Angleterre. Le Centre européen des consommateurs a publié un document sur l’action de groupe en France, avec des exemples de dispositifs existants dans les autres pays membres.

L’action de groupe a été introduite en France par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (article 1). C’est une procédure de poursuite collective qui permet à des consommateurs, victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel, de se regrouper et d’agir en justice. Les plaignants peuvent ainsi se défendre avec un seul dossier et un seul avocat. Cette nouvelle procédure en justice vise à rééquilibrer le rapport de force entre consommateurs et professionnels.

Les actions de groupe engagées depuis octobre 2014 ont porté notamment sur les communications électroniques (pratique commerciale trompeuse), sur l’assurance-vie (non-respect du taux de rémunération annoncé), le commerce automobile, ainsi que sur le logement : frais indus de quittance de loyers, facturation de frais de télésurveillance des ascenseurs, pénalités pour retard de loyer).

À ce jour, seules neuf actions de groupe portant sur des litiges de consommation ont été engagées. Une a abouti à un accord de remboursement (celle initiée par le Syndicat du logement et de la consommation contre l’organisme HLM Paris Habitat), les huit autres sont en cours (Le Figaro.com).

Jusqu’ici, lorsqu’une société était condamnée pour non-respect de la concurrence, elle payait son amende mais conservait la plus-value obtenue grâce à la pratique abusive. Avec l’action de groupe, ce ne sera plus le cas, puisqu’elle devra rembourser les consommateurs abusés.

Avertissement. En France, il n’y a pas d’indemnité punitive. Pas de millions à la clé du procès : le consommateur est restauré dans la situation dans laquelle il était avant le manquement, pas plus.

Seuls les préjudices matériels, de grande consommation ou en lien avec la concurrence sont concernés. Une « class action » sur une problématique d’eau contaminée comme on en voit dans les films américains serait donc impossible en France. Pour finir, seules les associations de consommateurs sont autorisées à mener des actions de groupe.

Cependant, l’action collective, introduite en matière de consommation et de concurrence par la loi du 17 mars 2014 n’est pas transposable, de manière générale, à tous les autres domaines du droit où une forme d’action collective aurait toute sa place, mais dans lesquels le degré d’individualisation du préjudice exige une approche procédurale différente.

C’est pourquoi, pour répondre à une recommandation de la Commission européenne publiée le 11 juin 2013, il a été proposé de donner un cadre général à cette action, susceptible de s’adapter à tous les types de contentieux auxquels le législateur choisira de l’ouvrir.

Ce dispositif entend assurer la garantie de l’égalité des armes et éviter les mises en cause injustifiées qui pourraient fragiliser l’activité économique. C’est à partir de ce socle commun ainsi constitué qu’est aussi mise en place une action collective en matière de discrimination.

C’est ainsi que les « class actions » à la française ont été consacrées en droit français du contentieux (judiciaire comme administratif) par la loi du 18 novembre 2016. Ces actions collectives peuvent prendre la forme des « actions de groupe » et des « actions en reconnaissance de droits ».

Le but est que, d’une part, nulle personne lésée ne puisse être laissée de côté par peur des frais contentieux ou par méconnaissance et, d’autre part, de regrouper en un contentieux, et un seul, les contentieux de masse…

II – Les actions de groupe devant le juge judiciaire et le juge administratif

A – L’action de groupe devant le juge judiciaire

Lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur.

Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins. Afin d’éviter une concurrence excessive des actions, seules certaines associations peuvent exercer une action de groupe.

NB. Seules les associations agréées et les associations régulièrement déclarées depuis 5 ans au moins, dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte, peuvent exercer l’action de groupe. L’association assignera ensuite le professionnel auprès du tribunal de grande instance du lieu où siège le professionnel.

Il s’agit d’une différence majeure avec l’action de groupe de la loi Hamon1. En effet, l’article L. 623-1 du Code de la consommation, tel qu’issu de cette loi, prévoit que seules peuvent agir les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 811-1 du Code de la consommation.

