Cession de la résidence principale : les risques en cas de contrôle fiscal

Publié le 18/02/2021

Le point sur l’exonération de la plus-value pour la cession de la résidence principale et les critères de l’administration fiscale pour refuser cette exonération, parmi lesquels les factures de consommation énergétique.

Conformément à l’article 150 U I du Code général des impôts (CGI), en cas de vente d’un bien immobilier, la plus-value réalisée est imposable à l’impôt sur le revenu au taux de 19 %. Les ventes générant une plus-value immobilière imposable supérieure à 50 000 € sont en outre soumises depuis le 1er janvier 2013 à une surtaxe prévue à l’article 1609 nonies G du CGI, dont le taux varie entre 2 % et 6 % en fonction du montant de la plus-value réalisée. Cette surtaxe ne s’applique pas aux ventes de terrains. La cession d’un bien immobilier est également soumise aux prélèvements sociaux au taux de 17, 2 % (CSG, CRDS et prélèvement de solidarité). Le calcul de la plus-value immobilière correspond à la différence entre le prix de vente du bien et son prix d’acquisition. Du prix, indiqué dans l’acte de vente, doivent être déduits sur justificatifs les frais supportés lors de la vente, comme les frais liés aux diagnostics obligatoires. Le prix de vente peut également être augmenté des sommes versées au profit du cédant, comme une indemnité d’éviction versée par l’acheteur au locataire en place. Le prix d’acquisition, mentionné dans l’acte de vente peut être augmenté des charges et indemnités versées au vendeur à l’achat, des frais d’acquisition comme les droits d’enregistrement, ou encore les frais de notaire. S’il n’est pas possible de les justifier, il est possible de comptabiliser un montant forfaitaire de 7,5 % du prix d’achat. Il est également possible de comptabiliser des dépenses de travaux qu’il s’agisse de travaux de construction, de reconstruction, d’agrandissement, ou encore d’amélioration. Lorsque le bien vendu est détenu depuis plus de cinq ans, il est possible de déduire soit le montant réel et justifié des travaux, soit un forfait de 15 % du prix d’achat. Les frais de voirie, de réseaux et distributions comme les frais d’aménagement pour une opération de lotissement par exemple, sont également pris en compte. La plus-value est diminuée d’un abattement qui est fonction du temps pendant lequel le bien immobilier a été détenu. Chaque année de détention permet de profiter d’un abattement sur la plus-value imposable à partir de la 6e année de détention. Le calcul de cet abattement diffère suivant qu’il s’agit de l’impôt sur le revenu ou qu’il s’agit de prélèvements sociaux. Ainsi, l’abattement pour durée de détention aboutit à une exonération pour l’impôt sur le revenu au bout de 22 ans. En revanche, ce même abattement pour durée de détention n’aboutit à une exonération pour les prélèvements sociaux qu’au bout de 30 ans (comme précédemment).

La notion de résidence principale

Mais une série d’exceptions à cette règle générale d’imposition existent. L’exonération la plus connue concerne la résidence principale, pour laquelle le contribuable est exonéré d’imposition sur la plus-value immobilière qu’il réalise (CGI, art. 150 U II, 1°). Cette exonération s’étend aux dépendances de la résidence principale, à condition qu’elles soient cédées en même temps que celle-ci. Qu’entend-on par résidence principale ? Il s’agit des immeubles ou parties d’immeubles constituant la résidence habituelle et effective du propriétaire au jour de la cession. D’après la doctrine de l’administration fiscale, la résidence principale correspond au « lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année » (BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20150812). Cette appréciation est une question de fait qu’il appartient à l’administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt. Il est à noter qu’une utilisation temporaire d’un logement ne peut être regardée comme suffisante pour que le logement ait le caractère d’une résidence principale susceptible de bénéficier de l’exonération. Cependant aucune durée minimale n’a été fixée quant à l’occupation effective du logement. Ainsi le juge administratif a admis que la brièveté d’une occupation ne peut faire échec à l’exonération de plus-value au titre de la résidence principale dès lors que de nombreux indices concordants prouvent la réalité de l’occupation à ce titre. Ainsi la circonstance qu’un contribuable a fait établir, dès le 17 janvier 2008, une attestation de superficie ainsi que les diagnostics immobiliers imposés par la loi avant toute vente d’un immeuble d’habitation et que le logement en cause ait effectivement été vendu le 28 mars 2008, « ni ces circonstances, ni la brièveté de la période durant laquelle C s’est maintenu dans ce logement (à compter du 24 septembre 2007) ne suffisent à remettre en cause les indices concordants énumérés au point précédent, qui établissent que l’intéressé, quelles qu’aient été alors ses intentions quant au maintien de ce logement dans son patrimoine, y avait, à tout le moins au 1er janvier 2008, soit à une date antérieure à la cession du bien, fixé sa résidence habituelle » (CAA Douai, 4 déc. 2019, n°18DA00503).

