La sanction forfaitaire légale du non-remboursement du dépôt de garantie dans les délais légaux est conforme à la constitution

Publié le 02/05/2019

Le régime sanctionnant le défaut ou le retard dans la restitution du dépôt de garantie ne porte atteinte ni au droit de propriété ni aux principes de proportionnalité et d’individualisation des peines.

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par la Cour de cassation1, d’une question prioritaire de constitutionnalité du septième alinéa de l’article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dans sa rédaction ALUR visant à sanctionner le bailleur ne restituant pas le dépôt de garantie à l’issue du bail dans les délais légaux.

Alors qu’a été mise en doute la conformité constitutionnelle de cette disposition, au regard des articles 2 et 8 de la Déclaration des droits de l’Homme, le Conseil constitutionnel a rejeté cette position.

Selon le Conseil constitutionnel, cette sanction est bien conforme à la constitution2.

I – Rappel du régime légal

L’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 fixe le régime juridique du dépôt de garantie prévu par le bail d’habitation à titre de résidence principale ainsi que les conditions de sa restitution.

Ainsi, cet article pose pour le bailleur une obligation de restitution du dépôt de garantie, dont le montant ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal, au locataire dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise des clés par ce dernier. Ce délai est réduit à un mois lorsque l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée.

Le montant du dépôt de garantie à restituer s’entend déduction faite des sommes restant dues au bailleur ou dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve d’être dûment justifiées.

Son septième alinéa prévoit ainsi que : « À défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration n’est pas due lorsque l’origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l’absence de transmission par le locataire de l’adresse de son nouveau domicile ».

Justement, à son encontre, il a donc été soutenu que cette disposition est contraire aux principes de proportionnalité et d’individualisation des peines, dès lors que la sanction du défaut de restitution dans les délais du dépôt de garantie d’une majoration du montant de ce dernier est automatique et indépendante des sommes effectivement dues. La majoration ainsi instaurée, en ne prenant pas en compte le préjudice réellement subi par le locataire, méconnaît donc également le droit de propriété.

Pourtant, cette argumentation ne sera pas suivie par le Conseil constitutionnel.

II – La conformité de la sanction à la constitution

Le Conseil constitutionnel, en effet, après avoir rappelé que si l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, prévoyant que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée », s’applique tant aux peines prononcées par les juridictions répressives qu’à toute sanction ayant le caractère d’une punition, précise aussitôt que le législateur peut apporter aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Or, le Conseil constitutionnel constate ici, tout d’abord, que la majoration contestée est versée au locataire lésé et qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que cette majoration ne se cumule pas avec les intérêts moratoires au taux légal3. En l’instaurant, le législateur a ainsi entendu compenser le préjudice résultant pour le locataire du défaut ou du retard de restitution du dépôt de garantie et favoriser ainsi un règlement rapide des nombreux contentieux en découlant.

Ensuite, en prévoyant que cette majoration est égale à une somme forfaitaire de 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard, le législateur s’est fondé sur un élément en lien avec l’ampleur du préjudice, dans la mesure où le montant du loyer mensuel est pris pour référence comme plafond du dépôt de garantie, et a pris en compte la durée de ce préjudice.

Enfin, pour le Conseil constitutionnel, la majoration contestée, qui présente un caractère indemnitaire, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition.

Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des articles 2 et 8 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés.

En conséquence, le Conseil constitutionnel estime que le septième alinéa de l’article 22 de la loi de 1989 dans sa rédaction issue de la loi ALUR est bien conforme à la constitution.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 3e civ., 13 déc. 2018, n° 18-17729, arrêt n° 1173.
  • 2.
    Cons. const., 22 févr. 2019, n° 2018-766 QPC : JO n° 0046, 23 févr. 2019, texte n° 77.
  • 3.
    V. Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n° 17-26986, à propos des intérêts moratoires prévus par l’article 1153 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.