Vie privée et perquisitions en dehors des heures légales
Il résulte des articles 8 de la Conv. EDH, 706-91 et 706-92 du Code de procédure pénale que l’autorisation donnée par le juge d’instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une perquisition dans un lieu d’habitation en dehors des heures légales doit comporter les motifs propres à justifier cette atteinte à la vie privée dans une ordonnance écrite et motivée, faute desquels aucun contrôle réel et effectif de la mesure ne peut avoir lieu, ce qui cause nécessairement un grief à la personne concernée (Cass. crim., 8 juill. 2015, n° 15-81731).
Il en découle qu’est nulle l’autorisation verbale donnée par ce magistrat, même suivie, après la réalisation de l’acte, de la formalisation d’une ordonnance écrite et motivée (Cass. crim., 13 sept. 2022, n° 21-87452).
Il se déduit de ce qui précède que si le juge d’instruction peut, par une ordonnance motivée conformément aux exigences ci-dessus, autoriser de telles perquisitions en considération de la situation d’urgence inhérente à des interpellations dont la date n’est pas encore fixée et du risque de dépérissement des preuves qui en résultera, encore doit-il, pour garantir l’effectivité de son contrôle, s’assurer de la persistance de cette urgence au regard des éléments de fait et de droit énoncés dans ladite ordonnance, avant que ces perquisitions ne soient réalisées.
Lorsque l’ordonnance a été ainsi délivrée antérieurement aux actes qu’elle vise, il appartient aux enquêteurs de recueillir l’avis préalable, serait-il même oral, du juge d’instruction, et de justifier de l’accomplissement de cette formalité en procédure.
Encourt la cassation l’arrêt qui, pour rejeter la demande d’annulation de la procédure réalisée à un domicile privé, énonce que l’ordonnance quelques mois plus tôt, qu’elle est motivée de manière circonstanciée et repose sur une analyse des faits objet des investigations, spécialement le caractère nocturne des agissements des mis en cause.
Les juges relèvent que c’est en considération de la situation qui sera générée par les interpellations à venir et du risque de dépérissement des preuves qui en découlera que cette autorisation a été établie.
Ils ajoutent que la loi n’interdit pas que ladite autorisation soit donnée à l’avance, la notion d’urgence étant à apprécier, non pas à ce moment-là, mais au moment, qui n’est pas nécessairement prévisible, où la perquisition autorisée sera opportune pour la manifestation de la vérité.
Ils retiennent que cette urgence était caractérisée, d’une part, en raison des recherches en cours afin d’interpeller le mis en cause, d’autre part, en raison de la nécessité de s’assurer de sa personne, la perquisition ayant été effectuée après constat, par les enquêteurs, de la fuite de l’intéressé de son domicile.
Or, si la cour d’appel relève, à juste titre, que, d’une part, l’ordonnance délivrée par le juge d’instruction était régulière, d’autre part, l’urgence s’apprécie au moment où la perquisition est réalisée, il ne résulte néanmoins pas des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que les enquêteurs aient avisé préalablement le magistrat ni que celui-ci ait donné son accord, de sorte qu’il n’a pas exercé de contrôle effectif sur la mesure.
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