Régularisation, transaction et réclamation ultérieure

Publié le 02/07/2021

Retour sur les effets de la transaction conclue avec les services de l’administration fiscale pour la régularisation des avoirs détenus à l’étranger.

Le contribuable qui a conclu une transaction avec l’administration fiscale dans le cadre de la procédure de régularisation des avoirs détenus à l’étranger proposée par la cellule de régularisation, n’a plus la possibilité de présenter une réclamation, la transaction ayant éteint tout litige (CAA Paris, 4 mars 2021, n° 20PA02292). Or pour la Cour des comptes, le traitement de masse réservé aux dossiers de régularisation n’a pas forcément permis de tenir compte des particularités de chacun et nuit donc dans certains cas à la conclusion d’une transaction optimale de part et d’autre (https://www.ccomptes.fr/fr/documents/40412).

La procédure de régularisation

Un service spécialisé dénommé Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), a été créé en août 2013 au sein de la direction nationale de vérification de situations fiscales (DNVSF) afin de traiter les déclarations rectificatives des contribuables dans les conditions prévues par le ministre du Budget dans sa circulaire du 21 juin 2013. Il a fonctionné jusqu’au 31 décembre 2017. Il a été décidé de mettre fin à ce service en raison de la mise en œuvre progressive de l’échange international automatique d’informations entre les administrations fiscales entre 2017 et 2018. Les contribuables ont donc eu 4 ans et demi pour régulariser leur situation auprès de ce service. Depuis sa création, plus de 50 000 demandes ont d’ailleurs été déposées auprès du STDR et des pôles de régularisation déconcentrés, pour plus de 32 milliards d’avoirs. Les montants recouvrés par l’État s’établissaient à 7,8 Md€ au 31 août 2017.

Un recours massif à la régularisation

Pourquoi un tel succès ? La pression exercée par les établissements bancaires suisses ou luxembourgeois qui n’ont pas tardé à adresser à leurs clients résidents français détenteurs de comptes dans ces États, une demande visant à justifier de la régularité de leur situation au regard du droit interne français, menaçant à défaut de clore automatiquement lesdits comptes pour le 1er janvier 2014, a joué un rôle non négligeable. Le nouveau standard d’échange automatique de renseignements qui se développe et auquel ont souscrit des États comme la Suisse, le Luxembourg, Singapour ou les îles Anglo-Normandes les y oblige et a changé radicalement la donne pour leurs clients. La fermeté affichée par l’administration fiscale a fait le reste. Le durcissement de la loi fiscale a marqué les esprits, notamment le vote de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière du 6 décembre 2013 qui a complété les dispositions des deux dernières lois de finances rectificatives pour 2012 afin d’élargir l’arsenal répressif de Bercy. Le recours à des comptes ouverts ou des contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger constitue une circonstance aggravante du délit de fraude fiscale (CGI, art. 1741). La fraude aggravée est alors passible d’une peine de sept années d’emprisonnement et d’une amende de 2 Md€. La communication gouvernementale musclée qui a accompagné le vote de ce texte et le lancement de la procédure de régularisation a encore contribué à inciter à procéder à cette dernière.

Le cadre légal

La circulaire du ministre du Budget en date du 21 juin 2013 et intitulée : « Traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l’étranger : transparence et droit commun », a défini les bases du processus de régularisation. Une circulaire du même ministre en date du 12 décembre 2013 est venue confirmer l’application des dispositions de la circulaire du 21 juin 2013 pour les déclarations effectuées à compter de la promulgation de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ainsi que pour les déclarations effectuées à compter du 1er janvier 2014. Une autre circulaire publiée le 10 décembre 2014, visant à accélérer le dépôt des dossiers a stipulé que « pour bénéficier du régime prévu » par les circulaires de juin et de décembre 2013, les demandes incomplètes devaient comporter l’ensemble des déclarations rectificatives avant le 31 mars 2015 pour les demandes déposées avant le 30 juin 2014. Pour celles déposées entre le 1er juillet 2014 et le 10 décembre 2014, le complément devait être fourni au 30 mai 2015. Enfin, les demandes déposées à compter du 10 décembre 2014 devaient être complétées dans un délai de six mois. Un formulaire n° 3911-SD dénommé « Dossier de mise en conformité d’avoirs détenus à l’étranger » a été mis en ligne. Les particuliers détenant des avoirs à l’étranger et souhaitant se mettre en conformité dans le cadre de la circulaire du ministre délégué au Budget du 21 juin 2013, devaient joindre ce formulaire à leur demande de mise en conformité. Ces différents documents n’ont fait l’objet d’aucun commentaire détaillé au BOFiP. Cependant une présentation rédigée sous la forme de questions-réponses a été publiée sur le portail des ministères financiers (www.economie.gouv.fr) et mise à jour pour la dernière fois en décembre 2016. « Ces documents sont les seuls textes relatifs aux modalités de régularisation », souligne la Cour des comptes dans son rapport d’octobre 2017.

