Plus-value immobilière : la notion de résidence principale

Publié le 19/08/2016

La cour administrative d’appel de Nantes rappelle l’exigence avec laquelle la notion de résidence principale doit être appréciée au regard de l’exonération d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux des plus-values immobilières prévue à l’article 150 U du Code général des impôts.

En cas de vente de sa résidence principale, le contribuable est exonéré d’imposition sur la plus-value immobilière qu’il réalise. L’article 150 U du Code général des impôts (CGI), prévoit en effet que toute plus-value réalisée lors de la cession d’une résidence principale est exonérée. La cour administrative d’appel de Nantes vient de juger que des contribuables disposant également d’un appartement loué à Paris ne démontraient pas que le bien dont ils étaient propriétaires en province constituait leur résidence principale au moment de la cession1. Les juges du fond se sont appuyés pour conclure en ce sens sur les dispositions du bail contracté par le couple et sur celles des contrats d’assurance habitation contractés pour chacun de ces deux biens.

La notion de résidence principale

Qu’entend-t-on par résidence principale ? Il s’agit des immeubles ou parties d’immeubles constituant la résidence habituelle et effective du propriétaire depuis l’acquisition ou l’achèvement ou pendant au moins cinq ans. D’après la doctrine de l’administration fiscale la résidence principale correspond au « lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année »2. Cette appréciation est une question de fait qu’il appartient à l’Administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt. Dans le cas où le contribuable réside six mois de l’année dans un endroit et six mois dans un autre, la résidence principale est celle pour laquelle l’intéressé bénéficie des abattements en matière de taxe d’habitation. Il est à noter qu’une utilisation temporaire d’un logement ne peut être regardée comme suffisante pour que le logement ait le caractère d’une résidence principale susceptible de bénéficier de l’exonération. L’exonération est notamment refusée lorsque l’occupation au moment de la vente répond à des motifs de pure convenance et notamment lorsque le propriétaire revient occuper le logement juste avant la vente et pour les besoins de cette dernière. Lorsqu’un doute subsiste, le contribuable est tenu de prouver par tous moyens l’effectivité de la résidence.

Une exonération remise en compte

En l’espèce, un couple de contribuables, les époux B., ont cédé, le 9 septembre 2009, un appartement situé à Tourgéville (Calvados), mis en vente le 12 novembre 2007. Dans le cadre de cette cession immobilière, ils ont estimé qu’ils bénéficiaient de l’exonération prévue à l’article 150 U du CGI. L’administration fiscale leur a adressé successivement deux demandes d’éclaircissements et de justifications, les 24 mai et 13 juin 2012, destinées à vérifier le bien-fondé de l’exonération dont ils se prévalaient. Ces demandes sont restées sans réponse. L’administration fiscale a considéré qu’à la date de la cession, ce bien ne constituait pas la résidence principale des époux B. et a soumis en conséquence la plus-value constatée à l’impôt. Monsieur et Madame B. ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2009 ainsi que de l’intérêt de retard correspondant, d’une part, et de mettre à la charge de l’État une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, d’autre part. Le 29 avril 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande3. Les contribuables se sont donc pourvus devant la cour administrative d’appel de Nantes pour obtenir l’annulation de ce jugement.

Une cession trop tardive ?

Le logement doit être la résidence principale du cédant au jour de la cession. Un immeuble ne perd cependant pas sa qualité de résidence principale du fait que son propriétaire libère les lieux avant la date de sa vente, dès lors que le délai pendant lequel l’immeuble était demeuré inoccupé peut être regardé comme normal, sous réserve que le logement n’ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers. En l’espèce, les époux B. ont mis en vente leur bien le 12 novembre 2007 et l’ont cédé 22 mois plus tard le 9 septembre 2009. Pour l’Administration, dans un contexte économique normal, un délai d’une année constitue en principe le délai maximal. Cependant, l’appréciation du délai normal de vente reste une question de fait qui s’apprécie au regard de l’ensemble des circonstances de l’opération, notamment des conditions locales du marché immobilier, du prix demandé, des caractéristiques particulières du bien cédé et des diligences effectuées par le contribuable pour la mise en vente de ce bien (annonces dans la presse, démarches auprès d’agences immobilières, etc.). En effet, des raisons conjoncturelles peuvent retarder la vente. En tout état de cause, lorsque le délai excède la durée normale de vente, le seul fait que l’immeuble ait été mis en vente n’est pas considéré comme de nature à justifier l’exonération de la plus-value, notamment s’il apparaît que le prix demandé ne correspond pas aux prix pratiqués sur le marché immobilier local.

Une imposition d’office

La plus-value réalisée par M. et Mme B. ayant fait l’objet d’une évaluation d’office dont la régularité n’est pas contestée, en application de l’article L. 193 du Livre des procédures fiscales, il leur incombe de prouver que cette plus-value remplit les conditions d’exonération posées par le 1° du II de l’article 150 U du Code général des impôts. En l’espèce, la Cour ne relève pas que le délai de 22 mois écoulé entre la mise en vente et la vente est trop long mais juge que le bien ne constituait pas la résidence effective des contribuables. Les époux B., de leur côté, avançaient un certain nombre d’arguments destinés à démontrer qu’ils avaient leur résidence principale à Tourgéville. Au cours des années précédant la cession, ils produisaient des factures d’électricité et des relevés de charges démontrant que les consommations d’eau et d’électricité de leur appartement parisien avaient diminué alors que celles de l’appartement sis à Tourgéville avaient significativement augmenté. Ils précisaient en outre être inscrits sur les listes électorales de Tourgéville. Depuis 2005, les époux avaient mentionné lors de l’établissement de leurs déclarations d’impôt sur le revenu que l’appartement situé dans cette commune était leur habitation principale.

Pour les juges du fond ces éléments de fait apparaissent peu convainquants. Compte tenu du peu d’écart entre leurs niveaux respectifs, les consommations électriques de l’appartement occupé par M. et Mme B. à Paris et de celui qu’ils possédaient à Tourgéville ne suffisent pas à démontrer que ce dernier aurait été leur résidence principale, estime la cour administrative d’appel. En outre, pour justifier de leurs consommations d’eau dans les appartements de Paris et Tourgéville, les requérants se bornaient à produire des décomptes de charges sur lesquels figurent non leurs consommations d’eau, mais les sommes dues à ce titre. En outre, la circonstance que M. et Mme B. aient été inscrits sur les listes électorales à Tourgéville est, par elle-même, dépourvue d’incidence sur la solution du litige. Enfin, les requérants avaient déclaré comme habitation principale, au 1er janvier 2009 non pas l’appartement de Tourgéville, mais une maison qu’ils détiennent à Cabourg. Par ailleurs, soulignent les juges du fond, les époux B. occupaient leur appartement parisien en vertu d’un bail d’habitation soumis à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, dont le 2° de l’article 10 subordonne, en principe, le maintien dans les lieux à l’occupation du local au moins huit mois dans l’année. Et les requérants avaient conclu un contrat d’assurance habitation pour cet appartement qui prévoyait une période d’inhabitation annuelle de moins de 90 jours, tandis que le contrat d’assurance habitation concernant l’appartement de Tourgéville mentionnait une période d’inhabitation de plus de 90 jours. La cour administrative d’appel en déduit que les époux B. n’établissaient pas que l’appartement de Tourgéville constituait, au sens et pour l’application de l’article 150 U du CGI, leur résidence principale au jour de sa cession.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CAA Nantes, 10 mars 2016, n° 14NT01750.
  • 2.
    BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20150812.
  • 3.
    TA Caen, 29 avr. 2014, n° 1301484.
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