L’assurance de responsabilité civile du fait des produits défectueux

Publié le 23/06/2017

Eu égard à l’ampleur des dommages que peut entraîner une action en responsabilité du fait des produits défectueux à l’encontre d’un industriel, les entreprises concernées devraient anticiper tout risque de sinistre en souscrivant une police d’assurance adaptée. Pour ce faire, il est important de bien définir les besoins de l’entreprise et ne pas oublier de prendre en compte la dimension internationale des sinistres éventuels.

Les conséquences pécuniaires de la responsabilité du fait des produits défectueux peuvent être colossales pour les entreprises affectées. Celles-ci peuvent être amenées à devoir indemniser de nombreuses victimes potentielles, les dommages pouvant être corporels, matériels ou immatériels, mais également à devoir envisager de lourdes mesures comme des procédures de rappel ou de retrait.

C’est pourquoi il est primordial pour les entreprises exposées d’anticiper en souscrivant des polices d’assurance responsabilité civile adaptées. Les compagnies d’assurance proposent des produits spécifiques en cette matière, il s’agit de l’assurance de responsabilité civile du fait des produits livrés, encore appelée l’assurance après livraison.

Lors de la souscription d’un contrat d’assurance responsabilité civile du fait des produits livrés, l’entreprise concernée doit se montrer vigilante sur plusieurs points spécifiques (I). La dimension internationale devra être prise en compte par l’entreprise lors de la souscription, que ce soit en raison du risque d’exportation du produit ou d’une activité multinationale (II).

I – Points de vigilance lors de la souscription d’une police responsabilité civile du fait des produits livrés

A – Sous-traitance

Tout d’abord, l’entreprise qui fabrique un produit potentiellement défectueux est également susceptible de sous-traiter une partie, voire la totalité de la fabrication du produit.

Si de nombreux contrats prévoient que la police bénéficie à l’assuré du fait de ses sous-traitants, ils prévoient généralement que l’activité du sous-traitant doit avoir un rapport avec celle exercée par l’assuré. Il est également usuel que l’assureur demande à l’assuré de lui communiquer les attestations d’assurances responsabilité civile des sous-traitants. En effet, si la police prévoit une couverture pour la responsabilité de l’assuré directement du fait des sous-traitants, il n’est pas question d’étendre la couverture à la responsabilité des sous-traitants eux-mêmes.

B – Définition du sinistre – cas du sinistre sériel

Une des particularités de la responsabilité civile du fait des produits défectueux est la manifestation du dommage. En effet, il s’agit souvent de dommages en série, c’est-à-dire de dommages atteignant, simultanément ou à des dates différentes, différents utilisateurs ou consommateurs de produits présentant le même défaut.

L’assuré a besoin d’une couverture efficace en cas de la survenance de dommages en chaîne, ayant tous la même origine, et pouvant de ce fait, donner lieu à des dommages et intérêts considérables.

Les plafonds de garantie étant généralement prévus par année et par sinistre, la définition d’un sinistre est primordiale en cas de dommages sériels et de réclamations multiples.

L’article L. 124-1-1 du Code des assurances précise la notion de sinistre dans les termes suivants : « tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l’assuré, résultant d’un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ». Selon cette disposition, c’est le fait générateur du dommage qui constitue le sinistre et toutes les réclamations se rapportant au même fait générateur devraient être considérées comme étant un unique sinistre.

En matière de responsabilité du fait des produits défectueux, la jurisprudence considère habituellement que le fait générateur est la livraison du produit1.

Il faut noter qu’en cas de sinistre sériel, il peut y avoir plusieurs réclamations ayant le même fait générateur. Ces réclamations peuvent être très éloignées dans le temps. Dans ce cas, il faut considérer que le sinistre se rapporte à la première réclamation. C’est le plafond de garantie de l’année de la première réclamation qui devra donc s’appliquer.

Pour cette raison, l’assuré, qui détient la charge de la preuve de l’existence et du contenu de l’assurance, devra veiller à bien conserver ses polices, le dommage pouvant se manifester des années après la souscription de la police.

C – Plafonds de garantie et extensions

L’assuré devra être particulièrement attentif aux plafonds de garantie proposés par l’assureur.

Les dommages auxquels l’assuré pourrait être exposés pouvant être considérables, il peut être nécessaire, en fonction des risques que présente l’activité de l’assuré de souscrire des garanties complémentaires, afin d’augmenter les plafonds de garantie proposés. Pour ce faire, de nombreux assureurs font appel à la coassurance, pour proposer des polices en lignes successives. Il s’agit de polices indépendantes et autonomes les unes par rapport aux autres, qui interviennent de manière successive. La couverture proposée dans le contrat 2e ligne intervient alors en complément et après épuisement de la couverture proposé dans le contrat 1re ligne, et ainsi de suite.