Sauf disposition contraire, l’action de groupe introduite devant le juge judiciaire – en l’occurrence le tribunal de grande instance – est régie selon les règles du Code de procédure civile dans un souci de cohérence globale des actions de groupe, de prévisibilité et de lisibilité du droit. Cette précision permet en outre de renvoyer aux règles applicables en matière de médiation, notamment extrajudiciaire, reprises dans le Code de procédure civile.

L’action de groupe n’est possible que pour certaines hypothèses limitativement énumérées.

On peut distinguer cinq types d’action. Sont soumises aux règles communes établies par la loi du 18 novembre 2016 les actions de groupe exercées en matière de discrimination2, de discrimination au travail, d’environnement, de données personnelles et dans le domaine de la santé. S’agissant de l’action de groupe en matière environnementale, le décret détermine les conditions d’agrément des associations dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou la défense des intérêts économiques de leurs membres. Le texte procède aussi aux coordinations nécessaires dans le Code de la santé publique.

Quoi qu’il en soit, le tribunal de grande instance territorialement compétent est celui du lieu où demeure le défendeur, le TGI de Paris étant compétent lorsque le défendeur demeure à l’étranger ou n’a ni domicile ni résidence connus.

Rappel. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit qu’une action de groupe n’est possible qu’après mise en demeure du défendeur contre lequel l’association envisage d’agir. L’action de groupe ne peut être introduite qu’à l’expiration d’un délai de 4 mois à compter de la réception de cette mise en demeure.

Le décret du 6 mai précise que le jugement qui reconnaît la responsabilité du défendeur doit fixer le délai dans lequel ce dernier doit mettre en œuvre les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté et, à défaut, à l’expiration duquel elles le seront par le demandeur à l’action, aux frais du défendeur.

À noter. Les personnes qui n’ont pas adhéré au groupe ne perdent toutefois pas la faculté d’obtenir la réparation de leur préjudice. En effet, elles conservent la possibilité d’intenter une action en justice individuelle contre l’auteur de la discrimination.

Les mesures d’information ordonnées par le juge doivent comporter, outre les mentions éventuellement prescrites par le jugement :

1° La reproduction du dispositif de la décision ;

2° Selon qu’il est fait application de la procédure collective de liquidation ou de la procédure individuelle de réparation, les coordonnées de la ou des parties auprès desquelles chaque personne intéressée peut adresser sa demande de réparation ;

3° La forme, le contenu de cette demande de réparation ainsi que le délai dans lequel elle doit être adressée, dans le cadre d’une procédure individuelle de réparation des préjudices, au choix de la personne intéressée, soit à la personne déclarée responsable, soit au demandeur à l’action, et dans le cadre d’une procédure collective de liquidation des préjudices, au demandeur à l’action ;

4° L’indication que la demande de réparation adressée au demandeur à l’action lui confère un mandat aux fins d’indemnisation et, le cas échéant, en cas de refus d’indemnisation opposé par la personne déclarée responsable, aux fins de représentation pour engager une action en réparation ou pour l’exécution forcée du jugement prononcé à l’issue de cette action, ainsi que l’indication qu’elle peut y mettre fin à tout moment et que ce mandat ne vaut ni n’implique adhésion à l’association qui engage l’action ;

5° L’indication que, à défaut de demande de réparation reçue selon les modalités et dans le délai prévus par le jugement, la personne intéressée ne sera plus recevable à obtenir une indemnisation dans le cadre de l’action de groupe mais qu’elle pourra toujours agir en indemnisation de ses préjudices à titre individuel ;

6° L’indication qu’en cas d’adhésion, la personne intéressée ne pourra plus agir individuellement à l’encontre de la personne déclarée responsable en réparation du préjudice déjà indemnisé dans le cadre de l’action de groupe mais qu’elle pourra toujours agir en indemnisation de ses autres préjudices ;

7° L’indication que la personne intéressée doit produire tout document utile au soutien de sa demande.

