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Salon de l’agriculture 2022 : les avocats à la rencontre des agriculteurs

Publié le 23/03/2022

Le Salon international de l’Agriculture s’est tenu du 26 février au 6 mars 2022 à Paris Expo Porte de Versailles. À l’initiative du Conseil national des barreaux, une permanence y était présente pour répondre aux questions relatives au droit rural, droit fiscal, à l’exploration agricole, aux marques ou encore aux circuits de vente. Retour sur la deuxième édition de ce dispositif.

Halfpoint

La permanence juridique du CNB au Salon de l’agriculture « fait partie d’un dispositif permettant un temps d’échanges privilégiés avec les agriculteurs », détaille le communiqué. En plus des consultations, ce fut l’occasion d’organiser des « small talk » et des « mini-conférences » sur des thématiques qui ont porté par exemple sur l’agriculteur et sa famille ou encore l’avocat accompagnateur de l’entreprise agricole en difficulté. Une dizaine d’avocats et avocates y étaient présents chaque jour.

Dans un stand écoresponsable, construit en bois clair et agrémenté de végétation, situé dans le hall 4 dédié aux services, le CNB voulait « expérimenter différents formats pour vulgariser l’information juridique et offrir des consultations tous les jours aux exposants et visiteurs, précise Marion Couffignal, présidente de la commission Droit et entreprises du CNB. Il était important d’y être parce que ce salon est l’emblème de l’industrie agroalimentaire et agricole française. C’est un public qu’on ne touche pas facilement bien qu’il ait des problèmes juridiques lourds à affronter »…

« Vulgariser l’information juridique »

Les conférences organisées pour cette édition – la première a eu lieu en 2020 – avaient toutes un lien avec le monde agricole. Isabelle Grenier et Marion Couffignal ont, par exemple, coanimé une conférence sur les labels. « On en voit de plus en plus de qui émergent, y compris gérés par les coopératives de producteurs, poursuit Marion Couffignal. Nous essayons d’inciter les agriculteurs et agricultrices à se saisir de ces opportunités. C’est quelque chose qui permet de valoriser leur travail ».

Isabelle Grenier, avocate au barreau de Marseille, élue au CNB, est spécialiste en propriété intellectuelle : « Les marques collectives, qui sont des formes de labels, peuvent servir à se démarquer de la concurrence en créant des réseaux qui fidélisent la clientèle. Le confinement a montré que les gens sont plus soucieux de la qualité des produits qu’ils achètent. Déposer une marque par un groupement d’agriculteurs peut valoriser une origine géographique – par exemple la Bretagne. Cela permet à des gens de se réunir sous une même bannière pour valoriser leurs produits. Cela peut aussi s’inscrire dans une démarche RSE en lien avec la préservation de l’environnement et de la biodiversité ».

Peu connu, ce recours à la création de labels commence à être porté par certaines institutions comme les chambres de commerce et d’industrie. Mais le label peut tout aussi bien être initié par les agriculteurs et faire partie de leur stratégie commerciale.

Le message du CNB est donc d’indiquer que les avocats sont à côté du monde agricole pour les aider à réussir la vie de leur entreprise. En plus des conférences, une plaquette explicative a ainsi été éditée et distribuée sur place. On pouvait y retrouver les différentes étapes pour lesquelles un avocat ou une avocate peut être de conseil : le foncier, le fait d’avoir un conjoint collaborateur, la cession de son entreprise, la structuration, etc.

Une profession en mutation

Les agriculteurs sont des entreprises comme les autres, insistent les deux collègues, touchant à une multitude de domaines du droit : droit de l’urbanisme, droit des sociétés, droit de l’environnement, droit rural, etc.

Fait plus spécifique, la profession fait face à une situation démographique particulière avec un nombre important de départs en retraite d’exploitants. « Le besoin de droit s’accroît de la même manière parce qu’il y a une complexification et une croissance de la norme, complète Marion Couffignal. Pour celles et ceux qui travaillent, beaucoup se demandent comment se structurer pour réussir à conserver son activité ».

En face, les modes de distribution se diversifient avec la multiplication des points de ventes directes, impliquant de parfois passer de fournisseur à vendeur. Certains créent leur site internet et doivent alors prendre en compte de nouveaux outils numériques et un panel de réglementations à respecter (RGPD, conditions générales de vente, etc.). Tout cela rassemble des nouveaux besoins juridiques auxquels les avocats et avocates peuvent répondre.

Des consultations gratuites

Comme en 2020, le dispositif déployé pour le Salon de l’agriculture invitait participants et visiteurs à consulter gratuitement les avocats et avocates présents. Les problèmes soulevés étaient donc en grande partie liés au monde agricole mais pas seulement. Des curieux n’ont pas hésité à poser leur question, qu’il s’agisse de rupture conventionnelle ou de divorce. Contrairement à un salon professionnel classique, le Salon de l’agriculture draine un public divers et amène des consultations plus variées.

Caroline Varlet-Angove, est avocate, inscrite au barreau de Paris depuis 18 ans. Elle a créé son propre cabinet en 2019, à Paris et à Compiègne. Spécialisée en droit rural depuis 2010, cette fille d’agriculteur connaît bien les problématiques agricoles. Elle a pu être confrontée directement aux problèmes liés à un manque de compétence en la matière. C’est pourquoi, elle a trouvé tout naturel de passer une après-midi sur le salon bénévolement. « J’étais présente il y a deux ans avec le CNB. J’avais déjà assuré une permanence sur le stand. C’est un moment symbolique pour l’agriculture française. Il était important d’y être pour prendre la température et rencontrer du monde ».

Durant ses consultations, les demandes ont été très variables, comme celle d’un couple qui ne savait pas comment réagir face à une véranda mal faite. La majorité concernait cependant le monde agricole, avec des questions de foncier. « J’ai eu par exemple un agriculteur qui voulait savoir si et comment acquérir des terres louées à son voisin et en récupérer la jouissance pour les faire exploiter par son fils ». Comme dans son cabinet, les problématiques de terres à louer ou à vendre, ou de successions, sont monnaie courante. La SAFER occupe également les esprits (comment échapper aux droits de préemption ?), tout comme les aides de la PAC.

Pour Caroline Varlet-Angove, sa présence au salon était aussi une façon de rappeler que l’avocat n’est pas seulement présent pour défendre en cas de contentieux, mais qu’il ou elle peut donner des conseils, que ce soit au moment de l’installation, pour réfléchir à certains avantages ou envisager de prendre un ou une associée. « Dans l’imaginaire collectif et celui des agriculteurs, il peut y avoir l’idée qu’on va voir l’avocat uniquement quand on a un procès sur le dos, dit-elle. J’essaye de faire comprendre qu’on peut voir l’avocat pour du conseil en amont. C’est pourquoi les avocats ont toute leur place sur le salon » !

Valoriser le rôle de l’avocat comme conseil est ainsi un objectif clair du CNB, qui a la volonté d’être présent dans tous les salons professionnels sans distinction. « Pour les personnes qui n’auraient pas eu l’occasion de venir nous voir cette année, vous pouvez aller sur la plateforme avocat.fr où il est possible de trouver des avocats spécialisés en droit rural », conclut Marion Couffignal avant de nous donner rendez-vous pour le prochain salon…

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