Plus-value immobilière : l’exonération pour résidence principale
Pour la cour administrative d’appel de Paris, un délai de vente de 22 mois permet de bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux des plus-values immobilières prévue à l’article 150 U du Code général des impôts.
Résidence principale : le juge administratif considère qu’un délai de 22 mois entre la mise en vente et la vente ne fait pas échec à l’exonération de plus-value immobilière pour vente de résidence principale. En effet, l’article 150 U du Code général des impôts (CGI), prévoit en effet que toute plus-value immobilière réalisée lors de la cession d’une résidence principale est exonérée d’imposition sur le revenu. La cour administrative d’appel de Paris vient d’apporter d’utiles précisions au délai pendant lequel un immeuble peut rester inoccupé avant d’être vendu.
La notion de résidence principale
Qu’entend-on par résidence principale ? Il s’agit des immeubles ou parties d’immeubles constituant la résidence habituelle et effective du propriétaire depuis l’acquisition ou l’achèvement ou pendant au moins 5 ans. D’après la doctrine de l’administration fiscale, la résidence principale correspond au « lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année ». Cette appréciation est une question de fait qu’il appartient à l’Administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt. Il est à noter qu’une utilisation temporaire d’un logement ne peut être regardée comme suffisante pour que le logement ait le caractère d’une résidence principale susceptible de bénéficier de l’exonération. L’exonération est notamment refusée lorsque l’occupation au moment de la vente répond à des motifs de pure convenance et notamment lorsque le propriétaire revient occuper le logement juste avant la vente et pour les besoins de cette dernière. Lorsqu’un doute subsiste, le contribuable est tenu de prouver par tous moyens l’effectivité de la résidence.
Le cas du logement inoccupé
L’exonération pour résidence principale ne s’applique pas aux cessions portant sur des immeubles qui, bien qu’ayant constitué antérieurement la résidence principale du propriétaire, n’ont plus cette affectation au moment de la vente. Ainsi, l’exonération ne s’applique notamment pas aux cessions portant sur des immeubles qui, au jour de la cession, sont donnés en location, sont occupés gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers ou sont devenus vacants. Cependant par mesure de tolérance, l’administration fiscale, admet qu’un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l’immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal et sous réserve que le logement n’ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers. Il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu. L’Administration n’a fixé aucun délai maximum pour la réalisation d’une telle cession. Il convient donc de faire une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au regard des raisons conjoncturelles qui pourraient retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal. Dans un contexte économique classique, un délai d’une année constitue en principe un délai normal pour finaliser une vente. Cependant, cette appréciation du caractère normal du délai de vente est une question de fait qui doit s’apprécier au regard de l’ensemble des circonstances de l’opération, qu’il s’agisse des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé ou des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien comme des annonces dans la presse ou encore des démarches auprès d’agences immobilières. En tout état de cause, lorsque le délai excède la durée normale de vente, le seul fait que l’immeuble ait été mis en vente n’est pas considéré comme de nature à justifier l’exonération de la plus-value, notamment s’il apparaît que le prix demandé ne correspond pas aux prix pratiqués sur le marché immobilier local.
Un délai de 22 mois
Pour la cour administrative d’appel de Paris un contribuable est éligible à l’exonération de plus-value immobilière en application de l’article 150-U-II-1° du CGI alors même qu’un délai de 22 mois s’était écoulé entre la mise en vente et la vente. Dans cette affaire, Mme B. a fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l’issue duquel des rehaussements lui ont été notifiés en matière d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2009. Ce redressement porte sur la plus-value immobilière réalisée, le 30 juin 2009, lors de la cession d’une maison d’habitation située à Tourgéville. Mme B. a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2009. Le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Mme B. s’est pourvue en appel devant la cour administrative de Paris afin qu’elle réforme le jugement du 27 septembre 2016 du tribunal administratif de Paris et prononce la réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2009 à hauteur de 258 508 €, ainsi que la décharge de la pénalité pour manquement délibéré. La contribuable précisait pour fonder sa demande que l’instruction 8 M 1 09 n° 35 du 31 mars 2009 prévoit que lorsqu’un immeuble a été occupé jusqu’à sa mise en vente par le contribuable, ce dernier peut bénéficier de l’exonération de la plus-value de cession sur le fondement de l’article 150 U du Code général des impôts si la vente intervient dans un délai considéré comme normal, soit un délai de 2 ans pour les cessions intervenues en 2009 ou 2010. En outre, elle avançait que dans la mesure où l’administration fiscale ne démontrait pas qu’elle aurait déménagé plus de 2 ans avant la cession du bien immobilier sis à Tourgéville, elle ne pouvait dès lors remettre en cause le bénéfice de l’exonération de la plus-value.