Régularisation, transaction et réclamation ultérieure
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Un mécanisme de transaction

Bercy a choisi de recourir massivement à la transaction, conformément au 3° de l’article L. 247 du Livre des procédures fiscales (LPF), une convention entre l’administration fiscale et le contribuable qui, sans conduire à minorer les droits en principal, peut comporter une atténuation des pénalités, subordonnée au paiement par le contribuable des sommes laissées à sa charge. Dans son rapport de 2013 sur l’organisation de la régularisation des avoirs détenus à l’étranger non déclarés, l’Inspection générale des finances avait recommandé de recourir en la matière à cette voie transactionnelle. Pour les impôts éludés du fait des défaillances déclaratives antérieures qui doivent être intégralement acquittés, ainsi que les intérêts de retard qui sont de droit, les déclarants se sont vu proposer une réduction des majorations d’impôts et des amendes normalement exigibles. La fixation du montant des pénalités s’est effectuée dans le cadre de transactions conclues entre les contribuables concernés et l’administration fiscale. Il s’agissait d’une solution pragmatique destinée à éviter des contentieux longs, coûteux et aléatoires, et de permettre un encaissement assuré et rapide d’une fraction de la dette fiscale exigible.

La transaction telle qu’elle est définie par les dispositions législatives du LPF, est conditionnée par une demande du contribuable et vise au règlement de sa situation individuelle en tenant compte de tous les éléments de son dossier fiscal. En l’espèce, souligne la Cour des comptes dans son rapport d’octobre 2017, les dossiers n’ont pas été traités sur une base véritablement individuelle par le STDR mais sont réglés par application d’un barème standard, ce qui n’a pas permis de tenir compte des particularités de chacun. « En l’occurrence, le traitement des dossiers selon des modalités véritablement individuelles n’aurait vraisemblablement pas conduit à estimer une transaction optimale dans tous les cas ou aurait pu conduire à adopter des solutions différentes d’un dossier à l’autre. Des considérations d’opportunité et d’efficacité ont conduit à établir ces modalités spécifiques, en utilisant la procédure de la transaction individuelle telle que prévue par la loi pour opérer un traitement de masse uniforme », souligne la Cour des comptes.

Les conséquences d’une transaction

Or pour le contribuable, la conclusion de ces transactions était subordonnée au désistement de toute procédure contentieuse ou à la renonciation à tout recours contentieux. Ces transactions restaient néanmoins susceptibles d’être révoquée par l’administration fiscale s’il s’avérait ultérieurement que les déclarations des contribuables n’étaient pas sincères. La cour administrative d’appel de Paris appelée à se prononcer sur un dossier relatif notamment à des déclarations rectificatives de revenu, a considéré qu’il résulte clairement des termes de la transaction que le contribuable a renoncé à toute action, notamment par voie de réclamation, tendant à remettre en cause les impositions, pénalités et amendes visées et qu’il ne s’est pas simplement engagé à se désister d’une instance, alors qu’au demeurant aucune instance n’était en cours. Dans ces conditions, dès lors que les obligations que comportait cette transaction ont été exécutées, sa signature et son exécution faisaient obstacle à la présentation d’une réclamation, rendant irrecevable tout recours juridictionnel ultérieur, alors même que le bien-fondé des sommes mises à la charge du requérant aurait été ultérieurement susceptible d’être remis en cause. La circonstance que la transaction n’a pas été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception n’a pas de conséquence sur la validité de la conclusion de cette transaction. En outre, le juge d’appel précise qu’en contrepartie de l’engagement de paiement souscrit par le contribuable, la caducité d’une transaction s’applique uniquement en faveur de l’administration.