Paris (75)

À Paris, l’encadrement des loyers est loin d’être respecté à 100 %

Publié le 04/02/2022
Loyer, immobilier
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Début janvier, le groupe Particulier à Particulier (PAP) révélait sa première étude sur l’encadrement des loyers ; à Paris, sur les 27 524 annonces de locations publiées en 2021, 42 % ne le respectent pas, dont une majorité d’appartements de petite taille. Actu-juridique fait le point sur la situation.

Le groupe PAP recense 42 % d’annonces ne respectant pas l’encadrement des loyers à Paris – qu’il s’agisse de locations vides ou de locations meublées publiées sur le site pap.fr entre le 1er janvier et le 26 décembre 2021. De son côté, l’Observatoire de la Fondation Abbé Pierre énonce avoir comptabilisé 35 % d’annonces non conformes à cet encadrement des loyers.

Selon le site encadrement-loyers.fr (qui concerne des locations par des particuliers et par des professionnels), ce chiffre s’élève à 37 % sur l’année écoulée. « Pour les annonces d’une surface inférieure à 30 m², il y a 53 % d’annonces non conformes », peut-on lire sur la page dédiée aux statistiques. C’est également le constat de l’étude du groupe PAP qui met en relief que les taux les plus importants de non-respect des plafonds concernent les appartements de moins de 20 m². « Ces appartements représentent un quart (25,3 %) des annonces publiées mais 43,3 % des annonces qui dépassent les plafonds de loyer », indique la présidente du groupe Corinne Jolly au Parisien. « À eux seuls, ils sont responsables d’une part très importante des dépassements de loyer et pèsent sur les chiffres. » Selon elle, « lorsqu’une étude comme la nôtre montre que les trois quarts (78 %) des propriétaires d’un studio de plus de 20 m² respectent les plafonds de loyer alors qu’à l’inverse, les trois quarts des propriétaires de moins de 20 m² ne les respectent pas, c’est qu’il y a un problème sur le montant des plafonds fixés pour ces appartements-là ».

Les arrondissements respectant le moins l’encadrement des loyers sont les Ier et VIIIe arrondissements. Le XVIe se place en troisième position, fort de ses chambres de bonne, louées au-dessus des plafonds légaux.

Paris encadre ses loyers depuis le 1er juillet 2019

Dans le cadre de la loi ELAN du 23 novembre 2018 pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, les communes situées en zone tendue avaient 2 ans, soit jusqu’au 23 novembre 2020, pour formuler une demande d’application sur leur territoire de l’encadrement des loyers ; une mesure consistant à plafonner administrativement les loyers d’habitation du parc privé. Paris a été précurseur et l’applique depuis le 1er juillet 2019. En Île-de-France, la Plaine Commune (Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Villetaneuse, Stains, L’Île-Saint-Denis, la Courneuve et Saint-Ouen) encadre ses loyers depuis le 1er juin 2021 (décret n° 2020-1619 du 17 décembre 2020) et la communauté Est Ensemble (Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville), depuis le 1er décembre 2021 (décret n° 2021-688 du 28 mai 2021).

Ces territoires répondaient aux conditions prévues par la loi : un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen dans le parc locatif social, un niveau de loyer médian élevé, un faible taux de logements commencés rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l’habitat et de faibles perspectives d’évolution de celles-ci.

Dans ces villes, le plafonnement des loyers est accompagné d’un encadrement du loyer à la relocation, interdisant, sauf exception, l’augmentation du loyer lors d’un changement de locataire.

Loyer encadré : oui, mais…

L’encadrement des loyers concerne les contrats de location de logements (y compris les colocations à baux multiples), meublés ou vides, à usage de résidence principale ou à usage mixte (c’est-à-dire à usage professionnel et à usage d’habitation principale), soumis à la loi du 6 juillet 1989 et au bail mobilité créé par la loi ELAN. Il s’applique lors de la première mise en location ou lors du renouvellement du bail arrivé à échéance.

Cependant, l’encadrement des loyers ne concerne pas les logements HLM, les logements conventionnés aide personnalisée au logement (APL), les logements conventionnés Agence nationale de l’habitat (Anah), les logements soumis à la loi de 1948 – il s’agit des logements construits avant le 1er septembre 1948 dans certaines communes de plus de 10 000 habitants ou à proximité de ces communes – ainsi que les locations saisonnières.

