L’échange automatique d’informations s’accélère

Publié le 23/09/2020

L’impact des nouvelles normes de transparence s’avère positif. Grâce aux progrès de l’échange automatique de renseignements sur les comptes financiers, la communauté internationale accomplit de nouvelles avancées dans la lutte contre la fraude fiscale internationale et génère des résultats tangibles pour les États du monde entier.

La coopération entre les administrations fiscales est essentielle dans la lutte contre la fraude fiscale et pour protéger l’intégrité des systèmes fiscaux. À cet égard, dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale internationale, les échanges de renseignements avec ses partenaires étrangers tiennent un rôle stratégique. Depuis 2012, l’intérêt des États s’est peu à peu focalisé sur les possibilités offertes par l’échange automatique de renseignements. L’échange automatique de renseignements concerne la communication systématique, à intervalles réguliers, de blocs de renseignements relatifs à diverses catégories de revenus (dividendes, intérêts, etc.), par le pays de la source du revenu au pays de résidence du contribuable. Cette technique de coopération permet aux administrations fiscales compétentes de disposer en temps utile d’informations sur des cas de fraude fiscale portant soit sur des rendements d’investissements, soit sur le montant du capital sous-jacent. Et le développement des échanges automatiques d’informations commence à porter ses fruits. Il a ainsi permis à l’administration française de bénéficier de la transmission de données portant sur plus de 4,8 millions de comptes détenus par des résidents français à l’étranger. Plus de 80 États et juridictions ont transmis des données, dont la Suisse, le Luxembourg et des paradis fiscaux comme le Panama ou les Îles Caïmans. En 2019, ces éléments ont permis de mieux appliquer les amendes prévues en cas de comptes bancaires à l’étranger non déclarés, dont le produit a progressé de 3 M€ en 2018 à 9,50 M€ en 2019, d’après les chiffres de la DGFiP pour 2019.

Une norme commune de déclaration

Une norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale (Norme AEOI) a été développée en réponse à la demande des dirigeants du G20 et approuvée par le Conseil de l’OCDE, le 15 juillet 2014. Elle vient compléter l’autre norme du Forum mondial sur l’échange d’informations sur demande (EOIR).

Alors que la norme AEOI prévoit l’échange automatique d’informations financières prédéfinies pouvant ensuite être utilisées pour évaluer les risques et déclencher des enquêtes fiscales, la norme EOIR fournit, quant à elle, un cadre permettant aux autorités fiscales de demander et d’obtenir des informations spécifiques sur la base des activités de conformité en cours, notamment pour donner suite aux informations échangées automatiquement.

La Norme commune de déclaration (NCD) invite les juridictions à obtenir des informations de leurs institutions fiscales et à échanger automatiquement ces informations chaque année avec les autres juridictions, réduisant ainsi les possibilités de fraude fiscale internationale. La norme s’inspire largement des travaux antérieurs de l’OCDE dans le domaine de l’échange automatique de renseignements. Elle intègre les progrès réalisés au sein de l’Union européenne, tout comme les normes internationales de lutte contre le blanchiment, la mise en œuvre du Foreign account tax compliance act (FATCA) ayant agi comme un catalyseur pour le passage à l’échange automatique de renseignements dans un contexte multilatéral. Cette norme définit les informations de comptes financiers à échanger, les institutions financières qui sont en demeure de les déclarer, les différents types de comptes et les contribuables concernés, ainsi que les procédures communes de diligence raisonnable qui doivent être suivies par les institutions financières. Elle prévoit l’échange automatique annuel entre États de renseignements relatifs aux comptes financiers, notamment les soldes, intérêts, dividendes et produits de cession d’actifs financiers déclarés à l’administration par les institutions financières, concernant des comptes détenus par des personnes physiques et des entités, y compris des fiducies et des fondations. Elle définit les renseignements relatifs aux comptes financiers à déclarer, les différents types de comptes et de contribuables couverts, ainsi que les procédures de diligence raisonnable à suivre par les institutions financières. La version complète de la Norme contient des commentaires et des orientations à l’intention des pouvoirs publics et des institutions financières, des modèles d’accord détaillés ainsi que des recommandations pour des modalités techniques et des systèmes de technologie de l’information harmonisés, notamment un format normalisé pour la transmission sécurisée des données. Elle comprend un Modèle d’accord entre autorités (AAC) pour l’échange automatique de renseignements afin de faciliter la conclusion d’un accord bilatéral, la Norme commune de déclaration proprement dite, les commentaires sur ces deux éléments et le guide d’utilisation du schéma XML de la NCD. En 2017, une nouvelle édition de cet ensemble a été publiée, contenant des recommandations techniques sur la manière de procéder aux corrections et annulations dans le cadre du schéma XML de la NCD ainsi qu’un ensemble révisé et étendu d’exemples de corrections. Les autres éléments sont restés inchangés par rapport à la première édition de 2014.

