Les associations face à l’obligation individuelle de reclassement

Publié le 05/01/2017

Les associations employeuses ne peuvent s’affranchir de l’obligation de reclassement dans le cadre d’un licenciement pour motif économique ou pour inaptitude puisque, d’une part, elles peuvent être intégrées à un groupe de reclassement et que, d’autre part, l’obligation demeure à leur égard une obligation de moyens renforcée.

Sur 1,3 million d’associations actives en France, 12 % sont employeuses. Elles emploient 1,9 million de salariés, soit 7 % du nombre de salariés en France1. La plupart sont de petites structures dirigées par des bénévoles. Afin de favoriser l’emploi dans le milieu associatif, il a été mis en place le dispositif du chèque emploi associatif2 simplifiant, dans une certaine mesure3, les démarches liées à l’embauche. Cet allègement juridique en phase de conclusion du contrat de travail ne trouve pas d’écho au stade de la rupture. L’association employeuse a en la matière les mêmes obligations que tous les autres employeurs.

Le régime de l’obligation individuelle de reclassement permet d’en témoigner. Cette obligation légale s’impose à l’employeur préalablement à tout licenciement pour motif économique4 ou pour inaptitude5 quels que soient la taille de l’entreprise et le nombre de licenciements envisagés. Il s’agit d’un outil de prévention des licenciements. L’inobservation de cette obligation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse6 et expose l’employeur au paiement de diverses indemnités.

L’employeur ne doit pas prendre cette obligation à la légère dans la mesure où le juge veille scrupuleusement à son respect. Il faut en effet s’en remettre à la jurisprudence afin de cerner les contours de l’obligation de reclassement. La doctrine s’accorde à dire qu’elle a non seulement élargi le cercle de recherche du reclassement mais également alourdi les diligences pesant sur l’employeur au titre de cette obligation. Les associations employeuses n’échappent pas à cette sévérité prétorienne. L’analyse des arrêts de la Cour de cassation permet en effet d’affirmer qu’elles ne peuvent pas s’affranchir de cette obligation dans la mesure où elles sont concernées tant par l’élasticité du périmètre de reclassement (I) que par le poids de l’obligation de moyens renforcée de reclassement (II). Il n’est donc procédé à aucune adaptation du droit de la rupture du contrat de travail au regard de la situation particulière des associations.

I – Les associations confrontées à l’élasticité du périmètre de reclassement

Par définition, l’association résulte d’une convention entre deux ou plusieurs personnes par laquelle celles-ci mettent en commun leurs connaissances ou leur activité7. N’ayant pas pour objectif le partage de bénéfices, par opposition au contrat de société, les associations relèvent du secteur non-marchand. Il pourrait ainsi paraître surprenant d’associer la notion d’association à celle de groupe, plus communément connue sous son sens capitalistique. En droit commercial, le groupe est caractérisé par la détention d’une fraction du capital, la disposition des droits de vote, la désignation de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance, l’influence dominante sur l’activité d’une entreprise8. Pour comprendre par quel procédé le concept de groupe s’applique aux associations (B), il convient au préalable de préciser le sens qu’il en a été retenu en droit du travail et plus particulièrement dans le cadre de l’obligation de reclassement (A).

A – La notion de groupe de reclassement

Le Code du travail fait allusion à la notion de groupe à différentes occasions. Le concept est utilisé dans le cadre des relations collectives afin de justifier la création d’un comité de groupe (C. trav., art. L. 2331-1), de servir de cadre de négociation d’un accord collectif (C. trav., art. L. 3344-1) et d’apprécier la représentativité syndicale (C. trav., art. L. 2122-4). Il est également pris en compte dans le cercle des relations individuelles dès lors que l’employeur envisage un licenciement pour motif économique. L’article L. 1233-4 du Code du travail y fait en effet référence afin de fixer le périmètre de l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur9.

Le périmètre de reclassement a été limité au cercle de l’entreprise avant d’être élargi au groupe par la jurisprudence judiciaire10. Le Conseil d’État avait déjà ouvert la voie dans ce sens11. Cette création prétorienne a ensuite été consacrée par la loi en 200212 et intégrée à l’article L. 1233-4, alinéa 1er, du Code du travail ainsi rédigé aujourd’hui : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie ». La Cour de cassation a retenu la même solution en matière d’inaptitude. Même si le Code du travail fait référence à l’entreprise en la matière, la jurisprudence impose à l’employeur d’élargir ses recherches de reclassement à toutes les entreprises du groupe auquel il appartient13.

