Val-de-Marne (94)

Patrimoine historique : l’engouement des Français ne faiblit pas

Publié le 11/10/2021
Monuments, patrimoine
ibom/AdobeStock

La 4e édition du Loto du patrimoine, qui se tenait du 6 au 18 septembre derniers, témoigne de l’attachement des Français pour leur patrimoine de proximité. Retour sur les sites franciliens qui vont bénéficier de la collecte et sur un dispositif unique de financement de la restauration immobilière.

Le patrimoine n’a jamais été aussi précieux dans le cœur des Français ! Depuis près de 40 ans, les Journées européennes du patrimoine permettent de découvrir de façon privilégiée les lieux et les sites d’exception qui parsèment notre territoire. Malgré les contraintes sanitaires, leur 38e édition (18 et 19 septembre 2021) n’a pas dérogé au rendez-vous, elle avait pour thème « Le patrimoine pour tous ».

La mission Stéphane Bern

Autre preuve de l’intérêt, voire de l’attachement des Français pour leurs trésors patrimoniaux : le succès phénoménal du Loto du patrimoine. Développé par la Française des Jeux, sous le nom commercial « Super Loto Mission Patrimoine » en 2018 avec le ministère de la Culture et la Fondation du Patrimoine, mené par le très populaire animateur de radio et de télévision Stéphane Bern – à qui le président de la République a confié en 2017 la mission de recenser le patrimoine local en péril et de mener une réflexion sur des financements innovants pour le restaurer – le Loto du patrimoine remporte un franc succès.

Une source de financement nouvelle pour la Fondation du patrimoine

Au cœur du dispositif : la Fondation du patrimoine, fondation reconnue d’utilité publique, créée par la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 (C. patr., art. L. 143-1 et suivants). Dédiée à l’objectif d’intérêt général de la préservation du patrimoine de proximité protégé ou non protégé, la Fondation possède un ancrage territorial puissant.

Elle mène sa mission grâce aux soutiens de ses adhérents, à des collectes de dons en faveur de la sauvegarde des biens patrimoniaux appartenant à des personnes publiques, associations ou personnes privées, au mécénat d’entreprises, aux aides sur ses fonds propres, à des partenariats avec des collectivités publiques, ou encore par la délivrance d’un label permettant, sous certaines conditions, aux propriétaires privés de patrimoine non protégé de déduire sur leur revenu global les dépenses d’entretien et de réparation de leurs immeubles patrimoniaux.

Pour les opérations de sauvetage du patrimoine comprises dans le champ du Loto du patrimoine, l’article 90 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de Finances rectificative pour 2017 affecte à la Fondation du patrimoine le prélèvement de l’État sur les sommes misées en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer sur les jeux de tirage et de grattage organisés par la Française des Jeux et dédiés au patrimoine.

Dans ce cadre, la Fondation a créé un fonds destiné à soutenir la restauration, la réhabilitation et la reconversion du patrimoine protégé et non protégé au titre des monuments historiques, ainsi que des monuments confiés au Centre des monuments nationaux. Le fonds est alimenté par la contribution des jeux « patrimoine », mais aussi par des mécénats, des parrainages, des dons ou subventions de personnes publiques ou privées, ainsi que, dans le futur, par de nouveaux types de financements, affectés à la Mission ou aux projets sélectionnés par celle-ci.

Depuis son lancement en 2018, 72 millions d’euros ont été collectés par la Française des Jeux et reversés par l’État à la Fondation du patrimoine. La 4e édition qui s’est déroulée en septembre 2021 devrait lui apporter entre 15 et 20 millions d’euros supplémentaires.

115 sites ont déjà bénéficié de travaux, 182 d’entre eux sont en cours de travaux. 627 projets avaient été sélectionnés sur les 4 000 sites signalés partout en France.

Des polémiques budgétaires

Ces fonds n’échappent pas à plusieurs polémiques. Premier débat : le Loto du patrimoine entraîne-t-il une débudgétisation ? Selon le rapport rendue au terme de la mission « flash » de l’Assemblée nationale sur une première évaluation du Loto du patrimoine du 22 janvier 2019, « ces jeux auraient attiré de nouveaux joueurs, dans une proportion qui n’est pas marginale. Le prix élevé du ticket à gratter, jamais égalé jusqu’alors, avait précisément pour but d’attirer de nouvelles catégories de la population vers les jeux d’argent. Les buralistes ont quant à eux estimé que ces jeux avaient pu attirer 10 à 20 % de nouveaux clients ».

Au contraire, selon le ministère de l’Action et des Comptes publics, il y a bien eu substitution entre ces jeux et d’autres, déjà existants ou que la Française des Jeux aurait en tout état de cause lancés. La part des nouveaux joueurs serait, de ce point de vue, anecdotique. Il conclut donc à une perte de recettes pour le budget général de la Française des Jeux.

