Hauts-de-Seine (92)

Hauts-de-Seine : l’Incubateur du Barreau remet son grand prix de l’innovation

Publié le 19/10/2021

Hauts-de-Seine : l’Incubateur du Barreau remet son grand prix de l’innovation

Créé en juillet 2020, l’Incubateur du Barreau des Hauts-de-Seine a pour objectif d’accompagner les initiatives technologiques et informatiques qui rendront la vie des avocats et de leurs clients bien plus facile.

Quand elles se sont lancées dans l’aventure, Marie Fernet, avocate spécialisée en droit douanier et collaboratrice chez KPMG, et Anne Portmann, ex-avocate devenue journaliste juridique, ne pensaient pas remporter le grand prix de l’innovation de l’Incubateur du Barreau des Hauts-de-Seine. Leur idée est simple en apparence et vient surtout de leur vécu d’avocates, ballotées aux quatres coins de la France. C’est en cela qu’elle est très bonne.

« Si je dois décrire une journée typique sans notre appli : le train est en retard, on ne sait pas si on va arriver à l’heure et l’on n’a pas de postulant sur place. Donc, comment prévenir la juridiction ? On appelle le cabinet ou bien l’ordre pour prévenir les membres de l’audience, et cela ne fonctionne pas. Après l’audience, on a quelques heures à tuer avant le train du retour, on finit par se poser sur une table quelque part pour essayer de travailler. À Aix, par exemple, je m’étais retrouvée près des greffes mais le plus souvent ce sont les tables du bar en face de la gare en partage de connexion », explique simplement Marie Fernet. Avec la future application Tourisme Juridique, elles entendent révolutionner la vie de leurs confrères et consœurs : à une portée de clic, et quelle que soit la circonscription où son affaire le catapulte, l’avocat pourra entrer en contact avec des confrères sur place et contacter les greffiers en cas de retard, connaître les bons plans restos ou les plans des tribunaux, emprunter un coin de bureau pour travailler, imprimer des jeux de conclusions ou juste « tailler une bavette ». Une belle solution pour combattre l’isolement qui parfois rend la vie difficile aux avocats. Marie Fernet le concède, la profession est touchée par un certain parisianisme qui ne rend pas forcément la vie plus facile, surtout quand un déplacement est imposé par une affaire. L’application est censée lutter contre cela en favorisant le dialogue entre les barreaux et les juridictions. « Quand on vient de Paris, c’est parfois difficile de trouver un point d’ancrage, c’est plus sympathique de déjeuner avec un confrère dans un restaurant près du tribunal plutôt que d’avaler un sandwich à toute vitesse à la gare, connectée en 4G. Et puis c’est intéressant de confronter les différentes valeurs portées par les barreaux de France ».

« Marie se déplaçait beaucoup en province, et moi aussi on avait eu l’idée d’éditer un guide pour rejoindre facilement les audiences et s’orienter dans les juridictions, ensuite on a créé un blog (www.tourismejudiciaire.wordpress.com) et puis la vie nous a mis d’autres priorités en tête », explique Anne Portmann. C’est pendant la période du Covid qu’elle est revenue en boomerang, et qu’a germé l’idée de l’application mobile. « Nous nous sommes rendues compte de la difficulté de joindre les juridictions pour savoir par exemple dans quelle salle on doit plaider, avec les personnes en télétravail et le fait de ne pas avoir les contacts directs des greffes. On s’est aussi retrouvées sans café ouvert pour travailler… On connaissait le principe de l’incubateur, sur une boutade on s’est dit faisons-le, et on l’a fait », se souvient Marie Fernet.

Lutter contre l’isolement et mettre en valeur les barreaux

Le projet des deux avocates a tout de suite trouvé sa place dans la première promotion de l’incubateur. Après six mois de travail et des réunions de travail régulières, appelées BootCamps, les deux nouvelles entrepreneuses du web ont pu commencer à monter une communauté, grâce à une newsletter, une enquête auprès des confrères du barreau des Hauts-de-Seine et une présence sur les réseaux sociaux. « Notre projet est collaboratif : il ne pourra fonctionner que si nous avons de nombreux confrères sur place avides de partager des informations sur leurs juridictions ».

