Focus sur le dispositif Malraux
Les propriétaires d’immeubles anciens peuvent bénéficier d’avantages fiscaux conséquents dans le cadre de leurs opérations de restauration grâce au dispositif Malraux. Le point sur ce dispositif d’investissement locatif.
La loi sur la restauration du patrimoine du 4 août 1962, dite loi Malraux, concerne les investisseurs dans l’immobilier ancien qui réhabilitent des biens situés dans les quartiers historiques de centre-ville. Elle leur permet de réaliser un investissement locatif tout en bénéficiant d’un puissant levier fiscal via un mécanisme de réduction d’impôt sur le revenu.
Une réfection totale
L’opération doit être réalisée en vue de la restauration complète d’un immeuble bâti situé dans un des secteurs, quartiers ou zones concernés. La restauration de ces locaux d’habitation doit avoir été déclarée d’utilité publique, sauf lorsque l’immeuble est situé dans un secteur sauvegardé couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), approuvé pour les opérations engagées par une demande de permis de construire ou une déclaration préalable déposée entre le 1er janvier 2009 et le 8 juillet 2016 ; ou dans un site patrimonial remarquable couvert par un PSMV approuvé ; ou par un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP) approuvé, pour les opérations engagées par une demande de permis de construire ou une déclaration préalable déposée à compter du 9 juillet 2016.
Pour pouvoir bénéficier de cette réduction d’impôt, le propriétaire doit effectuer une réfection totale de l’immeuble et s’engager à louer le bien non meublé pendant une durée minimale de 9 ans. Le bien doit être loué comme résidence principale, sans condition de niveau de loyer, ni de ressources pour le locataire. Le locataire ne doit pas appartenir au foyer fiscal du bailleur, ni être un ascendant ou un descendant.
Deux taux de réduction d’impôt
Le taux de la réduction d’impôt est fixé à 30 % pour les travaux effectués sur un immeuble situé dans un site patrimonial remarquable (SPR) couvert par un PSMV. Dans les quartiers anciens dégradés (QAD), la réduction de 30 % ne vise que les dépenses supportées jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard. Dans les quartiers présentant une concentration élevée d’habitat ancien dégradé et faisant l’objet d’une convention pluriannuelle prévue à l’article 10-3 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, elle n’est également applicable qu’aux dépenses supportées jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard.
Le taux de la réduction d’impôt est fixé à 22 % pour les travaux qui sont réalisés sur un immeuble situé dans un SPR, avec PVAP, ou dont le programme de restauration a été déclaré d’utilité publique.
Prise en compte des dépenses
La base de la réduction d’impôt est constituée par le montant des dépenses éligibles, à l’exclusion du prix d’acquisition du logement. En cas de vente d’immeuble à rénover (VIR), le montant des dépenses est celui des travaux devant être réalisés par le vendeur et payés par l’acquéreur selon l’échéancier prévu au contrat. Les dépenses sont prises en compte dans la limite d’un plafond de 400 000 €, calculé sur quatre années consécutives, ce qui correspond donc à une réduction maximale annuelle de 120 000 €. Lorsque le bien est détenu en indivision, le plafond de 100 000 € ou de 400 000 € s’applique distinctement à chaque propriétaire indivis. Lorsque l’immeuble est détenu par une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, chaque associé bénéficie de la réduction d’impôt sur le montant de sa quote-part de dépenses retenue dans la limite de 100 000 € ou de 400 000 €.
Le fait générateur de la réduction d’impôt est constitué par la date de paiement des dépenses éligibles par le propriétaire ou son mandataire, à l’entreprise qui a réalisé les travaux de restauration. Seules ouvrent droit à la réduction d’impôt, au titre de l’année de leur versement, les sommes effectivement acquittées par le contribuable au titre des travaux éligibles et dont il justifie qu’elles ont bien été affectées au paiement des dépenses correspondantes. Des sommes versées au titre du paiement échelonné au fur et à mesure de la réalisation des travaux éligibles et qui donnent lieu à facturation, ouvrent donc droit à l’avantage fiscal au titre de l’année du paiement correspondant. Les dépenses payées sont retenues pour leur montant, TVA comprise, après déduction des aides ou subventions accordées pour la réalisation des travaux, notamment par l’Agence nationale de l’habitat (Anah).
