Échange automatique de renseignements fiscaux : point d’étape

Publié le 08/03/2019

Avec le lancement généralisé de l’échange automatique d’informations financières le Forum mondial sur la transparence fiscale marque un tournant dans la lutte contre l’évasion fiscale.

L’OCDE, soutenue par le G20, a élaboré, dans le cadre du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements en matière fiscale, un dispositif d’échange automatique entre états d’informations sur les comptes bancaires et les contrats d’assurance-vie détenus au sein d’un pays, directement ou indirectement, par des résidents fiscaux d’autres pays. Avec plus de 200 délégués de 100 juridictions, organisations internationales et groupes régionaux, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales a tenu sa réunion annuelle à Punta del Este (Uruguay) les 20 et 22 novembre 2018, avec pour objectif de renforcer la lutte de la communauté internationale contre la fraude fiscale. Les membres du Forum mondial ont dressé le bilan des progrès accomplis dans la mise en œuvre de cette norme d’échange automatique d’informations (AEOI).

L’échange automatique d’informations

À la suite de l’adoption de la législation américaine Foreign Account Tax Compliant Act (FATCA), le 18 mars 2010, et de la multiplication des accords conclus par les États-Unis avec leurs partenaires, dont la France pour mettre en œuvre l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers, les ministres des Finances du G20 ont mandaté l’OCDE lors du sommet de Mexico des 4 et 5 novembre 2012 afin d’élaborer une norme mondiale.

Le 6 mai 2014, la déclaration de l’OCDE sur l’échange automatique de renseignements en matière fiscale a été adoptée par les 34 pays membres ainsi que plusieurs pays non membres. Plus de 65 juridictions se sont publiquement engagées à mettre en œuvre la norme commune de déclaration, avec plus de 40 juridictions qui se sont entendues sur un calendrier aboutissant aux premiers échanges automatiques en 2017. 51 juridictions ont immédiatement concrétisé leurs engagements en signant un accord multilatéral entre autorités compétentes qui active l’échange automatique de renseignements, accord s’inspirant de la convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. En 2017, a été lancée la première vague d’échanges automatiques de données informatisées entre 53 États de l’OCDE (dits « early adopters »), dont tous ceux de l’Union européenne à l’exception de l’Autriche. Une seconde vague, composée de 48 États a suivi en 2018.

Inspirée des accords signés par les États-Unis pour la mise en œuvre de la législation FATCA, cette nouvelle norme mondiale en matière de transparence fiscale a été adoptée par l’OCDE le 15 juillet 2014 afin d’organiser l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers. Elle a été approuvée par le Conseil de l’OCDE le 15 juillet 2014 et présentée aux ministres des Finances des pays du G20 les 20 et 21 septembre 2014. Cette nouvelle norme mondiale se compose d’un modèle d’accord, d’un modèle de droit interne relatif aux modalités d’identification des clients par les institutions financières et de déclaration de ces informations par celles-ci à leur administration fiscale (« la norme commune de déclaration »), de commentaires et d’un schéma informatique. Cette norme invite les pouvoirs publics à obtenir de leurs institutions financières des renseignements détaillés relatifs aux comptes financiers et à échanger ces renseignements automatiquement avec d’autres juridictions sur une base annuelle. Elle prévoit l’échange automatique annuel entre états de renseignements relatifs aux comptes financiers, notamment les soldes, intérêts, dividendes et produits de cession d’actifs financiers déclarés à l’administration par les institutions financières, concernant des comptes détenus par des personnes physiques et des entités, y compris des fiducies et des fondations. Elle définit les renseignements relatifs aux comptes financiers à déclarer, les différents types de comptes et de contribuables couverts, ainsi que les procédures de diligence raisonnable à suivre par les institutions financières.

