La présomption légale de bonne foi

Publié le 02/11/2018

La bonne foi étant présumée, l’assureur, qui entend opposer à l’assuré une clause de déchéance de garantie, doit prouver la mauvaise foi de ce dernier.

Cass. 2e civ., 5 juill. 2018, no 17-20488, FS–PBRI

Cass. 2e civ., 5 juill. 2018, no 17-20491

Il est parfois utile que la Cour de cassation réaffirme les règles régissant certains principes qu’on croyait bien établis. C’est le cas du principe selon lequel la bonne foi doit toujours être présumée. La détermination des modalités de mise en œuvre de cette règle d’ordre public est d’autant plus nécessaire qu’elle est appelée à jouer un rôle important notamment en matière contractuelle. En effet, l’ordonnance du 10 février 2016, réformant le droit des contrats, a instauré dans le Code civil un article 1104 qui dispose, dans son premier alinéa, que : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». C’est à cette notion de bonne foi qu’ont trait deux arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 5 juillet 20181. Dans ces espèces, il s’agissait d’assurés qui contestaient l’application de clauses d’exclusion de garantie que leur opposaient leurs assureurs en raison d’inexactitudes dans les déclarations qu’ils avaient faites2. Les premiers juges, qui avaient admis l’opposabilité de ces clauses, sont censurés par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui estime qu’il appartient aux compagnies d’assurance d’établir la mauvaise foi des assurés pour prétendre à l’application d’une clause prévoyant une déchéance de garantie.

Les contrats d’assurance sont soumis au respect d’un certain nombre de règles visant à protéger les assurés contre les clauses d’exclusion de garantie que voudraient leur opposer leurs assureurs. C’est ainsi que l’article L. 112-4 in fine du Code des assurances prévoit que ces clauses doivent être rédigées en caractères très apparents3 et l’article L. 113-1 du même code qu’elles doivent être formelles et limitées4. En outre, ces clauses sont d’interprétation stricte notamment en matière d’assurance automobile5. À ces protections s’ajoute la présomption de bonne foi dont bénéficient les souscripteurs d’assurance comme le précisent les décisions annotées. Cette présomption résulte de l’article 2274 du Code civil qui dispose que : « La bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ». Cette disposition est de portée générale et ne se limite pas à la prescription acquisitive en matière immobilière bien que ce soit dans ce cadre que l’a édictée le Code civil. En effet, elle s’applique, entre autres, en matière de surendettement des particuliers6, de vente immobilière7, de liquidation judiciaire8 et même en matière de relations de travail9. Il suffira donc d’invoquer la bonne foi pour obliger celui à qui elle est opposée à apporter la preuve de la mauvaise foi10. Il s’agit là d’un fait juridique qui peut être prouvé par tous moyens et dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond11. Le problème qui se posait dans les espèces commentées était de savoir si les inexactitudes dans les déclarations des assurés n’étaient pas constitutives de leur mauvaise foi. C’est par la négative que répondent à cette interrogation les deux décisions de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. En définitive, la bonne foi ne peut être écartée qu’en présence d’une intention de tromper chez celui qui l’invoque12, une simple négligence de ce dernier ne serait pas suffisante13 sauf si elle est particulièrement grave14. En revanche, il n’est pas nécessaire de prouver une intention de nuire.

Les arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 5 juillet 2018, réaffirment les règles concernant la bonne foi. Celle-ci est présumée et ne peut être écartée que par la preuve caractérisée de la mauvaise foi de celui qui s’en prévalait. Ces règles, appliquées en l’espèce au contrat d’assurance, sont valables pour toutes les conventions.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 2e civ., 5 juill. 2018, nos 17-20488 et 17-20491 : Dalloz actualité, 18 sept. 2018, obs. Pellier J.D.
  • 2.
    Les clauses de déchéance de garantie dans les contrats d’assurance sont valables : Cass. 2e civ., 5 mars 2015, n° 13-14364 : D. 2015, p. 1231, obs. Bacache M., Noguéro D., Grynbaum L. et Pierre P.
  • 3.
    V. pour une application récente : Cass. 2e civ., 24 mai 2018, n° 17-16431.
  • 4.
    V. pour une application récente : Cass. 3e civ., 27 oct. 2016, n° 15-23841 : Dalloz actualité, 16 nov. 2016, obs. de Ravel d’Esclapon T.
  • 5.
    Cass. 2e civ., 5 juin 2018, n° 16-21776 : Dalloz actualité, 10 sept. 2018, obs. Pellier J.D.
  • 6.
    Cass. 2e civ., 5 juin 2014, n° 13-18426 ; Cass. 2e civ., 16 mars 2017, n° 16-13510.
  • 7.
    Cass. 3e civ., 21 mai 2014, n° 12-21890.
  • 8.
    Cass. 2e civ., 2 juin 2009, n° 08-17355 : Bull. civ. II, n° 177.
  • 9.
    Cass. soc., 11 mars 2005, n° 03-43040 : JCP G 2005, II 10177, note Mekki M.
  • 10.
    Cass. 2e civ., 31 mai 2018, n° 17-18677 ; Cass. 3e civ., 5 juill. 2018, n° 17-18279 ; Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, n° 17-19276.
  • 11.
    Cass. 2e civ., 12 avr. 2018, n° 17-10193 ; Cass. 1re civ., 27 juin 2018, n° 17-15039.
  • 12.
    Cass. 2e civ., 31 mai 2018, n° 17-18271.
  • 13.
    Cass. 2e civ., 22 mars 2018, n° 17-10395.
  • 14.
    Cass. 2e civ., 1er mars 2018, n° 17-11417.
X