L’investissement en SCPI
Au regard de la complexité de certaines opérations de réhabilitation, certains programmes Malraux sont proposés dans le cadre de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Ces dernières permettent de mutualiser le risque et l’effort financier pour acquérir ces biens. Pour les souscriptions de parts de SCPI, la base de la réduction d’impôt est calculée sur le montant de la souscription affecté à la réalisation de dépenses éligibles, c’est-à-dire sur la seule quote-part travaux à l’exclusion de la quote-part de souscription correspondant à l’acquisition d’immeubles et aux frais de collecte, de recherche et d’investissement, dans la limite, selon le cas, de 100 000 € par an pendant quatre années consécutives, lorsque la date de clôture de la souscription est intervenue au plus tard le 31 décembre 2016 ou de 400 000 € sur une période globale de quatre années consécutives, lorsque la date de clôture de la souscription est intervenue à compter du 1er janvier 2017.
Un dispositif peu évalué
Le dispositif Malraux est un instrument précieux pour l’entretien et la réhabilitation du patrimoine citadin. Pour l’association Villes de France, « le dispositif Malraux est en effet un moyen d’attirer les propriétaires investisseurs qui participent au développement et au rayonnement des villes de France ». On doit notamment à ce dispositif le renouveau du quartier de la Balance à Avignon, cher à André Malraux, la rénovation du vieux Lyon, maintenant classé au Patrimoine mondial de l’humanité, celle du quartier du Marais à Paris ou encore celle du centre-ville de Bordeaux. Il concerne également de petites villes. À Trouville-sur-Mer, un immeuble remarquable, l’Hôtel des postes, construit selon les plans de l’architecte Pierre Chirol, a ainsi récemment fait l’objet d’un programme Malraux prévoyant que le bâtiment soit divisé en 11 logements et les façades sur rue conservées intactes, ainsi qu’une partie de son aménagement intérieur. On trouve actuellement des programmes Malraux dans des centres anciens dégradés, dans de nombreuses villes : Honfleur, Senlis, Colmar, Bayeux…
Si on ne peut contester ces réussites, le dispositif Malraux est également un dispositif ancien et sur lequel on ne dispose pas d’évaluation. Pour le secrétaire d’État à la Ruralité, Joël Giraud, qui a plaidé sans succès pour un bornage du dispositif dans le temps alors qu’il était rapporteur général du budget dans le cadre du vote de la loi de finances pour 2020 : « il ne s’agit pas du tout de dire que le dispositif est mauvais et qu’il faut le supprimer mais qu’il faut le borner pour l’évaluer ». Le projet de bornage, d’abord fixé au 31 décembre 2020, puis au 31 décembre 2023, a suscité une levée de bouclier et a fini par être abandonné. Le besoin d’évaluation subsiste néanmoins.
Pas de plafonnement applicable
Le dispositif Malraux constitue un dispositif de défiscalisation d’autant plus efficace que le plafonnement global des niches fiscales prévu par l’article 200 OA du Code général des impôts (CGI) ne s’applique pas à la réduction d’impôt Malraux. Depuis 2013, ce plafonnement a été abaissé de 15 000 € à 10 000 €. Le législateur en a profité pour écarter du champ d’application du plafonnement les avantages procurés par la réduction d’impôt accordée au titre des dépenses de restauration immobilière pour lesquelles une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux a été déposée à compter du 1er janvier 2013 ou au titre des souscriptions de parts de SCPI dont la date de clôture est intervenue à compter du 1er janvier 2013.
Référence : AJU000e1