Mise en œuvre de la norme d’échange automatique

Au plan international, la France est engagée dans la mise en œuvre de cette norme au travers de plusieurs instruments bilatéraux et multilatéraux, l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, ouvert à la signature le 29 octobre 2014, entré en vigueur le 24 février 2016, la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal et des accords bilatéraux comme ceux passés avec le Liechtenstein (accord du 28 octobre 2015, entré en vigueur le 1er janvier 2016), Monaco (accord du 12 juillet 2016, entré le vigueur le 1er janvier 2017) ou encore la Suisse (accord du 27 mai 2015, entré en vigueur le 1er janvier 2017). En droit interne, l’article 1649 AC, I du Code général des impôts prévoit des obligations d’identification et de déclaration des comptes financiers à la charge des établissements financiers pour l’application de ces instruments internationaux. Afin de permettre aux institutions financières d’identifier les titulaires de nouveaux comptes et les personnes physiques qui contrôlent ces derniers, l’article 1649 AC, II du CGI prévoit en outre que les entités ou les personnes physiques doivent auto-certifier auprès d’elles leurs résidences fiscales et leurs numéros d’identification fiscale. Le champ d’application et le régime de ces obligations déclaratives, d’une part, ainsi que les règles de diligences et de collecte, d’autre part, sont précisés par le décret n° 2016-1683 du 5 décembre 2016 fixant les règles et procédures concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers dites « norme commune de déclaration » et par l’arrêté du 9 décembre 2016 précisant le décret n° 2016-1683 du 5 décembre 2016 fixant les règles et procédures concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, dites « norme commune de déclaration ».

Le Forum mondial sur la transparence

Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales est la continuation d’un forum qui a été créé au début des années 2000 dans le cadre des travaux de l’OCDE pour aborder les risques de conformité fiscale posés par les paradis fiscaux. Les membres fondateurs du Forum mondial comprenaient des pays de l’OCDE et les juridictions qui ont accepté de mettre en œuvre les normes de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales. Le Forum mondial a été restructuré en septembre 2009 en réponse à l’appel du G20 pour renforcer la mise en place de ces normes. Le Forum mondial compte désormais 125 membres sur un pied d’égalité et est le premier organisme international ayant pour but d’assurer l’application des normes convenues au niveau international de transparence et d’échange de renseignements dans le domaine fiscal. À travers un processus approfondi d’examen par les pairs, le Forum mondial restructuré surveille le fait que ses membres appliquent pleinement la norme de transparence et d’échange de renseignements qu’ils se sont engagés à mettre en œuvre. Il travaille également pour établir des règles du jeu équitables, y compris parmi les pays qui n’ont pas rejoint le Forum mondial. L’augmentation du nombre de membres du Forum mondial, s’élevant à présent à 154 témoigne de l’intérêt grandissant pour les avantages de la transparence et de la coopération fiscales. Depuis la dernière réunion plénière, sept nouveaux membres ont rejoint le groupe : la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, le royaume d’Eswatini, la Mongolie, le Monténégro, Oman et la Serbie.

La mise en œuvre du standard d’échange automatique d’informations

Avec 4 500 échanges bilatéraux ayant eu lieu dans le cadre du nouveau standard AEOI en 2018 dans 86 juridictions, la réunion du Forum mondial à Punta del Este a permis de mesurer les progrès accomplis en la matière. Ces échanges contenaient des informations détaillées sur des millions de contribuables du monde entier détenant des comptes financiers à l’étranger. Cet échange généralisé a également été facilité par l’utilisation du système de transmission commun géré par le Forum mondial. Alors qu’une grande majorité des juridictions ont honoré leur engagement et entamé les échanges automatiques en 2018, certaines juridictions ont encore des efforts à faire. Les membres s’attendent à ce que les problèmes de mise en œuvre en suspens, notamment la mise en place de réseaux d’échange internationaux complets, soient résolus dans les meilleurs délais et que les échanges soient plus généralisés en 2019.

À la suite de son examen des cadres juridiques, le Forum mondial évaluera l’efficacité de la norme AEOI dans la pratique. À cette fin, les membres ont adopté des termes de références détaillées pour ces examens et un plan de travail pour développer, tester et affiner leur approche en matière de réalisation des examens, qui débutera en 2020.

