Copropriété : le point sur projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT)

Publié le 11/12/2023

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, prévoit l’obligation de réaliser un projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT). La réalisation de ce plan est obligatoire depuis le 1er janvier 2023 pour les copropriétés de plus de 200 lots. Elle devient obligatoire à partir du 1er janvier 2024 pour les copropriétés comprises entre 51 et 200 lots et à partir du 1er janvier 2025 pour les autres. Mais que doit contenir le PPPT ? Comment le réaliser ? Quel est son coût ? Le point avec Me Benjamin Naudin, avocat spécialiste en droit immobilier.

Actu-Juridique : Qu’est-ce le PPPT ?

Benjamin Naudin : Depuis les travaux préparatoires à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, la question de rendre obligatoire la réalisation d’un plan pluriannuel de travaux (PPT) pour les immeubles anciens est au cœur des débats. Si la loi Élan n’y a pas donné suite, la loi Climat et résilience, en a fait une réalité amenée à bouleverser le quotidien des copropriétaires et de leur syndic. Plutôt que d’imposer la réalisation d’un tel plan, cette loi rend exigible un nouveau diagnostic, plus simple que le coûteux diagnostic technique global (DTG), qu’elle dénomme « projet de plan pluriannuel de travaux » (PPPT). Pour insérer ces nouvelles règles au sein de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le législateur a totalement remanié l’architecture des articles 14-1 et 14-2 de la loi du 10 juillet 1965.

AJ : Quelles sont les copropriétés concernées par l’obligation d’un PPPT et sous quel délai doit-il être fait ?

Benjamin Naudin : La nouvelle rédaction de l’article 14-2 rend la réalisation d’un projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT) obligatoire pour toutes les copropriétés, à vocation totale ou partielle d’habitation, dont les travaux ont été réceptionnés il y a plus de 15 ans.

L’établissement de ce PPPT suit un calendrier très précis et contraignant :

• 1er janvier 2023 pour les copropriétés de plus de 200 lots ;

• 1er janvier 2024 pour les copropriétés de 51 à 200 lots ;

• 1er janvier 2025 pour les copropriétés de moins de 51 lots.

AJ : Les copropriétés horizontales sont-elles également concernées ?

Benjamin Naudin : Cette question se pose également pour la réalisation du diagnostic de performance énergétique (DPE). Rappelons que la pratique notariale a créé dans les années 1970-1980 la notion de « copropriété horizontale ». Cette forme de copropriété s’appliquait aux parcelles sur lesquelles sont édifiées plusieurs maisons individuelles, le terrain, commun, étant alors divisé en zones de jouissances attribuées à chaque maison/villa. Cette pratique se voulait être un ersatz aux règles propres aux lotissements. Cette forme de copropriété, tombée aujourd’hui en désuétude, demeure néanmoins source de contentieux. Il est évident que si le gros œuvre des maisons est une partie purement privative, la question de la légitimité de cette nouvelle obligation collective pourrait se poser. Néanmoins, la réalisation d’un PPPT s’impose à toutes les copropriétés, à vocation totale ou partielle d’habitation, dont les travaux ont été réceptionnés il y a plus de 15 ans en ce y compris les copropriétés horizontales.

AJ : Quels sont les lots à prendre en compte ? Doit-on compter par exemple les caves et les garages pour savoir si la copropriété est une copropriété de plus de 200 lots ?

Benjamin Naudin : Les lots à prendre en compte pour déterminer le calendrier applicable sont les lots dits principaux c’est-à-dire logements, de bureaux ou de commerces. Les parkings ou garages ne sont donc pas pris en compte.

AJ : Faut-il effectuer au préalable un diagnostic de performance énergétique collectif ou un audit énergétique ?

Benjamin Naudin : L’article 158 de la loi Climat et résilience a rendu obligatoire un DPE dit collectif pour toutes les copropriétés dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013.

Un calendrier a été prévu pour son exigibilité.

