Les circonstances de la révision du contrat

(À propos du nouvel article 1195 du Code civil)
Publié le 11/01/2018

La renégociation du contrat en cas de changement de circonstances imprévisible a été consacrée par la réforme du droit des obligations du 1er octobre 2016. Au-delà de l’imprévisibilité du changement, le point central de cette disposition est la circonstance qui justifie son application. De ce point de vue, le potentiel du texte est vaste, et si l’on peut penser à des circonstances économiques, il s’étend à d’autres circonstances, comme à celles que connaît le droit de la commande publique concernant des difficultés matérielles d’exécution, ou encore aux rapides évolutions du secteur numérique.

1. Imprévision en droit privé. Depuis le 1er octobre 2016, le Code civil permet la renégociation ou la révision du contrat en cas d’imprévision1. Désormais, les parties sont soumises, de manière supplétive, à un devoir de renégociation en cas de changement de circonstances, si ce changement est imprévisible lors de la conclusion du contrat et rend l’exécution excessivement onéreuse. Dans un second temps, si la renégociation n’aboutit pas, les parties peuvent choisir de rompre le contrat, ou trouver un accord pour s’en remettre au juge, qui procédera à l’adaptation ou mettra fin au contrat2. L’article 1195 du Code civil contient ainsi trois conditions pour que puisse être enclenché le mécanisme prévu, et invite particulièrement à s’interroger sur la première d’entre elles, les circonstances, avant même de prendre la mesure de leur changement3. Les circonstances sont les « particularités qui accompagnent un fait »4, ou les « choses du moment actuel »5. Le législateur a opté en faveur d’un terme particulièrement large, capable de s’étendre du contexte le plus général de la conclusion du contrat au contexte le plus particulier. La disposition invite ensuite à une comparaison entre les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu, et celles qui entourent son exécution, et pose la question de connaître les circonstances dont l’évolution pourra justifier une renégociation ou une révision du contrat si elle rend l’exécution excessivement onéreuse. La réponse à cette question ne pourra être que partielle, le texte n’excluant a priori aucune circonstance. Parmi ces circonstances, il en est dont la prise en compte par le droit des obligations était attendue, les circonstances économiques (I), et d’autres qui appartiennent davantage au potentiel du texte, en attendant les premières applications jurisprudentielles (II).

I – Les circonstances attendues

2. Circonstances économiques. À la lecture de l’article 1195 du Code civil, comme à la lecture des différents projets qui ont précédé cette réforme, l’imprévision semble inextricablement liée à une prise en compte d’un changement de circonstances économiques. Évolution du coût des matières premières, inflation monétaire, évolution de l’offre ou de la demande sur un marché, ouverture de nouveaux marchés constituent des circonstances dont le changement peut rendre l’exécution de certaines obligations excessivement onéreuse. Il s’agit de l’objet de la théorie de l’imprévision, jadis dénuée d’application générale en droit civil mais appliquée depuis un siècle en droit administratif, qui, désormais, peut justifier une révision du contrat de droit privé (A), ce qui ne va pas sans poser quelques difficultés de mise en œuvre (B).

A – La théorie de l’imprévision ou le changement de circonstances économiques

3. Théorie de l’imprévision. La présentation classique de la dichotomie centenaire entre droit privé et droit public sur la question de l’imprévision appartient au passé. L’innovation, opérée par la réforme du droit des obligations6, est « importante »7, et renverse le principe classique8. Elle consacre une position largement partagée en doctrine qui appelait, parfois en référence à des droits étrangers9, à une consécration de la théorie de l’imprévision10. Il faut reconnaître que le législateur a fait preuve d’esprit de synthèse, en associant l’adaptation du contrat par le juge en cas de changement de circonstances11, à un devoir de renégociation12, qui, sur le fondement de la bonne foi, avait pu émerger de certains arrêts rendus sous l’empire de la loi ancienne13. Le texte nouveau s’efforce donc de dépasser les débats préexistants, et ne reproduit pas à l’identique la solution du droit administratif qui accorde avant tout, en l’absence d’un accord entre les parties, une indemnité compensatrice du changement de circonstances à la partie qui le subit, mais n’accorde pas au juge administratif le pouvoir de réviser les contrats14.

