L’information de l’acquéreur en matière de servitude d’alignement : de la note de renseignement au certificat d’urbanisme
Par un arrêt rendu le 5 juillet 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que M. et Mme Y avaient paraphé le certificat d’urbanisme du 10 février 2010 annexé à l’acte de vente, dans lequel était expressément mentionnée, au titre des prescriptions de voirie, la servitude d’alignement, et qu’il s’ensuit qu’aucune responsabilité civile professionnelle des intervenants à l’acte ne pouvait être engagée à leur encontre.
Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, no 16-13630
1. Le droit de l’urbanisme soulève nombre de questions délicates et souvent difficiles, car la loi est parfois peu explicite. En l’espèce1, M. et Mme Y ont acquis par devant Me X, en date du 16 février 2010, une maison d’habitation avec jardin située à Nice, par l’entremise d’une agence immobilière. Ayant déposé, par la suite, une demande d’autorisation préalable de travaux pour la construction d’une piscine, par décision du 28 octobre 2011, la commune de Nice a rejeté la demande des pétitionnaires. Cette dernière est rejetée notamment en raison de la nécessité de laisser une bande de jardin aménagé de trois mètres par rapport à la voie publique en raison d’une servitude d’alignement mentionnée dans le certificat d’urbanisme annexé à l’acte de vente. M. et Mme Y ont assigné le notaire et l’agent immobilier en paiement de dommages et intérêts. La haute juridiction, en rejetant le pourvoi, écarte la responsabilité du notaire ainsi que celle de l’agent immobilier. Il est à peine besoin de dire que dans la mesure où la Cour de cassation a remarqué que l’acquéreur avait eu connaissance, avant la signature de l’acte authentique, du plan cadastral sur lequel figure le tracé de la servitude d’alignement frappant la parcelle vendue (I), la haute juridiction en a déduit que les professionnels du droit avaient procédé à toutes les investigations nécessaires exigées par la loi et la jurisprudence (II).
I – Les modes d’information des acquéreurs de l’existence d’une servitude d’alignement
2. Au cas d’espèce, une note de renseignement d’urbanisme prévue à la promesse de vente précisait que le seul alignement n’était pas considéré comme une condition suspensive, à moins qu’il ne rende l’immeuble impropre à sa destination (A), qui plus est les époux Y ont paraphé le certificat d’urbanisme du 10 février 2010 annexé à l’acte de vente, dans lequel est expressément mentionnée, au titre des prescriptions de voirie, la servitude d’alignement (B).
A – La note de renseignement d’urbanisme : un « acte purement informatif »
3. L’article L. 112-1 du Code de la voirie2, modifié par l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015, dispose que : « L’alignement est la détermination par l’autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d’alignement, soit par un alignement individuel. Le plan d’alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique ouverte par l’autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale, propriétaire de la voie, et organisée conformément aux dispositions du Code des relations entre le public et l’Administration la limite entre voie publique et propriétés riveraines. L’alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d’alignement s’il en existe un. En l’absence d’un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine ». D’ordinaire, « de nombreux avant-contrats sont conclus sous condition suspensive que l’immeuble objet de la vente projetée ne soit pas grevé d’une telle servitude3 ». En l’espèce, la promesse de vente précisait que le seul alignement n’était pas considéré comme une condition suspensive, à moins qu’il ne rende l’immeuble impropre à sa destination. À ce propos, il est de jurisprudence constante que la note de renseignements d’urbanisme est un « acte purement informatif »4. C’est une circulaire du 13 décembre 1950 qui a créé la note de renseignements d’urbanisme (NRU), antérieure au certificat d’urbanisme5. La NRU est annexée à la promesse de vente et indique au futur propriétaire le droit applicable au terrain compte tenu des dispositions d’urbanisme ou des limitations administratives au droit de propriété au moment où elle est établie6.
4. En l’espèce, la Cour remarque « que le seul alignement n’est donc pas considéré comme une condition suspensive, à moins qu’il ne rende l’immeuble impropre à sa destination ; que tel n’est pas le cas de l’implantation d’une piscine ; qu’il apparaît ainsi que les époux Y ne justifient pas avoir expressément précisé que la construction d’une piscine d’une certaine taille était un élément déterminant de leur consentement ». À cet égard, il est utile de consulter le plan local d’urbanisme de la commune pour vérifier si une propriété est frappée par des servitudes d’urbanisme particulières et en particulier une servitude d’alignement qui doit prévoir l’existence d’éventuelles limitations au droit d’utiliser le sol au titre des obligations passives7.