Ainsi un DPE collectif est obligatoire :

• à compter du 1er janvier 2024, pour les copropriétés de plus de 200 lots ;

• à compter du 1er janvier 2025, pour les copropriétés de 50 à 200 lots ;

• à compter du 1er janvier 2026, pour les copropriétés de moins de 50 lots.

Comme vous l’aurez certainement remarqué, ce calendrier est décalé par rapport à celui d’exigibilité des PPPT. Néanmoins, le DPE étant une des composantes du PPPT, il est recommandé d’anticiper la réalisation des DPE.

AJ : Que se passe-t-il si une copropriété ne réalise pas de PPPT ?

Benjamin Naudin : À ce jour, les textes ne prévoient pas de sanctions particulières. Néanmoins, il ne fait aucun doute que dans un avenir proche certaines sanctions coercitives vont être prévues dont notamment le refus d’octroi de subventions permettant la réalisation de travaux nécessaires. Notons néanmoins que, l’autorité administrative compétente en matière de sécurité et de salubrité des immeubles pourra à tout moment solliciter du syndic de la transmission du plan pluriannuel de travaux adopté. S’il n’est pas transmis dans le délai d’un mois de la demande ou s’il ne prévoit pas des travaux manifestement nécessaires, cette même autorité administrative pourra, d’office et unilatéralement, élaborer un PPPT aux frais du syndicat des copropriétaires. Une fois établi et transmis au syndic, ce dernier devra convoquer l’assemblée générale aux fins d’adoption de tout ou partie de ce PPPT.

AJ : Qui réalise un PPPT ? Un architecte ?

Benjamin Naudin : Le décret n° 2022-663 du 25 avril 2022 détermine les compétences et qualifications des personnes habilitées à réaliser un PPPT.

Ainsi ce PPPT peut être établi par une personne physique, une personne morale ou un groupement doté de la personnalité juridique justifiant des compétences requises dans les domaines suivants :

• les modes constructifs traditionnels et contemporains, tant en gros œuvre qu’en second œuvre ;

• les bâtiments, les produits de construction, les matériaux de construction, les équipements techniques ;

• les pathologies du bâtiment et de ses équipements ;

• la thermique des bâtiments et les possibilités d’amélioration énergétique et de réhabilitation thermique et leurs impacts potentiels notamment acoustiques ;

• l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre du bâtiment et des possibilités de réduction de celles-ci ;

• la terminologie technique et juridique du bâtiment, dans son acception par l’ensemble des corps d’état, en rapport avec l’ensemble des domaines de connaissance mentionnés ci-dessus ;

• les textes législatifs et réglementaires relatifs aux normes sanitaires et de sécurité afférentes à l’habitat ;

• les équipements nécessaires au bon déroulement de la mission.

Pour justifier de cette compétence, ce professionnel devra produire :

• un diplôme sanctionnant une formation du niveau de l’enseignement supérieur d’une durée minimale de trois ans ou d’une durée équivalente à temps partiel dans le domaine des techniques du bâtiment, dispensée dans une université ou un établissement d’enseignement supérieur ou dans un autre établissement de niveau équivalent, ce diplôme ayant été délivré par une autorité compétente d’un État de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

• un titre professionnel dans le domaine des techniques du bâtiment de niveau équivalent ;

• une certification de qualification professionnelle dans le domaine des techniques du bâtiment de niveau équivalent ;

• une attestation d’inscription au tableau d’un ordre professionnel reconnu dans le domaine de l’immobilier ;

• s’il en dispose, il produit également des références sur des prestations similaires.

La méfiance en matière de copropriété étant de mise, cette personne, qu’elle soit physique ou morale, devra attester sur l’honneur de son impartialité et de son indépendance à l’égard du syndic, des fournisseurs d’énergie et des entreprises intervenant sur l’immeuble et les équipements sur lequel porte le projet de plan pluriannuel de travaux. Il s’agit en général de bureaux d’étude généralistes ou spécialisés, d’architectes…

AJ : Que contient le PPPT ?