Ni la loi, ni le juge ne définissent précisément la notion de groupe de reclassement également appelé « groupe de permutabilité »14. Il faut s’en remettre à la jurisprudence pour dégager les critères permettant de le caractériser. Dans ce cas, le concept de groupe fait l’objet d’une appréhension particulière15. En effet, la jurisprudence adopte une approche « plus élastique »16 de la notion de groupe en la dégageant des liens capitalistiques prévus tant en droit commercial17 qu’en droit des relations collectives du travail18. Le groupe est donc une notion à géométrie variable en droit social19.

Au sens de la Cour de cassation, le groupe de reclassement s’identifie en deux temps. Il convient d’abord de caractériser un groupe, lequel se détermine aussi bien par des liens juridiques que des liens de fait entre deux entreprises. Une fois qu’un groupe a été identifié, l’obligation de recherche de reclassement à l’intérieur de ce groupe ne pèse sur l’employeur qu’à la condition qu’une permutation de salarié y soit possible. Cette permutabilité s’évalue au regard de l’activité, de l’organisation ou du lieu d’exploitation des différentes entreprises appartenant audit groupe20. Le groupe de permutabilité, en tant que périmètre de recherche du reclassement, peut donc être plus restreint que le groupe identifié dans un premier temps, c’est-à-dire largement entendu. Les entités du groupe pour lesquelles la permutation de personnel n’est pas possible sont en effet exclues du périmètre de recherche du reclassement. Cette appréhension spécifique du groupe de reclassement21 a permis d’étendre ce concept aux contours incertains22 aux associations employeuses.

B – L’application rigoureuse aux associations employeuses

L’analyse de la jurisprudence permet d’affirmer que l’obligation de reclassement au sein du groupe de permutabilité pèse également sur les associations employeuses, qu’il s’agisse d’un licenciement pour motif économique ou d’un licenciement pour inaptitude. La haute juridiction, exigeant des juges du fond une motivation précise faisant l’objet de son contrôle, veille scrupuleusement à ce qu’ils adoptent le même raisonnement en deux temps, y compris lorsque l’employeur est une association. Elle a en effet rappelé que les cours d’appel devaient au préalable caractériser l’existence ou non d’un groupe23 et, dans l’affirmative, vérifier ensuite si une permutation des salariés était possible24.

Un groupe peut être identifié en établissant un lien juridique entre diverses associations. Celui-ci peut résulter de la création d’une unité économique et sociale (UES) entre les associations25 ou de l’existence d’un groupement d’intérêt économique (GIE)26. Cependant, l’indépendance juridique et financière des associations n’empêche pas la reconnaissance d’un groupe27. Celui-ci peut en effet être caractérisé à partir d’éléments matériels de fait établissant un lien entre les associations. Les magistrats ont notamment reconnu un groupe pour des associations ayant adhéré à une même fédération nationale28 ou encore entre une association gérant une gare routière et des entreprises de transport, n’ayant pourtant ni lien contractuel ni nature juridique similaire, en raison de la complémentarité des activités des employeurs29.

La détermination d’un lien juridique ou factuel entre associations ne suffit pas à caractériser le groupe de reclassement au sens de l’article 1233-4 du Code du travail30. La Cour de cassation exige que les juges du fond précisent en quoi les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation des différentes entreprises adhérentes à la même fédération nationale leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel31. La permutabilité des salariés au sein du groupe est évaluée à partir d’indices factuels propres à chaque espèce32. Un groupe de reclassement a pu notamment être identifié dès lors qu’une gérance unique avait pu être établie33, que des activités de même nature ou connexes ont pu être relevées34. Ce dernier cas de figure est récurrent concernant les associations adhérentes à une fédération nationale dans la mesure où elles exercent nécessairement la même activité. En effet, toutes les associations adhérentes, par exemple, à une fédération nationale sportive ont pour objet la pratique d’un sport déterminé dont la fédération organise les compétitions au niveau national. Les salariés éducateurs sportifs diplômés pour enseigner cette discipline sportive pourront ainsi être reclassés dans une autre association adhérente dispensant le même sport.