Une demande en réparation

Rappel. Le juge qui constate l’existence d’un manquement dispose du pouvoir de délivrer des injonctions aux fins de le faire cesser. Le défendeur peut ainsi devoir prendre toutes mesures utiles, au besoin avec l’aide d’un tiers. L’astreinte éventuellement prononcée est liquidée au profit du Trésor public afin d’éviter un enrichissement sans cause de la personne qui introduit l’action mais qui n’est pas directement touchée par le manquement constaté.

Quoi qu’il en soit, l’adhésion au groupe prend la forme d’une demande de réparation. Elle peut être faite par tout moyen permettant d’en accuser la réception, selon les modalités et dans le délai déterminés par le juge :

1° Auprès de l’une des parties à l’instance lorsqu’il est fait application de la procédure individuelle de réparation des préjudices ; celle-ci concerne les préjudices les plus importants, et notamment les préjudices corporels ; la loi de modernisation prévoit alors l’adhésion des personnes lésées, à leur choix, auprès du responsable ou de l’association. En ce dernier cas, mandat est donné à l’association pour représenter y compris en justice la personne lésée. L’adhésion ne vaut pas adhésion au demandeur à l’action.

NB. La procédure de réparation individualisée présente un caractère obligatoire pour les actions de groupe introduites en matière de santé3.

2° Auprès du demandeur à l’action lorsqu’il est fait application de la procédure collective de liquidation des préjudices. Cette dernière se distingue de la procédure individuelle en ce que les personnes qui souhaitent adhérer au groupe doivent nécessairement le faire auprès de l’association requérante, qui est alors mandatée pour transiger avec le défendeur sur la base du premier jugement.

À l’issue de cette phase de négociation, l’accord des parties est soumis pour homologation au juge qui peut la refuser si les intérêts des membres du groupe ou de certains d’entre eux ne sont pas préservés. En l’absence d’accord, le juge est saisi pour liquidation des préjudices

NB. Lorsque les préjudices ne justifient pas une individualisation de leur réparation, le jugement de responsabilité peut décider de mettre en œuvre une procédure de liquidation collective.

La demande de réparation doit contenir, notamment, les nom, prénoms, domicile de la personne intéressée ainsi que, le cas échéant, une adresse électronique à laquelle elle accepte de recevoir les informations relatives à la procédure. Cette demande doit justifier que les critères de rattachement au groupe sont remplis.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure individuelle de réparation des préjudices, lorsque la personne intéressée adresse directement la demande de réparation à la personne déclarée responsable, elle doit en informer le demandeur à l’action ou le demandeur de son choix en cas de pluralité de demandeurs.

Les personnes susceptibles d’appartenir au groupe qui n’y ont pas adhéré dans le délai prévu dans le jugement statuant sur la responsabilité ne sont plus recevables à demander leur indemnisation dans le cadre de l’action de groupe et ne sont pas représentées par le demandeur à l’action.

Précision. Si le manquement à l’origine de l’action relève d’une qualification pénale, ou si le dommage subi par un nombre important de personnes est constitutif d’une atteinte à l’ordre public, le ministère public pourra toujours agir à titre principal4 ou se joindre à la procédure pour faire connaître son avis (CPC, art. 424).

On peut enfin rappeler que la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle articule les dimensions collective et individuelle de l’action de groupe. Elle précise que la prescription des actions individuelles est suspendue pendant l’action de groupe, jusqu’au jugement sur la responsabilité pour permettre aux personnes lésées d’apprécier si elles entendent agir par la voie individuelle ou groupée, voire leur permettre d’agir en réparation individuelle de la première décision.

La réparation des préjudices par le juge et l’exécution forcée du jugement

Le demandeur à l’action ayant reçu mandat aux fins d’indemnisation est réputé créancier pour l’exécution forcée du jugement rendu.

