Rupture prématurée du contrat d’apprentissage : congé payés et garantie par l’AGS
Près d’un an après la rupture d’un contrat d’apprentissage par un employeur, ce dernier fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Contestant la régularité de la rupture, l’apprenti, saisit la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir paiement de salaires puis la procédure de liquidation judiciaire est clôturée pour insuffisance d’actif.
Selon l’article L. 6222-18 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre des parties durant les deux premiers mois de l’apprentissage. Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. À défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d’apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l’une des parties à ses obligations ou en raison de l’inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.
Hors ces cas, la rupture est sans effet. Dès lors, l’employeur est tenu, sauf en cas de mise à pied, de payer les salaires jusqu’au jour où le juge, saisi par l’une des parties, statue sur la résiliation ou, s’il est parvenu à expiration, jusqu’au terme du contrat.
La cour d’appel de Rouen qui retient que l’indemnité pour rupture irrégulière ne donne pas lieu au paiement de congés payés afférents, compte tenu de son caractère indemnitaire, viole ces textes dès lors qu’elle constate que la rupture unilatérale par l’employeur du contrat d’apprentissage est intervenue hors des cas prévus par la loi et devrait en déduire que, la rupture étant sans effet, l’apprenti est fondé à prétendre au paiement des salaires dus jusqu’au terme du contrat, de sorte que ceux-ci ouvrent droit au paiement des congés payés afférents.
En application de l’article L. 625-1, alinéa 2 du Code de commerce, le salarié dont la créance, née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, ne figure pas en tout ou partie sur un relevé, peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud’hommes qui doit se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l’état des créances déposé au greffe du tribunal de la procédure collective.
Selon l’article L. 625-6 du même code, les relevés des créances résultant d’un contrat de travail visés par le juge-commissaire ainsi que les décisions rendues par les juridictions prud’homales sont portés sur l’état des créances déposé au greffe.
Selon l’article L. 3253-8 1° du Code du travail, l’AGS couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Aux termes de l’article L. 3253-15 de ce code, l’AGS avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire, même si les délais de garantie sont expirés et, lorsque le mandataire judiciaire a cessé ses fonctions, le greffier du tribunal adresse un relevé complémentaire à l’AGS à charge pour lui de reverser les sommes aux salariés et organismes concernés.
Il résulte de la combinaison de ces textes que l’AGS doit garantir les sommes dues au salarié portées sur le relevé complémentaire établi à la suite d’une décision de la juridiction prud’homale rendue après la clôture de la liquidation judiciaire.
La cour d’appel, pour dire que l’AGS n’est pas tenue à garantir les sommes dues à l’apprenti, retient qu’en application des dispositions de l’article L. 3253-6 du Code du travail, tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l’étranger ou expatriés mentionnés à l’article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui lui sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ce qui exclut que la garantie puisse intervenir lorsque la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée.
Là encore, la décision est censurée par la chambre sociale de la Cour de cassation réunie en formation plénière.
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