La jurisprudence ne s’est pas contentée d’élargir le périmètre des recherches de reclassement, elle a également étendu les modalités de recherche.

II – Les associations confrontées au poids de l’obligation de moyens renforcée

La loi subordonne la cause réelle et sérieuse du licenciement à la démonstration par l’employeur de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de reclasser le salarié licencié. L’objectif affiché par le législateur est de « conjurer le risque de perte d’emploi dans l’entreprise »35. Le licenciement doit être l’ultima ratio36. L’obligation de reclassement, considérée comme le « dernier rempart de l’emploi des salariés », est analysée comme une obligation contractuelle essentielle37. Les juges apprécient avec sévérité le respect de cette obligation puisqu’ils en font une obligation de moyens renforcée38.

La dichotomie entre obligation de moyens et obligation de résultat en droit des contrats est d’origine doctrinale39. La première engage son débiteur à mettre tous les moyens en sa possession pour l’exécuter, tandis que la seconde engage son débiteur à obtenir le résultat prévu dans le contrat. L’intérêt de la distinction se trouve dans le régime de la preuve. Si la première oblige le créancier de l’obligation lésé à prouver la faute de son cocontractant, la seconde permet d’engager la responsabilité du débiteur de l’obligation dès lors que le résultat promis fait défaut. En marge de ces deux obligations, la jurisprudence a reconnu l’obligation de moyens renforcée consistant à faire peser la charge de la preuve sur le débiteur de l’obligation. Tel est le cas en matière de reclassement, puisque l’employeur n’est pas tenu par un résultat précis mais doit tout mettre en œuvre pour tenter de reclasser le salarié, c’est-à-dire éviter le licenciement. C’est en outre à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement ou qu’un reclassement est impossible40. Le juge apprécie souverainement les éléments de preuve produits en fonction des moyens dont dispose l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient.

L’obligation de recherche de reclassement concerne tous les employeurs, associations comprises. La petite taille de l’association employeuse ne limite pas la portée de son obligation de reclassement. Les diligences formelles attendues de la part de l’association employeuse demeurent en effet lourdes et contraignantes41 et ce même si in fine l’obligation de reclassement peut s’avérer contreproductive. Ainsi, à la rigidité formelle de l’obligation de reclassement (A) s’oppose la stérilité du dispositif (B).

A – La rigidité formelle de l’obligation de reclassement

La jurisprudence de la Cour de cassation contraint l’association employeuse, alors tenue par une obligation de moyens renforcée, à respecter un certain nombre de démarches formelles42. L’obligation de reclassement implique avant tout un devoir de recherche43. Si celle-ci s’avère fructueuse, elle doit ensuite déboucher sur une offre de reclassement.

Les recherches de reclassement entreprises par l’employeur doivent être effectives, réelles et sérieuses. Elles ne doivent pas être superficielles. L’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail ne dispense pas l’employeur de justifier de ses recherches de reclassement44. L’employeur doit exécuter loyalement45 son obligation de reclassement par la démonstration de recherches « complètes et élargies de reclassement »46. En d’autres termes, l’employeur est tenu d’interroger l’ensemble des associations du groupe de permutabilité sur l’existence de postes vacants. L’employeur qui en omet certaines méconnaît son obligation même si la majorité d’entre elles ont été sollicitées. Selon la Cour de cassation, l’employeur doit prendre en considération toutes les possibilités offertes par le groupe de reclassement47.

En pratique, la Cour de cassation considère que l’association employeuse a satisfait à son obligation de reclassement lorsque, d’une part, il ressort du registre d’entrée et de sortie du personnel qu’aucun poste n’était disponible dans l’association au moment du licenciement et que, d’autre part, elle a procédé en vain à des recherches de reclassement dans les associations adhérentes à la même fédération nationale48. Au vu de la jurisprudence, les lettres adressées aux entreprises interrogées doivent comporter des précisions sur les emplois des salariés visés par les licenciements49 et sur les aptitudes et les qualifications des salariés concernés50. L’employeur doit donc personnaliser ses recherches.

