Seine-Saint-Denis (93)

Seine-Saint-Denis : l’encadrement des loyers gagne du terrain

Publié le 15/09/2021
Construction en bois représentant une maison avec des pièces de monnaie à l'intérieur
zephyr_p / AdobeStock

Neuf villes du territoire de Plaine Commune ont adopté le principe du plafonnement des loyers qui séduit toujours plus de communes. Le point sur le démarrage de cette expérimentation au 1er juin 2021, permise par la loi ELAN du 23 novembre 2018.

Depuis le 1er juin 2021, le département de Seine-Saint-Denis (93) expérimente l’encadrement des loyers. Jusqu’ici, seul Paris depuis juillet 2019, Lille et les villes limitrophes d’Hellemmes et Lomme depuis mars 2020 appliquaient un dispositif de plafonnement des loyers. Neuf villes de l’établissement public territorial (EPT) de Plaine Commune en Seine-Saint-Denis (Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Villetaneuse, Stains, L’Île-Saint-Denis, la Courneuve et Saint-Ouen) les ont rejointes.

Une expérimentation

Créé dans le cadre de la loi Alur en 2014, le dispositif de plafonnement a été mis en échec par le juge administratif. La loi ELAN (portant Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018 l’a rétabli de façon expérimentale pour une durée de cinq ans à compter de sa publication. Le texte a repris le dispositif d’encadrement du niveau des loyers initié par la loi Alur qui s’articule avec le décret annuel de limitation de la hausse des loyers à l’indice de référence des loyers (IRL) appliqué depuis 2012 dans les 28 zones tendues dont l’agglomération parisienne.

Le législateur a donné deux ans aux communes situées en zone tendue qui souhaitent participer à cette expérimentation pour présenter une demande d’application sur leur territoire de l’encadrement des loyers. Les dernières demandes devaient être présentées au plus tard le 23 novembre 2020. Outres les neuf villes de Seine-Saint-Denis précédemment citées, plusieurs dizaines de villes se sont manifestées, notamment Lyon, Villeurbanne, Bordeaux, Montpellier et Grenoble (et 27 communes de sa métropole). C’est également le cas de neuf communes du territoire Est-Ensemble (Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville) et 11 communes du territoire de Grand-Orly Seine Bièvre (Arcueil, Cachan, Chevilly-Larue, Choisy-le-Roi, Fresnes, Gentilly, Ivry-sur-Seine, le Kremlin-Bicêtre, Orly, Villejuif et Vitry-sur-Seine) ainsi que la ville de Grigny. Marseille et Strasbourg qui avaient déclaré souhaiter se porter candidates y ont finalement renoncé.

Lutter contre une tendance inflationniste en Seine-Saint-Denis

L’expérimentation est entrée en vigueur à Plaine Commune à compter du 1er juin 2021. Le président de Plaine Commune, Mathieu Hanotin, a souhaité mettre en place l’encadrement des loyers du parc privé, afin de modérer l’évolution des loyers, avec l’appui de l’État. Pour obtenir l’accord du gouvernement à la mise en place de l’encadrement des loyers, plusieurs conditions doivent être réunies localement. Outre un niveau de loyer moyen élevé, il doit exister un écart important entre le niveau moyen de loyer du parc locatif privé et celui du parc locatif social. Le gouvernement vérifie aussi le niveau de logements en construction par rapport aux logements existants sur les cinq dernières années ainsi que les perspectives de production de nouveaux logements. Les neuf villes de Seine-Saint-Denis – qui regroupent environ 430 000 habitants – sont confrontées à une accélération des mutations urbaines et du renforcement de l’attractivité du territoire de Plaine Commune. On n’y dénombre pas moins de 14 projets dans le cadre du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU) et de nombreux autres projets (Jeux Olympiques et Paralympiques, Grand Paris Express, Campus Condorcet, Campus Hospitalo-Universitaire Grand Paris Nord, Fort d’Aubervilliers, etc.). Ces derniers pourraient contribuer à alimenter des tensions inflationnistes sur les loyers du territoire. Or les loyers connaissent déjà un phénomène d’augmentation importante dans le département. D’après les chiffres de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) entre 2009 et 2019, les loyers y ont augmenté de 21,6 %. Une évolution à rapprocher de celle de Paris, où les loyers ont bondi de 22,6 % sur la même période d’après l’Observatoire.

Trois loyers de référence

La mise en place de l’expérimentation de l’encadrement des loyers du parc privé à l’échelle de son territoire a été adoptée par le Conseil territorial de Plaine Commune à l’unanimité le 13 octobre 2020. Et l’arrêté permettant d’encadrer les loyers sur le territoire de Plaine Commune a été signé le 12 avril 2021 par Marc Guillaume, préfet de la région d’Île-de-France. L’encadrement s’applique aux baux signés à compter du 1er juin 2021 pour les locations nues et meublées : nouveaux emménagements (relocations et premières locations), renouvellements de baux et baux mobilité. Les baux en cours et les reconductions tacites à l’expiration du bail (en l’absence de contestation du montant du loyer dans les délais légaux) ne sont pas concernés. L’arrêté du 12 avril 2021 fixe trois loyers de référence sur le territoire de Plaine Commune fondés sur les observations de l’OLAP, un loyer de référence, un loyer de référence majoré (supérieur de 20 %) et un loyer de référence minoré (diminué de 30 %). Ces loyers, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, sont déterminés en fonction du marché locatif observé par l’OLAP et déclinés par secteurs géographiques (regroupant une ou plusieurs communes ou quartiers et par catégories de logements (appartement/maison, nombre de pièces, nu/meublé et époque de construction du bâtiment). Une carte interactive permet de déterminer le loyer de référence de son logement (www.referenceloyer.drihl.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/plaine-commune). Le loyer hors charges des logements mis en location, dit loyer de base, ne peut excéder le niveau du loyer de référence majoré. En dessous du niveau de loyer de référence majoré, le loyer reste fixé librement. Un coefficient de majoration est appliqué pour les meublés. Un complément de loyer est possible, s’il est expressément mentionné, chiffré et justifié dans le bail. Le loyer de référence majoré peut être augmenté d’un complément de loyer pour les logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort déterminantes, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique. D’après les premières jurisprudences, des travaux de rénovation du logement ne peuvent suffire à asseoir l’application d’un complément de loyer dont la régularité est conditionnée par le critère de la rareté. La location doit en effet présenter une particularité telle que l’on pourrait considérer qu’elle se situe dans un cadre d’exception comme vue remarquable par exemple et/ou avec des équipements très spécifiques ou de grand standing, une très grande terrasse, par exemple, la distinguant de tous les appartements de la même catégorie dans le même secteur géographique.

Un dispositif assorti de sanctions

Ce nouveau dispositif est assorti de sanctions en cas de non-respect du plafond de loyer par le bailleur, une nouveauté par rapport à la loi Alur. La loi ELAN prévoit en cas de non-respect du loyer de référence majoré que le bailleur puisse être obligé, à la demande du préfet de département, de mettre le contrat en conformité et de rembourser au locataire les trop-perçus éventuels. Après une mise en demeure infructueuse, une amende administrative dont le montant ne peut excéder 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale, pourra également être prononcée par le préfet de département. Un décret d’application en Conseil d’État, le décret n°2019-437 paru le 14 mai 2019, fixe les modalités d’application de ces sanctions. Le prononcé de l’amende ne fait pas obstacle à ce que le locataire engage une action en diminution de loyer devant le juge, postérieurement ou en parallèle, si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat. Cette action est soumise au délai de prescription de trois ans prévu à l’article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.