Dans tous les actes relatifs à la réparation par le juge des préjudices et à l’exécution forcée du jugement, le demandeur à l’action doit préciser, outre les mentions prévues par la loi, à peine de nullité, l’identité des personnes pour le compte desquelles il agit.

Rappel. Les préjudices non couverts par l’action peuvent faire l’objet d’une action autonome selon les voies de droit commun. En revanche, il ne peut y avoir plusieurs actions de groupe successives pour un manquement reconnu par le premier jugement.

La gestion des fonds reçus au titre de l’indemnisation des membres du groupe

Le demandeur à l’action doit ouvrir auprès de la Caisse des dépôts et consignations un compte spécifique au groupe des personnes lésées défini par le juge.

Toute somme reçue doit être immédiatement déposée par le demandeur à l’action sur le compte précité. Ce dernier est seul habilité, sous sa responsabilité, à procéder aux mouvements sur chaque compte ouvert à le clôturer. La tenue des comptes ouverts peut donner lieu à des frais de gestion perçus par la Caisse des dépôts et consignations, qui ne peuvent être imputés sur les indemnités versées.

Par ailleurs, lorsque le juge fait droit à une demande de substitution à un demandeur défaillant, il doit statuer, saisi de conclusions en ce sens, sur le transfert de tout ou partie de la provision qui aura pu être allouée. La substitution emporte transfert du mandat donné par les personnes intéressées au demandeur substitué.

Enfin, le demandeur défaillant est tenu de remettre les pièces ainsi que les fonds détenus, le cas échéant pour le compte des personnes intéressées, au demandeur qui lui est substitué qui en accuse réception. Tant que cette remise n’a pas lieu, le demandeur défaillant n’est pas déchargé de ses obligations.

On peut aussi rappeler que la loi de modernisation de la justice précise l’articulation du nouveau dispositif avec l’action de groupe régie par le Code de la consommation. Elle prévoit que toute somme reçue par l’association au titre de l’indemnisation des consommateurs lésés est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations.

B – L’action de groupe devant le juge administratif

Le dispositif reprend l’intégralité du mécanisme de l’action de groupe prévu pour le juge judiciaire pour l’appliquer aux juridictions administratives.

Son objet reste donc strictement identique : faire cesser un manquement à une obligation légale ou contractuelle et/ou statuer sur la responsabilité en vue d’obtenir la réparation de préjudices. La procédure de réparation se décline de la même manière en deux phases : un jugement sur la responsabilité et une indemnisation des préjudices (individualisée ou collective selon les cas).

1 – La procédure

Dans un rapport de 2008, le Conseil d’État définissait l’action de groupe comme « la procédure par laquelle une personne ayant seule la qualité de requérant exerce, au nom d’un groupe ayant les mêmes intérêts, une action en reconnaissance de droits individuels en faveur des membres du groupe ».

L’idée première est d’offrir un cadre procédural alternatif aux contentieux dits de série, qui assure tout à la fois une sécurité juridique accrue (mieux appréhender une question de principe sans risquer d’éluder des situations distinctes) et une économie matérielle (éviter la gestion concrète d’une multiplicité de requêtes identiques appelant une même réponse). Cette action de groupe a pour but de poursuivre des personnes morales de droit public et des organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public s’ils font preuve de mauvaise volonté.

En effet, l’article L. 77-10-5 du Code de justice administrative conditionne l’engagement de l’action de groupe à une mise en demeure préalable adressée à la personne publique lui intimant de faire cesser le manquement ou de procéder à la réparation des préjudices subis selon le type d’action envisagée. La personne publique dispose alors de 4 mois pour répondre favorablement ou non à cette mise en demeure.

NB. On peut regretter que le législateur n’ait pas tenu compte de la spécificité du droit administratif pour prévoir des règles procédurales propres à cette action, même si on peut se féliciter qu’il ait envisagé le règlement amiable préalable de tels litiges (Seban).

