Plus-value immobilière : l’exonération pour résidence principale
Le point sur les conditions à remplir pour bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux des plus-values immobilières prévue à l’article 150 U du Code général des impôts.
La plus-value immobilière réalisée par un contribuable lors de la cession de sa résidence principale est exonérée d’impôt sur le revenu (CGI, art. 150 U).
La notion de résidence principale
Première condition à remplir pour le contribuable : la cession doit porter sur sa résidence principale, c’est-à-dire, d’après la doctrine de l’administration fiscale, le « lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année ». Pour Bercy, la notion de résidence habituelle et effective du propriétaire d’un bien immobilier est une question de fait qu’il appartient à l’administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt. Dans le cas où le contribuable réside six mois de l’année dans un endroit et six mois dans un autre, la résidence principale est celle pour laquelle l’intéressé bénéficie des abattements en matière de taxe d’habitation. Il est à noter qu’une utilisation temporaire d’un logement ne peut être considérée comme suffisante pour que le logement ait le caractère d’une résidence principale susceptible de bénéficier de l’exonération. L’exonération est notamment refusée lorsque l’occupation au moment de la vente répond à des motifs de pure convenance et notamment lorsque le propriétaire revient occuper le logement juste avant la vente et pour les besoins de cette dernière.
Lorsqu’un doute subsiste, le contribuable est tenu de prouver par tous moyens l’effectivité de la résidence. Il devra notamment fournir les documents attestant de son occupation effective (factures d’énergie, d’eau) pour répondre à la demande de l’administration fiscale. À cet égard, la cour administrative d’appel de Douai a récemment confirmé le rôle stratégique des consommations énergétique dans une espèce où le juge administratif a considéré que la consommation d’électricité était trop faible pour justifier d’une occupation à titre principal. Il a également précisé que des éléments comme des attestations de proches, un avis d’imposition à la taxe foncière ou encore une souscription de contrat d’assurance ne peuvent constituer des éléments de preuve pour justifier de l’occupation d’un bien immobilier à titre de résidence principale (CAA Douai, 17 juil. 2020, n° 18DA01579). Ces factures énergétiques, si elles sont essentielles, ne sont pas nécessairement suffisantes.
Le contribuable doit également être en mesure de prouver qu’il a eu la jouissance continue de son bien. Tel n’est pas le cas d’un contribuable qui aurait donné à bail son bien pour des locations de courte durée, s’en réservant la possibilité de l’occuper de façon discontinue, pour de courtes périodes, en prévenant le locataire et en évitant les périodes de haute saison (CAA Paris, 19 mai 2017, n° 15PA007660). Cette démonstration est particulièrement délicate lorsque le contribuable a plusieurs logements qu’il occupe de manière régulière et que les consommations énergétiques de ces biens sont sensiblement égales. Dans une espèce où les contribuables occupaient une maison située à Tourgéville qu’ils revendiquaient être leur résidence principale et également un appartement à Paris en vertu d’un bail soumis à la loi du 1er septembre 1948, et assuré avec un contrat d’inoccupation de moins de 90 jours, la cour administrative d’appel de Nantes a considéré que cet appartement parisien devait être considéré comme la résidence principale des contribuables faisant échec à l’exonération « résidence principale » dont ils revendiquaient l’application pour l’imposition de la plus-value réalisée lors de la cession de leur bien immobilier de Tourgeville (CAA Nantes, 10 mars 2016, n° 14NT01750).
Le cas du logement inoccupé
Si la cession porte sur un immeuble qui, bien qu’ayant constitué antérieurement la résidence principale de son propriétaire, n’a plus cette affectation au moment de la vente, l’exonération « résidence principale » n’est en principe pas applicable. En effet, le logement doit être la résidence principale du cédant au jour de la cession. Cependant, Bercy a mis en place une mesure de tolérance, et admet qu’un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour. Cette mesure de tolérance ne peut s’appliquer que si le délai pendant lequel l’immeuble est demeuré inoccupé est considéré comme normal et sous la réserve que le logement n’ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers.
L’exonération « résidence principale » s’applique dans la mesure où le cédant a accompli l’ensemble des diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu.
En pratique, quel délai ?
L’administration n’a fixé aucun délai maximum pour la réalisation d’une telle cession. Il convient donc de faire une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au regard des raisons conjoncturelles qui pourraient retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal.
Dans un contexte économique classique, un délai d’une année constitue en principe un délai normal pour finaliser une vente. Si ce n’est pas le cas, cette question de fait doit être appréciée en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’opération, qu’il s’agisse des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé ou des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien comme des annonces dans la presse ou encore des démarches auprès d’agences immobilières (BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20150812). La cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’un délai de deux ans ne se justifiait pas pour vendre une villa située à Fréjus dans laquelle le propriétaire avait initié des travaux dont il ne démontrait pas l’utilité pour accélérer la vente (CAA Marseille, 16 févr. 2021, n° 19MA04636). En revanche, la cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré qu’un délai de 18 mois pour vendre deux biens immobiliers dans les Landes, au regard de la date du mandat donné à l’agence et de la date de la signature du compromis devait être considéré comme normal (CAA Bordeaux, 6 mai 2021, n° 19BX04551). De même, la cour administrative d’appel de Paris a considéré qu’un contribuable reste éligible à l’exonération de plus-value immobilière en application de l’article 150 U du Code général des impôts alors même qu’un délai de 22 mois s’était écoulé entre la mise en vente et sa réalisation, au regard des diligences dont il a fait preuve et notamment de la date de conclusion du mandat de vente (CAA Paris, 3 mai 2017, n° 16PA03412). Si le délai entre la mise en vente du bien et sa date de vente effective était de 22 mois, entre la date de vacance du bien et sa vente effective il n’était que de six mois. En outre, en 2014, le Conseil d’État a jugé comme normal un délai de 22 mois entre la vente effective d’un bien et sa date de mise en vente, précisant dans un considérant de principe, qu’un « immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l’immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal ; qu’il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l’immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu » (CE, 7 mai 2014, n° 356328).
La cour administrative d’appel de Nantes, dans une affaire relativement similaire a eu l’occasion d’affirmer qu’un délai de 22 mois entre la mise en vente et la vente d’un bien immobilier pouvait être considéré comme normal au regard des circonstances de fait, permettant de facto de mettre en œuvre l’exonération de la plus-value immobilière au titre de la résidence principale (CAA Nantes, 10 mars 2016, n° 14NT01750).
Référence : AJU000j0