Quel avenir pour le mécénat ?

Publié le 21/05/2021
Mécénat, dons
Vectormine/AdobeStock

Les entreprises mécènes sont impactées par la crise sanitaire et par le contexte économique difficile. Cependant les perspectives de dons au profit des OSBL pour 2021 paraissent favorables. La réforme de la loi mécénat conduit les entreprises à revoir leur stratégie mécénale, notamment pour les plus petites entreprises.

Dans ce contexte de crise sanitaire et économique, le mécénat résiste. « La crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons aura un impact majeur sur l’engagement des entreprises mécènes. Elle a réveillé l’urgence d’agir pour celles qui en ont les moyens et nous nous réjouissons de voir que de nombreux mécènes déclarent d’ores et déjà qu’ils stabiliseront leurs budgets mécénat pour l’année à venir ! », a déclaré François Debiesse, président d’Admical, qui vient de publier son baromètre Admical 2020 : Le mécénat d’entreprise en France. Mouvement d’entrepreneurs et d’acteurs engagés, Admical promeut le mécénat et les différentes formes d’engagement et accompagne les entrepreneurs et les entreprises désireuses de jouer un véritable rôle social au cœur de la cité.

Hausse du mécénat

Le nombre d’entreprises mécènes ne cesse d’augmenter depuis 2010. On estime qu’en moyenne, 10 000 entreprises supplémentaires deviennent mécènes chaque année. Cette tendance à la hausse s’est confirmée entre 2017 et 2018 avec près de 12 000 nouvelles entreprises mécènes en seulement une année. Au total, en 2018, la France comptait 96 000 entreprises ayant déclaré leurs dons auprès de l’administration, pour un montant de plus de 2 Md€.

Pour autant, les spécialistes du secteur estiment que toutes les entreprises ne déclarent pas leurs dons ou ne les déclarent que partiellement pour des raisons assez variées, soit parce qu’elles ne connaissent pas la réglementation applicable soit parce qu’elles décident de ne pas faire jouer le levier fiscal. D’après les estimations chiffrées réalisées par Admical, le nombre total d’entreprises mécènes en France est en réalité de 9 %, pour un montant global de dons compris entre 3 et 3,6 Md€.

Un outil stratégique pour les entreprises

De nombreuses motivations sont à l’œuvre au sein des entreprises mécènes. Parmi les motivations le plus souvent citées, on recense la contribution à l’intérêt général pour 89 % des entreprises mécènes, l’incarnation des valeurs de l’entreprise qui concerne 86 % des entreprises mécènes et le soutien à l’innovation sociale pour 81 % d’entre elles. Viennent ensuite la valorisation de l’image et de la réputation de l’entreprise pour 80 % des entreprises répondantes, le renforcement de l’ancrage territorial cité par 71 % des entreprises mécènes, la cohésion interne de l’entreprise revendiquée par 68 % des entreprises répondantes ou encore le développement de nouvelles relations avec les partenaires avancé par 65 % des entreprises mécènes. Pour Sylvaine Parriaux, déléguée générale d’Admical, « Le mécénat est désormais assumé comme un outil de plus en plus stratégique pour les PME et ETI. Nombre de dirigeants et dirigeantes nous disent régulièrement qu’il est un outil efficace et attractif de leur politique d’engagement, qui plus est très accessible ».

Un régime très favorable mais remanié

Le régime de droit commun mis en place pour les entreprises dans le cadre de la loi Aillagon de 2003 correspond à une réduction d’impôt sur les sociétés (IS) égale à 60 % des sommes données (art. 238 bis, CGI). Les dons effectués par les entreprises doivent être adressés à un organisme d’intérêt général tel qu’une fondation ou une association, un établissement d’enseignement, une collectivité publique ou locale, etc. La loi n’impose aucun montant minimal de chiffre d’affaires. De même, aucun montant minimal n’est requis pour le don effectué par l’entreprise. En revanche, le dispositif est plafonné. En effet, les dépenses ne sont retenues que dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’entreprise. En cas de dépassement de ce seuil ou si le résultat de l’exercice en cours est nul ou négatif, il est cependant possible de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants.