La loi de modernisation de la justice au XXIe siècle ne précisait pas pour l’action de groupe devant le juge administratif les règles de compétence applicables au sein de la juridiction administrative. Il pouvait donc en être déduit que les actions de groupe suivraient le circuit juridictionnel habituel et les règles de compétence matérielle et territoriale applicables aux actions en responsabilité (Seban).

La juridiction compétente est celle dont auraient relevé les actions individuelles qui auraient pu être introduites lorsqu’il n’y en a qu’une.

Le décret précise que lorsqu’elles auraient relevé de la compétence de plusieurs juridictions, l’action de groupe doit être adressée au Conseil d’État. À défaut, le président de la juridiction saisie transmet le dossier au Conseil d’État.

Le président de la section du contentieux du Conseil d’État doit alors désigner la juridiction compétente pour connaître de cette action et assure l’information des autres juridictions.

Précision. Le champ des victimes concernées n’est pas arrêté. Aucune qualité particulière n’est donc attendue, contrairement à la loi Hamon où la qualité de consommateur est une condition essentielle. Par ailleurs, la notion de personne englobe aussi bien les personnes physiques que morales (Seban).

2 – Les différents domaines d’application de la loi

On rappellera que l’action devant le juge administratif peut concerner différents domaines :

L’action de groupe « discriminations » qui se subdivise elle-même en :

  • Une action de groupe généraliste en matière de discriminations désormais régie par les dispositions modifiées de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

    Dans cette hypothèse, plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation ou plusieurs agents publics estimant avoir fait l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif et imputable à un même employeur public, pourront agir contre cet employeur.

    Cette action a pour spécificité d’être ouverte aux organisations syndicales de fonctionnaires représentatives

  • Une action de groupe plus spécifiquement dédiée aux discriminations imputables à un employeur public ou privé introduite au chapitre XI du Code de justice administrative (CJA).

  • Les actions de groupe en matière environnementale (C. envir., art. L. 142-3-1).

  • Les actions de groupe portant sur la protection des données à caractère personnel (L. n° 78-17, 6 janv. 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 43 ter). Cette action permet notamment aux usagers de services publics de faire cesser une atteinte relative aux données personnelles devant le juge administratif, lorsque le responsable du traitement est une autorité administrative.

  • Les actions de groupe en matière de santé.

3 – Le concours entre actions de groupe et actions individuelles

Le décret précise que lorsqu’il apparaît au président de la formation de jugement, d’office ou à la suite de l’information qui lui en a été donnée par l’une des parties, que l’auteur d’une requête individuelle est susceptible de bénéficier d’une action de groupe déjà introduite, il doit informer le requérant de l’existence de cette action et de son droit à former une intervention au soutien de celle-ci.

Le président doit également le mettre en demeure de confirmer son intention de poursuivre l’instance en lui indiquant qu’à défaut d’une telle confirmation dans le délai imparti, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté d’office de l’instance.

Le courrier de mise en demeure doit rappeler par ailleurs que la décision rendue sur l’action de groupe fera l’objet d’une publication sur le site internet du Conseil d’État et que le requérant pourra, le cas échéant, adhérer au groupe dont les caractéristiques auront été définies par cette décision.

Lorsque le requérant maintient sa requête, la juridiction qui en est saisie peut conserver le dossier ou le transmettre au président de la section du contentieux du Conseil d’État qui attribue le jugement de l’affaire à la juridiction qu’il désigne.

Dans les deux cas, et sauf si la situation du requérant ou un intérêt public s’y oppose, il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête jusqu’à ce que la décision rendue sur l’action de groupe soit devenue irrévocable. Le requérant est informé de ce sursis par tout moyen.

4 – La présentation de la requête

La requête doit porter la mention « action de groupe ». Lorsqu’elle est adressée par voie postale, elle doit l’être par lettre recommandée.