4. Circonstances économiques. S’il était, en matière d’imprévision, un point commun entre droit privé et droit public avant la réforme, il devait résider dans la nature des circonstances qui a fondé leurs positions. Le refus de la révision du contrat par le juge en droit des obligations était en effet fondé sur un changement de circonstances économiques15, tandis que ce même changement était pris en considération par la jurisprudence administrative16. Les circonstances dont il est question lorsqu’il s’agit d’évoquer la théorie de l’imprévision sont donc originairement les circonstances économiques. Ce lien entre théorie de l’imprévision et circonstances économiques se retrouve par ailleurs chez de nombreux auteurs17. Aussi, sans laisser aucune place au doute, les circonstances économiques sont les premières qui viennent à l’esprit à la lecture de la disposition nouvelle, tout autant qu’elles incarnent les circonstances dont la prise en compte en droit privé était attendue18. Ces circonstances économiques peuvent alors justifier la modification du contrat ou son adaptation par le juge, même si le fait que le caractère attendu de leur prise en compte ne doit pas masquer de réelles difficultés de mise en œuvre.

B – Les difficultés de mise en œuvre de l’article 1195 du Code civil en cas de changement de circonstances économiques

5. Conditions d’application. La prise en considération du changement des circonstances économiques par la réforme du droit des contrats pour fonder une possibilité de renégociation du contrat ou d’adaptation de celui-ci par le juge, c’est-à-dire pour fonder une atteinte à la force obligatoire des contrats, peut apparaître comme très simple à mettre en œuvre. Il suffirait, face à un changement de circonstances remplissant les conditions du texte19, de réclamer une renégociation du contrat pour enclencher le mécanisme. Pour autant, il convient de ne pas omettre un certain nombre de limites à l’application du texte, qui peuvent être légales ou conventionnelles, et il peut être intéressant de se demander, au moment de prendre la mesure du changement de circonstances sur le contrat des parties, si le droit administratif, fort de cent ans d’expérience en la matière, n’a pas quelques enseignements à fournir aux praticiens du droit privé.

6. Limites légales. Les limites légales à l’enclenchement du mécanisme prévu par l’article 1195 du Code civil peuvent être de deux ordres. Tout d’abord, le texte lui-même réserve son application aux changements imprévisibles lors de la conclusion du contrat20. L’importance de cette limite interne au texte ne doit pas faire oublier une limite externe, prévue par l’article 1105 du Code civil, qui réserve l’application des règles de droit commun aux situations dans lesquelles il n’existe pas de règle spécifique21. Il convient alors, face à l’article 1195 du Code civil, de se demander s’il n’existerait pas des règles spécifiques en matière de changement de circonstances économiques. La réponse est assurément positive, et, pour ne prendre que quelques exemples, certaines circonstances économiques sont réputées par la loi ne pas justifier une modification contractuelle22, tandis que d’autres justifient une telle modification dans des conditions très précises23. Malgré la réforme qui généralise la prise en considération du changement de circonstances économiques, des lois spécifiques préexistaient, et leur régime doit assurément primer sur la disposition nouvelle24. Certaines circonstances économiques doivent donc justifier le recours au droit spécial plutôt qu’au droit commun25. De même, les parties peuvent avoir choisi de stipuler des clauses pour organiser la modification de leur contrat en cas de changement de circonstances, ce qui apparaît comme une limite conventionnelle à l’application du texte nouveau.

