Consécration de la faute lucrative en droit commun : pourquoi ne dit-elle pas son nom ? Regard porté sur la constitutionnalité et l’efficacité de l’article 1266-1 du projet de réforme de la responsabilité civile

Publié le 08/11/2017

En instituant une amende civile en cas de faute lucrative, le législateur de la réforme du droit de la responsabilité civile vient apporter un remède efficace et ajusté au phénomène de faute lucrative. Éléments constitutifs de la faute lucrative et sanction proportionnelle au profit illicite sont les forces de ce dispositif. Les uns permettent de délimiter le champ d’application de l’amende civile tandis que l’autre entrave tout espoir d’un opérateur économique de conserver le profit retiré de son délit.

1. Une innovation audacieuse. L’article 1266-1 du projet de loi portant réforme du droit de la responsabilité civile consacre l’amende civile en cas de faute lucrative. Compte tenu de la dangerosité et de la rentabilité illicite de tels comportements, il fallait que le droit commun se dote d’une mesure « exorbitante » et dissuasive. Audacieux et novateur, ce texte apporte une réponse à la controverse suscitée par le phénomène de faute lucrative. C’était principalement sur la sanction que les tensions se sont cristallisées. La faute lucrative légitimait-elle la consécration de dommages et intérêts punitifs1 ou de dommages et intérêts restitutoires2 ? Au-delà de ce débat relatif à la sanction, encore fallait-il définir la faute lucrative, champ d’application de ladite sanction. Sur ce point, le législateur fait preuve de nouveauté car il désolidarise la notion de faute lucrative de la réparation du dommage. Et nous ne pouvons qu’approuver : car si la faute lucrative existe, ce n’est pas en raison des limites inhérentes à la fonction indemnitaire de la responsabilité civile, mais plutôt en raison du désintérêt, du silence de la fonction normative de la responsabilité civile au regard du profit illicite retiré par l’auteur d’un délit civil. La faute lucrative relance donc l’intérêt de la fonction normative de la responsabilité civile, c’est-à-dire celle qui s’intéresse aux conséquences de la faute, autres que le dommage.

Le législateur fait ici le choix de l’amende civile, une sanction exorbitante du droit commun certes, mais déjà connue de notre système juridique et en vigueur en droit des pratiques restrictives de concurrence, soit un contentieux proche de certains contentieux générés par la faute lucrative (concurrence déloyale et parasitisme, dol lucratif contractuel). Transposer en droit commun une institution de droit spécial qui a fait ses preuves depuis la loi NRE du 15 mai 2001 nous semble être une sage initiative. Une telle sanction répond en outre à l’objectif de dissuasion assigné au régime applicable à une faute lucrative, ce qui conforte ce choix de sanction. Au-delà des garanties d’efficacité qu’une telle sanction offre, sa nature évidente de peine impose un régime rigoureux pour en assurer sa constitutionnalité.

À l’appui de nos travaux3, nous adopterons deux angles d’analyse pour commenter l’article 1266-1 : celui de la constitutionnalité du texte et celui de l’efficacité du dispositif mis en place. Après s’être intéressé au principe de l’amende civile en cas de faute lucrative (I), il conviendra d’examiner une à une ses modalités d’application (II).

I – Le principe de l’amende civile

Bien évidemment, en son principe, instituer une sanction économique dissuasive en cas de faute lucrative est une bonne et audacieuse initiative du législateur. Le choix même de l’amende civile est des plus sages pour différentes raisons (A). Nous saluons par ailleurs le retrait de la faute lourde du champ d’application de l’amende civile qui nous paraissait inapproprié. Elle se voit désormais cantonnée à la faute lucrative, dont la définition devra être passée au crible du principe de légalité des délits et des peines (B).

A – Choix et nature de la sanction

1 – Les raisons légitimant le choix de l’amende civile

2. L’amende civile : un choix cohérent. Tout d’abord, consacrer l’amende civile en droit de la responsabilité s’inscrit dans une certaine cohérence des innovations, c’est la première raison de sa légitimité à pénétrer le droit commun. En effet, cette sanction économique existe dans d’autres branches de droit privé4 et surtout en droit des pratiques restrictives de concurrence5. C’est d’ailleurs dans cette matière que l’amende civile a déployé ces vertus. Après des débuts timides, force est de constater que l’instrument est désormais assumé.

En outre, l’amende civile se classe parmi les peines civiles publiques et ne présente donc pas à ce titre les inconvénients de la peine privée. Rappelons que le principal point de discorde de la doctrine autour des dommages et intérêts punitifs concernait le récipiendaire du profit illicite confisqué. L’une des caractéristiques de la peine privée est en effet qu’elle profite exclusivement à la victime, auteur de l’action en responsabilité6. L’amende civile évince donc ce débat : le récipiendaire du produit de l’amende civile étant un tiers public (État ou fonds d’indemnisation), il n’y aura pas d’enrichissement illégitime de la victime.

Enfin, l’amende civile a le mérite de réattribuer à la responsabilité civile une fonction traditionnelle, indépendante et autonome de la fonction indemnitaire : la fonction normative. Le contentieux des fautes lucratives a en effet révélé les limites du droit de la responsabilité civile à travers sa fonction indemnitaire. L’amende civile a le mérite de sanctionner sans ambiguïté la faute et ses conséquences autres que le dommage. Ce faisant, elle constitue une sanction « extra-compensatoire » ou « normative », c’est-à-dire « une sanction de la faute indépendante de la réparation du dommage »7. Ce sont d’ailleurs les circonstances de la faute qui sont prises en compte dans la fixation de son quantum, nous y reviendrons. La fonction normative réhabilitée est même exacerbée puisque certains pourraient y voir une fonction punitive : l’amende civile constituant une « peine », bien que civile, au sens de la jurisprudence constitutionnelle et européenne.

2 – La nature de l’amende civile et ses conséquences

3. L’amende civile : une sanction répressive. Inéluctablement, l’amende civile ne peut échapper à la qualification de « peine » ou de « sanction répressive » aux vues des critères de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et du Conseil constitutionnel, à l’instar de l’amende civile appliquée en droit des pratiques commerciales déloyales8. En dépit de sa nature « civile », l’amende civile souscrit incontestablement au critère finaliste de la peine posé par le Conseil constitutionnel9 ainsi qu’aux critères de la peine posés par la CEDH10. Sa nature « répressive » ou pénale lato sensu découle non seulement de l’objectif assigné à la mesure : la rétribution et la dissuasion mais aussi de l’enjeu de son prononcé (rétablir un ordre public économique) ainsi que des modalités de prononcé et d’exécution (motivation, autorité de poursuite, montant supérieur au profit illicite, etc.). Parce qu’elle cherche à intimider, dissuader et rétribuer à hauteur, voire au-delà de l’enrichissement illicite, l’amende civile revêt bien la qualification de « peine » et doit à ce titre offrir au condamné un niveau de garanties renforcé.

