Contrôle de la proportionnalité de la liquidation de l’astreinte

Publié le 28/01/2022

Aux termes de l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

Suivant une jurisprudence constante, le juge saisi d’une demande de liquidation ne peut se déterminer qu’au regard des seuls critères prévus à l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Dès lors, il ne peut limiter le montant de l’astreinte liquidée au motif que le montant sollicité par le créancier de l’astreinte serait excessif (Cass. 2e civ., 25 juin 2015, n° 14-20073) ou qu’il serait trop élevé au regard des circonstances de la cause (Cass. 2e civ., 7 juin 2012, n° 10-24967) ou de la nature du litige (Cass. 2e civ., 30 janv. 2014, n° 13-10255). L’arrêt d’une cour d’appel qui se référait au caractère « manifestement disproportionné » du montant a ainsi été cassé (Cass. 2e civ., 26 sept. 2013, n° 12-23900), de même que celui ayant réduit le montant de l’astreinte liquidée en se fondant sur « l’application du principe de proportionnalité » (Cass. 2e civ., 19 mars 2015, n° 14-14941). Dans aucune de ces affaires n’était invoquée l’application de la Conv. EDH et son Protocole n° 1.

Cependant, selon ce dernier texte invoqué par le moyen, « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

L’astreinte, en ce qu’elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l’obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci. Elle entre ainsi dans le champ d’application de la protection des biens garantie par ce protocole.

Il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d’une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte qu’elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu’elle poursuit.

Dès lors, si l’astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l’objectif d’une bonne administration de la justice, à assurer l’exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l’astreinte, en cas d’inexécution totale ou partielle de l’obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l’exécuter et de sa volonté de se conformer à l’injonction, il n’en appartient pas moins au juge saisi d’apprécier encore , de manière concrète, s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige.

Encourt la cassation l’arrêt qui, pour liquider l’astreinte à un certain montant, énonce que le destinataire de l’injonction ne démontre pas en quoi il a rencontré la moindre difficulté, à tout le moins pour adresser au juge de la mise en état une réponse à la demande qui lui était faite, et qu’il ne se prévaut pas de l’existence d’une cause étrangère qui l’aurait empêché d’exécuter l’obligation dans le délai fixé, sans répondre aux conclusions de l’assureur qui invoquait une disproportion manifeste entre la liquidation sollicitée et le bénéfice attendu d’une communication des éléments sollicités.

NOTE : Voir aussi, à la même date, les nos 20-15261 et 19-22435

Sources :