B – Droits attachés au certificat d’urbanisme
5. En l’espèce, il est certain que les époux Y ont bien paraphé le certificat d’urbanisme8 du 10 février 2010 annexé à l’acte de vente définitif dans lequel est expressément mentionnée, au titre des prescriptions de voirie, la servitude d’alignement à 10 mètres de la route de Saint-Antoine. En effet, il résulte de l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme modifié par l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 20059 que : « Le certificat d’urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) indique les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain ; b) indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l’opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus. Lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de 18 mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations d’urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d’un service de l’État, les certificats d’urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu’un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. Le certificat d’urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d’État par l’autorité compétente mentionnée au a) et au b) de l’article L. 422-1 du présent code ».
6. Pour surprenant que puisse sembler le certificat d’urbanisme, il est cependant facile de justifier, que ce dernier a un caractère réel depuis l’importante décision du Conseil d’État rendue le 15 décembre 201510, qui estime que : « 1) L’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme ne réserve pas à la personne qui a présenté la demande de certificat les droits qu’il confère, pendant 18 mois, à l’application des dispositions d’urbanisme, du régime des taxes et participations d’urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété existant à la date du certificat d’urbanisme. Le bénéfice d’un certificat d’urbanisme peut donc être invoqué par une autre personne que celle qui l’a demandé ». C’est d’ailleurs une opinion fort accréditée en matière de permis de construire qui estime que ce dernier « (…) est un acte individuel créateur de droit de nature réelle (…) »11.
II – La portée effective de la note de renseignement et du certificat d’urbanisme
7. On remarquera qu’en l’espèce, le notaire a non seulement requis la note de renseignement mais également le certificat d’urbanisme (A) et qui plus est a fait parapher ces documents urbanistiques par les acquéreurs (B).
A – Garanties liées à la délivrance du certificat d’urbanisme
8. Cette garantie est bien réelle, en témoigne une réponse ministérielle12 rendue à propos des effets de la réforme des autorisations d’urbanisme entrée en vigueur le 1er octobre 2007 et plus particulièrement sur la disparition de la note de renseignement d’urbanisme et la création du certificat d’urbanisme informatif de l’article L. 410-1, a), du Code de l’urbanisme. Le certificat d’urbanisme, qualifié d’acte administratif faisant grief, est issu de la loi n° 71-581 du 16 juillet 1971 portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’action foncière13. Alignant le régime juridique du certificat d’urbanisme sur celui des autres demandes en urbanisme, la réforme du 1er octobre a modifié en profondeur cet acte administratif au regard de l’instruction et surtout de la possibilité d’obtenir une décision tacite14. Sur ce dernier point, on voit que le nouveau texte n’est pas exempt de difficultés d’application, notamment en matière de droit de préemption15.
9. Il n’est pas inutile, à cet égard, de souligner que le Code de l’urbanisme distingue à l’article L. 410-1 deux types de certificats d’urbanisme16. Comme le rappelle la réponse ministérielle, il existe, d’une part, le certificat d’urbanisme d’informations générales prévu à l’article L. 410-1, a), du Code de l’urbanisme et, d’autre part, le certificat d’urbanisme pré-opérationnel de l’article L. 410-1, b), du même code17. En l’espèce, les acquéreurs avaient bien paraphé le certificat d’urbanisme délivré expressément, en vertu de l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme, par le service d’urbanisme de la commune de Nice le 10 février 2010 et annexé à l’acte de vente, dans lequel était mentionnée, au titre des prescriptions de voirie, la servitude d’alignement.
Force est de convenir que le certificat d’urbanisme présente une sécurité juridique pour le pétitionnaire comme en témoigne ainsi la réponse ministérielle : « Un certificat d’urbanisme, même tacite, présente une garantie pour le demandeur. Car en l’absence de réponse de l’Administration, les droits au maintien des règles d’urbanisme en vigueur à la date où il aurait dû être délivré ne sont pas altérés ».
B – Paraphe des documents urbanistiques annexés à l’acte de vente
10. L’application de la règle édictée par les dispositions combinées des articles 8 et 9 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 a parfois soulevé de graves difficultés18. Se fondant sur ces textes, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu le 16 novembre 2007, une décision qui précise expressément : « Et attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles 8 et 9 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 dans sa rédaction alors applicable, que si chaque feuille de l’acte authentique doit être paraphée par le notaire et les signataires de l’acte sous peine de nullité de celles non paraphées, cette exigence ne vise pas les annexes »19. On a peine à croire qu’un texte aussi anodin, reconnaissant un principe consacré depuis fort longtemps ait pu soulever tant de passion. C’est bien ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 juin 2012 dont l’appréciation faite par la doctrine est résumée ainsi : « Si chaque feuille d’un acte authentique doit être paraphée par le notaire et les signataires de l’acte sous peine de nullité de celles non paraphées, cette exigence ne vise pas les annexes. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait décider que le notaire ne faisait pas la preuve, faute de paraphe, de ce que l’acquéreur avait eu connaissance, avant sa signature de l’acte notarié, du plan cadastral sur lequel figure le tracé de la servitude d’alignement frappant la parcelle vendue »20. En somme, cette exigence ne vise pas les annexes, qui doivent simplement être revêtues d’une mention précisant que le certificat d’urbanisme est « annexé à la minute d’un acte reçu par Maître… notaire à… » constatant que cette annexe est bien signée par le notaire21. Rien ne justifiait donc en l’espèce la mise en œuvre de la responsabilité de l’agent immobilier et/ou du notaire rédacteur de l’acte authentique de vente.