L’autre grief est la proportion importante des sites publics qui bénéficient des fonds collectés par le Loto du patrimoine. Lancée pour permettre la conservation du petit patrimoine en péril, la cagnotte aurait finalement servi à financer des opérations qui relevaient essentiellement de l’État, à travers les directions régionales des affaires culturelles ou le Centre des monuments nationaux, et concernerait finalement assez peu le petit patrimoine non protégé appartenant à des propriétaires privés, ce qui était l’objectif affiché. Selon le rapport parlementaire, en 2019, « près de 73 % des projets retenus sont en fait classés ou inscrits au titre des monuments historiques et 62 % appartiennent à des propriétaires publics ». Et de poser la question : « faut-il financer par ce biais une mission qui relève par essence de l’État et du ministère de la Culture ? »

Enfin, la répartition de fonds entre les projets retenus du Loto patrimoine fait également débat. Les projets emblématiques reçoivent une large part des sommes récoltées, tandis que les autres projets reçoivent des sommes relativement faibles, allant jusqu’à parler de « saupoudrage ».

De nombreux bénéfices

Outre la collecte de fonds et son affectation à la restauration du bâti en péril, l’opération est reconnue pour rendre les enjeux patrimoniaux plus visibles et pour renforcer le lien patrimonial et donc la cohésion nationale. « Là où il n’y a plus de patrimoine, il n’y a pas de vivre-ensemble réel, car les peuples ont besoin d’une histoire commune et d’un positionnement clair dans le temps – et le patrimoine bâti en est la marque la plus palpable », soulignent les auteurs du rapport parlementaire.

En outre, le patrimoine n’est plus l’apanage d’une élite, mais il appartient à tous. Le mécanisme de signalement sur une plateforme ouverte à tous repose sur le concept de la participation citoyenne. « Elle a permis au public de s’exprimer sur ce qui, selon lui, “fait patrimoine” et de décentraliser quelque peu le processus décisionnel  », constate le rapport des députés.

La création du Loto du patrimoine aurait suscité le mécénat des particuliers, par des dons (des souscriptions) et des projets de rénovation par des propriétaires hésitants, ou qui avaient abandonné leur patrimoine, ou par des associations qui se créent pour porter des projets nouveaux.

Enfin, cela aurait également permis de renouer les relations avec les collectivités territoriales, qui sont revenues à la table des financeurs dans de nombreux cas, notamment pour financer les phases ultérieures pour lesquelles aucun crédit issu du Loto du patrimoine n’était prévu.

Île-de-France : la sélection de la 4e édition

Pour sa 4e édition, le Loto du patrimoine bénéficie de six tirages étalés en septembre et de jeux à gratter. Pour chaque grille à deux euros vingt jouée, 54 centimes d’euros sont reversés à la Fondation du patrimoine.

Huit projets franciliens ont été retenus.

À Paris (75) : la maison atelier de l’artiste Jean-Lurçat, l’un des principaux représentants du Mouvement moderne. Construite en 1925 dans l’impasse Villa Seurat, dans le XIVe arrondissement près du Parc Montsouris, la maison est inscrite à l’inventaire des Monuments historiques depuis 1975, et a obtenu le label Patrimoine du XXe siècle.

En Seine-et-Marne (77) : la tuilerie de Bezanleu à Treuzy-Levelay. Construite en 1825, active jusqu’en 1990, la tuilerie, composée de 17 bâtiments, est inscrite au titre des monuments historiques.

Dans les Yvelines (78) : le centre pédiatrique des Côtes Montbron aux Loges-en-Josas. Situé dans le château des Côtes de style néo-gothique, construit entre 1872 et 1875, il est un centre médicalisé pour enfants depuis l’après-guerre.

Dans l’Essonne (91) : la tour Henry IV du château de Montagu à Marcoussis. Elle est la seule des quatre tours du château (démoli au XIXe siècle) à avoir résisté au temps.

Dans les Hauts-de-Seine (92) : les communs du domaine de Vert-Mont à Rueil-Malmaison : orangerie, pavillon du cocher et écuries. Une fois restaurés, ces bâtiments accueilleront en résidence des étudiants et des chercheurs dans les domaines de l’énergie et du développement durable.

En Seine-Saint-Denis (93) : la grande halle du Studio Pathé-Albatros à Montreuil-sous-Bois. Ancienne écurie transformée en studio par Charles Pathé en 1904, cet hangar de verre est le dernier survivant des « théâtres de prise de vue » des débuts du cinéma.

Dans le Val-de-Marne (94) : la boat house de l’Aviron à Joinville-le-Pont. Ses deux bâtiments ont d’abord abrité une maison de tolérance avant d’être dédiés à la pratique de l’aviron et de la voile. Il est labellisé « Patrimoine d’intérêt régional » par la région Île-de-France.

Dans le Val d’oise (95) : la maison des Joséphites à L’Isle-Adam, construite en 1660 pour abriter une école gratuite pour les enfants de la commune.

2022 en cours de préparation

L’édition 2022 est en cours de préparation. Pour les sites emblématiques, les dossiers sont à déposer avant le 30 novembre 2021, et avant le 28 février 2022 pour les sites dits de maillage. Propriétaires, associations, communes et passionnés de patrimoine sont invités à identifier les sites en péril partout en France métropolitaine et dans les collectivités d’outre-mer (https://www.missionbern.fr/signaler-un-site). Les sites signalés font ensuite l’objet d’une sélection conjointe par les services du ministère de la Culture et par la Fondation du patrimoine, sur la base de plusieurs critères : l’urgence de l’intervention, l’intérêt patrimonial, l’impact socio-économique et la maturité du projet.

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