L’employeur doit effectuer ces recherches au sein du groupe de reclassement sans pour autant omettre de les effectuer prioritairement au sein de sa propre structure51. En outre, l’employeur doit certes démontrer qu’il n’y a aucun poste vacant dans l’entreprise et dans le groupe de permutabilité, mais également faire la preuve qu’aucun aménagement de poste ou d’horaires ne permet le reclassement52 ; ce qui s’avère beaucoup plus complexe. En pratique, les employeurs se focalisent davantage sur la mutation et oublient les autres volets du reclassement prévus par les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail en matière d’inaptitude.

Par ailleurs, l’employeur ne peut pas limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction des souhaits formulés par les salariés ni même à partir de la volonté présumée des intéressés de les refuser compte tenu des motifs de refus invoqués par le salarié lors de précédentes propositions de reclassement53 ou en raison du mutisme du salarié face aux propositions déjà faites54. Cette obligation d’origine légale n’est pas à la disposition des parties. Le salarié ne peut donc accepter d’en restreindre l’étendue.

Dans le cadre d’un licenciement économique, la tentative de reclassement doit porter sur tous les postes salariés disponibles, relevant de la même catégorie que celui de l’intéressé ou sur des emplois équivalents assortis d’une rémunération équivalente. À défaut, le reclassement peut s’effectuer sur des postes de catégorie inférieure avec l’accord exprès du salarié55. Le poste doit être compatible avec les compétences du salarié, si l’employeur doit adapter celui-ci à ses nouvelles fonctions, cette obligation est limitée aux formations complémentaires, simples et de courte durée, permettant à l’intéressé d’être rapidement opérationnel.

Concernant l’inaptitude professionnelle, le Code du travail prévoit que cette obligation consiste pour l’employeur à rechercher des postes de reclassement compatibles avec les nouvelles aptitudes médicales du salarié et aussi comparables que possible à l’emploi précédemment occupé par ce dernier. Il convient cependant de relever que la loi du 17 août 201556 suivie de la loi du 8 août 201657 ont modifié l’article L. 1226-12 du Code du travail, lequel permet à l’employeur d’utiliser les conclusions du médecin du travail émises dans son avis d’inaptitude pour se soustraire à son obligation de reclassement et donc procéder directement au licenciement du salarié concerné. En effet, ces nouvelles dispositions prévoient que si, dans son avis d’inaptitude, le médecin du travail mentionne expressément que « tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi », l’employeur n’est pas tenu de rechercher des postes de reclassement avant de procéder à la rupture du contrat.

Cet assouplissement légal de l’obligation de reclassement à la suite du constat d’une inaptitude professionnelle semble également s’accompagner d’un allègement jurisprudentiel de l’obligation dans le cadre d’un licenciement économique58. En effet, dans un arrêt du 19 mai 201659, la Cour de cassation attache moins d’importance aux démarches concrètes entreprises par l’association employeuse auprès du groupe de reclassement60 en admettant qu’en cas d’absence de poste disponible en rapport avec les compétences du salarié tant dans l’association que dans le groupe auquel elle appartient, l’association était libérée de l’obligation de faire des offres de reclassement. Par cet arrêt, il est alors permis à l’employeur, en cas de contentieux, de démontrer avoir rempli son obligation en justifiant uniquement de l’absence de poste disponible au moyen du registre unique du personnel. Cette vision plus pragmatique de l’obligation de reclassement est heureuse compte tenu de l’inefficacité du dispositif hors groupe capitalistique.

B – La stérilité du dispositif

La volonté d’augmenter les chances de maintien de l’activité professionnelle du salarié en élargissant le plus possible l’offre de reclassement semble louable. Cela reste néanmoins discutable concernant les associations. Bien qu’il soit impossible pour les associations employeuses de se soustraire à l’obligation de reclassement, elles sont juridiquement dépourvues des moyens d’y satisfaire. D’une part, le débiteur de l’obligation de reclassement est l’employeur. Ainsi, une association appartenant au même groupe que l’employeur n’est pas, en cette qualité, débitrice de l’obligation de reclassement61. D’autre part, l’association en recherche de reclassement est indépendante juridiquement et financièrement des associations adhérentes à la même fédération. Elle n’a donc aucun moyen de pression sur les autres associations non débitrices de l’obligation de reclassement. Dans le groupe de reclassement « extra-capitalistique », l’employeur qui licencie n’a pas le pouvoir de contraindre les autres entreprises du groupe à diffuser l’information sur leurs postes disponibles, ni même à proposer au salarié concerné par le licenciement un poste disponible62. Ceci est moins vrai lorsqu’une entreprise appartient à un groupe au sens capitalistique, la société-mère a davantage d’influence sur les sociétés filiales interrogées au sujet des postes disponibles63.