Le cas du logement inoccupé au jour de la vente

En cas de déménagement du contribuable avant la vente de son logement, ce droit à l’exonération est en principe perdu. Ainsi, l’exonération d’imposition ne s’applique notamment pas aux cessions portant sur des immeubles qui, au jour de la cession, sont donnés en location, sont occupés gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers ou sont devenus vacants. Toutefois, par mesure de tolérance, l’administration fiscale admet que la plus-value réalisée bénéficie de l’exonération dans la mesure où le logement a constitué la résidence principale du contribuable jusqu’à la mise en vente et que celle-ci est intervenue dans des délais normaux au regard des conditions du marché. Il en est ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu. L’administration n’a fixé aucun délai maximum pour la réalisation d’une telle cession. Il convient donc de faire une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au regard des raisons conjoncturelles qui pourraient retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal. Dans un contexte économique classique, un délai d’une année constitue en principe un délai normal pour finaliser une vente. Cependant, cette appréciation du caractère normal du délai de vente est une question de fait qui doit s’apprécier au regard de l’ensemble des circonstances de l’opération, qu’il s’agisse des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé ou des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien, comme des annonces dans la presse ou encore des démarches auprès d’agences immobilières.

Cession de la résidence principale : les risques en cas de contrôle fiscal
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Le contrôle exercé par l’administration fiscale

L’exonération est notamment refusée lorsque l’occupation au moment de la vente répond à des motifs de pure convenance et notamment lorsque le propriétaire revient occuper le logement juste avant la vente et pour les besoins de cette dernière. Lorsqu’un doute subsiste, le contribuable est tenu de prouver par tous moyens l’effectivité de la résidence. Il peut par exemple présenter l’acte notarié d’acquisition de ce logement mentionnant son intention de fixer dans le logement en cause le lieu de sa résidence principale, un contrat d’emprunt destiné à financer l’achat d’une résidence principale, des factures de téléphone, d’électricité, de gaz ou encore d’eau, des factures d’abonnement internet, une attestation d’assurance, des relevés des dépenses de copropriété, des avis d’imposition à la taxe d’habitation et à la redevance audiovisuelle émis au titre de l’année d’occupation du logement, des attestations de voisins, etc. De son côté l’administration fiscale s’appuie sur un faisceau d’indices pour vérifier si le bien immobilier a bien été occupé à titre de résidence principale.

