Focus sur l’échange automatique d’informations

Publié le 04/07/2017

Le point sur la nouvelle norme de transparence mise en place par l’OCDE et son application en France.

L’échange de renseignements entre administrations fiscales constitue un élément-clé de la collaboration entre États afin de lutter contre la fraude fiscale et pour protéger l’intégrité des systèmes fiscaux. Depuis 2012, l’intérêt politique s’est de plus en plus focalisé sur les possibilités qu’offre l’échange automatique de renseignements. L’échange automatique de renseignements correspond à la communication systématique, à intervalles réguliers, de « blocs » de renseignements relatifs à diverses catégories de revenu (dividendes, intérêts, etc.), par le pays de la source du revenu au pays de résidence du contribuable. L’échange automatique de renseignements permet ainsi de disposer en temps utile d’informations sur des cas de fraude fiscale portant soit sur des rendements d’investissements, soit sur le montant du capital sous-jacent.

Une nouvelle norme OCDE

L’échange automatique d’informations pour les données financières a été imposé dès 2010 par les États-Unis, qui ont adopté, dans le cadre de la loi Foreign Accounts Tax Compliance Act (FATCA), des modalités de coopération entre les établissements financiers étrangers et leur administration fiscale, l’IRS. Cette pratique s’est progressivement imposée comme la nouvelle norme de transparence fiscale internationale à partir de 2013. En avril de cette même année, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni ont commencé à jeter les bases d’un FATCA européen. Au G20 de Saint-Pétersbourg, il a été décidé que l’échange automatique d’informations devienne la nouvelle norme de coopération fiscale au plan international. En réponse à l’appel des ministres des Finances du G20, réunis à Cairns les 20 et 21 septembre 2014, 94 États et territoires se sont engagés le 29 octobre 2014, à Berlin, à mettre en œuvre cette nouvelle norme au plus tard en 2018. L’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange de renseignements relatifs aux comptes financiers a été signé à Berlin le 29 octobre 2014. La loi n° 2015-1778 du 28 décembre 20151 a autorisé l’approbation de cet accord pour la France.

Le contenu de la norme

La nouvelle norme commune d’échange automatique d’informations a été élaborée par l’OCDE en 2014. Conformément à ce nouveau standard, les pouvoirs publics obtiennent de leurs institutions financières des renseignements détaillés relatifs aux comptes financiers et échangent ces renseignements automatiquement avec d’autres juridictions sur une base annuelle. La norme prévoit l’échange automatique annuel entre États de renseignements relatifs aux comptes financiers, notamment les soldes, intérêts, dividendes et produits de cession d’actifs financiers déclarés à l’Administration par les institutions financières, concernant des comptes détenus par des personnes physiques et des entités, y compris des fiducies et des fondations. Elle définit les renseignements relatifs aux comptes financiers à déclarer, les différents types de comptes et de contribuables couverts, ainsi que les procédures de diligence raisonnable à suivre par les institutions financières. Elle contient des commentaires et des orientations à l’intention des pouvoirs publics et des institutions financières, des modèles d’accord détaillés ainsi que des normes pour des modalités techniques et des systèmes de technologie de l’information harmonisés, notamment d’un format normalisé pour la transmission sécurisée des données.

La mise en œuvre

Les renseignements (v. infra « Les éléments à renseigner ») doivent être échangés, dans les 9 mois qui suivent la fin de l’année civile à laquelle ils se rapportent, c’est-à-dire avant le 30 septembre de l’année N+1. S’agissant de la France, la première transmission d’informations vers d’autres pays parties à l’accord est prévue en 2017 au titre de l’année 2016. La première collecte d’informations a donc été opérée en 2016. En pratique, les États et territoires signataires de l’accord multilatéral doivent demander à leurs banques et institutions financières de collecter auprès de leurs clients non-résidents un large éventail d’informations relatives à leur identification, à leurs actifs et à leurs revenus financiers. Elles transmettent ensuite ces informations à leur administration fiscale. Cette dernière transmet alors ces informations aux autorités de l’État ou du territoire dont le client est résident fiscal, afin d’appliquer leur législation fiscale, notamment pour procéder à l’établissement de l’impôt ou à des contrôles fiscaux. Les institutions financières soumises à l’obligation déclarative comprennent non seulement les banques et établissements gérant des dépôts de titres, mais aussi les courtiers, les sociétés d’assurance et des organismes de placement collectif. Sont cependant et logiquement dispensées d’obligation déclarative les banques centrales, les caisses de retraite, les fonds de pension publics, ou encore les organismes de placement collectif publics. Il appartient à chaque État signataire de l’accord multilatéral de contrôler le respect de ces obligations. Les institutions financières doivent mettre en œuvre les diligences prévues par la norme OCDE afin d’identifier les comptes déclarables, c’est-à-dire les comptes dont le titulaire est résident d’une juridiction partenaire. Ces diligences diffèrent en fonction de leur titulaire, de leur date d’ouverture et de leur valeur. Elles sont allégées pour les comptes préexistants de moindre enjeu financier.