L’appli, qui devrait être disponible à la fin de l’année 2022, vient donc de recevoir le prix Coup de cœur du jury d’avocats Lab92. À l’initiative de Yann Leclerc, avocat conseil au cabinet CMS Francis Lefevre à Neuilly-sur-Seine et membre du Conseil de l’ordre des Hauts-de-Seine, ce laboratoire d’innovation permet au Barreau de soutenir la legal tech : « J’ai été chargé par le bâtonnier il y a trois ans d’animer l’innovation et le développement au sein d’une commission dont j’étais président, j’ai étudié le paysage français dans ce domaine et me suis aperçu de la nécessité de créer un incubateur pour structurer des actions à destination des confrères dans le champ de l’innovation pour les aider à mieux comprendre la sphère des legal techs et s’approprier les outils à leur disposition ».

La mission de l’incubateur, lancée en juillet 2020, se résume à un « triptyque ». Première étape : former les avocats du ressort des Hauts-de-Seine à manier les outils numériques à leur disposition (par le biais de matinales mensuelles). La legal tech consiste dans le fait de mettre la technologie au service du droit, proposer au client des services dans le domaine. Il y a de nombreuses variations : certaines aident les avocats à trouver des clients et des justiciables des avocats, ce sont les plateformes de mises en relation, d’autres ont pour objet d’aider les avocats à communiquer entre eux pour échanger des sources d’informations, faire part de leur expérience, ce sont des plateformes collaboratives, les datas ont pour objet de dématérialiser les sources juridiques et les fournir en version dématérialisée. « Par exemple, le Conseil d’État a dématérialisé sa jurisprudence », précise Yann Leclerc « certaines plateformes analysent la jurisprudence, ce qu’on appelle à tort la justice prédictive, d’autres dématérialisent les procédures devant les tribunaux, proposent des déclarations de revenus en ligne ou le traitement à distance des litiges ou des amendes ».

Des projets de legal tech très divers

Deuxième étape : incuber des projets de legal tech, « les projets sélectionnés doivent respecter la déolontologie : respect du secret professionnel, de l’indépendance de l’avocat et éviter les conflits d’intérêt ». Avec Tourisme Judiciaire, quatre autres projets ont donc été développés grâce à l’incubateur : un dans le domaine de la médiation (« ce projet nous a beaucoup plu car il informe les clients de la possibilité de passer par la médiation et labellise les avocats susceptibles d’être médiateurs ce qui simplifie les démarches », explique Yann Leclerc), une autre idée concerne la facilitation des démarches administratives pour les étrangers (« certains veulent renouveler leurs visas privés ou professionnels, il est très difficile de prendre rendez-vous avec la préfecture, cette plateforme vise à fluidifier les choses pour aider les étrangers à obtenir un rendez-vous et remplir les formulaires »), le troisième concernait la mise en relation avocats prospects (« une plateforme de mise en relation, plus classique ») et la dernière se proposait d’aider les intermittents du spectacle à faire reconnaître leurs droits (« c’est un statut protecteur mais il nécessite un conseil et une véritable assistance en cas de litiges avec l’employeur »). « Dans les vingt dossiers sélectionnés au départ, il y en avait dans tous les domaines, il y en avait d’autres dans le domaine de l’arbitrage, par exemple. Les cinq qui ont été sélectionnés étaient portés par des avocats, parfois accompagnés de développeurs ou d’informaticiens. Les startupeurs-avocats ont été bien accompagnés pour mettre en place un prototype de leur idée, grâce à un système de mentorat avec des avocats référents qui ont conseillé la startup dans différents domaines du droit (droit social, droit fiscal, droit des sociétés, droit de l’environnement, RGPD, droit de la propriété littéraire et artistique, droit des marques).

Dernière étape, et non des moindres, la remise des prix de l’innovation qui ont pour but de faire connaître le Lab92 et de faire rayonner l’image du barreau des Hauts-de-Seine à l’échelle nationale et internationale ! « Une grosse dizaine de barreaux a mis en place un incubateur en leur sein, Bordeaux, Lyon, Marseille et Paris, entre autres, il existe un réseau national d’incubateurs de barreaux, le RNIB, pour fédérer et partager les bonnes pratiques. Il existe même un réseau européen des incubateurs de barreaux à Bruxelles », se félicite Yann Leclerc qui se réjouit de se lancer dans l’édition de 2022. « Quand on incube et qu’on donne naissance à une bonne startup portée par des confrères, on est fiers ». Le prix coup de cœur, remis en septembre à Tourisme Judiciaire, récompense la meilleure startup incubée, et le prix de la Chambre du commerce et de l’industrie des Hauts-de-Seine sera remis lors de la rentrée de la conférence le 19 novembre à Courbevoie. Il récompensera un projet plus mature – une startup plus opérationnelle. Clôture des dossiers de candidatures le 15 octobre !

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