4. Principe de légalité et peine civile. Arrêtons-nous sur la première garantie de la peine : le principe de légalité des délits et des peines (les principes de proportionnalité, de nécessité et la motivation seront abordés lorsque nous traiterons des modalités de l’amende civile). Ce principe cardinal de notre système juridique doté des valeurs normatives les plus hautes implique deux exigences : une définition claire et précise des « fautes civiles » pour lesquelles l’amende civile pourrait être prononcée et un régime prévisible de l’amende civile au travers des modalités clairement énoncées. Concernant la définition de la faute civile pour laquelle l’amende civile est encourue, une nuance s’impose. À la différence d’une infraction, une faute civile ne peut en raison de son universalité être enfermée dans une définition stricte. Aucune des qualifications de droit civil ne présume un acte matériel précis. C’est généralement leur élément moral qui permet de les distinguer entre elles. Aussi la doctrine civiliste s’accorde-t-elle sur une « application atténuée du principe de légalité à la matière civile »11. De même, pour le Conseil constitutionnel, certaines garanties constitutionnelles peuvent être « adaptées » lorsqu’il s’agit d’une sanction non pénale au sens strict12. Nul besoin donc de lister les actes matériels possibles d’une faute lucrative (concurrence déloyale parasitisme, atteinte à vie privée, inexécution efficace du contrat, etc.), il suffit en revanche de préciser pour quel type de faute civile qualifiée la sanction est encourue et de la définir au regard de caractéristiques propres. Ce qui revient à définir précisément » les « éléments constitutifs du manquement sanctionné ». C’est ce que reprochaient les parlementaires à l’article 1er de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre13. En d’autres termes, le texte doit mentionner les éléments constitutifs de la faute civile assortie de l’amende civile instituée. Voyons si la définition de la faute lucrative souscrirait à cette exigence constitutionnelle.

B – Champ d’application de la sanction : la faute lucrative et sa définition

Examinons la définition de la faute lucrative énoncée à l’alinéa 1er de l’article 1266-1 : « En matière extracontractuelle, lorsque l’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie… » en distinguant son élément légal (1), son élément matériel (2) et son élément matériel (3).

1 – Élément légal de la faute lucrative

5. Exclusion des fautes lucratives contractuelles. Tout d’abord, nous remarquerons que contrairement à l’article 1266 de l’avant-projet qui ne faisait aucune allusion aux contentieux possibles de la faute lucrative, l’article 1266-1 du projet exclut clairement la matière contractuelle. Par conséquent, la faute lucrative assortie d’une amende civile ne peut être une faute lucrative contractuelle.

Avant de se prononcer sur cette exclusion, rappelons ce que sont les fautes lucratives contractuelles. Dans nos travaux, nous en distinguions deux types14. Les premières consistent en un déséquilibre significatif pour tirer un avantage contractuel au détriment d’une partie15. Les secondes consistent en une inexécution délibérée et/ou de mauvaise foi du contrat pour en tirer un profit illicite16.

Sans doute le mécanisme de répétition de l’indu suffirait-il à lutter contre le premier type de fautes lucratives contractuelles, à savoir le déséquilibre significatif17. Il faudrait alors faire application des articles 1302-1 du Code civil et des règles relatives aux restitutions prévues aux articles 1352 et suivants du Code civil. Mais encore faut-il que la victime agisse à cette fin. En revanche, pour les hypothèses d’inexécution lucrative du contrat, il n’existe pour l’heure aucun procédé de confiscation du profit retiré par le cocontractant défaillant. L’article 1217 du Code civil énumère les conséquences possibles d’une inexécution du contrat parmi lesquelles ne figure pas de sanction confiscatoire. Et lorsque l’inexécution résulte d’une faute dolosive, l’article 1231-3 du Code civil prévoit seulement une extension de la réparation, due par le cocontractant défaillant, aux préjudices non prévisibles au jour de la conclusion du contrat. Pourtant, le droit comparé offre des mécanismes confiscatoires applicables à ce type de fautes lucratives, transposables à notre système juridique. On citera tout d’abord l’account of profit du droit anglais qui est une forme de disgorgement damages, permettant précisément de saisir, confisquer le profit retiré d’une rupture efficace du contrat18. On citera également l’action en enrichissement illégitime de l’article 62.1 du Code des obligations suisse selon lequel « Celui qui, sans cause légitime, s’est enrichi aux dépens d’autrui, est tenu à restitution ». Contrairement à l’action de in rem verso de l’article 1303 du Code civil français, l’action en enrichissement illégitime ne requiert pas un appauvrissement corrélé à l’enrichissement injustifié, ce qui permet son application à l’hypothèse d’une inexécution délibérée du contrat.

Notre système juridique devrait donc se doter d’un mécanisme « seulement » confiscatoire, applicable à ce type de fautes lucratives contractuelles, les inexécutions délibérées. Parce qu’elle n’appauvrit pas l’auteur, mais évite que la faute ne paie, la confiscation du profit illicite échapperait à la qualification de sanction répressive et ce faisant aux exigences constitutionnelles y afférentes, telles le principe de légalité19. On pourrait donc envisager qu’une mesure de confiscation soit prononcée par un juge civil/commercial contre l’auteur d’une rupture efficace du contrat, en dehors de toute habilitation spéciale du législateur à travers un attendu de principe comme suit20 :

Vu les articles 1217 et 1266-1 du Code civil ;

« Attendu que l’inexécution du contrat commise délibérément par son auteur et en vue d’un gain constitue une faute lucrative ; que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut demander la confiscation du profit retiré par le cocontractant défaillant, en plus des sanctions compatibles ».

6. L’absence de référence à des prescriptions légales spéciales. De cette exclusion précédemment évoquée, il faut en déduire que la faute lucrative est nécessairement une faute délictuelle. Et la référence expresse du législateur à la notion de « faute » nous invite à nous reporter à l’article 1242 du projet de réforme pour définir l’élément légal de cette faute. Ainsi, par renvoi à l’article 1242, l’élément légal de la faute lucrative engloberait « toutes les prescriptions légales, le devoir général de prudence ou de diligence ». Cette généralité de l’élément légal de la faute lucrative, propre à toute faute civile d’ailleurs, est selon nous une force du texte, car il en garantit la longévité. Nous saluons donc l’absence de référence aux prescriptions légales spéciales qu’une faute lucrative pourrait méconnaître. On notera qu’il en était de même dans les propositions doctrinales précitées : ni l’article 1371 de l’avant-projet Catala, ni la recommandation 54 du projet Terré ne délimitaient le champ d’application de la faute lucrative, contrairement à la proposition 24 de la loi Béteille (le texte précisant « dans certains contentieux spécialisés »).