7. Limites conventionnelles. Avant la réforme de droit des contrats, la pratique contractuelle pouvait avoir pris l’habitude de stipuler des clauses de renégociation du contrat ou de modification de celui-ci en cas de changement de certaines circonstances. La loi les y oblige même parfois26. Ces clauses, à la dénomination diverse27, ont le même but, celui de permettre au contrat de s’adapter, au fil de l’exécution, aux circonstances qui évoluent. Alors que l’article 1195 du Code civil semble, de prime abord, retirer une partie de l’intérêt de la stipulation de ces clauses, il faut néanmoins rappeler que le texte est supplétif28 et que rien n’empêche les parties de stipuler des clauses pour adapter leur contrat au changement de circonstances, ni même d’évincer l’application du texte nouveau29. Dès lors, avant de se fonder sur le texte nouveau, celui qui souffre du changement de circonstances devra d’abord se demander si ce changement n’est pas soumis aux clauses du contrat30. Ainsi, une clause de révision de prix devrait empêcher de se fonder sur l’article 1195 du Code civil pour une telle révision, comme elle fonde, en droit administratif, le refus d’application de la théorie de l’imprévision31. La question des circonstances devrait justifier un certain nombre de clauses qui devraient aboutir à une distinction entre celles des circonstances dont l’effet d’un changement imprévisible sur le contrat est expressément prévu et celles qui n’ont fait l’objet d’aucune expression de volonté. Outre les clauses de renégociation des contrats qui préexistaient, la disposition nouvelle laisse donc à la pratique le soin d’imaginer de nouvelles clauses, comme les clauses d’acceptation des risques liées au changement des circonstances imprévisible32. Il est même possible d’imaginer une clause de renégociation précisant les circonstances dans lesquelles les parties peuvent y recourir, complétée par une clause d’acceptation des risques lié au changement des circonstances non visées par la clause de renégociation. Néanmoins, dans les contrats d’adhésion, la stipulation des clauses d’acceptation des risques ne devra pas être dénuée de toute contrepartie, au risque de pouvoir être critiquées sur le fondement du déséquilibre significatif33, d’autant que cette critique, si elle aboutit, implique de réputer la clause non écrite, et par voie de conséquence, permet aux parties de s’en remettre au mécanisme de l’article 1195 du Code civil. Outre ces limites légales et conventionnelles à la prise en considération de l’évolution des circonstances économiques, une autre difficulté de mise en œuvre réside dans le critère qui permet de prendre la mesure sur le contrat du changement de circonstances.

8. Critère permettant de mesurer l’effet du changement de circonstances. La mesure des effets du changement de circonstances sur le rapport contractuel paraît aisée en cas de changement de circonstances économiques, puisqu’aisément chiffrable. L’article 1195 du Code civil apparaît résolument tourné vers ce type de circonstances, puisque le législateur a en effet précisé que le changement de circonstances doit rendre « l’exécution excessivement onéreuse »34. Le texte semble s’éloigner du critère du déséquilibre, qui avait pu être évoqué en doctrine35 comme le résultat du changement de circonstances, même s’il convient d’être nuancé, et de l’analyser plutôt comme un critère se situant un cran plus loin que le déséquilibre36. Il n’en demeure pas moins, a priori, économique, ce qualificatif faisant référence à un renchérissement substantiel du coût de l’exécution de son obligation pour le débiteur, ou à une diminution substantielle de l’avantage que devait tirer le créancier de l’exécution37. Tout en restant un critère économique, celui consacré par le législateur s’éloigne, a priori, de celui retenu par la jurisprudence administrative, reposant sur un bouleversement de l’économie du contrat38. Il est vrai que cette notion n’a pas été consacrée par le législateur en droit commun des obligations39, alors même qu’elle avait pu permettre, sur le fondement de la cause, une application en jurisprudence aux effets assez proches de ceux de l’imprévision40. Pour autant, elle irrigue assurément « l’exécution excessivement onéreuse » prévue par l’article 1195 du Code civil. En effet, les applications jurisprudentielles de l’économie du contrat ont permis à la doctrine de la définir comme la contrepartie due à l’exécution d’une obligation41, ou comme correspondant à la volonté des parties42. L’exécution excessivement onéreuse peut être vue comme dépassant la contrepartie due à l’exécution d’une obligation ou dépassant la volonté des parties qui n’auraient pas souhaité contracté si elles avaient eu connaissance de ces modalités d’exécution. Ainsi, sans la nommer, le législateur fait référence aux applications jurisprudentielles de l’économie du contrat lorsqu’il évoque l’exécution excessivement onéreuse.

