Publication du nouveau Code de gouvernement d’entreprise au Royaume-Uni

Publié le 20/11/2018

L’été 2018 a été une période riche en matière de gouvernance. En juin 2018, le Code AFEP-MEDEF a été publié et en juillet 2018, le Financial Reporting Council a publié son nouveau Code de gouvernement d’entreprise du Royaume-Uni. La présentation de ce dernier code à la lumière du Code AFEP-MEDEF permet de mettre en perspective les différences et les similarités des approches en matière de gouvernance en France et au Royaume-Uni.

1. Genèse du nouveau Code de gouvernement d’entreprise au Royaume-Uni. Peu de temps après la publication du Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées (ci-après le « Code AFEP-MEDEF ») en France1, le Financial Reporting Council (FRC) a publié le 16 juillet 2018 une nouvelle version du Code de gouvernement d’entreprise du Royaume-Uni (ci-après le « Code »). Dans un contexte de baisse de confiance dans les grandes sociétés du Royaume-Uni, le FRC a décidé de procéder à l’examen du Code de gouvernement d’entreprise applicable au Royaume-Uni. Ce nouveau code a fait l’objet d’une vaste consultation publique en 2017.

2. Champ et date d’application. La nouvelle version du Code de gouvernement d’entreprise s’applique aux sociétés cotées (listed companies). Ce code entrera en application le 1er janvier 2019.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, un projet de nouveau Code de gouvernement d’entreprise a été publié par le FRC. Dénommé the Wates corporate governance principles for large private companies, ce projet de code a vocation à compléter le Code. Il s’appliquerait aux grandes sociétés non cotées2.

3. Forme du code. Le Code est relativement court (15 pages contre 32 dans sa précédente version et 44 pour le Code AFEP-MEDEF). Il est intéressant de remarquer l’utilisation permanente du modal should dans le Code. Cette utilisation marque le caractère non contraignant des stipulations du Code. Il se compose de principles et de provisions répartis au sein de cinq parties :

  • la direction du conseil et l’objet social de la société ;

  • le partage des responsabilités ;

  • la composition, la succession et l’évaluation ;

  • l’audit, le risque et le contrôle interne ;

  • la rémunération.

4. La direction du conseil et l’objet social de la société. Le Code place le conseil d’administration (board) au centre des sociétés puisqu’il souligne que le conseil gère la société et qu’il est chargé de promouvoir le succès durable à long terme de cette dernière, de créer de la valeur pour les actionnaires et de contribuer à la collectivité3.

Le rôle central du conseil est confirmé par le Principle B qui recommande que le conseil détermine l’objet, les valeurs et la stratégie de la société4.

En sus de ces missions, le conseil devrait, d’une part, s’assurer que la société dispose des ressources nécessaires à l’accomplissement de ses objectifs et d’autre part, mesurer leur rendement. Il devrait également établir un cadre de contrôle permettant d’évaluer et gérer les risques de manière efficace5.

Le Code précise que le conseil devrait favoriser la participation des actionnaires (shareholders) et des parties prenantes (stakeholders)6. Enfin, le Code propose également aux membres du conseil de veiller à ce que les employés de la société soient traités de manière conforme aux valeurs de cette dernière. Par ailleurs, les employés devraient pouvoir soulever toute difficulté les concernant7. Ces dernières recommandations visent donc à mieux prendre en compte l’intérêt des parties prenantes. Il s’agit d’une nouveauté qui s’inscrit dans la lignée du mouvement promu par l’OCDE8.

Sur le plan de la détermination des valeurs des sociétés et de la prise en compte des parties prenantes, nous pouvons estimer que le Code contient des recommandations qui ne figurent pas dans le Code AFEP-MEDEF. Précisons toutefois que les deux codes soulignent l’importance des conseils dans la détermination de la stratégie d’entreprise9.

