Réforme de la location immobilière dans le parc privé

Publié le 08/06/2020

Présentation de la proposition de loi visant à sécuriser les propriétaires-bailleurs et à faciliter l’accès au logement des locataires.

Le parc locatif privé, qui a augmenté de près de 27 % ces trente dernières années, compte 6,7 millions de logements détenus à 96 % par des bailleurs privés et 4 % par des investisseurs institutionnels. Seul un propriétaire sur trois ferait appel aux services des professionnels de l’immobilier pour gérer sa location.

Afin de lever les freins à la mise en location, le Premier ministre a, le 10 décembre 2018, confié au député Mickaël Nogal, la mission d’analyser et de proposer des solutions pour favoriser la mise en location de logements et améliorer les relations entre les locataires et les propriétaires.

Le député a remis son rapport « Louer en confiance » le 18 juin 2019. Selon celui-ci, alors que les impayés de loyers représentent seulement 1 % à 2 % du marché, les craintes des impayés de loyers, mais aussi des dégradations locatives, seraient prépondérantes, générant des demandes de garanties disproportionnées aux candidats locataires et rendant plus difficile l’accès au logement. En conséquence, on assisterait à un phénomène de falsification de pièces justificatives de dossiers de candidature à la location.

Le rapport a alors formulé 37 propositions ayant pour objectif de réconcilier les locataires et les propriétaires. La proposition de loi du 4 février 2020, visant à sécuriser les propriétaires-bailleurs et à faciliter l’accès au logement des locataires1, s’appuie sur ce rapport en proposant, dans cinq articles, trois mesures en ce sens, axées sur la réforme du dépôt de garantie (I), celle du cautionnement (II), ainsi que la création d’un nouveau contrat dit « en garantie totale » (III).

I – La réforme du dépôt de garantie (article 1)

A – Objet de la proposition de loi

Selon le ministère de la Justice, 65 % des actions judiciaires engagées par les locataires portent sur la non-restitution du dépôt de garantie. Par crainte de se voir priver de cette somme à l’issue de la location, on assiste ainsi au développement de la pratique par les locataires du non-paiement du dernier mois de loyer, ce qui fragilise les propriétaires en les privant dans les faits de toute garantie.

L’article 1er de la proposition de loi vise à rétablir la confiance autour de la restitution du dépôt de garantie. Pour ce faire, elle propose de modifier l’article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 en prévoyant que le locataire devra confier le dépôt de garantie aux professionnels de l’immobilier, qui le consigneront et le restitueront, à l’issue du bail, sur la base d’un accord entre locataire et propriétaire.

B – Nouveau régime juridique du dépôt de garantie

Versement du dépôt de garantie – Lorsqu’un dépôt de garantie est prévu au bail, il est proposé qu’il ne soit plus versé directement au bailleur mais au professionnel de l’immobilier intervenant dans le cadre de la mise en location ou de la gestion du bien immobilier.

Consignation du dépôt de garantie – Le professionnel de l’immobilier qui a reçu le dépôt de garantie devra le consigner.

Restitution du dépôt de garantie – Le dépôt de garantie sera restitué par le professionnel de l’immobilier qui en est détenteur avec l’accord conjoint du bailleur et du locataire en cours de bail, ou en cas de cession de l’immeuble.

À cette fin, le preneur devra communiquer au professionnel de l’immobilier détenteur l’adresse de son nouveau domicile, sans que cela soit désormais précisé lors de la restitution des clés.

Lorsque le logement est dans un immeuble collectif, le bailleur pourra demander au professionnel de l’immobilier détenteur d’en conserver une provision ne pouvant excéder 20 % du montant du dépôt de garantie jusqu’à l’arrêté annuel des comptes de l’immeuble.

À noter qu’est prévue la suppression des sanctions pour restitution tardive du dépôt de garantie.

Précisions réglementaires à venir – Les conditions de versement, de consignation et de restitution du dépôt de garantie devront être précisées par décret en Conseil d’État.

Entrée en vigueur – Il est prévu que le nouveau dispositif entre en vigueur à compter du 1er janvier 2021.