Un accord-cadre multilatéral

L’échange automatique d’informations fiscales est prévu par plusieurs textes. Au niveau international, il est prévu par l’accord-cadre multilatéral entre autorités compétentes pour l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, fondé sur l’article 6 de la convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Cet accord-cadre a été signé le 29 octobre 2019, à Berlin, sous l’égide de l’OCDE. Il prévoit la mise en œuvre de la NCD en vue de l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale. Au niveau communautaire, l’échange automatique de renseignements bancaires est également prévu par l’article 8 de ladirective 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscalet abrogeant la directive 77/799/CEE, qui reprend la norme commune de déclaration de l’OCDE. Il faut aussi signaler pour les échanges automatiques de renseignements entre la France et les États-Unis, l’accord du 14 novembre 2013 pour l’application de la loi « FATCA », ou « loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers », adoptée par les États-Unis le 18 mars 2010.

En droit interne, le fondement législatif de l’échange automatique d’informations est constitué par l’article 1649 AC du Code général des impôts, créé par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires. Les institutions financières doivent fournir à l’administration fiscale les données sur les revenus et les actifs financiers des contribuables dont elle a besoin pour répondre aux demandes d’assistance administrative émanant des États avec lesquels de tels échanges sont prévus. L’article 56 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a organisé le contrôle et les sanctions des règles applicables aux institutions financières et aux titulaires de comptes financiers, en vue de permettre à la direction générale des finances publiques (DGFiP) d’envoyer aux autorités compétentes des États et territoires étrangers les informations sur les comptes financiers détenus directement ou indirectement par leurs résidents fiscaux. Ce texte a complété les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de l’échange automatique d’informations fiscales, en précisant les obligations respectives des institutions financières et des titulaires des comptes financiers, les procédures et les sanctions applicables, et les autorités chargées du contrôle du respect des diligences qui incombent aux institutions financières. Le 26 février 2020, la DGFiP a actualisé sa doctrine concernant les règles relatives à la collecte et à la déclaration des informations sur les comptes financiers transmises automatiquement aux autorités compétentes étrangères.

L’échange automatique d’informations s’accélère
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Un bilan très positif