L’impact de la consommation en eau

À cet égard, les consommations énergétiques jouent un rôle stratégique. Dans une espèce récente, le juge a rappelé l’importance des consommations énergétiques dans la détermination du caractère principal de la résidence qui conditionne le bénéfice de l’exonération de plus-value immobilière (CAA Douai, 17 juil. 2020, n°18DA01579). Dans cette affaire, l’administration fiscale a remis en cause le régime d’exonération des plus-values sous lequel un contribuable A a placé la vente d’une maison d’habitation lui appartenant dans l’Eure, réalisée dans l’année 2013. Le contribuable a porté cette affaire devant le juge administratif. Le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a, en conséquence, été assujetti au titre de l’année 2013, pour un total de 81 092 € majoré des intérêts moratoires. Le contribuable a fait appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Douai. Pour A, la maison d’habitation située dans l’Eure qu’il a cédée au cours de l’année 2013 constituait, à la date de cette cession, constatée par un acte notarié établi le 7 mars 2013, sa résidence principale. À cet égard, il se prévaut d’un certain nombre d’éléments de preuve : la mention portée en ce sens dans l’acte notarié, deux attestations établies par des personnes qui déclarent l’avoir aidé à emménager, en septembre 2012, dans cette maison, son avis d’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l’année 2013 pour ce bien immobilier ainsi que la police d’assurance-habitation souscrite, pour la période allant du 17 octobre 2012 au 1er octobre 2013, pour ce même bien. L’administration, à l’appui de sa proposition de rectification initiale a également accumulé plusieurs éléments de preuve : le fait que le contribuable ait déclaré dans la déclaration de revenus qu’il a souscrite en 2012, être domicilié, au cours de cette année, à l’adresse de son ancien lieu de résidence et le fait qu’il n’ait fait mention, sur l’imprimé 2042 d’aucun changement d’adresse au cours de l’année 2013. Elle fait également valoir que la taxe d’habitation à laquelle A a été assujetti en 2013 a été établie à raison de son ancien logement, démontrant nécessairement, au regard de l’objet de cet impôt, que ce dernier résidait alors effectivement dans ce logement. En outre, elle établit que la consommation d’eau potable facturée à A à raison du logement qu’il a vendu au titre de la période du 1er juin 2010 au 14 février 2013, laquelle ne s’est élevée qu’à 8 m3, est incohérente au regard de la composition de la famille de l’intéressé, qui a déclaré, au titre des années 2012 et 2013, avoir deux enfants à charge sans avoir coché la case «  parent isolé  ». Or pour le juge administratif, les éléments de preuve apportés par le contribuable : avis d’imposition à la taxe foncière, attestation de souscription d’un contrat d’assurance, ou attestations de proches, ne constituent pas en eux-mêmes, des éléments permettant de caractériser le bien immobilier comme son habitation principale. Dans ces conditions, eu égard aux indices concordants présentés par l’administration fiscale, la cour administrative d’appel a considéré que l’administration était fondée à remettre en cause le bénéfice du régime d’exonération prévu par les dispositions de l’article 150 U II,1° du CGI sous lequel A avait placé cette cession.

L’importance des consommations énergétiques

Cet arrêt est conforme à la jurisprudence administrative en la matière. Les factures de consommation énergétique constituent souvent pour l’administration fiscale un élément de preuve stratégique pour faire échec à l’application de l’exonération de plus-value immobilière au titre de la résidence principale. Un arrêt rendu également au mois de juillet 2020 mais cette fois par la cour administrative de Bordeaux en témoigne (CAA Bordeaux, 2 juil. 2020, n°18BX01825). Dans cette affaire, le contribuable a acquis en 2005 un bien immobilier en Gironde pour 55 000 € et l’a revendu 400 000 € en 2011. La plus-value ainsi réalisée a été exonérée d’impôt sur le revenu en application des dispositions de l’article 150 U du Code général des impôts dans le cadre de l’imposition de ses revenus au titre de l’année 2011. À l’issue de l’examen de la situation fiscale personnelle dont il a fait l’objet en 2014, l’administration a remis en cause le bénéfice de cette exonération en estimant que le bien immobilier ne constituait pas la résidence principale du contribuable. Le contribuable s’est pourvu en appel afin d’obtenir l’annulation de l’arrêt du tribunal administratif de 2018 qui a refusé de faire droit à ses demandes de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu mis à sa charge en raison de l’imposition de cette plus-value immobilière. Or selon la doctrine de l’administration fiscale (BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20181219), la notion de résidence habituelle correspond au lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année. Il s’agit d’une question de fait qu’il appartient à l’administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt. Dans le cas où le contribuable réside six mois de l’année dans un endroit et six mois dans un autre, la résidence principale est celle pour laquelle l’intéressé bénéficie des abattements en matière de taxe d’habitation. En l’espèce, il s’agissait d’un bien immobilier vétuste lors de son achat, ne comportant pas initialement d’accès à l’eau et à l’électricité et ayant d’ailleurs été déclaré comme un bâtiment en ruine au titre de la taxe d’habitation entre 2008 et 2010. Les factures d’eau et d’électricité produites ne correspondent pas à celles d’une maison habitée, souligne le juge administratif. En outre, le contribuable a déclaré ne pas avoir occupé cette maison mais s’être contenté de la remettre en état avec l’aide de l’entreprise de son père. En outre, le juge rappelle que s’il est possible de majorer le prix d’acquisition au titre de travaux réalisés après l’achèvement, les factures produites doivent comporter les mentions requises par l’article 289 du Code général des impôts et doivent avoir été effectivement acquittées par le cédant sur ses deniers, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Il n’y a donc pas lieu d’annuler le jugement de première instance.

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