Les intérêts de retard, dus par les assureurs lorsqu’ils ne sont pas diligents, ne sont pas dus par le fondsde garantie lorsque le responsable est connu

Publié le 02/04/2020

La Cour de cassation rappelle que le fonds de garantie ne peut pas être condamné au paiement d’intérêts de retard lorsque le responsable est connu, et que la prestation compensatoire de handicap n’est pas déductible des indemnités versées à la victime.

Cass. 2e civ., 6 févr. 2020, no 18-19518

Une jeune fille a été percutée en 1995 par un véhicule qui n’était pas assuré.

Quelque temps plus tard, le fonds de garantie acceptait d’intervenir et versait une provision de 1 500 € en attendant de pouvoir évaluer les préjudices par une expertise médicale.

Pour un certain nombre de raisons, l’expertise médicale mettait du temps à être organisée, et ce n’est qu’en 2007 que le fonds de garantie adressait une offre d’indemnisation à la victime.

La victime demandait devant les juges du fond l’application des articles L. 211-9 et L2. 11-13 du Code des assurances qui énoncent que lorsque l’assureur n’a pas transmis d’offre provisionnelle dans les 8 mois de l’accident, et dans les 5 mois après la date de consolidation de l’état de santé de la victime, le débiteur est tenu au versement d’intérêts au double du taux légal.

Elle demandait également que la prestation compensatoire de handicap qu’elle serait susceptible de percevoir ne soit pas déduite des sommes allouées au titre de l’assistance par tierce personne.

Les juges du fond ayant rejeté ces deux demandes, la victime se pourvoyait en cassation.

I – Le fonds de garantie, lorsque le responsable est connu, ne peut pas être condamné par une juridiction à verser des indemnités de retard

La Cour de cassation rappelle que la loi distingue deux hypothèses : dans la première, le véhicule prend la fuite et le conducteur demeure inconnu, et dans la seconde, le responsable est connu.

Ce n’est que dans la première hypothèse, prévue par l’article R. 412-14 du Code des assurances, que le fonds de garantie peut être directement assigné en justice afin d’être condamné à verser les indemnités à la victime.

Dans la seconde hypothèse, le tiers étant identifié, seul ce dernier peut être assigné en justice pour solliciter les indemnités, d’après l’article R. 421-15 du même code. La victime peut simplement demander à ce que la condamnation soit opposable au fonds de garantie, afin que celui-ci règle les indemnités en lieu et place du responsable.

La cour d’appel d’Amiens avait rejeté la demande de versement d’intérêts au double du taux légal en estimant que le fonds de garantie n’avait pas failli à son obligation d’adresser une offre d’indemnisation à la victime dans les délais prévus à l’article L. 211-13 du Code des assurances.

La Cour de cassation considère que la motivation de la cour d’appel est inexacte mais qu’elle ne change pas l’issue du litige : le fonds de garantie ne peut pas être condamné au paiement d’indemnités à la victime lorsque le responsable est connu. Elle opère donc une substitution des motifs pour aboutir au même résultat.

On pourrait se demander dans quelle hypothèse le fonds de garantie pourrait devoir des intérêts de retard à la victime lorsque le responsable est connu.

Si le fonds de garantie ne remplit pas les obligations édictées par ces textes, il ne peut pas être assigné. Seul le responsable peut l’être. Or l’article L. 211-9 du Code des assurances, qui énonce l’obligation d’adresser une offre d’indemnisation à la victime, ne concerne que l’assureur.

Cet article n’a donc pas vocation à s’appliquer à l’encontre du conducteur du véhicule, et seul ce dernier peut être assigné en justice.

En cas d’impossibilité de transiger avec le fonds de garantie dans une telle hypothèse, la victime devra assigner le responsable directement, mais ne pourra pas demander le paiement d’intérêts de retard à ce dernier, ni au fonds de garantie, qui ne peut pas être assigné.

Il en résulte donc que, lorsque la victime est blessée par un véhicule qui n’est pas assuré mais dont le responsable est connu, elle ne peut jamais prétendre au versement d’intérêts au double du taux légal, bien que les articles L. 211-9 et L. 211-13 du Code des assurances soient applicables au fonds de garantie, d’après l’article L. 211-22 du Code des assurances.

Les intérêts de retard, dus par les assureurs lorsqu’ils ne sont pas diligents, ne sont pas dus par le fondsde garantie lorsque le responsable est connu
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II – La prestation compensatoire de handicap n’est pas déductible des indemnités

Le second point abordé par la Cour de cassation est celui de l’éventuelle déductibilité de la prestation compensatoire de handicap éventuellement perçue par la victime, des indemnités versées par le fonds de garantie.

La cour d’appel avait conditionné le versement de la rente trimestrielle versée au titre de l’assistance par tierce personne à la production par la victime, tous les ans, d’un justificatif de non-versement d’une prestation compensatoire de handicap.

Rappelons que les articles 29 et 33 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 énoncent une liste de prestations payées par des tiers payeurs ouvrant droit à leur profit à un recours subrogatoire contre le débiteur.

La liste est exhaustive, toutefois la Cour de cassation estime traditionnellement que les prestations ayant un caractère indemnitaire ouvrent droit à un recours subrogatoire du tiers payeur et sont donc déductibles des indemnités versées par le débiteur.

Tel n’est pas le cas, selon elle, de la prestation compensatoire du handicap, qui, parce qu’elle n’ouvre pas droit à un recours au profit du tiers payeur, n’est pas déductible des indemnités versées à la victime.

Sur ce point, la réponse de la Cour de cassation est conforme à sa jurisprudence habituelle en la matière1.

Elle avait également jugé par le passé que l’allocation adulte handicapé et l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ne revêtent pas non plus un caractère indemnitaire, n’ouvrent pas droit à un recours du tiers payeur, et ne sont donc pas non plus déductibles des indemnités perçues par la victime2.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 2e civ., 29 juin 2017, n° 16-17864.
  • 2.
    Cass. 2e civ., 7 mars 2019, n° 17-25855.
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