Remarques à l’attention des sociétés anonymes concernant leurs obligations à venir en 2020 en matière de représentation hommes-femmes au sein de leur conseil d’administration ou de surveillance

Publié le 31/12/2018

La parité entre les sexes au sein de la direction et des conseils est un des grands sujets de la gouvernance contemporaine. Avec la loi Copé-Zimmermann, la France a mis en place un cadre juridique favorisant cette diversité. Ce cadre a été étendu par la loi n° 2014-873 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Les dispositions relatives à la composition des conseils prévues par l’article 67 de la loi n° 2014-873 entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2020. Les sociétés doivent donc commencer à anticiper l’application de cette loi et ses effets sur la composition de leurs conseils.

1. Introduction. La composition des conseils a fait l’objet de nombreuses lois ces dernières années. Nous pouvons citer la loi Copé-Zimmermann1, la loi Rebsamen2, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes3, ou le projet de loi Pacte actuellement débattu devant le Sénat. En ce qui concerne la composition des conseils, ces lois visent notamment à favoriser la diversité. Le sujet n’est pas l’apanage de la loi puisque le Code Afep-Medef traite également du sujet4.

La présente étude a vocation à informer les mandataires sociaux des sociétés anonymes sur l’obligation de leur société eu égard à la composition de leur conseil d’administration ou de surveillance.

Nous présenterons dans un premier temps l’état du droit positif (I), puis les évolutions à venir (II) et enfin nous exposerons les risques encourus par un conseil irrégulièrement composé (III).

I – La représentation homme-femme au sein des conseils après la loi Copé-Zimmermann

2. Quelques rappels sur le mode de nomination et de renouvellement des administrateurs5. Pour rappel, dans les sociétés anonymes à conseil d’administration, la société est administrée par un conseil d’administration. Le conseil est composé d’au moins trois membres6, nommés par les actionnaires réunis en assemblée générale7. La durée de leur mandat est déterminée dans les statuts de la société et ne peut excéder 6 ans8.

Dans les sociétés anonymes à directoire, la société est dirigée par un directoire. Celui-ci est contrôlé par un conseil de surveillance9 composé d’au moins trois membres10. Tout comme les membres du conseil d’administration, les membres du conseil de surveillance sont nommés par l’assemblée générale constitutive ou ordinaire et la durée de leur mandat est déterminée dans les statuts de la société sans pouvoir excéder 6 ans11.

3. Les apports de la loi Copé-Zimmermann. La loi Copé-Zimmermann a introduit de la diversité au sein des conseils12. Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, les conseils doivent être composés en recherchant une représentation équilibrée entre femmes et hommes13.

La loi a instauré deux régimes juridiques pour les sociétés entrant dans le champ d’application de la loi (il s’agit des sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et des sociétés qui emploient, pendant trois exercices consécutifs, 500 salariés permanents avec un chiffre d’affaires net ou un total de bilan net d’au moins 50 millions d’euros) :

  • leur conseil doit avoir une proportion d’administrateurs de chaque sexe ne pouvant être inférieure à 40 % ; ou

  • lorsque leur conseil est composé au plus de huit membres, l’écart entre le nombre d’administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à 214.

4. Que faire si la parité n’est pas respectée au sein du conseil ? Le Code de commerce apporte une réponse au cas où la composition du conseil ne respecte pas la parité homme-femme. Dans ce cas, le conseil « doit procéder à des nominations provisoires afin d’y remédier dans le délai de 6 mois à compter du jour où se produit la vacance »15. La nomination des administrateurs effectuée dans ces conditions devra être ratifiée par la prochaine assemblée générale ordinaire16. Si les administrateurs ne procèdent pas à de telles nominations provisoires, tout intéressé pourra demander en justice, la convocation d’une assemblée générale afin de procéder à la nomination.

