Travaux : devez-vous souscrire une assurance dommages ouvrage ?
En cette rentrée vous avez décidé ou projetez de réaliser des travaux d’aménagement ou de construction. Devez-vous alors prendre une assurance dommages ouvrage ? Que couvre cette assurance et pourquoi est-il nécessaire de la prendre ? Que risquez-vous si vous ne la prenez pas ? À compter de quand joue-t-elle ? Le point avec Benjamin Naudin, avocat spécialiste en droit immobilier.
Actu-Juridique : En cas de travaux est-il obligatoire de prendre une assurance dommages ouvrage ? Suis-je concerné si je suis un particulier ? Dans quels cas est-ce obligatoire ?
Benjamin Naudin : Créée par la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction, dite loi Spinetta, l’assurance dommages ouvrage est une assurance obligatoire souscrite par le maître d’ouvrage (la personne qui fait construire ou réaliser des travaux importants), professionnel comme particulier, lorsqu’il fait réaliser des travaux pouvant engendrer des dommages couverts par la garantie décennale (C. civ., art. 1792), c’est dire des dommages « qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».
Il s’agit donc d’une assurance prise lors de la réalisation de travaux importants pouvant avoir un impact sur la solidité du bien, son habitabilité, son usage et sa jouissance. Il s’agit la plupart du temps de travaux de construction ou de travaux de gros œuvre assimilés à de la construction.
AJ : À quoi sert l’assurance dommages ouvrage ? Ne fait-elle pas doublon avec la garantie décennale ?
Benjamin Naudin : Cette assurance est une assurance de préfinancement devant être souscrite avant l’ouverture du chantier et qui, lorsqu’un sinistre survient, rembourse, sans aucune franchise, les travaux de réparation nécessaires. Elle s’occupe par la suite de récupérer les fonds qu’elle a avancés auprès de l’entreprise de construction responsable et de sa propre assurance.
Elle intervient donc sans recherche de responsabilité (l’assureur dommages ouvrage exercera ensuite des recours contre les constructeurs responsables au titre de leur assurance de responsabilité civile décennale).
Loin de faire doublon avec l’assurance décennale obligatoire devant couvrir la garantie décennale due par les entreprises de constructions, elle est censée compléter et accélérer le mécanisme d’indemnisation en cas de désordres d’une certaine gravité.
AJ : Que risque-t-on en cas de non-souscription ?
Benjamin Naudin : La non-souscription d’une assurance obligatoire est un délit puni d’une peine d’emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 75 000 € au plus ou de l’une de ces 2 peines seulement.
Ces sanctions ne s’appliquent pas à un particulier construisant un logement pour l’occuper lui-même ou pour un membre de sa famille. En revanche, si ce particulier ne réalise lui-même que le second œuvre et fait appel à un constructeur pour le reste, c’est de l’auto-construction partielle. L’assurance dommages ouvrage est alors, à nouveau, obligatoire.
Les risques liés au défaut de garantie dommages ouvrage ne doivent pas seulement se résumer en ces sanctions pénales. De prime abord, cette assurance permet une prise en charge immédiate des dommages, sans attendre une potentielle décision de justice. L’indemnisation est donc plus rapide. Se priver d’une telle assurance rend ainsi la prise en charge de dommages importants beaucoup plus fastidieuse et impose la judiciarisation.
Par ailleurs, il est évident que l’absence d’assurance dommages ouvrage constitue un véritable frein à la revente.
AJ : Quel coût a-t-elle ?
Benjamin Naudin : Son prix varie bien évidemment d’une assurance à l’autre et dépend de l’importance de la campagne de travaux objet de ladite assurance et non du profil du maître d’ouvrage.
Selon les sites spécialisés en la matière, le prix moyen d’une assurance dommages ouvrage en France est de 3 550 € en 2023.
Son calcul se fait de la façon suivante :
Premièrement, le montant de la prime d’assurance dommages ouvrage est calculé en appliquant un taux proportionnel entre 0,8 % et 12 % du coût total des travaux à garantir.
Ce taux de cotisation varie en fonction :
• du type d’ouvrage : maison individuelle, appartement, immeuble, bâtiment professionnel, local commercial ;
• de la nature des travaux : neuf, rénovation extension ;
• de la destination du bâtiment : usage personnel, location, vente.