La position de la cour administrative d’appel
Mme B. soutenait que le bien immobilier, objet du litige, constituait sa résidence principale jusqu’au 31 décembre 2008. À cet effet, elle produisait des factures d’électricité de 2007 et 2008 établies à son nom et faisant apparaître une consommation d’électricité significative et constante. Mme B. soutenait par ailleurs, sans être contestée, qu’elle avait été imposée à raison de ce bien à la taxe d’habitation en 2007 et 2008. L’Administration se contentait, quant à elle, d’évoquer la possibilité de l’occupation par une tierce personne, sans apporter le moindre élément permettant d’étayer son affirmation. En effet, si l’Administration relevait que les jeunes enfants de la requérante étaient scolarisés à Cannes, ce fait s’expliquait par la situation familiale de la requérante, qui était séparée du père des enfants. Ce dernier résidait en effet à Cannes et avait, à la date de la cession, la garde des enfants. Enfin, la circonstance que Mme B. ait déclaré à l’Administration avoir déménagé à Cannes en octobre 2007 est sans incidence, eu égard à l’occupation effective du bien constatée jusqu’en décembre 2008 au vu des factures d’électricité établies au nom de la requérante. En outre, il résulte de l’instruction que Mme B. avait accompli les diligences nécessaires puisqu’elle avait confié un mandat de vente à une agence immobilière dès le mois de septembre 2007. Dans ces conditions, Mme B. est fondée à soutenir qu’elle avait droit au bénéfice de l’exonération de la plus-value réalisée le 30 juin 2009, lors de la cession de la maison d’habitation située à Tourgéville et à obtenir, en conséquence, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2009 à hauteur de 258 508 €.
Une position partagée
Cette jurisprudence est loin d’être isolée. En effet, la cour administrative d’appel de Nantes, dans une affaire relativement similaire a eu l’occasion d’affirmer qu’un délai de 22 mois entre la mise en vente et la vente d’un bien immobilier pouvait être considéré comme normal au regard des circonstances de fait, permettant de facto de mettre en œuvre l’exonération de la plus-value immobilière au titre de la résidence principale. En l’espèce, un couple de contribuables, les époux B, a cédé, le 9 septembre 2009, un appartement situé à Tourgéville (Calvados), mis en vente le 12 novembre 2007. En l’espèce, la cour ne relève pas que le délai de 22 mois écoulé entre la mise en vente et la vente est trop long mais juge cependant que le bien ne constituait pas la résidence effective des contribuables. De son côté, le Conseil d’État a rappelé en 2010 que si le délai entre la mise en vente et la vente ne doit pas être excessif, il doit s’apprécier compte tenu des circonstances de fait qui ont entouré la vente. Dans cette affaire, l’Administration avait imposé d’office, en application des articles L. 66 et L. 67 du Livre des procédures fiscales (LPF), la plus-value réalisée par un couple de contribuable, M. et Mme A., à l’occasion de la vente, le 4 décembre 1999, d’un immeuble leur appartenant à Aix-en-Provence. Les contribuables avaient considéré qu’ils étaient exonérés d’impôt sur la plus-value immobilière réalisée conformément aux termes de l’article 150 C du Code général des impôts (CGI), dans sa rédaction applicable à l’imposition litigieuse, prévoyant que toute plus-value réalisée lors de la cession d’une résidence principale était exonérée. En l’espèce, la vente avait tardé puisqu’elle n’était intervenue qu’en décembre 1999 alors même que les requérants, fonctionnaires ayant obtenu leur mutation en région parisienne à compter respectivement des mois de janvier et septembre 1997, avaient mis en vente cet immeuble, qui constituait leur résidence habituelle, au mois de juin 1997. Ce délai a été jugé excessif par l’administration fiscale qui a remis en cause l’exonération de plus-value immobilière dont les contribuables s’étaient prévalus. Les contribuables se sont pourvus devant le juge administratif pour obtenir la décharge des impositions en cause. Ils ont fait valoir qu’à cette période, la commune d’Aix-en-Provence, qui envisageait la création de nouvelles zones d’aménagement concerté, avait engagé une procédure de modification du plan d’occupation des sols, rendant incertaines les transactions dans ce secteur. Ils ont indiqué avoir pu signer, en novembre 1998, une promesse de vente, assortie de conditions suspensives relatives notamment à l’évolution de la réglementation d’urbanisme applicable dans le secteur et à l’obtention d’autorisations de démolir et de construire. Pour écarter les prétentions des requérants, la cour administrative d’appel de Versailles a relevé que l’immeuble n’était plus occupé depuis le mois d’août 1997 et que sa vente n’est intervenue qu’en décembre 1999, pour en déduire qu’il ne pouvait plus être regardé comme constituant la résidence principale des contribuables lors de la cession, pour l’application des dispositions de l’article 150 C du Code général des impôts. Pour le Conseil d’État, en statuant ainsi, sans rechercher si, compte tenu notamment de la procédure d’urbanisme alors en cours invoquée par les contribuables, le délai pendant lequel cet immeuble était demeuré inoccupé pouvait être regardé comme normal, la cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit. Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, les requérants sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué. Il en va ainsi lorsque « le propriétaire a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu », précise la haute juridiction.