5. Le partage des responsabilités. Le Code souligne que le président (the chair) dirige le conseil et est responsable de l’efficacité de la direction de la société10. Les provisions recommandent qu’il soit indépendant au moment de sa nomination et que les fonctions de direction et de présidence du conseil soient dissociées11.

Critère de l’indépendance dans le Code de gouvernement d’entreprise UK

Critère de l’indépendance dans le Code AFEP-MEDEF

Critères non exhaustifs pouvant nuire à la qualification d’administrateur indépendant (provision 10) :

– est ou a été employé de la société ou du groupe au cours des 5 dernières années ;

– a ou a eu au cours des 3 dernières années, une relation d’affaires importante directe ou indirecte avec la société ;

– a reçu ou reçoit une rémunération supplémentaire de la société (sauf jetons de présence) ;

– a des liens familiaux étroits avec les conseillers, les administrateurs ou les cadres supérieurs de l’entreprise ;

– détient des mandats croisés d’administrateur ou a des liens importants avec d’autres administrateurs par le biais de son implication dans d’autres sociétés ou organismes ;

– représente un actionnaire important ; ou

– a siégé au conseil d’administration pendant plus de 9 ans à compter de la date de leur première nomination.

Définition de l’administrateur indépendant selon l’article 8.2 du Code AFEP-MEDEF :

« Un administrateur est indépendant lorsqu’il n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement ».

Critères que le conseil doit examiner pour déterminer si un administrateur est indépendant (Code AFEP-MEDEF, art. 8.5) :

« 8.5.1 ne pas être ou ne pas avoir été au cours des 5 années précédentes :

– salarié ou dirigeant mandataire social exécutif de la société ;

– salarié, dirigeant mandataire social exécutif ou administrateur d’une société que la société consolide ;

– salarié, dirigeant mandataire social exécutif ou administrateur de la société-mère de la société ou d’une société consolidée par cette société-mère ;

8.5.2 ne pas être dirigeant mandataire social exécutif d’une société dans laquelle la société détient directement ou indirectement un mandat d’administrateur ou dans laquelle un salarié désigné en tant que tel ou un dirigeant mandataire social exécutif de la société (actuel ou l’ayant été depuis moins de 5 ans) détient un mandat d’administrateur ;

8.5.3 ne pas être client, fournisseur, banquier d’affaires, banquier de financement, conseil :

– significatif de la société ou de son groupe ;

– ou pour lequel la société ou son groupe représente une part significative de l’activité.

L’appréciation du caractère significatif ou non de la relation entretenue avec la société ou son groupe est débattue par le conseil et les critères quantitatifs et qualitatifs ayant conduit à cette appréciation (continuité, dépendance économique, exclusivité, etc.) explicités dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise ;

8.5.4 ne pas avoir de lien familial proche avec un mandataire social ;

8.5.5 ne pas avoir été commissaire aux comptes de l’entreprise au cours des 5 années précédentes ;

8.5.6 ne pas être administrateur de la société́ depuis plus de 12 ans. La perte de la qualité d’administrateur indépendant intervient à la date des 12 ans.

Un dirigeant mandataire social non exécutif ne peut être considéré comme indépendant s’il perçoit une rémunération variable en numéraire ou des titres ou toute rémunération liée à la performance de la société ou du groupe.

Des administrateurs représentant des actionnaires importants de la société ou de sa société-mère peuvent être considérés comme indépendants dès lors que ces actionnaires ne participent pas au contrôle de la société. Toutefois, au-delà d’un seuil de 10 % en capital ou en droits de vote, le conseil, sur rapport du comité des nominations, s’interroge systématiquement sur la qualification d’indépendant en tenant compte de la composition du capital de la société et de l’existence d’un conflit d’intérêts potentiel ».

Le Code s’intéresse également à la composition du conseil. Il recommande ainsi que le conseil soit composé12 d’administrateurs exécutifs et non-exécutifs13 afin qu’aucun individu ou petit groupe ne domine la prise de décision du conseil. De plus, les responsabilités devraient être clairement définies entre la direction du conseil et l’organe chargé de la direction exécutive au sein de la société14.