Par la suite, des garanties complémentaires facultatives viennent accroître le montant de ladite prime, il s’agit par exemple de :
• Garantie constructeur non réalisateur (CNR) ;
• Tous risques chantier (TRC) ;
• Responsabilité civile du maître d’ouvrage (RCMO) ;
• Garantie des dommages immatériels.
AJ : Que faire si je ne trouve aucune assurance pour m’assurer ?
Benjamin Naudin : Si aucun assureur ne veut assurer la construction, le maître d’ouvrage pourra saisir le Bureau central de tarification (BCT). Celui-ci fixera la tarification de la garantie DO auprès de l’assureur choisi par le maître d’ouvrage.
Pour information, voici les coordonnées du Bureau central de tarification :
Téléphone :+33 (0) 1 53 21 50 40
Courriel : [email protected]
Adresse postale : 1 rue Jules Lefebvre 75009 Paris
AJ : Quand l’assurance dommages ouvrage prend-elle effet ?
Benjamin Naudin : En principe, la garantie dommages-ouvrage commence à courir un an après la réception des travaux, à l’expiration de la garantie de parfait achèvement. Elle peut toutefois être mise en œuvre avant la réception ou dans l’année de parfait achèvement, en cas de défaillance du constructeur dans ses obligations liées à la garantie de parfait achèvement et après mise en demeure formelle restée infructueuse.
AJ : Quel est son mode de fonctionnement ? Y a-t-il des règles particulières lorsque je suis en copropriété ?
Benjamin Naudin : Dès la constatation du sinistre, le maître d’ouvrage, et en cas de copropriété, le syndic représentant le syndicat, si le sinistre affecte les parties communes, ou le copropriétaire, si le sinistre affecte ses parties privatives, devra le déclarer à l’assureur dommages ouvrage.
Pour que la déclaration de sinistre soit constituée, l’annexe II de l’article A. 243-1, A. 2°, du Code des assurances prévoit que celle-ci doit comporter au moins les renseignements suivants :
• le numéro du contrat d’assurance et, le cas échéant, celui de l’avenant ;
• le nom du propriétaire de la construction endommagée ;
• l’adresse de la construction endommagée ;
• la date de réception ou, à défaut, la date de la première occupation des locaux ;
• la date d’apparition des dommages ainsi que leur description et localisation ;
• si la déclaration survient pendant la période de parfait achèvement au sens de l’article 1792-6 du Code civil, la copie de la mise en demeure effectuée au titre de la garantie de parfait achèvement.
Les délais de gestion des sinistres sont strictement encadrés par le Code des assurances, notamment par l’article L. 242-1 :
1) Dès réception de la déclaration de sinistre, l’assureur a 10 jours pour informer l’assuré que celle-ci n’est pas réputée constituée et réclamer les renseignements manquants (par exemple : si le sinistre survient en période de garantie de parfait achèvement, la copie des mises en demeure faites auprès des entreprises concernées).
2) À réception de la déclaration de sinistre constituée, l’assureur doit désigner un expert et dispose d’un délai de 60 jours pour notifier sa décision quant à la mobilisation des garanties (refus ou engagement de la garantie) en se basant sur le rapport préliminaire d’expertise (qui doit être communiqué à l’assuré). Si ce délai n’est pas respecté, l’assuré peut engager les travaux de réparation après en avoir informé l’assureur. Ce dernier sera tenu de prendre en charge les coûts, indépendamment de savoir si la garantie était effectivement acquise ou pas.
3) En cas d’acceptation de la mise en jeu des garanties, l’assureur dispose d’un délai total de 90 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre, pour proposer une indemnité afin de remédier aux désordres, en se basant sur le rapport définitif d’expertise.
4) Si l’expert rencontre des difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l’importance du sinistre, l’assureur peut proposer à l’assuré la fixation d’un délai supplémentaire pour l’établissement de son offre d’indemnité (proposition fondée et motivée, qui doit être acceptée par l’assuré et dont le délai ne peut excéder 135 jours à compter de la notification de son accord sur le principe de la mise en jeu des garanties).
5) Une fois la proposition d’indemnité émise, l’assuré peut soit l’accepter soit la contester. S’il l’accepte, l’assureur dispose alors d’un délai de 15 jours pour régler l’indemnité.
Référence : AJU015k4