Le report de l’application du statut de la copropriété en cas de vente à des personnes physiques de logements appartenant à des HLM est précisé

Publié le 14/06/2019

Présentation de l’ordonnance n° 2019-418 du 7 mai 2019 relative à la vente de logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété.

L’article 88 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique1 vise à faciliter la vente de logements sociaux, dans le but de favoriser la mixité sociale, de permettre aux bailleurs d’optimiser leur patrimoine et de développer des capacités de financement nouvelles (I).

À cette fin, il habilite le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures visant à développer la vente de logements sociaux et destinées à permettre l’inclusion dans un contrat de vente par un organisme d’habitations à loyer modéré à une personne physique d’un logement situé dans un immeuble destiné à être soumis au statut de la copropriété d’une clause permettant de différer le transfert de propriété de la quote-part de parties communes à l’acquéreur jusqu’à l’expiration d’une période ne pouvant excéder 10 ans à compter de la première de ces ventes intervenues dans cet immeuble. C’est chose faite avec l’ordonnance n° 2019-418 du 7 mai 2019 relative à la vente de logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété2, qui vise à prévoir le régime dérogatoire au statut de la copropriété et les obligations qui incombent aux parties (II).

I – Rappel des dispositions de la loi ELAN

Pour rappel, l’article 88, IV, de la loi ELAN a habilité le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de 6 mois à compter de sa promulgation, des mesures relevant du domaine légal visant à permettre le développement de la vente de logements sociaux destinées à :

  • permettre d’insérer, à compter du 1er janvier 2020, dans le contrat de vente par un organisme HLM à une personne physique d’un logement situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, une clause permettant de différer le transfert de propriété de la quote-part de parties communes à l’acheteur durant une période maximale de 10 années à compter de la première des ventes de l’immeuble, en prévoyant la possibilité d’une décote du prix de vente ;

  • définir les droits et les obligations de l’organisme vendeur et de l’acquéreur durant cette période ;

  • définir les conditions dans lesquelles l’acquéreur participe au paiement des charges d’entretien et de fonctionnement des parties communes pendant la période en dehors de toute application du statut de la copropriété, de toute association syndicale libre ou foncière urbaine.

II – Le régime dérogatoire prévu par l’ordonnance

Afin de mettre en œuvre le régime prévu par la loi ELAN, l’ordonnance du 7 mai 2019 insère une nouvelle sous-section 1 dans le Code de la construction et de l’habitation, après l’article L. 443-15-5, intitulée « Sous-section 1 bis – Vente de logements à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété ». L’ordonnance organise donc l’entrée en application différée du statut de la copropriété (A), ainsi que le régime transitoire devant s’appliquer jusqu’à l’entrée en vigueur du statut de la copropriété (B), et précise les effets de la vente du lot (C). L’entrée en vigueur du nouveau dispositif est programmée pour 2020 (D).

A – L’application différée du statut de la copropriété (CCH, art. L. 443-15-5-1)

L’ordonnance reprend les conditions de l’application différée du statut de la copropriété (1). Si elle fixe une date d’entrée en vigueur du régime de la copropriété (2), elle prévoit toutefois que des dispositions relatives à la copropriété sont immédiatement applicables (3). Elle organise, enfin, le régime du transfert de la propriété de la quote-part des parties communes qui marque le début de l’application du statut de la copropriété (4).

1 – Conditions d’application

L’ordonnance reprend les principes posés par la loi ELAN en prévoyant que le contrat de vente d’un logement situé dans un immeuble destiné à être soumis aux dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis doit être conclu entre un organisme d’habitations à loyer modéré et une personne physique.

On remarque que le dispositif proposé par l’ordonnance s’entend comme un outil supplémentaire mis à la disposition des organismes HLM dans le cadre de leur politique de vente de logements sociaux, qui est simplement facultatif puisque le contrat de vente peut seulement prévoir un transfert différé de la quote-part des parties communes attachée à un ou plusieurs lots objets dudit contrat de vente.

Le report de l’entrée en vigueur du statut de la copropriété ne peut, cependant, pas excéder un délai de 10 ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente du premier lot de l’immeuble.

Le contrat de vente doit alors préciser, notamment, la date de transfert de la propriété de la quote-part des parties communes.

On notera enfin que, le nouvel article L. 443-15-5-7 prévoyant que les dispositions de la sous-section 1 et celles de l’article L. 443-15-8 sont applicables au contrat de vente, sous réserve bien entendu des dispositions particulières du nouveau dispositif, l’ordonnance entend que les dispositions de droit commun relatives à la vente des logements par les organismes HLM s’appliquent.

2 – Date d’application du statut de la copropriété

L’alinéa 2 de l’article L. 442-15-5-1 prévoit que par principe, et par dérogation au droit commun de la copropriété3, le statut de la copropriété ne s’applique qu’à compter de la date prévue pour le transfert de propriété de la quote-part des parties communes.

