QPC : protection du locataire âgé à faibles ressources et droit de propriété

Publié le 29/05/2023
Conseil Constitutionnel
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Les requérants reprochent à la loi du 6 juillet 1989 de priver le bailleur du droit de reprendre son logement dans le cas où l’état du marché locatif le placerait dans l’impossibilité de proposer à son locataire un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités et situé dans un périmètre géographique déterminé. Il en résulterait une méconnaissance du droit de propriété.

Le Conseil constitutionnel répond qu’il est loisible au législateur d’apporter aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Selon l’article 10 de la loi précitée, le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement soit renouvelé. L’article 15 de cette même loi permet toutefois au bailleur de s’opposer à son renouvellement en donnant congé au locataire, dès lors qu’il justifie ce congé soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, telle l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant.

Lorsque le locataire remplit certaines conditions d’âge et de ressources, les dispositions contestées prévoient que le bailleur ne peut donner congé à son locataire, quel qu’en soit le motif, que s’il lui propose une offre de relogement correspondant à ses besoins et à ses possibilités, dans un périmètre géographique déterminé.

En limitant le droit du bailleur de donner congé à son locataire à l’expiration du contrat, ces dispositions portent atteinte au droit de propriété.

En premier lieu, le législateur a entendu protéger les locataires âgés et disposant de faibles ressources contre le risque de devoir quitter leur résidence principale et d’avoir à se reloger en l’absence de renouvellement du bail. Les dispositions contestées mettent ainsi en œuvre l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent.

En deuxième lieu, ces dispositions ne sont applicables que lorsque le locataire est âgé de plus de soixante-cinq ans et que ses ressources annuelles sont inférieures à un certain plafond.

En troisième lieu, si les lieux loués se trouvent dans une commune divisée en arrondissements, le logement offert au locataire peut être situé aussi bien dans le même arrondissement que dans les arrondissements ou les communes limitrophes de l’arrondissement. Lorsque la commune est divisée en cantons, ce logement peut être situé aussi bien dans le même canton que celui où se trouvent les lieux loués que dans les cantons limitrophes de la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton. Dans les autres cas, il peut être situé sur le territoire de la même commune mais aussi d’une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de cinq kilomètres. Les difficultés pratiques que pourrait rencontrer le bailleur pour formuler une offre de relogement situé dans ce périmètre n’entachent pas, par elles-mêmes, d’inconstitutionnalité les dispositions contestées.

En quatrième lieu, cette obligation n’est pas applicable lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante-cinq ans ou lorsque ses ressources annuelles sont inférieures au même plafond que celui fixé pour les locataires.

En dernier lieu, le bailleur, qui conserve évidemment la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer, dispose, en outre, en cas de manquement du locataire à ses obligations, de la faculté de l’assigner en résiliation du bail et en expulsion.

Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

Sources :
Rédaction
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