9. Des circonstances économiques dont la prise en compte était attendue et une mise en œuvre complexe. Le changement de circonstances économiques apparaît comme le premier changement qui vient à l’esprit lors de la lecture du texte, et entre dans son champ d’application, même si cela ne doit pas signifier qu’il est aisé à mettre en œuvre, en raison des limites à son champ d’application, mais aussi en raison du critère, fondé sur le résultat, sur le rapport contractuel, du changement de circonstances. Indéniablement économique, ce résultat s’analyse comme un renchérissement du coût ou une diminution de l’avantage à retirer du contrat. Pour autant, même si le résultat du changement de circonstances est économique, le texte ne qualifie pas les circonstances dont le changement peut entraîner la révision du contrat, de sorte qu’il est possible de penser que d’autres circonstances que les seules circonstances économiques, pourraient justifier l’enclenchement de la procédure. Ces circonstances peuvent être vues comme des circonstances dont l’entrée dans le champ d’application du texte n’était pas spécifiquement attendue, mais qui accroissent sensiblement le potentiel de la disposition nouvelle.

II – Les circonstances potentielles

10. Ébauche d’exploration du potentiel de l’article 1195 du Code civil. Au-delà des circonstances économiques, l’article 1195 du Code civil peut voir son champ d’application étendu à tout type de circonstances, pour peu que le changement qui s’est produit remplisse, sur le rapport contractuel, les conditions prévues. Non limité ab initio, s’agissant des circonstances, l’article 1195 peut être vu comme permettant la prise en considération de circonstances nombreuses et variées43. La loi ne contenant pas de liste de circonstances, il semble difficile de se livrer à un travail consistant à les répertorier de manière exhaustive, l’œuvre jurisprudentielle relative au texte permettra assurément de s’en faire une idée plus précise. Pour autant, il est possible de penser, comme le font certains auteurs44, aux modifications législatives qui atteindraient de manière immédiate les contrats, aux changements politiques, internes ou internationaux, aux évolutions écologiques, techniques ou même technologiques. Plus précisément, sans prétendre à l’exploration de l’intégralité du potentiel de l’article 1195 du Code civil, il est possible de s’intéresser à deux types de circonstances qui pourraient justifier, sur son fondement, la révision du contrat. D’abord, le droit administratif a une véritable expérience de l’imprévision45, et partant, des circonstances qui ont justifié le recours à l’imprévision46. Parmi ces circonstances, l’une d’elles est spécifique aux marchés publics et s’applique donc d’ores et déjà dans certains rapports de droit privé47, les sujétions techniques imprévues. Ces circonstances matérielles pourraient être prises en considération en droit privé, comme l’article 1195 du Code civil paraît le permettre (A). Ensuite, des circonstances liées au numériques pourraient justifier la révision de contrats, tant ce secteur connaît d’importantes et rapides évolutions (B).

A – Les sujétions techniques imprévues

11. Notion. La jurisprudence administrative définit les sujétions techniques imprévues comme des « difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution d’un marché public, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties »48. La filiation avec la théorie de l’imprévision transparaît clairement à la lecture de cette définition, à ceci près que la circonstance dont il est question en cas de sujétion technique imprévue est une circonstance matérielle, une difficulté d’exécution. Les exemples sont divers, et il peut s’agir d’un sol de nature différente de celle envisagée par l’administration avant le début des travaux de terrassement49, ou de circonstances climatiques50.

