Comptes bancaires à l’étranger et obligations déclaratives

Publié le 27/05/2019

Le législateur a clarifié et étendu l’obligation de déclarer les comptes détenus à l’étranger. Le Conseil d’État, de son côté, continue à préciser comment interpréter ces règles qui ont beaucoup évolué au cours de la dernière décennie.

Les administrations fiscales ont longtemps rencontré d’importantes difficultés en matière de lutte contre la dissimulation d’avoirs à l’étranger, dans la mesure où elles se heurtaient au secret bancaire et disposaient de peu de moyens d’enquête et de contrôle. Au cours de la dernière décennie, la situation a sensiblement évolué. Les exigences en matière de révélation des comptes se sont durcies. Et les conséquences pour les contribuables qui ne respecteraient pas leurs obligations déclaratives sont désormais très lourdes. Après les expériences réussies des différentes cellules de régularisation, la généralisation de l’échange automatique de renseignements, définitivement changé la donne. Les premiers résultats de cet échange automatique sont désormais connus. D’après les premières informations, la DGFiP aurait reçu 3 000 000  déclarations EAR de comptes à l’étranger (source http://www.etudes-fiscales-internationales.com). En mars 2019, plus de 3 600 relations d’échange bilatérales étaient activées pour plus de 90 juridictions engagées dans le SIR. En 2016, le nombre de contribuables qui ont déclaré au moins un compte à l’étranger était de 292 728 et de contrats d’assurances 34 900. Ce chiffre renvoie au nombre de déclarants et non au nombre de comptes bancaires détenus à l’étranger, un déclarant pouvant avoir plusieurs comptes à déclarer.

Obligations déclaratives

Les contribuables domiciliés en France ou à Monaco, doivent déclarer les comptes qu’ils ont ouverts, utilisés ou clos à l’étranger au cours de l’année d’imposition. La règle est la même pour les comptes détenus par les membres de leur foyer fiscal ou par les personnes qui y sont rattachées. Il s’agit des comptes ouverts hors de France auprès d’un établissement bancaire ou de tout autre organisme ou personne (notaire, agent de change, etc.). Cette obligation concerne les contribuables titulaires d’un compte mais également ceux qui sont bénéficiaires d’une procuration. Depuis le 1er janvier 2019, cette obligation concerne tous les comptes y compris ceux qui n’ont pas été utilisés (cf. infra l’encadré). Le formulaire de déclaration des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger n° 3916 daté et signé doit être joint à la déclaration de revenus. Les revenus annuels générés par ces comptes doivent, quant à eux, être reportés sur la déclaration n° 2047. Il n’existe pas d’obligation de déclaration pour les comptes ayant pour objet de réaliser en ligne des paiements d’achats ou des encaissements afférents à des ventes de biens d’un montant inférieur à 10 000 € par an pour l’ensemble des comptes dès lors que ces comptes sont adossés à un compte ouvert en France. Des sanctions sont prévues en cas d’omission ou d’inexactitude de la déclaration : une amende de 1 500 € par compte non déclaré. Cette amende passe à 10 000 € lorsque le compte est établi dans un État qui n’a pas conclu une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires.

Outre ces amendes, les textes prévoient la taxation des revenus ou du patrimoine détenus sur ces comptes, le montant de l’impôt étant assorti d’une majoration de 80 %. L’administration fiscale peut imposer les sommes détenus sur ces comptes de façon rétroactive en se servant de ce même délai de prescription allongé puisque, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008, le délai de reprise a été porté de trois à dix ans pour les obligations déclaratives relatives aux comptes ouverts, clos ou utilisés à l’étranger. Cette mesure était limitée aux comptes situés dans un État ou un territoire n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, permettant l’accès aux renseignements bancaires. Mais l’administration a encore resserré son étau puisque la loi de finances pour 2011 a étendu ce délai de 10 ans à l’ensemble des comptes bancaires détenu à l’étranger. La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale en novembre 2018 a achevé d’élargir les périmètres de cette prescription allongée, puisqu’elle s’applique désormais à tous les comptes qui ont abrité 50 000 € à un moment quelconque de l’année d’imposition et non plus au 31 décembre comme c’était le cas précédemment.

Le législateur a également renforcé l’arsenal pénal. Les peines prévues peuvent aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement et à 3 000 000 €, conformément à l’article 1741 du CGI puisque l’absence de déclaration d’un compte détenu à l’étranger constitue un délit de fraude fiscale aggravée.

L’impact des procédures de régularisation

Ces règles de déclaration annuelle concernent notamment les contribuables qui ont profité des procédures de régularisation mises en place par Bercy pour se faire connaître de l’administration fiscale. Les administrations nationales ont pu tirer parti de révélations d’origines diverses sur les comptes détenus dans certaines banques, notamment suisses. C’est ainsi que l’administration fiscale a, dans le contexte de la révélation des « listes HSBC », créé une première « cellule de régularisation » pour un laps de temps relativement court en 2009, destinée à régulariser la situation des comptes bancaires à l’étranger. Cette première cellule a permis d’encaisser des recettes fiscales d’un montant de 1,2 Md€. Si, en 2009, ceux qui détenaient leurs avoirs dans des établissements bancaires qui avaient fait l’objet de dénonciation pouvaient se sentir davantage concernés que les autres, le contexte nouveau d’accélération de la mise en place de l’échange automatique d’information a rendu l’ensemble des titulaires d’avoirs non déclarés à l’étranger plus sensibles aux risques encourus.