Ce constat plaide en faveur d’une révision de la définition du groupe de reclassement en la réservant au groupe capitalistique plus propice à répondre à l’objectif affiché par le législateur, à savoir éviter le licenciement. Le dispositif imposant mis en place progressivement par la jurisprudence expose particulièrement les associations employeuses à être condamnées au paiement de diverses indemnités en raison de la requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse quel que soit le bien-fondé du motif de licenciement (motif économique ou inaptitude professionnelle constatée). L’application intransigeante de la vision jurisprudentielle de l’obligation de reclassement peut ainsi s’avérer contreproductive64. Les conséquences financières de la condamnation de l’association employeuse vont obérer davantage sa trésorerie et risquent de conduire à d’autres licenciements pour motif économique. Cette inflexibilité tranche avec la souplesse dont fait preuve la Cour de cassation lorsqu’elle apprécie la légitimité du motif économique de licenciement d’une association. Selon une jurisprudence constante, la suppression65 ou la réduction conséquente66 de subventions représentant l’essentiel des ressources d’une association67 permet de caractériser des difficultés économiques justifiant un licenciement. La Cour de cassation a également admis que la sauvegarde de la compétitivité d’une association « se résume à assurer la pérennité au regard du strict équilibre entre les recettes et les dépenses »68. Ainsi ce que la Cour de cassation accorde au stade de l’appréciation du motif économique, elle le retire au moment de l’évaluation du respect de l’obligation de reclassement par l’association qui licencie69.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Archambault E. et Tchernonog V., « Quelques repères sur les associations en France aujourd’hui », CNRS mars 2012, https://www.associatheque.fr/fr/fihiers/divers/reperes_asso-paris_CPCA.pdf ; voir également Reynaert L. et Isanto A., « Neuf associations sur dix fonctionnent sans salarié », Insee Première, mars 2016, n° 1587, www.ifaid.org/sites/default/files/enquete_insee_fonctionnement_associatif.pdf ; Tchernonog V., Le paysage associatif français. Mesures et évolutions, 2e éd., 2013, Dalloz, Paris.
  • 2.
    L. n° 2003-442, 19 mai 2003 : JO, 20 mai 2003.
  • 3.
    Thurillet-Bersolle A., « Pas de dispense d’écrit en raison du recours au chèque-emploi associatif », comm. sous Cass. soc., 20 mai 2015, n° 14-13127, JCP S 2015, 1362.
  • 4.
    Depuis Cass. soc., 1er avr. 1992, n° 89-43494. V. C. trav., art. L. 1233-4.
  • 5.
    Depuis la L. n° 81-3, 7 janv. 1981, art. 1er : JO, 8 janv. 1981, p. 191. V. C. trav., art. L. 1226-2, C. trav., art. L. 1226-10 et C. trav., art. L. 1226-12.
  • 6.
    Cass. soc., 23 nov. 2011, n° 10-20471.
  • 7.
    Article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
  • 8.
    C. com., art. L. 233-3 et C. com., art. L. 233-16.
  • 9.
    Teyssié B., « Variations sur le groupe en droit du travail », JCP S 2013, 1076.
  • 10.
    Cass. soc., 25 juin 1992, n° 90-41244 : Dr. soc. 1992, p. 826, concl. Kessous R. ; Dr. soc. 1993, p. 272, Urban Q. – Cass. soc., 5 avr. 1995, n° 93-43866 : D. 1995, p. 367, note de Launay-Gallot I. ; Dr. soc. 1995, p. 482, Waquet P.
  • 11.
    CE, 18 janv. 1980, n° 10804 : D. 1980, p. 259, note Lyon-Caen A. Cet arrêt date de l’époque où la loi avait attribué compétence à l’administration du travail pour autoriser le licenciement pour motif économique (L. n° 75-5, 3 janv. 1975, relative aux licenciements pour cause économique : JO, 4 janv. 1975, p. 202).
  • 12.