12. Application de la notion. L’application des sujétions techniques imprévues était, avant la réforme du droit des marchés publics, double. D’une part, la jurisprudence prenait en considération ces sujétions imprévues pour accorder une indemnité au profit de l’entreprise qui exécute le marché public et qui souffre de la sujétion. Cette application ressemble à un cas particulier d’application de la théorie de l’imprévision, telle qu’elle existe en droit administratif, en ce qu’elle permet d’indemniser celui qui pâtit de l’imprévision51. D’autre part, la loi prenait en compte ces sujétions imprévues pour permettre de conclure des avenants aux marchés publics52, qui permettaient de modifier le marché sans passer par la procédure qui est normalement prévue par la loi53. Il est difficile de ne pas relever la proximité de la prise en compte de ces sujétions techniques en droit des marchés publics avec la prise en compte de l’imprévision par le droit des obligations. À vrai dire, cette proximité se trouve même renforcée avec la récente réforme du droit des marchés publics54. Cette réforme innove s’agissant de deux aspects en matière de sujétions imprévues55. D’abord, elle permet un plus large recours aux avenants aux marchés publics, modifiant la limite au-delà de laquelle ce recours n’est plus possible56. De plus, les règles nouvelles ont supprimé le terme « sujétion technique imprévue », et il est désormais question de « circonstances ». Le texte nouveau est assurément plus proche des règles européennes en la matière57. Il est possible de définir le terme à la lumière de ces mêmes règles, comme des circonstances extérieures au marché, et que le pouvoir adjudicateur ne pouvait prévoir lors de la passation du marché public58. Le contenu donné à la notion paraît extrêmement proche de l’article 1195 du Code civil. La réforme fait ainsi disparaître les « sujétions techniques imprévues » de la loi, même si tout porte à croire que les « circonstances » dont il est désormais question incluent ces sujétions techniques imprévues59, tout en étendant le champ d’application du texte à toute circonstance. Demeure la question de savoir si la jurisprudence administrative poursuivra la prise en compte des sujétions techniques imprévues dans les marchés publics pour permettre l’attribution d’une indemnisation, ou si, pareillement à la démarche du législateur, elle appliquera la théorie de l’imprévision, qui assurément permet également d’inclure ces circonstances particulières60. Les sujétions techniques imprévues paraissent sans aucun doute faire partie des circonstances dont il est question en matière de marchés publics. La question est ainsi de savoir si cette circonstance particulière ne pourrait pas permettre à une partie à un contrat de droit privé de demander l’application de l’article 1195 du Code civil.

13. Extension de la notion en droit des obligations. À titre liminaire, il est possible de constater que les règles sur les sujétions techniques imprévues s’appliquent déjà à certains contrats qui par ailleurs sont soumis au droit privé, et notamment au droit civil61. Le nouvel article 1195 du Code civil pourrait permettre d’aller au-delà, et de prendre en considération les sujétions techniques imprévues, au titre du changement de circonstances imprévisible, dans l’ensemble des contrats, à la manière de ce qui est prévu en matière de marchés publics. La procédure prévue par l’article 1195 du Code civil diffère assez peu de celle que la loi prévoit en matière de marchés publics, en ce qu’elle suppose des circonstances imprévisibles à la conclusion du contrat, permettant une modification de ce dernier. Le droit privé ne se distingue qu’en ce qu’il accorde au juge la possibilité de réviser le contrat. La largeur de l’expression « circonstances », employée par le Code civil permettrait alors d’inclure des circonstances techniques qui peuvent évoluer au cours de l’exécution d’un contrat. Justifieraient alors l’invocation de l’article 1195 du Code civil, les difficultés matérielles non prévisibles − rencontrées par exemple, dans le cadre de la construction d’un immeuble, ou même de travaux réalisés sur un immeuble − qui rendraient l’exécution du contrat excessivement onéreuse. Les circonstances économiques ne seraient donc pas les seules circonstances qui pourraient justifier un recours à la modification ou à la révision du contrat sur le fondement de l’article 1195 du Code civil. Des circonstances matérielles, des difficultés d’exécution non prévues qui ont pour effet de rendre l’exécution excessivement onéreuse entrent à n’en pas douter dans le champ d’application du texte. Il n’en demeure pas moins que la prise en considération de ces circonstances reste potentielle, et dépendra à la fois de l’application de la disposition nouvelle en jurisprudence, et des prévisions des parties. Les sujétions techniques imprévues ne sont pas les seules circonstances qui pourraient animer les débats devant le juge du contrat, puisque le texte n’apparaît pas limité, et peut inclure d’autres circonstances.