II – Le régime juridique en vigueur à compter du 1er janvier 2020

5. Les apports de la loi n° 2014-873. L’article 67 de la loi n° 2014-873 renforce la diversité au sein des conseils en diminuant le seuil relatif au nombre moyen de salariés permanents, le faisant passer de 500 à 250. Ainsi à compter du 1er janvier 2020, les sociétés qui emploient pour le troisième exercice consécutif un nombre moyen d’au moins 250 salariés permanents et présentant un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros entrent dans le champ d’application de la loi.

6. Difficulté sur l’application temporelle de la loi. Bien que l’article 67 de la loi n° 2014-873 n’entre en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2020, les sociétés doivent commencer à anticiper leur conformité ou leur possible assujettissement à cette obligation puisque l’article 67 précité prévoit que le calcul du seuil des salariés s’entend à compter du 1er janvier 2017.

DR

7. Quelles questions les conseils doivent-ils se poser ? Le conseil et le comité de rémunération, s’il existe, doivent anticiper l’entrée en vigueur de l’article 67 de la loi n° 2014-873. Pour ce faire, ils peuvent établir un plan de succession afin de veiller à ce que la société dispose, au moment de l’entrée en vigueur de la loi, ou soit prête à nommer des administrateurs leurs permettant d’être en conformité.

Afin de se préparer, les conseils peuvent se poser les questions suivantes :

  • quelle est leur composition (proportion des sexes) ?

  • quelle est la date de fin des mandats ?

  • quelles sont les compétences recherchées ?

  • comment proposer les nouveaux mandats ? / la société dispose-t-elle d’un vivier interne ?

  • comment assurer la confidentialité du processus de recrutement ?

  • comment gérer les candidats non retenus ?

Certaines sociétés ont déjà mis en place des scenarii en cas de succession. Elles veilleront donc à modifier ces scenarii afin d’être en conformité avec la loi n° 2014-873.

Loi Copé-Zimmermann

Société cotée

Société non cotée > 500 salariés permanents en moyenne pendant 3 exercices consécutifs et dont le chiffre d’affaires net ou le total de bilan net > 50 000 000 €

Société non cotée et qui ne dépasse pas les seuils précédemment énoncés

Composition du conseil

> 40 % d’administrateurs de chaque sexe

Si le conseil est < 8 membres : l’écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à 2

N/A

Loi n° 2014-873

Société cotée

Société non cotée > 250 salariés permanents en moyenne pendant 3 exercices consécutifs et dont le chiffre d’affaires net ou le total de bilan net > 50 000 000 €

Société non cotée et qui ne dépasse pas les seuils précédemment énoncés

Composition du conseil

> 40 % d’administrateurs de chaque sexe

Si le conseil est < 8 membres : l’écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à 2

N/A

III – Les risques non judiciaires encourus par un conseil irrégulièrement composé

Cette partie n’a pas vocation à traiter de la responsabilité civile des administrateurs.

8. La nullité des délibérations du conseil ? Le législateur précise que malgré l’irrégularité de la composition du conseil, celle-ci n’entraîne pas la nullité des délibérations. Le professeur Hervé Le Nabasque précise que ce type de précision législative ne doit pas occulter le risque d’une nullité encourue en cas de nombre d’administrateurs devenu inférieur au minimum légal ou statutaire17. La loi n° 2014-873 ne change pas ce point.

9. La nullité de la nomination de l’administrateur. Le législateur prévoit qu’en cas de non-respect de la parité entre les sexes au sein des conseils, « toute nomination intervenue en violation (…) et n’ayant pas pour effet de remédier à l’irrégularité de la composition du conseil est nulle ». La loi n° 2014-873 ne modifie pas ce point.

10. Le non-versement des jetons de présence. Le non-respect de la parité entre les sexes affecte les autres administrateurs puisque dans ce cas, le versement des jetons de présence est suspendu. Ce régime n’est pas affecté par la loi n° 2014-873. Le versement est rétabli lorsque la composition du conseil devient régulière. Ce versement inclut l’arriéré depuis la suspension18. Notons que le projet de loi Pacte, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, a procédé à un changement terminologique puisqu’il modifie « jetons de présence » par « rétribution des administrateurs ».