D – Exclusions de garantie

L’assuré devrait être particulièrement attentif aux exclusions présentes dans les contrats d’assurance responsabilité civile du fait des produits livrés.

Outre les exclusions classiques (responsabilité pénale, conduite irresponsable de l’assuré, etc.), il existe des exclusions spécifiques en cas de responsabilité du fait des produits défectueux.

  • Il faut d’abord souligner que le produit défectueux lui-même n’est pas garanti. En effet, l’assurance responsabilité civile du fait des produits livrés a pour objet de garantir exclusivement les dommages causés par le produit lui-même, et non ceux subis par le produit. En conséquence, les éventuels coûts du remplacement du produit défectueux ne sont pas pris en charge par l’assureur.

    Si l’assuré souhaite assurer également les produits livrés eux-mêmes, et non sa responsabilité du fait des produits livrés, il devra souscrire une assurance spécifique, qui sera une assurance de chose, et non une assurance responsabilité.

  • Par ailleurs, les frais de rappel et/ou de retrait ne sont de façon générale pas compris dans l’assurance responsabilité civile du fait des produits défectueux. Il est nécessaire de prévoir une police spécifique pour ce poste. Une telle police est essentielle car les coûts de rappel et/ou retrait des entreprises ayant mis en circulation des produits dangereux peuvent être colossaux. À titre d’exemple, le rappel de plus de 5 millions de véhicules en 2009 en raison du blocage du mécanisme de la pédale d’accélérateur a coûté à un constructeur automobile environ 300 millions de dollars2. L’assurance des frais de rappel et/ou de retrait peut être rattachée au contrat d’assurance responsabilité civile du fait des produits livrés (comme une extension d’assurance) ou être indépendante. Les frais couverts sont les frais de communication et d’annonce du rappel et/ou retrait, les frais de repérage et recherche des produits concernés, les frais de retrait proprement dit (extraction, dépose, démontage, acheminement), les frais de stockage et les frais de destruction des produits.

  • Une autre exclusion classique est le non-respect à une norme de fabrication. La jurisprudence accepte uniquement les clauses d’exclusion qui visent expressément la norme dont le non-respect entraîne l’exclusion de la garantie. Elle considère en effet que les formules d’exclusions qui se réfèrent au « non-respect des règles de l’art définies par la profession »3 ou le non-respect de « l’ensemble des lois, règlements, et normes en vigueur dans l’activité de la société »4 sont trop vagues et ainsi, ne répondent pas à l’exigence de l’article L. 113-1 du Code des assurances, qui permet les clauses d’exclusion uniquement si elles sont formelles et limitées.

II – Dimension internationale de l’assurance responsabilité civile du fait des produits défectueux

La dimension internationale doit également être prise en compte par les entreprises lors de la souscription d’une police responsabilité du fait des produits livrés.

  • Aujourd’hui, la plupart des produits fabriqués sont exportés partout dans le monde, que ce soit dans le cadre d’une exportation directe (les produits sont fabriqués en vue de l’exportation) ou indirecte (les produits sont incorporés dans d’autres produits destinés à l’exportation). Dans ce dernier cas, le fabricant n’est pas toujours au courant de l’exportation de son produit. Il est donc nécessaire, pour toute entreprise qui pourrait être exposée à la responsabilité du fait des produits défectueux, de prévoir une police qui a vocation à s’appliquer dans le monde entier.

  • Par ailleurs, la dimension internationale devra être prise en compte par les multinationales, qui devront mettre en place un programme d’assurance international, afin de faire bénéficier leurs filiales situées à l’étranger de la même police globale.

Il existe deux types de programmes d’assurance internationaux : le programme international non intégré dans lequel la maison mère souscrit une police globale, appelée police umbrella, qui s’ajoute aux polices locales souscrites par chacune des filiales du groupe, ou le programme international intégré dans lequel la maison-mère coordonne la souscription des polices pour toutes ses filiales.

En cas de sinistre subi par l’une des filiales du groupe, la police locale apportera la couverture nécessaire. La police umbrella interviendra en complément des montants et risques garantis par les polices locales. Pour ce faire, la police umbrella contient généralement :

  • une clause en « différence de limites » (DIL) qui prévoit que la police umbrella intervient après épuisement des plafonds de garantie de la police locale applicable ;

  • une clause en « différence de conditions » (DIC) qui prévoit que la police umbrella vient assurer un risque non couvert par la police locale dès lors que ce risque est couvert par la police umbrella.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 1re civ., 11 oct. 1994, n° 92-18904 ; Cass. 1re civ., 14 nov. 1995, n° 92-14682.
  • 2.
    Lamy Assurances 2017, n° 2551.
  • 3.
    Cass. 1re civ., 12 mai 1982, n° 81-11554.
  • 4.
    Cass. 1re civ., 17 nov. 1987 : RGAT 1988, p. 65, note Bigot J.