3 – Application de certaines dispositions relatives à la copropriété

Malgré le principe d’une application différée du statut de la copropriété, des disposition relatives à la copropriété sont immédiatement applicables dès la conclusion de la vente, selon l’alinéa 3 de l’article L. 442-15-5-1, à savoir :

  • détermination de la destination des parties privatives et communes4 ;

  • places de stationnement adaptées5 ;

  • superficie CARREZ dans le cadre de la vente d’un lot de copropriété6 ;

  • documents relatifs au règlement de copropriété et à l’état descriptif de division dans le cadre de la vente d’un lot de copropriété7.

L’idée qui est sous-jacente ici est finalement que les dispositions de droit commun, notamment d’information de l’acquéreur d’un logement en copropriété, en cas de vente de logements par les organismes HLM s’appliquent.

4 – Le transfert de propriété de la quote-part des parties communes

L’ordonnance organise le constat du transfert de la quote-part des parties communes (a) et en prévoit les effets (b), dont la publication (c) de la première cession s’imposera aux cessions postérieures (d).

a – Constat du transfert

Selon l’alinéa 4 de l’article L. 442-15-5-1, l’organisme d’habitations à loyer modéré doit faire constater le transfert de la propriété de la quote-part des parties communes par acte authentique.

b – Les effets du transfert

Selon l’alinéa 4 de l’article L. 442-15-5-1, c’est à compter de ce transfert que le syndicat des copropriétaires est constitué.

L’assemblée générale des copropriétaires est alors mise en place à l’initiative de l’organisme.

Le syndicat des copropriétaires peut alors procéder à l’immatriculation de la société8.

c – Publication du transfert

Selon l’alinéa 5 de l’article L. 442-15-5-1, l’acte authentique constatant le transfert de propriété de la quote-part des parties communes doit être publié au service chargé de la publicité foncière.

d – Les effets du transfert de la première vente (CCH, art. L. 443-15-5-2)

L’article L. 443-15-5-2 prévoit que la date du transfert de propriété de la quote-part des parties communes qui est afférente au premier lot s’impose aux ventes subséquentes de lots situés dans le même immeuble.

B – Le régime transitoire

L’ordonnance précise le régime transitoire de la vente jusqu’à l’application du statut de la copropriété en matière de gestion courante des parties communes (1), des travaux (2) et l’usage des parties communes (3).

1 – La gestion courante des parties communes (CCH, art. L. 443-15-5-3)

Si l’ordonnance met à la charge de l’organisme HLM l’entretien des parties communes (a), elle lui retire le pouvoir décisionnel (b). Enfin, il est mis à la charge de l’organisme HLM une obligation d’information annuelle des acquéreurs (c).

a – Entretien des parties communes

À compter de la vente et jusqu’à la date du transfert de la propriété de la quote-part des parties communes, l’organisme d’habitations à loyer modéré reste tenu de l’entretien des parties communes et des équipements communs et doit veiller à leur conservation.

En conséquence, l’organisme d’habitations à loyer modéré supporte les dépenses nécessaires à l’entretien et la conservation des parties communes et des équipements communs et, le cas échéant, les dépenses afférentes à leur amélioration.

b – Décisions

L’organisme d’habitations à loyer modéré ne peut pas prendre des décisions qui porteraient une atteinte à la valeur ou aux conditions de jouissance des parties communes et de celles de chacun des lots, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété.

c – Rapport annuel

L’organisme d’habitations à loyer modéré fait une présentation annuelle, à l’ensemble des acquéreurs, portant sur la gestion :

  • des parties communes ;

  • des équipements communs ;

Il présente également les travaux qu’il envisage de réaliser sur ces mêmes parties et équipements, avec leur coût prévisionnel.

d – Gestion des parties communes

Conformément à la loi ELAN, il est prévu qu’aucune association syndicale libre ni aucune association foncière urbaine libre ne peut être constituée aux fins de gérer les parties communes de l’immeuble.

2 – Le régime transitoire relatif aux travaux (CCH, art. L. 443-15-5-4)

L’ordonnance précise ici les travaux qui peuvent être exécutés par l’organisme HLM (a), parfois en respectant un délai de prévenance (b), ainsi que leur éventuelle indemnisation (c).

a – Les travaux pouvant être exécutés

Il résulte de l’article L. 443-15-5-4 que, lorsque les circonstances l’exigent et à condition que l’affectation, la consistance ou la jouissance du logement n’en soient pas altérées de manière durable, l’acquéreur ne peut pas s’opposer à l’exécution par l’organisme d’habitations à loyer modéré, même à l’intérieur de son logement des travaux :

  • nécessaires à la conservation de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants ou aux travaux permettant d’assurer la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité et de sécurité et d’équipements9 ;

  • rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d’un arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité publique notifié à l’organisme d’habitations à loyer modéré.

b – Notification de la réalisation de travaux

Les travaux entraînant un accès aux logements doivent être notifiés à l’acquéreur au moins 8 jours avant le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens.

c – L’indemnisation du préjudice du fait des travaux

Les acquéreurs qui subissent un préjudice par suite de l’exécution des travaux, en raison soit d’un trouble de jouissance grave, même s’il est temporaire, soit de dégradations, ont droit à une indemnité, qui est à la charge de l’organisme d’habitations à loyer modéré.