Afin d’uniformiser les règles du jeu, le Forum mondial a lancé un processus d’engagement dans le cadre duquel 100 juridictions se sont engagées à mettre en œuvre la norme AEOI à temps pour débuter des échanges automatiques d’informations en 2017 ou 2018. Les premiers échanges ont commencé en septembre 2017 avec un groupe de 49 juridictions. En 2018, ce sont 90 juridictions qui ont échangé des informations automatiques en conformité avec la norme AEOI. En 2019, ces 94 juridictions ont conclu environ 64 000 accords bilatéraux. Bien que le passage à la norme AEOI soit encore relativement récent, il a déjà un impact significatif. La mise en œuvre des nouvelles normes de transparence par le Forum mondial permet à la communauté internationale d’accomplir des progrès décisifs dans la lutte contre la fraude fiscale internationale. « L’échange automatique de renseignements change les règles du jeu », a déclaré le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, à la veille d’une réunion plénière du Cadre inclusif sur le BEPS de l’OCDE et du G20. En 2019, près d’une centaine de pays ont pratiqué l’échange d’informations financières. Ces échanges de renseignements automatiques ont permis à leurs administrations fiscales d’obtenir des données sur 84 millions de comptes financiers détenus à l’étranger par leurs résidents, correspondant à un montant total de 10 000 milliards d’euros. À titre de comparaison, en 2018, première année de la généralisation de l’échange automatique, des données avaient été échangées concernant 47 millions de comptes financiers représentant une valeur de 5 000 milliards d’euros. Cette hausse significative des échanges d’informations s’explique par l’augmentation du nombre de juridictions qui ont reçu des renseignements et par l’élargissement du champ des renseignements échangés. « Ce système d’échange multilatéral créé par l’OCDE et piloté par le Forum mondial procure désormais aux pays du monde entier, y compris à de nombreux pays en développement, une mine d’informations nouvelles grâce auxquelles leurs administrations fiscales peuvent s’assurer que les comptes à l’étranger sont dûment déclarés. Les pays vont pouvoir mobiliser beaucoup plus de recettes, ce qui est particulièrement important à la lumière de la crise actuelle de la Covid-19, tout en se rapprochant d’un monde où les fraudeurs ne pourront plus se cacher », a commenté le secrétaire général de l’OCDE.

Les retombées de la mise en œuvre de l’échange de renseignements se sont manifestées avant même le début de leur mise en application. Une étude de l’OCDE, datée de novembre 2019, a révélé que le renforcement de l’échange de renseignements sous l’égide du Forum mondial est associé à une diminution globale des dépôts bancaires détenus par des entités étrangères dans les centres financiers internationaux de 24 % (410 milliards USD) entre 2008 et 2019. Les programmes de déclaration volontaire, les enquêtes fiscales internationales et les initiatives analogues engagés avant le début de l’échange automatique en 2017 et depuis lors, ont déjà permis d’identifier plus de 100 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires au niveau mondial. « La découverte, grâce à l’échange automatique de renseignements, de comptes jusqu’alors dissimulés a permis et permettra de mobiliser des milliards de recettes fiscales supplémentaires », a déclaré le secrétaire général de l’OCDE. « Les résultats impressionnants de nos travaux sur la transparence fiscale prouvent qu’en unissant nos forces, nous sommes tous gagnants. La coopération fiscale internationale est une des clés du succès », a-t-il conclu.

Le rôle du Forum mondial

Fondé en 2000 pour élaborer des normes bancaires et fiscales, le Forum mondial a un rôle stratégique. C’est dans cette enceinte multilatérale que le travail en matière de transparence fiscale et d’échange de renseignements est mené par plus de 160 juridictions participant, sur un pied d’égalité, aux travaux du Forum mondial. Cette instance est chargée de la surveillance approfondie et de l’examen par les pairs de la mise en œuvre des standards en matière de transparence et d’échange de renseignements à la demande (EOIR) et d’échange automatique de renseignements. L’EOIR prévoit l’échange international sur demande des informations prévisibles pour l’administration ou l’application des lois fiscales nationales d’une partie demandeuse. Tous les membres du Forum mondial ont accepté d’évaluer leur mise en œuvre de la norme EOIR par un examen par les pairs. En outre, les non-membres qui sont pertinents pour le travail du Forum mondial font également l’objet d’un examen. Le cadre juridique et réglementaire de chaque juridiction est évalué tout comme la mise en œuvre du cadre EOIR en pratique. Le résultat final est une note pour chacun des éléments essentiels ainsi qu’une note globale. Le premier cycle d’examens a été mené de 2010 à 2016. Les rapports d’examen finaux sont publiés et les juridictions examinées doivent suivre les recommandations formulées. L’objectif final est d’aider les administrations à mettre en œuvre efficacement les normes internationales de transparence et d’échange d’informations à des fins fiscales.

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