En effet, les nombreux travaux menés sur la faute lucrative ont montré qu’elle sévissait dans des contentieux variés du droit civil et notre travail a démontré qu’elle existait dans d’autres matières du droit privé : droit pénal des affaires, droit de la consommation, droit de l’environnement, droit de la concurrence, etc. Aujourd’hui, une faute lucrative peut constituer un acte de concurrence déloyale, une violation d’un droit de la personnalité, une inexécution délibérée du contrat, une infraction au droit de la concurrence, une infraction du droit de la consommation (tromperie) une violation des droits de propriété intellectuelle (délit civil ou pénal) une infraction contre les biens, etc. Demain, elle constituera un acte d’optimisation fiscale, une infraction de traite d’humains en bande organisée, un acte de pollution de la planète par économie de dépense, une tromperie sur les qualités curatives d’un médicament produit en masse par un laboratoire pharmaceutique, etc. La faute lucrative sévira dans tous les secteurs à haute rentabilité. Aucune liste des contentieux provoqués demain par une faute lucrative ne peut être établie de manière exhaustive aujourd’hui. Inutile donc de délimiter l’élément légal.

Cette généralité de l’élément légal, qui plus est inhérente à l’universalité de la faute civile, est par ailleurs compensée par d’autres traits saillants de la faute lucrative que le législateur prend soin de définir.

2 – Élément matériel

7. Le résultat économique d’une faute lucrative. Si le texte est silencieux sur le comportement répréhensible, il nous apporte une première précision sur ses conséquences. Il résulte de la rédaction de l’article 1266-1 que la faute visée doit s’accompagner d’un résultat économique « le profit illicite ». Le législateur précise en outre que le profit illicite est pris en compte pour calculer le montant de l’amende civile21. A contrario, si l’auteur de la faute dommageable ne retire pas de profit de son délit, il ne commet pas une faute lucrative. Le profit illicite est donc une caractéristique de la faute lucrative : il est une conséquence, un « résultat » de la faute lucrative. Ce faisant, il en est un des aspects de l’élément matériel.

La mention du résultat économique est donc indispensable dans la définition de la faute lucrative. De surcroît, le législateur ajoute qu’il peut s’agir d’un « gain » ou d’une « économie ». Dans notre thèse, nous montrons que le profit illicite procède de deux stratégies différentes cumulatives ou non22. Soit, l’agent cherche à diminuer son passif auquel cas il réalise une « économie de dépense » (ex : redevances non payées au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, économies d’investissement, non-respect d’une procédure de vetting d’un navire transportant des hydrocarbures). Soit, l’agent cherche à augmenter son actif auquel cas il réalise un gain (recettes liées à la commercialisation d’un bien non conforme à la réglementation, ou d’un journal publiant un article ou image attentatoire aux droits de la personnalité). Cette précision nous semble importante dans la mesure où elle invite le juge à identifier et quantifier le profit illicite23.

8. Le résultat dommageable de la faute lucrative. Par ailleurs, nous accueillons favorablement la mention du « dommage » à travers la formule « l’auteur du dommage » dans la définition de la faute lucrative. Cette seconde conséquence de la faute lucrative permet de mettre en exergue la nocivité d’un tel comportement. Notre étude a montré que toute faute lucrative se composait d’un résultat dommageable24. En présence d’une faute lucrative civile, le résultat dommageable est nécessairement un préjudice subjectif (dommage patrimonial : concurrence déloyale ; ou dommage extra-patrimonial : violation de la vie privée par voie de presse à scandale). En outre, il ressort d’une étude casuistique menée dans notre thèse que ce résultat dommageable peut consister en un dommage réalisé ou un dommage potentiel. Pour illustrer le dommage potentiel, on citera notamment l’acte de concurrence déloyale qui engendre un trouble commercial, lequel ne se matérialise pas nécessairement par une baisse du chiffre d’affaires25. Ce peut aussi être le cas de certains manquements à des règlementations sanitaires ou sécuritaires pour des raisons économiques qui ne créent qu’un risque de réalisation de dommage.

Au-delà des conséquences de la faute lucrative, qui caractérisent son élément matériel, le législateur prend soin de définir, et avec justesse, son élément moral.

3 – Élément moral de la faute lucrative

9. Disparition opportune de la faute lourde. En premier lieu, on notera que l’article 1266-1 ne fait pas référence à la faute lourde, contrairement à la version de l’avant-projet. Dans notre contribution à la consultation publique menée par le ministère de la Justice, nous avions en effet plaidé et argumenté en faveur de la disparition de la faute lourde dans le projet de loi. Nous avions expliqué, à l’appui des enseignements de la théorie économique, que l’amende civile ne serait une sanction économique dissuasive que dans le cas d’une faute intentionnelle. En effet, selon le modèle économique de la dissuasion26, une sanction proportionnelle au profit illicite n’est dissuasive que si elle cherche à déjouer un calcul coût-avantage. En d’autres termes, seule une faute préméditée, intelligente commise par une personne douée de « rationalité économique »27. À l’inverse, la faute lourde est une maladresse notoire, une déficience naturelle qui n’a pu être corrigée et contenue à temps par son auteur28. La faute lourde est spontanée tandis que la faute lucrative est anticipée, préméditée. La première ne peut donc être empêchée par dissuasion. Seul un acte « prémédité » peut être déjoué par une politique de dissuasion. Pour cette raison la faute lourde était une notion « intruse » dans l’article 1266. On se félicite donc de constater que cette notion ne figure plus dans le champ d’application de l’amende civile.

10. L’exacte transcription du calcul coût-avantage. En second lieu, certaines expressions sont employées par le législateur pour désigner l’intention de l’auteur d’une faute lucrative. Attardons-nous sur les termes « délibérément » et « en vue d’obtenir un gain ou une économie ». L’adverbe « délibérément » était déjà employé, et à bon escient, dans le texte de l’avant-projet. La formule qui le suit « en vue de » est nouvelle et tout à fait adéquate ; elle renforce l’idée que l’intention de l’auteur d’une faute lucrative est tournée vers le profit illicite (gain ou économie). Nous l’avions d’ailleurs employée dans notre proposition de définition de la faute lucrative29.

Le caractère « délibéré » est en effet une caractéristique essentielle de la faute lucrative que Geneviève Viney avait mis en exergue30 et sur laquelle la doctrine s’accorde31. Le caractère délibéré est toutefois inédit en droit de la responsabilité civile. Dans nos travaux, nous avions consacré de longs développements à le décrire et le définir juridiquement afin de mieux le distinguer des éléments moraux des autres fautes civiles et pénales32. C’est à partir du calcul opéré préalablement par l’auteur d’une faute lucrative qu’il faut raisonner : le calcul coût-avantage33.

Le premier paramètre de ce calcul est très évocateur : le « coût juridique » d’une faute se compose non seulement du coût des réparations (dommages et intérêts : sanction privée), mais aussi le cas échéant celui de l’amende (sanction publique). Partant, la spéculation sur le coût d’une activité illicite lucrative traduit non seulement la « conscience » du caractère illicite de l’activité lucrative, mais aussi la conscience de « ses conséquences préjudiciables » pour autrui. Il en résulte que le caractère délibéré emporte une certaine « acceptation » morale et économique des conséquences de la faute par son auteur. En cela, la faute lucrative se rapproche de la faute intentionnelle ou dolosive du droit de la responsabilité dans sa conception moderne34.