Benjamin Naudin : L’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 précise que le PPPT aura pour sources une analyse du bâti, le DPE, et s’il a été réalisé le DTG et détaille son contenu.

Il devra ainsi prévoir :

• 1°) la liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants, à la réalisation d’économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

• 2°) une estimation du niveau de performance au sens de l’article L. 173-1-1 du Code de la construction et de l’habitation que les travaux mentionnés au 1° du présent I permettent d’atteindre ;

• 3°) une estimation sommaire du coût de ces travaux et leur hiérarchisation ;

• 4°) une proposition d’échéancier pour les travaux dont la réalisation apparaît nécessaire dans les dix prochaines années.

AJ : La réalisation des travaux préconisés dans le PPPT est-elle obligatoire ?

Benjamin Naudin : À ce jour, il n’existe aucune obligation légale de réaliser, en copropriété, des travaux préconisés par le PPPT. L’assemblée générale peut donc décider de ne pas adopter un plan pluriannuel de travaux dès lors qu’une discussion de principe a bien eu lieu et, partant, qu’une question a bien été portée à l’ordre du jour. Soulignons que si ce PPPT n’est pas adopté, en tout ou partie, le syndic devra remettre à l’ordre du jour de chaque assemblée générale annuelle (approuvant les comptes) la question de son adoption en tout ou partie. Cette absence d’obligation légale est néanmoins toute relative.

Concernant l’urgence climatique, rappelons, en effet, que les la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi Énergie et climat et la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 Climat et résilience ont notamment pour ambition de lutter contre les passoires thermiques. Parmi l’arsenal créé par ces textes, on retrouve notamment une interdiction pure et simple de louer les passoires thermiques.

Ainsi

• depuis le 22 août 2022 : il est interdit au bailleur d’augmenter le loyer des logements classés F ou G ;

• depuis le 1er janvier 2023 : il est interdit de louer des logements dont la consommation d’énergie finale est supérieure à 450 kWh/m2/an ;

• dès le 1er janvier 2025 : tous les logements classés G seront interdits à la location ;

• dès le 1er janvier 2028 : tous les logements classés F seront interdits à la location ;

• dès le 1er janvier 2034 : tous les logements classés E seront interdits à la location.

Il ne fait aucun doute que si ce mauvais classement du logement en copropriété a pour origine les parties ou équipements communs, la responsabilité du syndicat des copropriétaires, qui, depuis l’ordonnance du 30 octobre 2019, a notamment pour objet l’amélioration de l’immeuble, pourra être engagée. Par ailleurs, et s’agissant de l’état général de l’immeuble, une fois le PPPT réalisé, le syndicat et ses copropriétaires seront parfaitement informés de l’état de leur immeuble et des travaux de conservation devant être réalisés à plus ou moins brève échéance. Si d’aventure, le syndicat ne réalisait pas ces travaux et que l’immeuble était à l’origine d’un sinistre, l’assureur du syndicat refuserait sa garantie voire dénoncerait le contrat du fait de l’absence d’aléa. S’opposer à la réalisation d’un plan pluriannuel de travaux est donc une mauvaise idée.

AJ : Quel est le coût d’un PPPT ?

Benjamin Naudin : Le tarif de ce nouveau « diagnostique » n’est pas réglementé. Il varie donc d’un prestataire à l’autre et d’un client à l’autre. Il est évident que son prix variera en fonction de la taille de la copropriété, de son âge, de son organisation, de ses équipements… Une mise en concurrence de plusieurs prestataires paraît donc être une évidence.

AJ : Le PPPT a-t-il une durée de validité ?

Benjamin Naudin : Le PPPT a une durée de 10 années et devra donc être actualisé à la fin de cette période. Il est cependant à noter que si la copropriété a fait réaliser un DTG et que celui-ci ne prévoit aucun travaux à réaliser dans les 10 prochaines années, elle pourra être dispensée de la réalisation de ce PPPT.

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