    L. n° 2002-73, 17 janv. 2002, art. 108, sur la modernisation sociale : JO, 18 janv. 2002, p. 1008.
  • 13.
    Cass. soc., 16 sept. 2009, n° 08-42212.
  • 14.
    Simonneau D., « Le “groupe de permutabilité”, espace du périmètre de l’obligation de reclassement », JCP S 2015, p. 1143.
  • 15.
    Lacabarats A., « Le licenciement pour motif économique dans les groupes de sociétés », JCP S 2013, p. 1436.
  • 16.
    Favennec-Héry F., « Le groupe de reclassement », Dr. soc. 2012, p. 987.
  • 17.
    Cass. soc., 27 oct. 1998, n° 96-40626 : RJS 1998, p. 1456. Selon la Cour de cassation, les liens capitalistiques ne suffisent pas à faire émerger un groupe de reclassement.
  • 18.
    Cass. soc., 31 janv. 2001, n° 98-43897 : Dr. soc. 2001, p. 565, obs. Couturier G. Selon la Cour de cassation, « le groupe au sein duquel les possibilités de reclassement doivent être recherchées, en cas de licenciement pour motif économique, ne se confond pas avec le groupe juridiquement défini par l’article L. 439-1 du Code du travail relatif à la constitution du comité de groupe ».
  • 19.
    Certains auteurs aspirent à une définition homogène de la notion de groupe. V. not. Teyssié B., « Les groupes de sociétés et le droit du travail », Dr. soc. 2010, p. 735.
  • 20.
    Depuis la définition de l’arrêt Videocolor, Cass. soc., 5 avr. 1995, n° 93-42690, préc. note 10.
  • 21.
    Favennec-Héry F., « Motif économique, reclassement et groupe de sociétés », JCP S 2013, 1078. L’auteur qualifie le groupe de permutabilité de « groupe sui generis, fonctionnel, adaptable ».
  • 22.
    Urban Q., « Le licenciement pour motif économique et le groupe », Dr. soc. 1993, p. 272.
  • 23.
    Cass. soc., 15 nov. 2014, n° 12-27250.
  • 24.
    Cass. soc., 16 mars 2016, n° 14-16931.
  • 25.
    Cass. soc., 5 nov. 2014, nos 13-11146 et 13-11149.
  • 26.
    Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-17995.
  • 27.
    Cass. soc., 12 oct. 2011, n° 10-18038.
  • 28.
    Cass. soc., 6 janv. 2010, n° 08-44113.
  • 29.
    Cass. soc., 23 mai 1995, n° 93-46142 : Dr. soc. 1995, p. 678, Favennec F.
  • 30.
    Concernant notamment l’adhésion d’une association à un GIE, voir Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-17995. La Cour de cassation précise que « l’adhésion à un GIE n’entraîne pas en soi la constitution d’un groupe au sens des articles L. 1226-2 et L. 1233-4 du Code du travail ».
  • 31.
    Cass. soc., 11 févr. 2015, n° 13-23573.
  • 32.
    V. Simonneau D., préc.
  • 33.
    Cass. soc., 19 mai 2016, n° 15-15445.
  • 34.
    Cass. soc., 6 janv. 2010, n° 08-44113.
  • 35.
    Favennec-Héry F., « Le reclassement : une mutation en cours », Dr. soc. 2011, p. 402.
  • 36.
    Peskine E. et Wolmark C., Droit du travail, 2015, Dalloz, n° 635. Expression empruntée à Couturier G., « Vers un droit du reclassement », Dr. soc. 1999, p. 496.
  • 37.
    Bousez F., « Inaptitude physique, obligation de reclassement et faute grave de l’employeur », JCP S 2009, 27-28.
  • 38.
    Héas F., « Les contraintes formelles encadrant l’exécution de l’obligation patronale de reclassement en cas de licenciement pour motif économique », Droit Ouvrier 2007, p. 6-10.
  • 39.
    Demogue R., Traité des obligations en général, 1923, Librairie Arthur Rousseau, t. 5, p. 536, n° 1237 et t. 6, p. 644, n° 599.
  • 40.
    Cass. soc., 15 janv. 2014, n° 12-27250.
  • 41.
    Monkam A.-C., « L’obligation de reclassement liée au licenciement économique », RJS 2011, nos 303 et 304. Selon l’auteur, la Cour de cassation enferme les entreprises dans le « corset de l’obligation de reclassement ».
  • 42.
    Cass. soc., 15 janv. 2015, n° 13-27072.
  • 43.