Le second paramètre du calcul montre quant à lui que l’intention est tournée non pas vers la nuisance, mais vers l’enrichissement illicite. En cela, la faute lucrative s’éloigne de la faute intentionnelle ou dolosive dans son acception traditionnelle caractérisée par la « volonté de causer le dommage »35. En effet, la faute lucrative n’étant commise uniquement si l’avantage escompté est plus élevé que le coût, cela démontre bien que l’intention est tournée vers le gain et non le dommage. Aussi la formule « en vue d’obtenir un gain ou une économie » ajoutée dans l’article 1266-1 est tout à fait appropriée.

Que faut-il en déduire ? L’élément moral de la faute lucrative recèle deux composantes : la conscience de l’illicite et du risque social (traduit par l’adverbe « délibérément ») et la volonté tournée vers le profit illicite (traduit par l’expression « en vue d’obtenir un gain ou une économie »). Et s’il fallait la classer dans la hiérarchie des fautes civiles, nous pensons qu’elle devrait être assimilée à la faute intentionnelle (ou faute dolosive en droit de la responsabilité civile contractuelle). Mais parce que la volonté de l’auteur d’une faute lucrative est tournée vers le profit illicite et non le dommage, elle devrait s’en distinguer et produire des effets distincts tels que la confiscation du profit retiré par l’auteur.

11. Conclusion sur la définition de la faute lucrative et sa conformité au principe de légalité des délits et des peines. Selon nous, le premier alinéa de l’article 1266-1 apporte une définition claire et précise de la faute lucrative.

Certains auteurs ont émis un doute sur la conformité de ce texte au principe de légalité, suite à la décision du Conseil constitutionnel du 23 mars dernier36. Pourtant, l’article 1266-1 ne présente pas autant d’insuffisances que l’article 1er de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Ce dernier manquait de précision à plusieurs égards. D’une part, le « référentiel normatif » au regard duquel sont appréciés les risques et sur la base de laquelle le plan de vigilance doit être élaboré, était trop général (non seulement le risque visé englobait « toute atteinte aux droits humains et aux libertés fondamentales » mais en outre les mesures de vigilance énumérées par la loi n’étaient pas claires). Ce qui rendait la délimitation de la faute civile difficile. D’autre part, le manquement à l’obligation de vigilance n’était pas qualifié (grave ou simple ?). Et enfin, la loi ne délimitait pas le « périmètre des sociétés, entreprises et activités entrant dans le champ du plan de vigilance »37. En d’autres termes, la loi ne désignait pas le débiteur de l’obligation de vigilance et ce faisant la personne (physique ou morale) encourant la sanction. Toutes ces imprécisions justifiaient la censure du Conseil constitutionnel et la disparition de l’amende civile dans le texte promulgué. L’article 1266-1 ne souffre pas d’autant de lacunes : si l’élément légal est également général bien qu’il soit plus délimité que la version de l’avant-projet38, les autres éléments constitutifs sont définis avec soin. On l’a dit, il résulte du texte une caractérisation de l’élément matériel : la faute lucrative entraîne nécessairement un « profit illicite » et « un dommage ». Il en est de même de l’élément moral qui est « inédit » et défini avec précision : la faute lucrative est une faute « délibérée » et commise avec une « intention tournée vers un profit illicite ». En outre, la personne encourant la sanction est expressément visée : il s’agit de l’auteur du dommage. Par conséquent, il ne faudrait pas que ce texte soit invalidé du seul fait de la généralité de son élément légal : car c’est l’une de ses forces. Cette généralité offre au texte une longévité certaine, une adaptabilité à tous les secteurs d’activité à haut rendement que l’homo economicus inventera demain et dans lesquels les opérateurs seront tentés de s’affranchir d’une règle pour augmenter leur gain.

On regrette néanmoins que la faute qualifiée définie par ledit texte ne soit pas expressément nommée. La qualifier de « faute lucrative » aurait pourtant permis de renforcer la délimitation du champ d’application de l’amende civile et ce faisant de consolider sa conformité au principe de légalité.

Pour conclure, nous pensons que l’article 1266-1 apporte une définition claire et précise de la faute civile qu’il sanctionne. Cette définition comporte toutes les composantes de la faute lucrative que nous avions identifiées dans notre thèse : un élément légal (une faute – renvoi à l’article 1242), un élément matériel (résultat économique et résultat dommageable) et un élément moral (adverbe délibérément et expression « en vue d’obtenir gain ou économie »). Elle est d’ailleurs très proche de la définition que nous proposions dans nos travaux : « Est qualifiée de faute lucrative toute faute commise délibérément en vue d’un enrichissement illicite et au préjudice d’autrui »39. Examinons à présent les modalités d’application de l’amende civile.

II – Les modalités d’application de l’amende civile

La seconde partie de notre analyse porte sur les modalités d’application de l’amende civile telles qu’elles résultent des alinéas 2 et suivants de l’article 1266-1. On s’intéressera aux modalités de calcul de l’amende civile d’une part (A) et à ses modalités de prononcé et d’exécution d’autre part (B).

A – Les modalités de calcul de l’amende civile

12. La proportionnalité de l’amende civile aux profits illicites : une garantie d’efficacité. Comme dans l’avant-projet, le législateur envisage la fixation du quantum de la sanction au regard des critères suivants : « gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur et aux profits qu’il en aura retirés »40. Nous regrettons que les profits illicites n’apparaissent qu’en troisième position dans l’énumération des critères, alors qu’ils sont le critère essentiel d’une sanction économique qui se veut dissuasive et confiscatoire. En effet, la théorie économique de la dissuasion enseigne qu’une sanction économique dissuasive se détermine selon les modalités suivantes41.

  • une assiette correspondant précisément au profit illicite de sorte que la sanction soit a minima confiscatoire. Priorité doit donc être donnée au profit illicite pour déterminer l’assiette de l’amende civile par rapport aux autres critères énumérés par le législateur.

  • un coefficient multiplicateur. Les deux autres critères énoncés (gravité de la faute et facultés contributives) portent sur le « coefficient » apposé au profit illicite ; ils auraient dû être énoncés en second lieu selon nous. Les facultés contributives de l’auteur sont un critère qui garantit la conformité de la peine étudiée au principe de proportionnalité42. Il en est de même du critère de gravité de la faute. L’un et l’autre certifient que le niveau de sanction sera ajusté à la faute et à ses circonstances, idée maîtresse du Traité des délits et des peines de Cesare Beccaria (1764). Toutefois, la « gravité de la faute » est un critère subjectif qui nous paraît délicat à manipuler : qu’est-ce qui permettra de jauger la gravité de la faute ? Dans notre nomenclature de la sanction publique43, nous énumérons certains critères objectifs pouvant être pris par le juge pour fixer le coefficient, parmi lesquels figurent : « l’étendue du trouble à l’ordre public économique » et « la durée de l’activité illicite », critères qui nous semblent plus précis que « la gravité de la faute ». On citera également « l’aversion/la sensibilité au risque » du délinquant.