B – Les circonstances liées au numérique

14. Changements de circonstances numériques. Le potentiel du nouveau texte, s’agissant des circonstances qui pourraient être prises en considération et justifier la révision du contrat, est assurément très large, et s’étend par exemple aux circonstances liées au numérique. Le numérique connaît des évolutions à la fois majeures et rapides. Parmi les évolutions récentes, il est possible de citer la disparition progressive des supports physiques de certains produits culturels, pour les remplacer par une version dématérialisée et numérique62, ou le passage au numérique de secteurs entiers qui, loin d’avoir disparu, peuvent être considérés comme ayant pris un nouvel essor63. Les circonstances liées au numérique peuvent évoluer assez rapidement, et modifier sensiblement le contexte dans lequel un contrat a été conclu. Par conséquent, elles pourraient justifier un recours à l’article 1195, et justifier la révision de certains contrats.

15. Exemples de circonstances liées au numérique. Les circonstances numériques dans lesquels un contrat est conclu peuvent évoluer rapidement, et rendre l’exécution excessivement onéreuse pour l’une des parties. Les exemples sont nombreux. D’abord, la distribution des produits a été touchée par le développement des places de marchés64. De même, le secteur de l’économie collaborative est devenu ces dernières années incontournable dans certains domaines, comme le transport de personnes, l’hébergement ou encore le financement de projets. Cette circonstance, qui fait qu’un particulier peut proposer ses services, tout ou partie d’un logement ou ses investissements très aisément, bouleverse assurément un certain nombre de relations contractuelles nouées avant le développement de l’économie collaborative65. Ensuite, dans le domaine boursier, la place du trading haute fréquence66 oblige les sociétés de trading à être techniquement en capacité d’y faire face, ce qui peut rendre l’exécution de certains contrats conclus avec des investisseurs onéreuse, si ces contrats ont été conclus à un moment où les investissements techniques indispensables étaient moindres. Puis, le développement du Cloud est également source de modifications de circonstances relativement à d’autres contrats67, ou relativement au contrat d’hébergement de données lui-même68. Il faut bien évidemment penser aux données personnelles, dont la protection est un des enjeux du numérique. Le piratage des données détenues par une entreprise est une circonstance pour ses contractants, de même que les modalités de la politique de protection des données, en particulier lorsqu’il s’agit de données potentiellement stratégiques d’entreprises, ou de données sensibles d’individus. Aussi, le numérique invite à prendre en considération la circonstance relative à la réputation en ligne. Celle-ci peut être très importante, et peut évoluer, par exemple en fonction des avis en ligne d’utilisateurs ou d’internautes sur une entreprise. Certaines plateformes semblent mettre en avant les propositions les mieux notées pour une recherche donnée69, ce qui peut donner lieu à des changements de circonstances significatifs en cas de publications d’avis négatifs. Le numérique a également ceci de particulier qu’il crée régulièrement de nouvelles circonstances susceptibles de rendre l’exécution de certains contrats excessivement onéreuse. Si les débats sur la neutralité de l’Internet ont abouti à une consécration de ce principe par l’Union européenne70, évitant les changements de circonstances dans ce domaine, d’autres innovations pourraient intervenir dans les mois ou les années à venir. Ainsi par exemple, les systèmes de Blockchain apparaissent comme promis à un développement sans précédent71. Ces systèmes fondés sur des « registres décentralisés de transactions »72 revendiquent une sécurité renforcée et la possibilité de se dispenser de tiers de confiance pour sécuriser des transactions. D’abord apparus s’agissant de monnaie virtuelle, ces systèmes pourraient avoir de multiples applications, s’étendant même à l’exécution automatisée de certains contrats73. Le potentiel de l’article 1195 du Code civil s’agissant des circonstances liées au numérique semble donc particulièrement vaste, et l’absence de limite légale quant aux circonstances permettra l’inclusion des évolutions nombreuses et rapides du secteur numérique.

16. Limites du potentiel de l’article 1195 du Code civil. Les circonstances à pouvoir potentiellement entrer dans le champ d’application de l’article 1195 du Code civil sont nombreuses. Il convient cependant de rester mesuré et de ne pas oublier le caractère supplétif du texte. En effet, des clauses des contrats peuvent traiter, même indirectement, des circonstances, en particulier des circonstances numériques, surtout s’il s’agit d’un contrat conclu avec des professionnels du secteur74. De même, il existe, dans les contrats relatifs à la construction, de nombreuses clauses qui prévoient les conséquences d’une difficulté technique, et qui feront sortir ces contrats du champ d’application du texte. Il est même possible d’imaginer que la pratique fera émerger de nouvelles clauses de prise en considération de certaines circonstances, dans le but de prévoir les conséquences d’un changement de celles-ci, et limiter ainsi les applications de l’article 1195 du Code civil.