Les administrateurs non-exécutifs devraient disposer d’un temps suffisant à l’exercice de leur mandat15. Plus largement, le conseil devrait veiller à ce que ses membres disposent du temps et des moyens suffisants à l’exercice de leur mandat16.

Il est remarquable que les provisions recommandent que le conseil nomme un administrateur indépendant non-exécutif afin d’établir un dialogue entre le président, les administrateurs et les actionnaires17. Sous sa direction, les administrateurs non-exécutifs devraient se réunir afin d’évaluer l’action du président.

6. La composition, la succession et l’évaluation. Le Code recommande que la nomination des membres du conseil soit formalisée et fondée sur des critères objectifs, tel le mérite, et tende à promouvoir la diversité18. Le conseil devrait posséder une combinaison de compétences, d’expériences et de connaissances19. Les provisions recommandent que le président ne reste pas en poste plus de 9 ans après sa nomination et que les membres du conseil soient réélus chaque année. De plus, les provisions recommandent l’établissement d’un plan de succession pour les membres du conseil et du senior management20.

L’évaluation annuelle du conseil devrait tenir compte de sa composition, de sa diversité et de la manière dont ses membres travaillent ensemble pour atteindre leurs objectifs21.

7. L’audit, le risque et le contrôle interne. Le Code recommande que le conseil établisse des politiques et des procédures transparentes permettant d’assurer l’indépendance et l’efficacité des fonctions de contrôle interne et externe22.

Le conseil devrait présenter une évaluation juste, équilibrée et compréhensible de la situation et des perspectives de la société23. Le conseil pourra être aidé dans cette tâche par un comité d’audit24 (audit committee)25.

Enfin, le Code recommande que le conseil mette en place des procédures de gestion des risques, supervise le contrôle interne26 et détermine les risques que peut prendre la société afin d’atteindre ses objectifs stratégiques à long terme27.

8. La rémunération. Le Code recommande que les pratiques et politiques de rémunérations soient conçues de manière à promouvoir le succès durable de la société. La rémunération des dirigeants devrait ainsi être mise en relation avec les objectifs, les valeurs de la société et la mise en œuvre de la stratégie à long terme de la société28. L’élaboration de la politique de rémunération des dirigeants et des cadres supérieurs devrait être formalisée et transparente29.