    Héas F., « Les obligations de reclassement en droit du travail », Dr. soc. 1999, p. 504.
  • 44.
    Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-16148.
  • 45.
    Cass. soc., 16 févr. 2011, n° 08-45181.
  • 46.
    Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-16148.
  • 47.
    Cass. soc., 5 janv. 2014, nos 13-11146 et 13-11149 : concernant une association faisant partie d’une UES et d’une fédération nationale.
  • 48.
    Cass. soc., 9 mars 2016, n° 14-29196 ; v. égal. dans ce sens concernant une inaptitude, Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-16148.
  • 49.
    Cass. soc., 14 juin 2005, n° 03-44310.
  • 50.
    Cass. soc., 26 juin 2012, nos 11-14610 et 11-14614.
  • 51.
    Cass. soc., 23 nov. 2011, n° 10-20471. Selon la Cour de cassation, l’association ne doit pas oublier de faire une recherche de reclassement en interne même si elle a effectué diverses démarches auprès d’autres associations.
  • 52.
    Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-16148.
  • 53.
    Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-28979.
  • 54.
    Cass. soc., 15 janv. 2014, n° 12-27250.
  • 55.
    Cass. soc., 17 janv. 2013, n° 11-26239.
  • 56.
    L. n° 2015-994, 17 août 2015, art. 26, relative au dialogue social et à l’emploi : JO 18 août 2015, p. 14346.
  • 57.
    L. n° 2016-1088, 8 août 2016, art. 102, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels : JO, 9 août 2016.
  • 58.
    Il convient en effet de rester prudent quant à la portée de cet arrêt qui n’a pas fait l’objet de publication.
  • 59.
    Cass. 1re civ., 19 mai 2016, n° 15-15445. La cour d’appel avait en effet relevé qu’aucune démarche n’avait été accomplie par l’association employeuse auprès des autres associations adhérentes à la fédération nationale pour conclure au non-respect de l’obligation de reclassement.
  • 60.
    Cass. soc., 9 mars 2016, n° 14-29196. Dans cette affaire, la Cour de cassation considère que l’association employeuse avait satisfait à son obligation de reclassement dans la mesure où, d’une part, il ressortait du registre d’entrée et de sortie du personnel qu’aucun poste n’était disponible dans l’association au moment du licenciement et que, d’autre part, elle avait procédé en vain à des recherches de reclassement dans les associations adhérentes à la fédération nationale. V. égal. dans ce sens concernant une inaptitude, Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-16148.
  • 61.
    Cass. soc., 13 janv. 2010, n° 08-15776.
  • 62.
    Sur les limites pratiques de l’obligation de reclassement interne, v. Meillat T., Martinez J., de Trogoff C. et Thuillier J.-M., « Repenser l’obligation de reclassement », Cah. dr. entr. sept. 2012, dossier 25. Les auteurs parlent de « découplage entre le cercle du devoir et le cercle du pouvoir ».
  • 63.
    V. intervention Antonmattei P.-H., « Le casse-tête du reclassement alternatif au licenciement économique », CDRH, n° 159-160, p. 19-25, spéc. p. 22.
  • 64.
    Martinez J., « Le reclassement urbi et orbi », JCP S 2016, 1263.
  • 65.
    Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-28979.
  • 66.
    Cass. soc., 1er févr. 2011, n° 09-71491 : à condition que la réduction de la subvention ne résulte pas d’une légèreté blâmable de l’employeur.
  • 67.
    Les subventions publiques représentent une part plus importante du budget des associations employeuses. V. Reynaert L. et Isanto A., « Neuf associations sur dix fonctionnent sans salarié », Insee Première mars 2016, n° 1587.
  • 68.
    Cass. soc., 2 avr. 2008, n° 07-40640.
  • 69.
    À titre d’exemple, Cass. soc., 15 janv. 2015, n° 13-27072.
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