Le gouvernement a décidé en 2013 de stimuler la démarche de régularisation en proposant aux résidents fiscaux français détenteurs d’avoirs non déclarés un traitement incitatif, leur offrant ainsi une dernière possibilité de se mettre en règle avant l’entrée en vigueur des échanges automatiques de données. Le service dédié à cet effet, le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), a connu des résultats dépassant toutes les prévisions. Depuis sa création, en 2013, jusqu’au 31 décembre 2017, le STDR a reçu plus de 50 000 demandes de régularisation représentant un montant d’avoirs de plus de 35 Mds€. Le STDR et les dix pôles de régularisation ont traité, au 13 juillet 2018 environ 42 500 dossiers. Il restait donc, à cette date, près de 7 500 dossiers en stock. Au 31 décembre 2017, le montant total recouvré par l’État s’élevait à 8,3 Mds d’euros. Après quatre ans de mise en œuvre du dispositif, la cellule de régularisation fiscale a fermé ses portes le 31 décembre 2017 en raison de l’entrée en vigueur progressive, en 2017 et 2018, de l’échange automatique d’informations en matière d’avoirs financiers détenus à l’étranger. Au titre de l’année 2018, près d’1 Md€ ont encore pu être encaissés grâce à la procédure de régularisation des avoirs détenus à l’étranger non déclarés.

Généralisation de l’échange automatique de renseignements

Au cours des années suivantes, la coopération et les échanges d’informations entre États se sont systématisés. La voie a été ouverte par les États-Unis qui ont, de manière unilatérale et extraterritoriale, imposé aux banques étrangères de leur déclarer les comptes détenus par des résidents fiscaux américains. C’est en revanche un mécanisme multilatéral d’échanges automatisé de données entre États sur les comptes détenus par des non-résidents qui a été élaboré sous l’égide de l’OCDE. L’OCDE, soutenue par le G20, a élaboré, dans le cadre du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements en matière fiscale, un dispositif d’échange automatique entre États d’informations sur les comptes bancaires et les contrats d’assurance détenus au sein d’un pays, directement ou indirectement, par des résidents fiscaux d’autres pays. Ce dispositif a fait l’objet d’un accord multilatéral, signé à Berlin le 29 octobre 2014, la convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (ou Mutual Competent Authority Agreement). Cet accord impose des obligations étendues. Les informations à échanger, chaque année, portent non seulement sur tous les types de revenus (y compris les plus-values sur actions, les gains sur produits dérivés, les contrats d’assurance-vie, etc.) mais également sur les capitaux ou sommes déposés à l’étranger, quel qu’en soit le montant. Les institutions financières chargées de collecter et de transmettre les renseignements sont définies de façon large et incluent non seulement tous les types d’intermédiaires financiers (banques, sociétés de bourse, compagnies d’assurances, etc.) mais également les entités telles que les fonds d’investissement. En 2017, a été lancée la première vague d’échanges automatiques de données informatisées entre 53 États de l’OCDE (dits « early adopters »), dont tous ceux de l’UE à l’exception de l’Autriche. Une seconde vague, composée de 48 États a suivi en 2018. L’Union européenne est pleinement engagée dans le renforcement des échanges d’informations. Après la directive 2003/164 prévoyant un mécanisme d’échange automatisé d’informations limité aux revenus perçus sous forme d’intérêts par les non-résidents, la directive 2011/16/UE a renforcé la coopération administrative fiscale entre États membres, notamment en prévoyant un échange automatique sur cinq catégories de revenus. Cette directive a été complétée par la directive 2014/107/UE qui incorpore en droit européen les mécanismes adoptés par l’OCDE, et fixe au 30 septembre 2017 le début des échanges automatiques d’informations. La préparation, l’adoption et l’entrée en vigueur imminente de ce mécanisme multilatéral ont modifié les attitudes des acteurs financiers et ont été perçues par les détenteurs d’avoirs non déclarés comme augmentant sensiblement les risques encourus s’ils persistaient dans la fraude. Afin d’assurer la mise en place d’un système d’échange automatique d’informations homogène au sein de l’Union européenne, la Commission a proposé de reprendre le projet de Norme Commune dans une directive réformant l’actuelle directive 2011/16/UE sur la Coopération administrative (dite « DAC ») datant de 2011. Cette proposition a débouché sur la directive 2014/107/CE du 9 décembre 2014 dite « DAC 2 ». En vue d’éviter que la mise en place de ce nouveau système entraîne une fuite de capitaux vers les paradis fiscaux les plus proches, la Commission a parallèlement entrepris de renégocier les accords liant l’Union et les pays et territoires tiers dans le cadre de l’application de la directive « sur la fiscalité de l’épargne » (Monaco, Andorre, St Marin, Liechtenstein et Suisse notamment).

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