Par conséquent, si le juge donne priorité au profit illicite, comme nous le préconisons, pour calculer le quantum de l’amende civile, alors elle sera confiscatoire et dissuasive conformément à l’objectif assigné à ce dispositif. Quant aux deux autres critères prévus par le législateur, ils ont le mérite d’assurer la conformité de la sanction au principe de proportionnalité, tout comme les plafonds légaux.

Commentons à présent les alinéas 3 et 4 : « L’amende ne peut être supérieure au décuple du montant du profit réalisé. Si le responsable est une personne morale, l’amende peut être portée à 5 % du montant du chiffre d’affaires hors taxes le plus élevé réalisé en France au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel la faute a été commise ».

13. Les plafonds légaux et le principe de proportionnalité. L’existence de plafonds légaux conforte la constitutionnalité de l’amende civile étudiée. Parce qu’ils opèrent comme une limite à la répression, ils expriment le principe de proportionnalité dans sa fonction limite44. On remarquera tout d’abord la disparition du plafond fixe de 2 millions d’euros. En revanche, le plafond proportionnel relatif aux personnes physiques est maintenu (le décuple du profit). Ce dernier nous paraît encore élevé pour un contentieux « civil », si on le compare au plafond applicable en droit des pratiques restrictives de concurrence45. Dans nos travaux, nous préconisions également « le triple du profit illicite »46. Si le plafond retenu a le mérite de mettre en relief l’objectif de dissuasion du dispositif, il pourrait se voir censuré par le Conseil constitutionnel sur le fondement du principe de proportionnalité.

Par ailleurs, l’abaissement du plafond concernant les personnes morales est le bienvenu. Le coefficient retenu (5 % du chiffre d’affaires) est bien connu des juges civils et consulaires47 et concorde avec celui que nous préconisions48. À l’inverse, l’ancien plafond (10 % du chiffre d’affaires) donnait au texte une coloration répressive soutenue incompatible avec un contentieux purement civil (Il correspondait en effet à celui applicable en droit des pratiques anticoncurrentielles49 et en droit des marchés financiers50, qui sont des contentieux purement répressifs et dans lesquels les juges économiques disposent de directives et grilles d’application51.

B – Les modalités de prononcé et d’exécution de l’amende civile

14. La motivation : éclairage sur son contenu. La motivation est une garantie essentielle du procès équitable définie à l’article 6 de la CEDH. L’obligation expresse pour le juge de motiver le prononcé de l’amende civile, inscrite dans l’alinéa 1er de l’article 1266-152 est donc une réelle qualité du texte commenté. C’est une garantie que nous suggérions aussi dans notre étude53, compte tenu du caractère « extra-compensatoire » de l’amende civile, de sa nature « répressive » et donc de la gravité de ses effets sur le responsable. Cette mesure a indiscutablement pour effet d’alourdir la responsabilité de l’auteur d’une faute lucrative ce qui requiert une motivation spéciale.

Concrètement, nous préconisons que cette motivation contienne deux types de motifs : les uns relatifs à la caractérisation de la faute lucrative justifiant le prononcé de l’amende civile, les autres relatifs à l’évaluation du quantum de l’amende civile. Le juge devra d’une part relever l’existence de chacune des composantes de la faute lucrative définies dans le texte : profit illicite (gain ou économie) existence d’un dommage, d’une faute et du « délibéré »). Il devra d’autre part relever les motifs permettant de justifier le montant de l’amende prononcée. Ce qui imposera au juge de quantifier le profit illicite, de relever les circonstances particulières justifiant le choix du coefficient multiplicateur comme l’ampleur du dommage ou la gravité de l’atteinte, le type de contentieux, etc.

15. Extension du droit d’agir aux fins de prononcé d’une amende civile : garantie d’effectivité de l’amende civile. Si le texte initial était silencieux sur les personnes ayant le droit de demander le prononcé de l’amende civile, saluons cet ajout par le législateur dans le texte final, spécialement à la fin de l’alinéa 1er54. Dans le cadre de la consultation publique, et à l’appui de nos travaux55, nous avions lourdement insisté sur l’importance d’une telle précision dans la mesure où la distribution du droit d’agir augmente la probabilité d’une sanction d’être prononcée et constitue ce faisant un véritable levier de dissuasion. L’idée est simple : plus les personnes ayant qualité à agir aux fins de sanction sont nombreuses, plus une sanction a de chance d’être prononcée, plus elle intimide et donc plus elle dissuade. En d’autres termes, l’effectivité d’une sanction participe à son effet dissuasif. Et le droit d’agir en est un levier. Or, le ministère public, parce qu’il est habilité à défendre l’ordre public économique56, pouvait légitimement se voir conférer une action d’office en matière de lutte contre les fautes lucratives. Il est bien des contentieux de fautes lucratives dans lesquels le ministère public serait fondé à agir compte tenu de l’enjeu particulièrement saillant d’ordre public économique. Le législateur ne l’en a-t-il pas déjà doté en matière de pratiques restrictives de concurrence ? Il est regrettable d’ailleurs que le ministère public l’use si peu par rapport au ministre chargé de l’Économie. Mais fort de la jurisprudence relative à l’article L. 442-6, III, du Code de commerce et de son monopole d’action en défense de l’ordre public économique (son droit d’agir n’est ici pas concurrencé par celui du ministre de l’Économie), il est probable que le ministère public soit désormais moins timoré à agir sur le fondement de l’article 1266-1.

Quid de la victime ? C’est une modification essentielle selon nous que de conférer à la victime un droit d’agir aux fins de prononcé d’une amende civile. Priver la victime de ce droit d’agir aux fins de sanction confiscatoire aurait considérablement réduit l’effectivité d’un dispositif de lutte contre les fautes lucratives. D’autant plus que le juge ne s’est vu attribué que d’une simple faculté de prononcer une amende civile57. Du seul fait de son dommage, la victime a selon nous un intérêt à agir en confiscation du profit illicite retiré par l’auteur de la faute58. La victime est un régulateur privé essentiel dont il fallait promouvoir l’action. Or l’affectation du produit de l’amende au Trésor public ou à un fonds d’indemnisation, si elle a le mérite de clore une controverse virulente relative à l’enrichissement de la victime, elle prive dans le même temps la victime d’un intérêt économique à agir. Ainsi, en lui attribuant un droit d’agir aux fins de sanction, le législateur confère un « intérêt à la normativité » auquel la victime n’est pas insensible et qui ne peut que l’inciter à agir.