La requête doit, à peine d’irrecevabilité, préciser dans le délai de recours, la personne morale de droit public ou l’organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public visé par l’action, la nature du manquement et des dommages invoqués, les éléments permettant d’apprécier la similarité des situations des personnes en faveur desquelles l’action est présentée ainsi que les cas individuels au vu desquels elle est engagée.

Précision. La requête ne peut comporter d’autres conclusions que celles tendant à la satisfaction de l’action de groupe considérée.

5 – La représentation des parties

Sauf dans les litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale, un établissement public relevant d’une collectivité territoriale ou un établissement public de santé, et sous réserve de la dispense prévue pour l’État à l’article R. 431-7, les requêtes et les mémoires présentés devant le tribunal administratif ou une cour administrative d’appel statuant en premier et dernier ressort doivent, à peine d’irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

Les mémoires en défense et les mémoires en intervention présentés au nom de l’État doivent être signés par le ministre intéressé.

Les parties peuvent interjeter appel, devant la cour administrative d’appel compétente, de tout jugement rendu par un tribunal administratif sur une action de groupe.

6 – La publicité des actions de groupe en cours et des décisions rendues

Les actions de groupe en cours doivent faire l’objet d’une information sur le site internet du Conseil d’État.

Lorsqu’une action de groupe a fait l’objet d’une décision de rejet devenue irrévocable, les présidents de formation de jugement peuvent rejeter par ordonnance :

1° Les actions de groupe qui tendent aux mêmes fins que cette action et qui soulèvent des moyens identiques à ceux déjà tranchés par la décision de rejet ou des moyens nouveaux qui sont manifestement infondés ;

2° Les requêtes individuelles présentées par des personnes qui auraient été susceptibles de bénéficier de l’action de groupe rejetée et qui soulèvent des moyens identiques à ceux déjà tranchés par la décision de rejet ou des moyens nouveaux qui sont manifestement infondés.

7 – Le jugement sur la responsabilité

Le jugement qui reconnaît la responsabilité du défendeur doit fixer le délai dans lequel ce dernier doit mettre en œuvre les mesures de publicité ordonnées et, à défaut, à l’expiration duquel elles le seront, aux frais du défendeur, par le demandeur à l’action.

Les mesures d’information ordonnées par le juge doivent comporter, outre les mentions éventuellement prescrites par le jugement, les mêmes que celles exigées par le juge judiciaire5.

8 – La mise en œuvre du jugement et la réparation des préjudices

Comme pour l’action devant le juge judiciaire, l’adhésion au groupe prend la forme d’une demande de réparation. Elle peut être faite par tout moyen permettant d’en accuser la réception, selon les modalités et dans le délai déterminés par le juge :

9 – La gestion des fonds reçus au titre de l’indemnisation des membres du groupe

Le demandeur à l’action doit « également ouvrir auprès de la Caisse des dépôts et consignations un compte spécifique au groupe des personnes lésées défini par le juge6 ».

C – Les actions en reconnaissance de droit devant le juge administratif

Le décret définit enfin les règles procédurales applicables aux actions en reconnaissance de droit devant le juge administratif.

L’action collective en reconnaissance de droits individuels devant le juge administratif permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une demande tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de la loi ou du règlement en faveur d’un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, toutes placées dans la même situation juridique.

Il s’agit de traiter de façon plus efficace les recours en série comme par exemple les recours concernant le contentieux indemnitaire dans la fonction publique. Le groupe d’intérêt en faveur duquel l’action est présentée est caractérisé par l’identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public mis en cause.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. la loi précitée : L. n° 2014-344, 17 mars 2014.
  • 2.
    V. par ex. : « Six mois après sa création, une première action de groupe pour discriminations lancée » (Libération.com).
  • 3.
    CSP, art. L. 1143-11.
  • 4.
    CPC, art. 423.
  • 5.
    V. supra.
  • 6.
    V. supra.
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