Enfin, les administrateurs devraient faire preuve d’indépendance lorsqu’ils décident d’autoriser les rémunérations30.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Le nouveau Code AFEP-MEDEF a été publié en juin 2018.
  • 2.
    Sont qualifiées de grandes sociétés dans le projet de code, celles qui dépassent l’un des seuils suivants : 2 000 employés et/ou un chiffre d’affaires de 200 millions de livres sterlings et un bilan de 2 milliards de livres sterlings.
  • 3.
    Principle A.
  • 4.
    Les provisions du Code précisent que le conseil devrait contrôler l’application effective de l’objet, des valeurs et de la stratégie de la société.
  • 5.
    Principle C.
  • 6.
    Principle D. Les provisions proposent plusieurs modalités permettant au président du conseil ou aux présidents des comités spécialisés de recueillir ou de solliciter l’avis des actionnaires. Parmi ces recommandations, nous pouvons noter celle qui propose qu’en cas de vote d’une résolution en assemblée générale des actionnaires par moins de 80 % des voix, la société devrait communiquer sur les actions qu’elle compte mettre en place afin de comprendre ce vote, publier dans les 6 mois un résumé des points de vue des actionnaires et des mesures qu’elle a pris et publier un résumé dans le rapport annuel.
  • 7.
    Principle E.
  • 8.
    OECD, G20/OECD Principles of corporate governance, 2015, OECD Publishing, p. 34 et s. Nous pouvons citer le passage suivant, qui résume la position de l’OCDE : « The competitiveness and ultimate success of a corporation is the result of teamwork that embodies contributions from a range of different resource providers including investors, employees, creditors, customers and suppliers, and other stakeholders » ; OECD, Corporate Governance of State-Owned Entreprises : A survey of OECD Countries, 2005, OECD Publishing, spéc. p. 80 (http://dx.doi.org/10.1787/9789264009431-6-en).
  • 9.
    Pour des développements sur le rôle du conseil en matière de stratégie : IFA, Le conseil et la stratégie, janv. 2009.
  • 10.
    Principle F.
  • 11.
    La recommandation de la dissociation des fonctions de direction exécutif et de président du conseil contraste avec le Code AFEP-MEDEF qui se limite à souligner que la « loi ne privilégie aucune formule et donne compétence au conseil d’administration pour choisir entre les deux modalités d’exercice de la direction générale » (Code AFEP-MEDEF, art. 3.2).
  • 12.
    Précisons que les provisions recommandent que les administrateurs non-exécutifs aient un rôle important dans la nomination, la révocation et le contrôle des administrateurs exécutifs.
  • 13.
    Les provisions recommandent que les administrateurs non-exécutifs soient indépendants.
  • 14.
    Principle G.
  • 15.
    Principle H.
  • 16.
    Principle I.
  • 17.
    Comp. avec l’article 4.4 du Code AFEP-MEDEF : « Les relations des actionnaires avec le conseil d’administration notamment sur les sujets de gouvernement d’entreprise peuvent être confiées au président du conseil d’administration ou, le cas échéant, à l’administrateur référent. Celui-ci rend compte au conseil d’administration de cette mission ».
  • 18.
    Principle J. Comp. avec l’article 6.2 du Code AFEP-MEDEF : « Chaque conseil s’interroge sur l’équilibre souhaitable de sa composition et de celle des comités qu’il constitue en son sein, notamment en termes de diversité (représentation des femmes et des hommes, nationalités, âge, qualifications et expériences professionnelles…) (…) ».
  • 19.
    Principle K. Comp. avec les articles 6.1 et 6.2 du Code AFEP-MEDEF.
  • 20.
    Principle J. Le senior management est défini dans le Code comme le comité exécutif ou « le premier niveau de gestion au-dessous du conseil ». Le Code intègre le secrétaire de la société (company secretary) dans le senior management. Comp. avec l’article 16.2.2 du Code AFEP-MEDEF.
  • 21.
    Principle L. Les provisions recommandent que le président organise régulièrement une évaluation externe. Le Code AFEP-MEDEF recommande que le conseil débatte de son fonctionnement une fois par an, qu’une évaluation formalisée soit réalisée tous les 3 ans et qu’elle puisse être mise en œuvre par un comité spécialisé ou un administrateur indépendant avec l’aide d’un consultant extérieur. Enfin, le Code AFEP-MEDEF recommande que les actionnaires soient informés chaque année de la réalisation des évaluations dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise (Code AFEP-MEDEF, art. 9.3).
  • 22.
    Principle M.
  • 23.
    Principle N.
  • 24.
    Les provisions recommandent que le comité d’audit soit composé d’au moins trois administrateurs non exécutifs indépendants, que le président ne fasse pas partie de ce comité et qu’au moins un membre dudit comité ait une expérience en finance.
  • 25.
    Comp. avec l’article 15 du Code AFEP-MEDEF.
  • 26.
    Les systèmes de gestion des risques et de contrôle interne devraient faire l’objet d’un examen au moins une fois par an.
  • 27.
    Principle O.
  • 28.
    Principle P. Comp. avec l’article 24.1.1, § 3 : « La rémunération de ces dirigeants doit être compétitive, adaptée à la stratégie et au contexte de l’entreprise et doit avoir notamment pour objectif de promouvoir la performance et la compétitivité de celle-ci sur le moyen et long terme en intégrant un ou plusieurs critères liés à la responsabilité sociale et environnementale ».
  • 29.
    Principle Q. Comp. avec l’article 24 du Code AFEP-MEDEF.
  • 30.
    Principle R.
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