Un tel dispositif ne manque pas d’originalité puisqu’il institue finalement une peine civile qui peut être demandée par une personne publique et une personne privée. Il s’agirait donc d’une peine civile semi-publique ? Il est vrai qu’en droit de la procédure pénale, l’action civile met en mouvement l’action publique59. Ce faisant, elle poursuit deux finalités : indemnitaire et punitive. Il en sera de même de l’action menée par la victime d’une faute lucrative civile.

16. L’office du juge : une occasion manquée de renforcer l’effectivité de l’amende civile. Le texte énonce que « le juge peut condamner… » ce qui consacre une faculté et non un devoir pour le juge de prononcer l’amende civile. Encore une fois, cette simple faculté nous semble être un obstacle au prononcé effectif de la sanction et source d’affaiblissement de l’effet dissuasif du dispositif. Pis, elle risquerait de se voir appliquer de manière hétérogène selon les juridictions et les contentieux ce qui compromettrait la sécurité juridique. Rappelons que selon le modèle économique de la dissuasion, plus une sanction est probable plus elle est dissuasive.

À moins que le juge considère l’article 1266-1 comme une disposition d’ordre public60. N’y a-t-il pas un enjeu d’ordre public en présence d’une faute lucrative ? L’attribution d’un droit d’agir spécial au ministère public par le législateur l’insinue d’ailleurs. Dans nos travaux, nous démontrons que la faute lucrative génère un profit illicite, qui n’est autre qu’un indu dans une économique de marché61. Confisquer le profit illicite participe donc au rétablissement de l’ordre public économique et au bon fonctionnement du marché.

Dès lors, le juge aurait l’obligation de relever d’office la qualification de faute lucrative afin de prononcer une amende civile au moins confiscatoire62. Une telle interprétation renforcerait l’effectivité du texte et ce faisant son effet dissuasif. À titre de comparaison, on citera l’exemple du dispositif relatif aux clauses abusives en droit de la consommation. C’est bien dans un objectif de dissuasion et d’efficacité du droit que la CJUE a considéré que le juge avait l’obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause d’un contrat de consommation63. La faculté de relever d’office les dispositions du Code de la consommation énoncée à l’article R. 632-1 dissimule en réalité un devoir. Cet office du juge est de surcroît corroboré par le caractère impératif des dispositions relatives aux clauses abusives64.

17. La non-assurabilité. Dans l’article 1266-1, le législateur prend soin de préciser in fine65 que l’amende civile n’est pas assurable. Une telle modalité concorde avec les projets doctrinaux66. Elle concorde également avec la jurisprudence qui considère que l’assureur n’est pas tenu à garantie d’une sanction pécuniaire infligée par une autorité de régulation dans la mesure où elle poursuit « le même objectif que les sanctions pénales, à savoir la répression d’infractions à des textes législatifs ou réglementaires et un effet suffisamment dissuasif pour éviter la réitération de tels actes »67. Or, c’est bien l’objectif poursuivi par l’amende civile : au-delà de la confiscation du profit, elle cherche à dissuader par l’intimidation, c’est la vocation des plafonds élevés du dispositif. Elle corrobore enfin un courant jurisprudentiel qui assimile à la faute dolosive, la « faute volontaire et délibérée même en l’absence de la volonté de nuire » en droit des assurances68. Dans nos travaux, nous en avions déduit que la faute lucrative était équipollente à une faute dolosive ce qui la faisait entrer dans le champ d’application de l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances69.

Toujours est-il qu’une telle modalité consolide assurément l’effet dissuasif du dispositif puisqu’elle garantira que la sanction sera subie personnellement par l’auteur de la faute lucrative et non reportée sur la collectivité.

18. Affectation du produit de l’amende70. En excluant la victime de l’affectation du produit de l’amende civile, le législateur met fin à la principale controverse doctrinale suscitée par la consécration de la faute lucrative en droit français. L’affectation à un fonds d’indemnisation ou au Trésor public du profit illicite consolide la nature de peine civile publique de l’amende civile, ravive la fonction normative/punitive de la responsabilité civile et consolide l’intangibilité du principe de réparation intégrale propre à sa fonction indemnitaire. La cohérence du droit de la responsabilité civile est donc sauvegardée.

Une telle exclusion n’empêche pas la restitution totale ou partielle du profit illicite en matière contractuelle. Dans le premier type de fautes lucratives contractuelles, le déséquilibre significatif, c’est une logique restitutoire qui s’impose et qui est d’ailleurs prévue par la loi à travers le mécanisme de répétition de l’indu. En effet, il y a bien un déséquilibre corrélé entre les patrimoines des cocontractants : l’enrichissement de l’un se fait au détriment de l’autre. Dans le second type de fautes lucratives contractuelles, les inexécutions délibérées ou de mauvaise foi, la question peut se poser. Car le profit retiré par le cocontractant défaillant n’aurait pas été réalisé par la victime. Donc rien ne justifie que le profit illicite confisqué lui soit affecté. Dans ce cas, on pourrait envisager que le profit illicite confisqué sur le fondement de la règle confiscatoire issue de notre attendu de principe71 soit mis sur le compte du Trésor public.

19. Amende civile et cumul de sanctions. La dernière question qu’il faut se poser attrait au cumul des sanctions. On ne s’intéressera qu’aux hypothèses dans lesquelles une faute lucrative méconnaîtrait par ailleurs un texte spécial prévoyant une sanction administrative ou pénale non confiscatoire. L’article 1266-1 aura alors un intérêt puisqu’il permettra de confisquer le profit illicite. C’est le cas notamment de l’atteinte à la vie privée72 et plus généralement de toutes les pratiques commerciales abusives qui sont sanctionnées par une amende administrative ou pénale à plafond fixe. Mais se pose alors la question de la conformité d’un tel cumul de sanction au principe de nécessité des délits et des peines. C’est donc à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au cumul de sanctions en matière d’abus de marché qu’il faut se référer73. Un cumul de sanctions est interdit sous les quatre conditions cumulatives suivantes : si celles-ci sanctionnent des faits identiques ; poursuivent une même finalité de répression ; sont de même nature ; relèvent de juridictions de l’ordre judiciaire. Il suffit donc que l’une de ces conditions ne soit pas remplie pour que le cumul soit autorisé. Or la discussion est possible sur les deux premiers critères. D’une part, la définition de la faute lucrative de l’article 1266-1 est inédite, aucun autre texte de droit spécial n’en donne une telle définition quand bien même il le viserait. D’autre part, si une amende civile et une amende administrative constituent toutes deux des sanctions pécuniaires « para-pénales », on pourrait admettre qu’elles ne poursuivent pas exactement la même finalité de répression ou ne protègent pas les mêmes intérêts sociaux si l’une est dotée d’un plafond proportionnel au profit illicite et l’autre d’un plafond fixe. Car l’une est confiscatoire et l’autre non. Pour éviter qu’une faute incriminée par un texte spécial n’enrichisse son auteur, la sanction de droit commun de l’article 1266-1 est nécessaire. Aussi, leur « nature », voire leur « finalité répressive » pourraient être jugées différentes. Pour toutes ces raisons, le cumul de l’amende civile avec une amende para-pénale non confiscatoire devrait être possible.