SA à CA

SA à directoire et CS

Compétence pour nommer le conseil

Actionnaires réunis en assemblée générale

Nombre minimum de membres

3

Mission générale

Administre la société

Contrôle la gestion de la société

Représentation équilibrée entre les hommes et les femmes au sein des conseils

OUI, obligatoire si la société entre dans le champ d’application de la loi

Sociétés obligées d’avoir une représentation équilibrée entre les sexes au sein de leurs conseils (2018)

– Société cotée

– Société qui emploie pour le troisième exercice consécutif un nombre moyen d’au moins 500 salariés et qui présente un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros

Sociétés obligées d’avoir une représentation équilibrée entre les sexes au sein de leurs conseils (2020)

– Société cotée

– Société qui emploie pour le troisième exercice consécutif un nombre moyen d’au moins 500 salariés et qui présente un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros

Risques pesant sur le conseil

– Nullité de la nomination d’un administrateur

– Non-versement des jetons de présence

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2011-103, 27 janv. 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle : JO n° 0023, 28 janv. 2011, p. 1680, texte n° 2.
  • 2.
    L. n° 2015-994, 17 août 2015, relative au dialogue social et à l’emploi : JO n° 0189, 18 août 2015, p. 14346, texte n° 3.
  • 3.
    L. n° 2014-873, 4 août 2014, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes : JO n° 0179, 5 août 2014, p. 12949, texte n° 4.
  • 4.
    Le code Afep-Medef de 2018 recommande une représentation équilibrée en termes de diversité au sein des conseils (code Afep-Medef, § 6.2). Le code recommande que ces derniers s’assurent que « les dirigeants mandataires sociaux exécutifs mettent en œuvre une politique de non-discrimination et de diversité notamment en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes » (code Afep-Medef, § 1.7).
  • 5.
    Nous englobons sous le terme « administrateurs » les membres du conseil d’administration et du conseil de surveillance.
  • 6.
    C. com., art. L. 225-17.
  • 7.
    C. com., art. L. 225-18. Précisons que les premiers administrateurs sont désignés dans les statuts (C. com., art. L. 225-16).
  • 8.
    C. com., art. L. 225-18.
  • 9.
    C. com., art. L. 225-58 ; C. com., art. L. 225-68.
  • 10.
    C. com., art. L. 225-69.
  • 11.
    C. com., art. L. 225-75.
  • 12.
    Selon Agnès Touraine, présidente de l’IFA, « la mixité a permis d’ouvrir les conseils à des profils différents n’appartenant pas au “old boys club” » (Kahn A., « Agnès Touraine : “La mixité a permis d’ouvrir les conseils à des profils différents” », Le Monde économie, 6 mars 2017, www.lemonde.fr/economie/article/2017/03/06/agnes-touraine-la-mixite-a-permis-d-ouvrir-les-conseils-a-des-profils-differents_5089909_3234.html).
  • 13.
    C. com., art. L. 225-17 ; C. com., art. L. 225-69.
  • 14.
    C. com., art. L. 225-18-1 ; C. com., art. L. 225-69-1.
  • 15.
    C. com., art. L. 225-24 ; C. com., art. L. 225-78.
  • 16.
    C. com., art. L. 225-24 ; C. com., art. L. 225-78. Le code précise qu’à défaut de ratification, les délibérations prises et les actes accomplis par le conseil n’en demeurent pas moins valables.
  • 17.
    Le Nabasque H., « La sanction des délibérations adoptées par un conseil d’administration irrégulièrement composé », RFGE, IFA, 1er semestre 2015, p. 99-121, spéc. p. 104.
  • 18.
    C. com., art. L. 225-45.
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