Un seuil de minimis existe pour les comptes préexistants détenus par des personnes physiques. Pour les comptes de faible valeur (< 1 M$) : les procédures de diligence sont simples : un test fondé sur l’adresse de résidence au moyen de pièces justificatives et, à défaut, une recherche électronique d’indices. Pour les comptes de haute valeur (> 1 M$) : il existe des procédures de diligence renforcées : examen des dossiers papier et prise en compte des éléments connus du chargé de clientèle. Pour les nouveaux comptes ouverts à partir du 1er janvier 2016, la résidence fiscale est déterminée par une auto-certification du titulaire dont la vraisemblance est confirmée par les informations que détient l’institution financière. Pour les entités : pour les comptes inférieurs à 250 000 $, aucun examen n’est prévu. L’institution financière doit d’abord déterminer si l’entité est une personne soumise à déclaration, notamment à partir des informations dont elle dispose dans le cadre de la lutte anti-blanchiment. Dans le cas d’une entité financière passive – donc non soumise à déclaration – l’institution financière doit ensuite déterminer si la ou les personnes qui en détiennent le contrôle sont soumises à déclaration. Pour les nouveaux comptes, la résidence fiscale est déterminée par une auto-certification à l’ouverture du compte. Les règles de diligence sont les même que pour les comptes préexistants.

L’expérience communautaire

Au sein de l’Union européenne, les premières opérations d’échange automatique de renseignements bancaires sont intervenues dès 2005 en application de la directive n° 2003/48/CE sur la fiscalité des revenus de l’épargne sous forme d’intérêts. L’ensemble des États membres a opté pour cette solution de la transmission automatique des données, à l’exception de trois États qui ont souhaité protéger leur secret bancaire : la Belgique, jusqu’en 2011, l’Autriche et le Luxembourg. La directive n° 2011/16/UE du 15 février 2011 sur la coopération administrative en matière fiscale, a prévu au 1er janvier 2015 le passage à l’échange automatique d’informations pour cinq catégories de revenus : revenus professionnels, jetons de présence, produits d’assurance-vie non couverts par la directive épargne, pensions et revenus de biens immobiliers. Les ministres de l’Économie de cinq États membres (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie) ont pris l’initiative d’un « FATCA européen » pour instaurer l’échange automatique d’informations au niveau de l’Union européenne. La directive n° 2011/16/UE a été modifiée par la directive n° 2014/107/UE du 9 décembre 2014 pour y inclure les dividendes, les plus-values et les autres revenus financiers, ainsi que le solde des comptes, afin de s’aligner sur la norme de l’OCDE, sur les procédures de collecte et de transmission des données, ainsi qu’harmoniser le champ des institutions concernées. En 2017 et pour les revenus 2016 la directive n° 2014/107/UE est venue remplacer la directive « épargne » pour l’ensemble des États à l’exception de l’Autriche, qui bénéficie d’un report.

L’accord multilatéral et la directive n° 2014/107/UE ont tous les deux pour objet de mettre en œuvre la nouvelle norme mondiale en matière d’échange automatique d’informations sur les comptes financiers à des fins fiscales. Ces deux textes de coopération administrative en matière fiscale organisent l’échange automatique des mêmes informations, selon la même norme OCDE, et selon le même calendrier. Cependant, la directive diffère sur quelques points pour tenir compte des spécificités de l’Union européenne. La directive s’applique uniquement entre les États membres. Pour tenir compte des libertés européennes, la directive n’intègre pas la disposition de la norme commune de l’OCDE permettant de ne pas réaliser les procédures de diligence sur certains comptes préexistants de personne physique si leur commercialisation à des résidents des autres juridictions participantes n’est pas juridiquement possible. La directive requiert la transmission du lieu de naissance si l’institution financière doit collecter cette information notamment en vertu du droit de l’Union européenne en vigueur au 5 janvier 2015, par cohérence avec l’obligation de collecte prévue par la directive n° 2014/48/UE du Conseil du 24 mars 2014 sur la fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiement d’intérêts. Enfin, elle requiert en son annexe II certains commentaires de l’OCDE sur la norme commune de déclaration, comme les règles pour déterminer la résidence d’une institution financière, les règles relatives aux trusts, etc.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2015-1778, 28 déc. 2015, autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers : JO, 29 déc. 2015, n° 0301, p. 24318, texte 3.