Décret n° 2018-146 du 28 février 2018 relatif à certaines modalités de participation des associés aux décisions collectives dans les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée

Publié le 14/06/2018

Ce décret, pris en application d’une ordonnance du 4 mai 2017, a pour objectif de rapprocher la situation des associés minoritaires de SARL de celle des associés minoritaires de SA et d’inciter à la dématérialisation des décisions collectives des sociétés.

Ce décret, pris en application d’une ordonnance du 4 mai 2017 a pour objectif de rapprocher la situation des associés minoritaires de SARL de celle des associés minoritaires de SA et d’inciter à la dématérialisation des décisions collectives des sociétés.

Le décret précise, d’une part, les conditions de forme et de délai dans lesquelles les associés de sociétés à responsabilité limitée, lorsqu’ils détiennent le vingtième des parts de la société, peuvent faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des points ou projets de résolution (I).

Il précise, d’autre part, les conditions dans lesquelles les sociétés anonymes dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé peuvent prévoir, dans leurs statuts, que les assemblées générales d’actionnaires se tiennent exclusivement par visioconférence ou par moyens de télécommunication (II).

I – L’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée d’une SARL des points ou projets de résolution

Le décret du 28 février 2018 renforce la prise en compte des droits des minoritaires dans les SARL. À l’image de ce qui existe déjà dans les SA (sociétés anonymes), l’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 a instauré un nouveau droit pour les associés de SARL (sociétés à responsabilité limitée) représentant individuellement ou à plusieurs au moins 5 % des parts sociales. Ils peuvent désormais proposer des points ou des résolutions à l’ordre du jour de toutes les assemblées générales1. Toute clause contraire à ce nouveau pouvoir sera réputée non écrite.

Le décret n° 2018-146 du 28 février 2018 vient préciser les modalités d’application de cette nouvelle disposition.

Ainsi, pour user de cette faculté, l’associé doit demander à la société de l’aviser de la prochaine date prévue pour la réunion de l’assemblée par lettre simple, recommandée ou par mail.

NB. Seul l’envoi sous forme électronique étant gratuit pour l’associé, c’est implicitement ce mode de transmission que le décret encourage2.

La société est tenue d’envoyer cet avis par lettre simple ou recommandée, si l’associé lui a adressé le montant des frais d’envoi de cette lettre, ou par un courrier électronique à l’adresse qu’il a indiquée.

À noter. La demande d’inscription à l’ordre du jour devra être motivée et adressée au moins 25 jours avant l’assemblée.

En outre, la demande d’inscription de projets de résolution doit être accompagnée du texte de ces projets, lesquels peuvent être assortis d’un bref exposé des motifs.

Remarque. L’article R. 223-20-2 ne fixe aucun délai de réponse. On peut penser que la société est tenue d’aviser l’associé dans un délai raisonnable. Si la société indique que l’assemblée doit se tenir dans les 25 jours, l’associé ne pourra pas exercer son droit puisqu’il sera hors délai pour le faire3.

Dès lors qu’il a été satisfait aux obligations précitées, les points et les projets de résolution doivent être inscrits à l’ordre du jour et soumis, pour ce qui concerne les projets, au vote de l’assemblée.

Remarque. Le gérant ne peut pas refuser d’inscrire à l’ordre du jour un point ou projet de résolution qui serait sans rapport avec l’objet de l’assemblée car aucune disposition ne lie cette inscription aux questions à débattre. En outre, les associés n’ont pas nécessairement connaissance de l’ordre du jour de l’assemblée à la date où la demande d’inscription est présentée à la société4.

Enfin, en l’absence de précision du décret sur ce point, les points ou projets de résolution en cause doivent être portés à la connaissance des associés dans les mêmes conditions que les autres documents d’assemblée5.

II – L’opposition dans une SA à la tenue d’une assemblée générale exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication

Par ailleurs, on rappellera que les statuts d’une SA dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé peuvent désormais, prévoir la faculté de recourir aux moyens de télécommunication et visioconférence, sauf opposition de 5 % des actionnaires…6 (une souplesse dont on pourrait s’inspirer pour nombre de travaux en commissions dans le monde public)7.