Nouvelle rédaction de l’article 22 de la loi de 1989 – La nouvelle rédaction de l’article 22 de la loi de 1989 proposée est donc la suivante (les modifications issues de la proposition de loi étant en gras) :

« Lorsqu’un dépôt de garantie est prévu par le contrat de location pour garantir l’exécution de ses obligations locatives par le locataire, il ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal. Au moment de la signature du bail, le dépôt de garantie est versé [sont supprimés les mots suivants : “au bailleur” directement par le locataire ou par l’intermédiaire d’un tiers à une personne mentionnée aux 1° ou 6° de l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, qui procède à la consignation de cette somme. Les conditions de versement, de consignation et de restitution du dépôt de garantie sont définies par décret en Conseil d’État.

Il est restitué, sur accord conjoint du bailleur et du locataire, dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées. À cette fin, le locataire indique [sont supprimé les mots : “au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés”], la personne mentionnée au premier alinéa, l’adresse de son nouveau domicile.

Il est restitué, sur accord conjoint du bailleur et du locataire, dans un délai maximal d’un mois à compter de la remise des clés par le locataire lorsque l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées.

Lorsque les locaux loués se situent dans un immeuble collectif, le bailleur procède à un arrêté des comptes provisoire et peut, lorsqu’elle est dûment justifiée, demander à la personne mentionnée au premier alinéa de conserver une provision ne pouvant excéder 20 % du montant du dépôt de garantie jusqu’à l’arrêté annuel des comptes de l’immeuble. La régularisation définitive et la restitution du solde, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu en lieu et place du locataire, sont effectuées dans le mois qui suit l’approbation définitive des comptes de l’immeuble. Toutefois, les parties peuvent amiablement convenir de solder immédiatement l’ensemble des comptes.

Le montant de ce dépôt de garantie ne porte pas intérêt au bénéfice du locataire. Il ne doit faire l’objet d’aucune révision durant l’exécution du contrat de location, éventuellement renouvelé.[est supprimé l’alinéa suivant : “À défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration n’est pas due lorsque l’origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l’absence de transmission par le locataire de l’adresse de son nouveau domicile”].

En cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe [sont supprimés les mots “au nouveau bailleur”] à la personne mentionnée au premier alinéa, dans les conditions prévues au présent article. Toute convention contraire n’a d’effet qu’entre les parties à la mutation ».

Réforme de la location immobilière dans le parc privé
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II – La réforme du cautionnement (article 2)

A – Objet de la proposition de loi

La caution personne physique est le moyen le plus souvent retenu par les propriétaires pour se garantir contre les risques d’impayés de loyers. Or selon le rapport « Louer en confiance », la caution personne physique serait le système de garantie le moins fiable juridiquement et le plus injuste socialement. D’autant que, en pratique, malgré la solvabilité prouvée de la caution, il n’est pas rare de voir des propriétaires demander non pas un, mais plusieurs garants au candidat locataire.

Pour mettre fin à cet abus, la proposition de loi prévoit de n’autoriser le recours qu’à une seule caution personne physique, le cumul avec d’autres garanties (assurances de loyers impayés, garantie VISALE, nouveau mandat de « garantie totale ») étant prohibé.

B – Nouveau régime juridique du cautionnement

Non-cumul de garanties. – On le sait, le bailleur ne peut cumuler, sous peine de nullité, le cautionnement avec une assurance des loyers impayés ou toute autre forme de garantie. Ce principe est généralisé, le texte prévoyant de supprimer l’exception de la location à un étudiant ou un apprenti.

Unicité du cautionnement personne physique du cumul de garantie – Le texte prévoit que, sous peine de nullité, le cautionnement à un bail ne peut pas être donné par plus d’une personne physique.

Entrée en vigueur – Il est prévu que le nouveau dispositif s’applique aux baux conclus à compter du 1er janvier 2021.