C – Le régime transitoire de l’usage des parties communes (CCH art. L. 443-15-5-5)

Par principe (a), l’acquéreur bénéficie de l’usage des parties communes en contrepartie d’une contribution aux charges (b).

1 – Énoncé du principe

L’article L. 443-15-5-5 prévoit que, à compter de la vente, et cela jusqu’à ce qu’il devienne propriétaire de la quote-part des parties communes, l’acquéreur bénéficie d’un droit d’usage réel des parties communes et des équipements communs de l’immeuble.

2 – La contribution aux charges

En contrepartie de l’usage réel des parties communes et des équipements communs, l’acquéreur doit verser à l’organisme vendeur une contribution aux charges en contrepartie des :

  • services rendus liés à l’usage des parties communes et des équipements communs ;

  • dépenses d’entretien courant et des menues réparations sur les parties communes et les équipements communs ;

  • services rendus liés à l’usage des différents éléments du logement, y compris dans le cadre d’un contrat d’entreprise ou d’un contrat d’achat.

On notera que le nouvel article L. 443-15-5-8 du Code de la construction et de l’habitation renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser la liste des charges auxquelles l’acquéreur contribue en contrepartie de l’usage des parties communes, ainsi que les modalités de paiement.

D – Cession (CCH, art. L. 443-15-5-6)

Il résulte de l’article L. 443-15-5-6 que la cession par l’acquéreur de ses droits substitue de plein droit le cessionnaire dans les droits et obligations de l’acquéreur envers le vendeur. Il est prévu que ces dispositions s’appliquent à toute mutation entre vifs, volontaire ou forcée, ou à cause de mort.

E – Entrée en vigueur (ord. art. 4)

Outre que l’entrée effective du nouveau dispositif est subordonnée par le nouvel article L. 443-15-5-8 du Code de la construction et de l’habitation à un décret en Conseil d’État qui devra en préciser les modalités d’application, l’ordonnance prévoit que le dispositif s’appliquera à compter du 1er janvier 2020 conformément à la prescription de la loi ELAN.

Pour rappel, l’article 88, IV, de la loi ELAN prévoit qu’un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de 3 mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Le rapport sur l’ordonnance nous apprend que la volonté de ce dispositif est de favoriser l’accession sociale à la propriété en organisant une période de transition de l’acquéreur vers celui du copropriétaire, à travers une période transitoire lui permettant de se familiariser avec le régime juridique de la copropriété, tout en n’étant pas soumis à certaines de ses contraintes, notamment en ne participant pas aux charges les plus importantes liées à la conservation de l’immeuble (ravalement, réfection de toiture, etc.). Il s’agit aussi pour l’organisme HLM de lui faire assurer seul la gestion des parties communes de l’immeuble sans que les règles relatives à la copropriété, source potentielle de difficultés de gestion et de coûts supplémentaires, ne s’appliquent. L’organisme doit alors assumer seul la charge financière des gros travaux de l’immeuble. En contrepartie, sa gestion est simplifiée. L’objectif recherché est, à terme, la vente de la totalité des logements de l’immeuble sans que l’organisme HLM ne soit un copropriétaire parmi les autres copropriétaires. Reste à attendre l’entrée en vigueur effective du dispositif pour pouvoir en apprécier la portée.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Pour une présentation de la loi ELAN, Battistini P., La loi ELAN décryptée pour les professionnels de l’immobilier, 15 fiches pour appréhender les nouveautés majeures de cette réforme, 2019, Gualino, Droit en Poche ; Battistini P., Logement social, Construction, Urbanisme… ce que change la loi ELAN, 21 fiches pour décrypter la réforme, 2019, Gualino, Droit en Poche.
  • 2.
    Présentation de l’ordonnance n° 2019-418 du 7 mai 2019 relative à la vente de logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété : JO, n° 0107, 8 mai 2019 ; rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-418 du 7 mai 2019 relative à la vente de logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété : JO, n° 0107, 8 mai 2019.
  • 3.
    L. n° 65-557, 10 juill. 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. 1er et art. 1er-1.
  • 4.
    L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 8, al. 1.
  • 5.
    L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 8, al. 2.
  • 6.
    L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 46.
  • 7.
    CCH, art. L. 721-2.
  • 8.
    CCH, art. L. 711-2.
  • 9.
    Ces travaux étant définis par les dispositions prévues pour l’application de l’article 1er de la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l’amélioration de l’habitat.
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