Pour conclure, l’article 1266-1 du projet de réforme du droit de la responsabilité civile représente incontestablement une avancée majeure. À travers la consécration d’une amende civile en cas de faute lucrative, le droit commun se dote d’un outil de dissuasion efficace contre ces stratégies spéculatives intolérables sur le coût et le gain d’une violation de la loi. Espérons que cet outil permettra de détourner certains opérateurs économiques d’activités lucratives illicites à haut risque pour le Vivant.

Espérons également qu’une fois en vigueur, les praticiens du droit en fassent un usage immédiat et énergique.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Article 1371 de l’avant-projet Catala : Catala P. (dir.), Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, rapport à Pascal Clément, ministre de la Justice, 22 sept. 2005, La Documentation française ; recomm. n° 24 de la Proposition de loi Béteille portant réforme du droit de la responsabilité civile, enregistrée au Sénat le 9 juillet 2010
  • 2.
    Articles 54 et 120 du projet Terré : Terré F. (dir.), Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, 2011, Dalloz, Thèmes et commentaires.
  • 3.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse Paris Descartes, 2015.
  • 4.
    CCH, art. L. 651-2 ; CPC, art. 32-1.
  • 5.
    C. com., art. L. 442-6, III.
  • 6.
    Demogue R., Traité des obligations en général, t. IV, 1924, Paris, A. Rousseau, n° 510-511, spéc. p. 250 ; l’auteur conclut ses travaux en proposant une définition de la peine privée : « La peine privée est une sanction civile punitive indépendante de toute idée réparatrice, infligée à l’auteur d’une faute qui lui est moralement imputable au profit exclusif de la victime qui peut, seule en demander l’application ».
  • 7.
    Définition proposée dans nos travaux : Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., n° 221, p. 207.
  • 8.
    Cons. const. 13 janv. 2011, n° 2010-85 QPC, Sté Ets Darty et fils.
  • 9.
    Kluger J., « L’élaboration d’une notion de sanction punitive dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », RSC 1995, p. 505 : selon l’auteur, toute sanction punitive au sens du Conseil constitutionnel serait dotée d’une finalité « rétributive-répressive ».
  • 10.
    CEDH, 9 févr. 1995, n° 17440/90, Welch c/ Royaume-Uni, série A, n° 307A, § 26 ; CEDH, 8 juin 1995, Jamil c/ France, série A, n° 317-B : les trois critères de la peine au sens européen sont la qualification de la sanction en droit interne, la nature du régime de la sanction, le but et la gravité de la sanction.
  • 11.
    Carval S., La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, 1995, LGDJ, p. 248, n° 228 ; Grare-Didier C., Recherches sur la cohérence de la responsabilité délictuelle, l’influence des fondements de la responsabilité sur la réparation, 2005, Dalloz, p. 387, n° 514.
  • 12.
    Cons. const., 18 mai 2016, n° 2016-542 QPC, Sté ITM Alimentaire International SAS, cons. 6 : « Appliqué en dehors du droit pénal, le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait peut faire l’objet d’adaptations, dès lors que celles-ci sont justifiées par la nature de la sanction et par l’objet qu’elle poursuit et qu’elles sont proportionnées à cet objet ».
  • 13.
    Cons. const., 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, cons. 5.
  • 14.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 80-82, n° 87-88.
  • 15.
    Par. ex. : Lorsqu’un assuré conclut sciemment un contrat pour une somme supérieure à la valeur de la chose assurée et tente ainsi de s’enrichir en spéculant sur le sinistre, v. Fasquelle D. et Mesa R., « Les fautes lucratives et les assurances de dommages », RGDA 2005, p. 351, spéc. pt 13.
  • 16.
    C’est par exemple le cas du banquier qui conseille un produit « à risque » à un client, en violation de son obligation d’information, en raison des commissions qu’il perçoit sur ce produit.
  • 17.
    C. civ., art. 1171.
  • 18.
    Laithier Y.-M., Étude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, 2004, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, spéc. p. 147-158 ; Fauvarque-Causson B., note sous Chambre des Lords, Attorney General versus Blake, 2001, 1 AC 268, RDC 2005, p. 479.
  • 19.
    CCEDH, 9 févr. 1995, n° 17440/90, préc. : considère qu’une mesure de confiscation du profit illicite retiré par un trafiquant de stupéfiants n’est une sanction répressive qu’à deux conditions : qu’elle soit rattachée à une condamnation pénale et qu’elle soit assortie d’un coefficient multiplicateur.
  • 20.
    Sur l’affectation du profit, v. infra n° 18.
  • 21.
    Alinéa 2.
  • 22.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 87, n° 91.
  • 23.
    V. infra n° 14 sur la motivation de la sanction.
  • 24.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 120 et s., nos 122 et s.
  • 25.
    Le Tourneau P., Droit de la responsabilité et des contrats. Régimes d’indemnisation 2014-2015, 2014, Dalloz action, p. 7025, n° 7024 : « Le Conseiller Jonquères, dans ses observations au soutien de la décision, soulignait que « le trouble commercial donne une coloration nouvelle à la notion de préjudice » ; il ajoutait : « la seule existence de ce risque, de cette menace que le commerçant a un intérêt né et actuel à faire cesser, c’est le préjudice qui ne dit pas son nom ».
  • 26.
    Becker G., « Crime and punishment, an Economic Approach », Journal of Political Economy, vol. 76, 1968, p. 169.
  • 27.
    Se dit d’un agent qui prend une décision qui optimise son bien-être après en avoir préalablement comparé les coûts et les fruits : Guerrien B., « Comprendre l’économie : concepts et mécanismes, Qu’est-ce qu’un comportement rationnel ? » Les Cahiers français, n° 315, juill.-août 2003, p. 3-8 ; Mackaay E. et Rousseau S., Analyse économique du droit, 2008, Dalloz, spéc. nos 98 et s.
  • 28.
    Mazeaud H., Mazeaud L., Mazeaud J. et Chabas F., Leçons de droit civil. Obligations, théorie générale, t. 2, vol. I, 9e éd., 1998, Montchrestien, n° 447 : pour ces auteurs, la faute lourde est « ni intentionnelle ni volontaire, mais particulièrement grossière » ; Starck B, Roland H et Boyer L, Obligations, 1. Responsabilité délictuelle, 5e éd. 1996, Litec, n° 298 : ces auteurs condamnent l’assimilation faute lourde/faute dolosive qui selon eux emporte confusion « entre imbécillité et méchanceté ».
  • 29.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 210 : « Est qualifiée de faute lucrative toute faute commise délibérément en vue d’un enrichissement illicite et au préjudice d’autrui ».
  • 30.
    Viney G., « Quelques propositions de réforme du droit de la responsabilité civile », D. 2009, p. 2944.