11. En définitive, même si le pétitionnaire du permis de construire a obtenu un certificat d’urbanisme positif, le demandeur ne peut pas se voir opposer un changement de réglementation s’il a déposé une demande d’autorisation ou une déclaration préalable dans le délai légal22, encore faut-il qu’il soit préalablement informé de l’existence d’une servitude d’alignement frappant son terrain.
Notes de bas de pages
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1.
« Absence de faute du notaire en présence d’une servitude d’alignement mentionnée par le certificat d’urbanisme paraphé par l’acquéreur », Defrénois flash 31 juill. 2017, n° 114f1, p. 12.
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2.
Joye J.-F., « Voirie routière – Alignement », JCl. Administratif, fasc. 410-30.
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3.
Pérignon S., « La vente de l’immeuble frappé de sujétions particulières », Defrénois 30 oct. 1990, n° 34862, p. 1121.
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4.
Cornille P., « Note de renseignements d’urbanisme et responsabilité notariale », Constr.-Urb. 2001, comm. 125.
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5.
Rép. min. n° 25914 : JOAN Q, 27 août 2013, p. 9074, Fromantin J.-C.
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6.
Mengual P., « Qu’est-ce qu’une note de renseignements d’urbanisme (NRU) ? », www.preventimmo.fr.
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7.
V. par ex. : Communauté de communes des Combes, « Élaboration du plan local d’urbanisme communautaire – Porter à connaissance », www.club-plui.logement.gouv.fr : « La décision de l’autorité compétente approuvant le plan d’alignement est attributive de propriété uniquement en ce qui concerne les terrains privés non bâtis, ni clos de murs. S’agissant des terrains bâtis ou clos par des murs, les propriétaires sont soumis à des obligations de ne pas faire. Interdiction pour le propriétaire d’un terrain bâti de procéder, sur la partie frappée d’alignement, à l’édification de toute construction nouvelle, qu’il s’agisse de bâtiments neufs remplaçant des constructions existantes, de bâtiments complémentaires ou d’une surélévation (servitude non aedifiicandi). Interdiction pour le propriétaire d’un terrain bâti de procéder, sur le bâtiment frappé d’alignement, à des travaux confortatifs tels que renforcement des murs, établissement de dispositifs de soutien, substitution d’aménagements neufs à des dispositifs vétustes, application d’enduits destinés à maintenir les murs en parfait état, etc. (servitude non confortandi) ».
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8.
Meng J.-P., « Droits attachés au certificat d’urbanisme », Defrénois 15 juin 2016, n° 123s2, p. 620.
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9.
Ord. n° 2005-1527, 8 déc. 2005, art. 15, en vigueur le 1er oct. 2007 : JO, 9 déc. 2005.
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10.
Meng J.-P., « Droits attachés au certificat d’urbanisme », Defrénois 15 juin 2016, n° 123s2, p. 620 ; CE, 15 déc. 2015, n° 374026 : Lebon T., à paraître ; BJDU 2016, p. 112, Decout-Paolini R.
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11.
JCP A 2004, 1810, Billet P.
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12.
Rép. min. n° 25914 : JOAN Q, 27 août 2013, p. 9074, Fromantin J.-C. : Defrénois flash 16 sept. 2013, n° 119s9, p. 5.
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13.
Ibid.
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14.
Ibid.
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15.
Meng J.-P., « Le certificat d’urbanisme peut-il cristalliser les droits de préemption pendant sa période de validité ? », Defrénois 15 nov. 2013, n° 114c2, p. 1074.
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16.
Rép. min. n° 25914 : JOAN Q, 27 août 2013, p. 9074, Fromantin J.-C.
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17.
Rép. min. n° 25914 : JOAN Q, 27 août 2013, p. 9074, Fromantin J.-C. ; Defrénois flash 16 sept. 2013, n° 119s9, p. 5.
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18.
Gelot B., « L’exigence du paraphe par le notaire et les parties ne vise pas les annexes », Defrénois 30 oct. 2008, n° 38846, p. 2071.
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19.
« Rédaction d’acte : servitude d’alignement figurant dans une annexe non paraphée », Resp. civ. et assur. 2012, comm. 275.
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20.
« Rédaction d’acte : servitude d’alignement figurant dans une annexe non paraphée », Resp. civ. et assur. 2012, comm. 275.
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21.
Joye J.-F., « Voirie routière – Alignement », JCl. Administratif, fasc. 410-30, n° 29.
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22.
Rép. min. n° 25914 : JOAN Q, 27 août 2013, p. 9074, Fromantin J.-C.