Rappel. Seules les SA dont les actions ne sont pas cotées peuvent prévoir, dans leurs statuts, que les assemblées générales (AG) sont tenues exclusivement par visioconférence.

À cet égard, le décret précise que si les statuts prévoient que les assemblées générales se tiennent exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication, ils doivent préciser si le droit d’opposition précité s’exerce avant ou après les formalités de convocation.

Lorsque le droit d’opposition s’exerce avant les formalités de convocation, la société doit aviser les actionnaires de la date prévue pour la réunion de l’assemblée 35 jours au moins avant celle-ci, par lettre recommandée avec demande d’avis réception ou par courrier électronique avec avis de réception à l’adresse électronique indiquée.

L’avis doit rappeler également la faculté d’opposition des actionnaires, qui doit être exercée 25 jours avant l’assemblée et sous réserve d’une détention de 5 % du capital social8.

Lorsque le droit d’opposition s’exerce après les formalités de convocation, l’avis de convocation doit rappeler le droit d’opposition au recours exclusif à des moyens dématérialisés pour la tenue de l’assemblée générale, ainsi que les conditions d’exercice de ce droit. Il doit indiquer également le lieu où l’assemblée se réunira s’il est fait opposition à sa tenue exclusivement par des moyens dématérialisés.

À noter. Le droit d’opposition doit s’exercer dans un délai de 7 jours à compter de la publication de l’avis de convocation ou de l’envoi de cet avis dans les formes prévues à l’article R. 225-61-2 du Code de commerce.

Le décret, en offrant un délai d’opposition relativement long aux actionnaires minoritaires à la tenue d’une assemblée générale sous forme dématérialisée, s’efforce de prendre en compte la situation personnelle des actionnaires préférant la tenue d’une assemblée sous forme traditionnelle, avec participation physique des actionnaires. Ces démarches – opposition et avis de la société – peuvent être accomplies sous forme électronique9.

En cas d’exercice du droit d’opposition, la société doit aviser les actionnaires par lettre simple ou par courrier électronique, au plus tard 48 heures avant la tenue de l’assemblée, que celle-ci ne se tiendra pas exclusivement par des moyens dématérialisés.

Dans l’hypothèse où l’assemblée générale serait tenue selon les modalités précitées, l’avis de convocation doit préciser que les actionnaires participent à cette assemblée exclusivement par visioconférence ou moyens de télécommunication.

NB. Lorsque l’assemblée se tient exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication, l’émargement par les actionnaires n’est pas requis.

Mais le PV peut être signé par signature électronique au moyen d’un procédé fiable d’identification de chacun de ses membres.

Enfin, le procès-verbal doit mentionner, le cas échéant, que l’assemblée s’est tenue par recours exclusif à la visioconférence ou à des moyens de télécommunication dans les conditions précitées.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. com, art. R. 223-20-2.
  • 2.
    Dalloz.
  • 3.
    La Quotidienne, éd. Francis Lefebvre.
  • 4.
    La Quotidienne, éd. Francis Lefebvre.
  • 5.
    Envoi ou consultation au siège social, selon le cas : C. com., art. R. 223-18 ; C. com., art. R. 223-19, ibid.
  • 6.
    C. com., art. L. 225-103-1 créé par Ord. n° 2017-747, 4 mai 2017, art. 3. Dans les sociétés dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, les statuts peuvent prévoir que, sans préjudice des dispositions du I de l’article L. 225-107, les assemblées générales extraordinaires mentionnées à l’article L. 225-96 et les assemblées générales ordinaires mentionnées à l’article L. 225-98 sont tenues exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant l’identification des actionnaires. Toutefois, pour chaque assemblée générale, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social peuvent s’opposer à ce qu’il soit recouru exclusivement aux modalités de participation à l’assemblée définies au premier alinéa.
  • 7.
    Landot associés.
  • 8.
    C. com., art. R. 225-61-2, nouv.
  • 9.
    Dalloz.
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