Nouvelle rédaction de l’article 22-1 de la loi de 1989 – La nouvelle rédaction des alinéas premier et dernier de l’article 22-1 de la loi de 1989 proposée est donc la suivante (les modifications issues de la proposition de loi étant en gras) :

« Le cautionnement ne peut pas être demandé, à peine de nullité, par un bailleur qui a souscrit une assurance, ou toute autre forme de garantie, garantissant les obligations locatives du locataire [sont supprimés les mots “sauf en cas de logement loué à un étudiant ou un apprenti”]. Cette disposition ne s’applique pas au dépôt de garantie mentionné à l’article 22.

Sous peine de nullité, le cautionnement d’un contrat de location ne peut être porté par plus d’une personne physique. La personne physique qui se porte caution signe l’acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte ainsi que la reproduction de l’avant-dernier alinéa du présent article. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement ».

III – Création d’un contrat en garantie totale (articles 3 à 5)

A – Objet de la proposition de loi

Le constat serait que les propriétaires craignant les impayés de loyer ou les dégradations de leur bien immobilier du fait des preneurs à bail, les locataires rencontreraient de plus en plus d’obstacles dans l’accès au logement.

Il faut donc sécuriser les propriétaires afin de favoriser l’accès au logement des locataires. Ceci en rendant l’investissement locatif plus sûr et plus attractif et en encourageant le retour sur le marché des logements vacants non loués par des propriétaires craintifs ou ayant vécu de mauvaises expériences d’impayés et de dégradations locatives. C’est pourquoi, la proposition de loi prévoit la création d’un nouveau mandat de gestion qui sera proposé par les professionnels immobiliers afin de garantir les loyers impayés, ainsi que la prise en charge d’éventuelles dégradations.

B – Le contrat en garantie totale

La proposition de loi prévoit l’instauration d’un nouveau contrat dit « en garantie totale » en ce qu’il vise à assurer au propriétaire le paiement des loyers et charges ainsi que la prise en charge des dégradations immobilières. Cette proposition reposant sur les professionnels de l’immobilier, ces derniers pourront souscrire une assurance spécifique à l’exercice de cette nouvelle activité d’assureur. La loi prévoit aussi, en conséquence, de leur permettre de réaliser des opérations de crédit.

1 – Le contrat

Contrat facultatif – Ce nouveau contrat, un temps envisagé comme obligatoire, pourra seulement être proposé par les professionnels de l’immobilier intervenant dans la mise en location ou la gestion du logement.

Objet du contrat – Par ce nouveau contrat, le professionnel de l’immobilier garantit au bailleur le paiement de l’équivalent du loyer et des charges dus par le locataire en cas de défaillance de celui-ci, ainsi que la prise en charge des éventuelles dépenses de remise en état du bien pour les dégradations commises par le locataire.

Exclusion d’une GLI – La proposition de loi prévoit que la conclusion d’un contrat en garantie totale exclura la possibilité pour le bailleur de souscrire un contrat d’assurance contre le risque de loyers impayés.

Contenu du contrat – Le contrat de garantie totale devra prévoir les modalités de versement au bailleur par le gestionnaire de l’équivalent du loyer et des charges dus par le locataire, de sa prise en charge des éventuelles dégradations commises par le locataire ainsi que les modalités de versement au gestionnaire par le locataire du loyer et des charges ainsi que des dépenses de remise en état.

Domaine d’application. – Le nouveau contrat s’applique aux baux locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur, dans le cadre de la loi de 1989. L’article 3 de la proposition de loi prévoit que le nouveau contrat est applicable aux contrats de location de logements meublés dès lors qu’ils constituent la résidence principale du locataire.

Rédaction du nouveau I bis de l’article 6 de la loi de 1970 – La proposition de loi prévoit un nouveau I bis à l’article 6 de la loi Hoguet selon lequel :

« Les conventions conclues avec les personnes mentionnées aux 1° ou 6° de l’article 1er qui sont relatives aux opérations de location précisent :

1° Les modalités de versement au bailleur par le gestionnaire de l’équivalent du loyer et des charges dus par le locataire ;

2° Les modalités de prise en charge par le gestionnaire des éventuelles dépenses de remise en état du bien pour les dégradations commises du fait du locataire ;

3° Les modalités de versement au gestionnaire par le locataire du loyer et des charges ainsi que des éventuelles sommes correspondant aux dépenses de remise en état du bien pour les dégradations commises du fait du locataire ».

