Permis de louer et rénovation énergétique : le point dans le Val-de-Marne
Le dispositif contraignant du permis de louer progresse dans le Val-de Marne. Il permet non seulement aux collectivités publiques concernées de lutter contre l’habitat indigne mais il leur permet aussi de mieux suivre leur parc locatif privé, d’inciter les bailleurs à la rénovation énergétique et de réhabiliter des quartiers du territoire.
Après Bonneuil, Champigny-sur-Marne, Gentilly, Villiers et Villejuif, c’est au tour des communes d’Alfortville et de Nogent-sur-Marne de mettre en place le permis de louer. Au sein du département du Val-de-Marne (94), qui compte de nombreux biens locatifs énergivores, le permis de louer se répand progressivement et incite investisseurs immobiliers et bailleurs à prendre des mesures de rénovations énergétiques. Le dispositif peut prendre la forme d’une demande d’autorisation préalable à la mise en location (AMPL) ou d’une déclaration de mise en location (DML).
Réguler l’offre locative
Le département du Val-de-Marne accueille depuis plusieurs années des projets d’aménagements d’envergure et fait face à d’importantes mutations sociologiques et urbaines, soulignent les analystes de l’ADIL94. Les tensions sur le logement y sont particulièrement fortes en raison d’une offre insuffisante et d’une hausse des prix de l’immobilier malgré un important volume de logements sociaux. Les communes et les EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale) qui mettent en place un permis de louer peuvent définir les secteurs géographiques et/ou les catégories de logements ou d’ensembles immobiliers pour lesquels les bailleurs doivent demander un permis de louer avant la location. Les logements vides comme les logements meublés loués comme résidence principale sont visés par le dispositif. Il ne s’applique pas aux locations de logements sociaux ni à ceux faisant l’objet d’une convention APL avec l’État ou aux baux commerciaux. Ce dispositif permet, sur un secteur donné, de mieux connaître le parc locatif du territoire.
Un nouveau critère de performance énergétique
Le permis de louer, a été mis en place dans le cadre de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite ALUR. Il a depuis été instauré dans de nombreuses communes en Île-de-France. Il a pour vocation de s’assurer des bonnes conditions d’habitabilité des logements loués. Le dispositif du permis de louer a initialement eu comme objectif de lutter contre les marchands de sommeil, ou les bailleurs peu scrupuleux qui louent des biens ne présentant pas les conditions d’habilité adéquates. Il s’inscrit dans la politique publique de lutte contre l’habitat indigne. La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 prévoit que le permis de louer inclut désormais la prise en compte de performances énergétiques. Si le logement ne respecte pas des critères de décence énergétique, l’autorisation de louer ne peut être donnée. Avec cette réforme, les passoires thermiques, ces biens qui obtiennent les étiquettes F ou G, les classes énergétiques les plus basses du DPE, sont assimilées à un habitat insalubre ou indigne.
De très nombreuses passoires thermiques
L’Île-de-France compte de très nombreux biens énergivores. Selon une étude publiée par l’Institut Paris Région et l’Insee en octobre 2022, on y dénombre pas moins de 2,3 millions de résidences principales étiquetées E, F et G, soit 45 % du parc francilien de résidences principales. Le département du Val-de-Marne ne fait pas exception. C’est un parc immobilier ancien. On dénombre donc 67 % des logements qui ont été construits avant la première réglementation thermique, qui date de 1974 contre 60 % pour l’ensemble de la France métropolitaine. Au total, les passoires thermiques représentent 13, 7 % du parc immobilier privé du Val-de-Marne, soit 79 474 logements, des proportions que l’on retrouve sensiblement identiques dans l’ensemble de l’Île-de-France. Environ 4,8 % des logements du département comportent une étiquette G, soit 37 603 biens concernés. Selon un classement établi par Le Parisien sur la base de plus de 3 millions de DPE, réalisés entre juillet 2021 et la mi-janvier 2023 en Île-de-France, c’est d’ailleurs une ville du Val-de-Marne, Saint-Mandé qui affiche le plus grand nombre de passoires thermiques en Île-de-France (56,3 %), loin devant Paris (39,9 %). Dans le Val-de-Marne, le logement sous toutes ses formes : 75 % d’appartements et 23 % de maisons, représente donc un important gisement d’économies d’énergie.
Inciter les bailleurs à rénover leurs biens
Soucieux de contraindre les propriétaires à rénover leurs biens lorsqu’ils présentent des caractéristiques énergétiques défavorables, le gouvernement a mis en place un calendrier progressif d’interdiction de location pour les biens classés F ou G. À compter du 1er août 2022, la hausse des loyers des biens classés F et G n’est plus autorisée. En 2023, les biens consommant plus de 450 kWh m2 par an en énergie finale ne peuvent plus être loués. En 2025, cette interdiction s’étendra à tous les logements de la classe G et en 2028, à tous les biens de la classe F. En 2034, elle concernera également les biens classés E. En outre, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a durci un certain nombre de dispositifs pour les logements les plus énergivores, interdisant notamment toute augmentation de loyer en cours de bail pour les biens classés F et G. Dans le cadre du dispositif d’encadrement des loyers, aucun complément de loyer ne peut être pratiqué pour ces biens.
Un outil de réhabilitation urbaine
Dispositif contraignant, le permis de louer ne peut qu’inciter les propriétaires à rénover leurs biens pour atteindre les standards énergétiques requis. En ce sens, il s’agit d’un dispositif complémentaire aux opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH), qui consiste à améliorer la qualité et le confort des logements en incitant les propriétaires à réaliser des travaux dans leur logement dans un périmètre donné et ainsi requalifier et réhabiliter un quartier bâti. En effet, la décision de rejet de la demande d’autorisation préalable de mise en location peut être refusée ou soumise à conditions lorsque le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique. Elle est alors motivée et précise la nature des travaux ou aménagements prescrits pour satisfaire aux exigences de sécurité et de salubrité. Les refus d’autorisation préalable de mise en location ou les autorisations assorties de réserves sont transmis par les autorités compétentes au Plan départemental d’action pour le logement et les personnes défavorisées (PDALHPD) et sont inscrits à l’Observatoire des logements indignes.
À lire également
Logement : les projets de réforme se multiplient, par Annabelle Pando
Copropriété : le point sur projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT), interview de Benjamin Naudin, docteur en droit, avocat spécialiste en droit immobilier
Référence : AJU015k5