« Ce dispositif s’applique aux baux signés depuis le 1er juillet 2019 et les trois types de loyers de référence sont fixés annuellement par un arrêté du préfet : un loyer minoré (équivalent au loyer de référence – 30 %), un loyer de référence et un loyer majoré (équivalent au loyer de référence + 20 %) », précise le site de la Mairie de Paris. « Pour les logements meublés, le loyer de référence inclut une majoration définie annuellement dans l’arrêté (ce taux va s’appliquer sur le loyer de référence des logements non meublés). La loi prévoit que le contrat de location doit préciser le loyer de référence et le loyer de référence majoré ».

Dans les faits, l’encadrement des loyers n’est pas toujours respecté. On observe notamment un usage excessif de la notion floue de « complément de loyer » renvoyant à la somme qui excède le loyer de référence majoré. Cette notion peut être invoquée en mettant en avant des caractéristiques liées au bien – localisation, confort ou encore services exceptionnels pour les meublés. Ces arguments sont largement utilisés pour justifier des montants plus élevés. En outre, soulignons que le complément de loyer ne peut intervenir que si ces caractéristiques n’ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement, sont déterminantes pour la fixation du loyer et ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur au titre des charges. En tout état de cause, la présence d’un ascenseur ou d’un gardien sont des prestations intégrées aux charges récupérables versées mensuellement par le locataire et ne peuvent donc pas entrer dans cette catégorie.

Des amendes encore très rares

Les locataires peuvent contester le complément de loyer durant les 3 premiers mois du bail devant la commission départementale de conciliation, un organisme cherchant un règlement amiable aux litiges opposant bailleur et locataire afin d’éviter, si possible, le recours au tribunal. Des sanctions sont également censées assurer l’effectivité de l’encadrement. Ainsi, le préfet peut exiger du propriétaire bailleur la diminution du loyer et le reversement du trop-perçu au locataire. En cas de refus du propriétaire bailleur, une amende administrative peut atteindre 5 000 euros pour un particulier et 15 000 euros pour une personne morale (une SCI, par exemple).

Mi-décembre, Mickaël Nogal, co-rapporteur du projet de loi 3DS relatif à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale signalait cependant que, depuis 2019, seulement dix amendes administratives avaient été dressées par la préfecture d’Île-de-France, pourtant saisie de 98 dossiers. « La grande majorité a été classée suite à la conciliation entre propriétaires et locataires via la commission départementale », précise-t-il dans le journal Capital. Pourquoi si peu de sanctions ? Cela s’explique en partie par le fait que l’administration ne semble pas se saisir elle-même du contrôle.

Que devrait changer la loi 3DS ?

Ian Brossat, adjoint chargé du logement pour la ville de Paris, déclarait sur France Inter, le 7 décembre 2021 : « L’État doit permettre aux communes, qui appliquent l’encadrement des loyers et qui souhaitent que cet encadrement puisse s’appliquer de manière plus effective, d’effectuer ses propres contrôles ; nous avons les moyens de le faire et l’État ne le fait pas… Qu’il nous laisse le faire, ce sera beaucoup plus efficace » !

Dans le cadre de l’examen du projet de loi 3DS, l’Assemblée nationale a voté, en décembre 2021, des amendements de la majorité visant à déléguer le pouvoir de sanction aux collectivités, une évolution jugée « cohérente » par la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon. Ainsi, les articles 23 et 23 bis A mettent les mairies à la manœuvre. L’entrée en vigueur de cette mesure aura lieu une fois la loi promulguée, probablement durant le premier semestre 2022.

Par ailleurs, la loi 3DS prévoit une autre mesure ; la mise en place d’annonces de location plus transparentes avec l’obligation de mentionner le loyer de référence majoré et, le cas échéant, le montant du complément de loyer. La ministre du Logement déclarait, juste avant Noël, sur Franceinfo : « La mention du loyer plafond va être rendue obligatoire, dès le début de l’année 2022, sur toutes les annonces immobilières des professionnels et des particuliers ».

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