Le Forum mondial a également publié 22 autres examens de juridictions cette année concernant l’échange d’informations sur demande (EOIR), dont la pertinence n’a cessé de croître avec le passage à l’AEOI et aux initiatives de transparence liées à l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (BEPS). Alors que les juridictions montrent des progrès constants dans la mise en œuvre efficace de la norme EOIR, des difficultés subsistent en ce qui concerne la disponibilité des renseignements sur les bénéficiaires effectifs. La deuxième série d’examens de l’EOIR par les pairs progresse avec la publication en 2018 de 22 nouveaux rapports sur l’EOIR et d’un premier rapport supplémentaire consignant les progrès réalisés. Dans de nombreux cas, les juridictions ont présenté des améliorations depuis leur premier examen, grâce à l’adoption de modifications nécessaires à leur cadre juridique ou à l’amélioration de la façon dont elles répondaient aux demandes de renseignements. Cependant, plusieurs examens ont identifié une faiblesse en termes de disponibilité des informations sur les bénéficiaires effectifs, un élément majeur de la deuxième série. Le volume de l’EOIR augmente à mesure que les membres bénéficient d’une transparence accrue dans le monde entier. Les échanges dans le cadre de la norme AEOI et les mesures mises en œuvre pour traiter le projet BEPS entraînent également des demandes d’échanges de renseignements plus complexes, y compris des demandes de groupe, démontrant ainsi l’importance de la norme EOIR en tant que fondement de la transparence fiscale mondiale. Plus de 30 examens de l’EOIR sont en cours. Ceux-ci incluent les examens de 13 des juridictions ayant fait l’objet d’un examen en procédure accélérée en 2017, ceci pour permettre que les améliorations apportées, destinées à répondre à l’appel du G20, soient rapidement reconnues et améliorer ainsi leur notation par le Forum mondial en termes d’EOIR. Ces juridictions recevront leurs notes au cours de la nouvelle série l’année prochaine.

Suite aux premiers échanges entre les premiers utilisateurs en 2017, la concrétisation de l’engagement d’entamer les échanges automatiques en 2018 de la part de 86 juridictions constitue un succès majeur. Elle marque le début d’une nouvelle ère de transparence fiscale, dans laquelle les gouvernements ont bien plus d’outils pour s’assurer que leurs contribuables respectent leurs obligations. Pour que la norme AEOI soit efficace, elle doit être mise en œuvre sur la base de règles du jeu équitables et des échanges doivent avoir lieu avec tous les partenaires intéressés appropriés. Il est donc important que les problèmes qui entraînent des retards chez les 14 juridictions n’ayant pas encore entamé les échanges soient résolus dès que possible et que des échanges plus étendus aient lieu en 2019, souligne le Forum mondial. Les membres du Forum mondial ont également salué les travaux d’assistance technique menés pour aider les administrations à appliquer efficacement les normes. Ce travail considérable constitue un effort combiné du Forum mondial, des donateurs, d’autres organisations internationales et des groupes régionaux, travaillant ensemble à la réalisation d’un objectif commun. Les délégués du Forum mondial ont également accueilli avec satisfaction la Déclaration de Punta del Este, qui met en place une initiative latino-américaine visant à maximiser le potentiel d’utilisation efficace des informations échangées dans le cadre des normes internationales de transparence fiscale, afin de lutter non seulement contre la fraude fiscale, mais également contre la corruption et autres délits financiers. Cette amélioration de la coopération fiscale internationale contribuera à lutter contre toutes les formes de criminalité financière et à améliorer l’accès direct aux informations d’intérêt commun pour toutes les agences concernées. La prochaine réunion plénière qui se tiendra en 2019 marquera le 10e anniversaire du Forum mondial. Ce sera un moment-clé pour réfléchir sur le rôle qu’il a joué dans la mise en œuvre effective des normes de transparence fiscale dans le monde et sur son orientation future.

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