Rédaction du nouvel article 22-1-2 de la loi de 1989 – La proposition de loi prévoit un nouvel article 22-1-2 de la loi de 1989 selon lequel :

« Les personnes mentionnées aux 1° ou 6° de l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce peuvent proposer un contrat de location dit “contrat en garantie totale”.

Par ce contrat, ces personnes garantissent au bailleur le versement de l’équivalent du loyer et des charges dus par le locataire ainsi que la prise en charge des éventuelles dépenses de remise en état du bien pour les dégradations commises du fait du locataire.

La conclusion d’un contrat mentionné au premier alinéa est exclusive de la souscription par le bailleur d’un contrat d’assurance contre le risque de loyers impayés ».

Nouvelle rédaction de l’article 25-3 de la loi de 1989 – La nouvelle rédaction de l’article 25-3 de la loi de 1989 proposée est la suivante :

« Les articles 1er, 3, 3-2, 3-3, 4, à l’exception du l, 5, 6, 7, 7-1, 8, 8-1, 18, 20-1, 21, 22, 22-1, 22-1-2, 22-2, 24 et 24-1 sont applicables aux logements meublés ».

2 – L’assurance professionnelle

Assurance facultative – La proposition de loi vise à permettre aux professionnels immobiliers louant ou gérant le logement de souscrire une assurance contre les pertes qu’ils pourraient subir au titre des activités de garantie contre les éventuels impayés et dégradations. Le texte précisant qu’un décret définira la proportion des pertes prises en charge.

Outre qu’il semble préférable que cette assurance soit obligatoire dans ce cadre, il semble probable que les professionnels de l’immobilier concernés ne seront pas enclins à proposer un tel service s’ils n’ont pas la certitude d’être intégralement indemnisés en cas de survenance d’un sinistre.

Rédaction du nouvel article 3-2 de la loi Hoguet – Le nouvel article 3-2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce prévoit que :

« Art. 3-2. – Les personnes mentionnées aux 1° ou 6° de l’article 1er de la présente loi peuvent souscrire une assurance destinée à les garantir contre l’ensemble des pertes qu’elles pourraient subir au titre des activités mentionnées à l’article 22-1-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. La proportion des pertes prises en charge est définie par décret ».

3 – Les opérations de crédit

Autorisation – L’article 5 de la proposition de loi autorise le professionnel immobilier proposant le nouveau mandat à mener des opérations de crédit au seul titre de la nouvelle « garantie totale » contre les éventuels impayés et dégradations.

Nouvelle rédaction de l’article L. 511-6 du Code monétaire et financier – Le nouveau 6 ter de l’article L. 511-6 du Code monétaire et financier prévoit que l’interdiction relative aux opérations de crédit ne s’appliquera pas :

« Aux personnes mentionnées aux 1° ou 6° de l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce pour les seules activités mentionnées à l’article 22-1-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ».

En l’état, la révolution parfois annoncée n’a pas (encore ?) eu lieu. Déjà, l’essentiel de la réforme reposant sur l’intervention d’un professionnel de l’immobilier, près des deux tiers des locations ne seront pas concernés par la consignation du dépôt de garantie et le nouveau contrat en garantie totale. Ensuite, la clause dite « ducroire », consacrée par le nouveau contrat dit « en garantie totale », demeure simplement facultative. Enfin, l’option de rendre obligatoire le séquestre du dépôt de garantie par un organisme public n’a pas été retenue.

En tout état de cause, l’examen de la proposition de loi devant le Parlement devrait être l’occasion de préciser les contours de la réforme, le texte en l’état n’étant pas toujours limpide, notamment sur le rôle de l’agent immobilier n’intervenant que pour la seule mission de mise en location dans le cadre du nouveau contrat (bail ? mandat ?) en garantie totale.

Notes de bas de pages

  • 1.
    AN, quinzième législature, n° 2645, 4 févr. 2020.
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