  • 31.
    V. l’article 1371 de l’avant-projet Catala ; Grynbaum L., « Une illustration de la faute lucrative : le piratage de logiciels », D. 2006, p. 655 : « Si l’existence de la faute lucrative est ainsi bien établie comme comportement délibérément dommageable afin d’en tirer profit » ; Sichel L., La gravité de la faute en droit de la responsabilité civile, thèse Paris I, 2012, p. 187, n° 134 : « La démarche délibérée et consciente de l’auteur d’une faute lucrative ».
  • 32.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., le titre 3 de la partie I est consacré à l’élément moral « l’intention lucrative », p. 149 et s, nos 155 et s.
  • 33.
    Jourdain P., « Rapport introductif », in « Faut-il moraliser le droit français de réparation du dommage ? », colloque M. Behar-Touchais (dir.), LPA 20 nov. 2002, p. 3 : l’auteur définissait la faute lucrative comme une « faute qui rapporte plus qu’elle ne coûte ».
  • 34.
    Viney G., Jourdain P. et Carval S., Traité de droit civil, les conditions, p. 760, n° 621 : « Ni la volonté de causer le dommage ni la conscience de la certitude de sa réalisation ne sont requises, il suffit qu’en se refusant à exécuter ses obligations, le débiteur ait eu conscience de l’éventualité du dommage, du risque qu’il prenait de causer un dommage au créancier » ; qualification de la pratique de surbooking de dol : CA Paris, 15 sept. 1992, n° XP 1509922X : D. 1993, jur., p. 98, note Delebecque P. : « Le choix d’une politique de surbooking en connaissance du risque qu’elle implique de ne pouvoir assurer l’embarquement de la totalité des passagers ayant réservé dans un vol déterminé, constitue un dol ».
  • 35.
    Viney G., Jourdain P. et Carval S., Traité de droit civil, les conditions, op. cit., p. 756, n° 619 ; Mazeaud H., Mazeaud L., Mazeaud J. et Chabas F., Leçons de droit civil. Obligations, théorie générale, op. cit., t. 2, vol I, 22e leçon, n° 4 : « Il y a faute intentionnelle ou délictuelle lorsque l’auteur du dommage a agi dans l’intention de causer le dommage ».
  • 36.
    Carval S., « L’amende civile », JCP G 2016, numéro spécial, p. 42 ; du même auteur, « Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile », JCP G 2017, n° 15, 401.
  • 37.
    Cons. const., 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, cons. 9 et s.
  • 38.
    V. supra n° 5.
  • 39.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., conclusion partie I intitulée « une notion unitaire », p. 210.
  • 40.
    Art. 1266-1, al. 2.
  • 41.
    Becker G., « Crime and punishment, an Economic Approach », art. préc. : pour être dissuasive, la sanction encourue doit être proportionnelle au profit illicite réalisé et à la probabilité de sanction selon le modèle suivant : p = G/P où G = gain ; P = probabilité de sanction. En d’autres termes, plus rare est la sanction, plus fort doit être son quantum.
  • 42.
    Principe qui puise sa valeur constitutionnelle de son corollaire, le principe de nécessité des peines consacré à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
  • 43.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 235.
  • 44.
    Bonis-Garçon E. et Peltier V., Droit de la peine, 2e éd., 2015, Litec, nos 304 et s : les auteures ont mis en exergue les deux rôles antagonistes du principe de proportionnalité : rôle-limite aux peines disproportionnées et un rôle-efficacité de la peine.
  • 45.
    C. com., art. L. 442-6, III : triple du profit illicite.
  • 46.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 257 et 442.
  • 47.
    C. com., art. L. 442-6, III.
  • 48.
    Ibid.
  • 49.
    C. com., art. L. 464-2.
  • 50.
    C. mon. fin., art. L. 465-1 anc., délit d’initié.
  • 51.
    En droit de la concurrence : Autorité de la concurrence, communiqué du 16 mai 2011 sur la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.
  • 52.
    « Et par une décision spécialement motivée ».
  • 53.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 331, n° 335.
  • 54.
    « …à la demande de la victime ou du ministère public… ».
  • 55.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., titre 2 de la partie 2 sur les conditions de mise en œuvre de l’action confiscatoire, p. 347 et s, nos 342 et s.
  • 56.
    V. CPC, art. 423 qui confère à ce dernier un droit général d’agir en défense de l’ordre public économique : « En dehors de ces cas [cas spécifiés par la loi habilitant le ministère public à agir d’office], il [le ministère public] peut agir pour la défense de l’ordre public à l’occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci ».
  • 57.
    V. infra.
  • 58.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 340, n° 347.
  • 59.
    CPP, art. 1er, al. 2.
  • 60.
    Sur l’ordre public virtuel, v. Carbonnier J., Droit civil - Les biens. Les obligations, vol. 2, coll. Quadrige Manuel, 1re éd., 2004, n° 984 : l’auteur définit l’ordre public virtuel comme composé de lois potentiellement d’ordre public ou « en suspension, dans l’attente qu’on les fasse surgir dans le droit positif ».
  • 61.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 52, n° 53.
  • 62.
    CPP, art. 12, al. 2 ; Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11343 : Bull. ass. plén., n° 10.
  • 63.
    CJCE, 4e ch., 4 juin 2009, n° 243/08 ; qui s’étend même aux moyens de droit mélangés de fait omis par le consommateur : CJCE, 9 juin 2009, n° C-243/08, Pannon GSM Zrt. c/ Ersébet Sustikné Györfi, pt. 35.
  • 64.
    C. consom., art. L. 212-3.
  • 65.
    Alinéa 6 de l’article commenté.
  • 66.
    Dans le même sens, v. l’article 1371 de l’avant-projet Catala in fine : « (…) les dommages et intérêts punitifs ne sont pas assurables » ; article 54 du projet Terré in fine : « (…) La part excédant la somme qu’aurait reçue le demandeur au titre des dommages et intérêts compensatoires ne peut être couverte par une assurance de responsabilité ».
  • 67.
    CA Paris, 2-5, 14 févr. 2012, n° 09/06711 : Juris-Data n° 2012-001924.
  • 68.
    Cass. 2e civ., 28 févr. 2013, n° 12-12813 : Bull. civ. II, n° 44 – Cass. 2e civ., 12 sept. 2013, n° 12-24650 : RDC 2014, p. 194, obs. Viney G.
  • 69.
    Fournier de Crouy N., La faute lucrative, thèse préc., p. 260, n° 267.
  • 70.
    Alinéa 5 de l’article 1266-1 du projet de réforme : « Cette amende est affectée au financement d’un fonds d’indemnisation en lien avec la nature du dommage subi ou, à défaut, au Trésor public ».
  • 71.
    V. supra n° 6.
  • 72.
    C. pén., art 226-1.
  • 73.
    Cons. const., 14 janv. 2016, nos 2015-513/514/526 QPC ; Cons. const., 18 mars 2015, nos 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC.
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