En 2019, la loi Aillagon a connu une réforme majeure, qui a limité le taux de réduction fiscale pour les grandes entreprises de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 M€ par an et facilité les dons des TPE et PME jusqu’à 20 000 € en doublant le plafond de défiscalisation. En effet, le seuil de 5 ‰ est réputé pénaliser l’action mécénale des TPE/PME. Pour les équipes d’Admical, cette réforme devrait impacter plus d’un quart des entreprises mécènes en France qui prévoient de faire évoluer leur budget ou leur stratégie de mécénat pour s’adapter à ces nouvelles règles. Parmi elles, les PME mécènes sont les plus nombreuses à faire évoluer leur engagement.

Une désaffection pour les dispositifs spécifiques « art et culture » ?

Ce mécanisme est assorti de mécanismes spécifiques dédiés à l’action des entreprises dans le domaine de l’art et de la culture. Ainsi, les entreprises qui effectuent des versements afin d’acheter un « trésor national » pour le compte de l’État peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 90 % des sommes investies (CGI, art. 238 bis OA). Les entreprises qui achètent des œuvres originales d’artistes vivants peuvent également déduire, dans certaines conditions, une somme égale au prix d’acquisition des œuvres concernées (CGI, art. 238 bis AB). Or la crise sanitaire et économique incite les entreprises à revoir leur politique de dons, ce qui peut entraîner une réduction des ressources pour les acteurs de l’art et de la culture.

Outre une réduction des dons, les acteurs du secteur craignent un transfert des dons vers d’autres causes comme le social et la santé. À cet égard, pour 85 % des entreprises mécènes interrogées, il est important de privilégier le domaine social à l’avenir. 83 % d’entre elles pensent même que certains domaines seront délaissés au profit des actions de solidarité. Ces chiffres sont à mettre en corrélation avec la précédente étude menée par Admical, en juin 2020, qui annonçait que 41 % des entreprises mécènes prévoyaient de revoir leur stratégie mécénat, 7 % étant même certaines de s’engager dans de nouveaux domaines. Pour François Debiesse « Il existe un risque majeur de hiérarchisation des causes par les mécènes ! Bien sûr, les besoins sont immenses dans les secteurs du social et de la santé en ces temps de crise sanitaire, mais il ne faut pas oublier tous les autres secteurs de l’intérêt général dont les missions sont tout autant fondamentales ».

L’impact de la crise

Plus généralement, 58 % des PME mécènes, 64 % des ETI mécènes et plus de 8 grandes entreprises sur 10 envisagent de changer leur stratégie de mécénat, leur budget ou les deux, suite à la crise sanitaire. Au total, 60 % des entreprises mécènes interrogées par l’IFOP prévoient que leur politique de mécénat sera impactée par la crise sanitaire liée au Covid-19 et 87 % d’entre elles estiment que l´engagement sociétal des entreprises risque d’être ralenti par la crise économique. « Certains mécènes risquent de réduire la voilure ou de réorienter leurs dons, ce qui aura un impact non négligeable sur de nombreux acteurs de l’intérêt général, qui ont besoin du mécénat pour continuer leurs actions, dans la culture ou le sport par exemple », analyse le président d’Admical.

Point positif, en dépit d’un contexte économique morose, les entreprises mécènes affirment leur volonté d’engagement pour 2021 puisque 72 % des entreprises mécènes prévoient de stabiliser leur budget mécénat en 2021 pour faire face aux besoins conséquents des associations et des autres acteurs de l’intérêt général. 10 % des entreprises mécènes pensent même pouvoir augmenter le montant de leurs dons en 2021. Seules 14 % d’entre elles pensent être dans l’obligation de diminuer leur budget mécénat, voire pour 2 %, de le supprimer complètement.

Pour autant l’incertitude reste de mise pour les bénéficiaires de ces dons car certaines entreprises pourraient bien être rattrapées par leurs difficultés financières. 87 % des mécènes interrogés alertent d’ailleurs sur le fait que l’engagement sociétal des entreprises risque d’être ralenti par la crise économique. « Nous restons très vigilants car, malgré ces déclarations encourageantes, il est à craindre un ralentissement des engagements des grandes entreprises qui subissent de plein fouet le double impact de la réforme et de la crise », conclu Sylvaine Parriaux.