17. Conclusion. La consécration législative de l’imprévision en droit privé était attendue. L’ensemble des projets de réforme lui accordaient une place, et la doctrine se montrait majoritairement favorable à une telle évolution de la loi. Plus précisément, ce qui était attendu était la prise en considération de l’évolution des circonstances économiques. Il ne fait aucun doute que ces circonstances sont les premières visées par le législateur dans l’article 1195 du Code civil, ce qui ne signifie pas que la disposition sera toujours aisée à mettre en œuvre dans ces situations. Le texte, malgré sa formulation générale, souffre quelques exceptions, et le critère permettant de mesurer l’effet du changement de circonstance sur le rapport contractuel demande à être précisé en jurisprudence, puisque le législateur a opté pour un critère différent de celui utilisé en droit administratif. L’article 1195 du Code civil innove ainsi, en répondant à une attente de la doctrine et, probablement, de la pratique. Mais, son innovation va sans doute plus loin. Non limité quant aux circonstances, le texte permet en effet d’inclure dans son champ d’application des circonstances non-économiques, comme des difficultés matérielles d’exécution non prévisibles. Sur ce point, il est possible de se faire une idée de ce que la jurisprudence aura à connaître dans les années à venir en se référant à la construction relative aux sujétions techniques imprévues en droit des marchés publics, ou aux circonstances liées au numérique. Le potentiel de ces circonstances à entrer dans le champ d’application de l’article 1195 du Code civil est important, même s’il faudra attendre les premières applications jurisprudentielles pour en être certain, et même s’il conviendra que les changements de ces circonstances soient imprévisibles75. Enfin, le texte peut aussi être vu comme invitant la pratique à prévoir des clauses relatives aux circonstances, et aux conséquences de leur évolution. Ce sont assurément ces clauses qui viendront limiter le potentiel de l’article 1195 du Code civil, en visant précisément des circonstances qui ne pourront pas justifier le recours au texte.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. civ., art. 1195, issu de Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ; Adde art. 1196 du projet de réforme, publié en 2015.
  • 2.
    L’accord de l’ensemble des parties en ce sens est ainsi nécessaire et préalable, v. sur ce point : Conseil d’État : Rapport public 2017, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2016, n° 68, 2017, La Documentation française, spéc. p. 262.
  • 3.
    Le texte mentionne un changement de circonstances qui doit être imprévisible à la conclusion du contrat et rendre l’exécution excessivement onéreuse pour la partie qui n’a pas accepté d’en assumer le risque, et invite donc à prendre la mesure du changement de circonstances qu’il mentionne.
  • 4.
    Littré E. : Dictionnaire de la langue française, 1874, Hachette, V° « circonstance », sens n° 1.
  • 5.
    Ibid., sens n° 4 ; V. aussi la définition de Mekki M. : « De l’imprévisible changement de circonstances à l’imprévisible immixtion du juge ? Analyse du nouvel article 1195 du Code civil », BRDA 10/16, spéc. n° 6 : « situation globale du moment ».
  • 6.
    Opérée par Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016.
  • 7.
    V. Rapport relatif à l’ordonnance n° 2016-131, dans sa partie relative à l’art. 1195. L’insertion de cette disposition était prévue par l’art. 8, 6° de la loi du 16 févr. 2015, qui autorise le gouvernement à prendre par d’ordonnance les mesures de réforme du droit des obligations.
  • 8.
    La jurisprudence était constante et refusait au juge le pouvoir de modifier le contrat à la demande d’une partie, en cas d’évènement imprévu depuis l’arrêt Canal de Craponne, Cass. civ., 6 mars 1876, sur lequel, v. Capitant H., Terré F., Lequette Y. et Chénédé F., Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. II, 13e éd., 2015, Dalloz, Grands arrêts, n° 165. Le point est relevé par l’ensemble de la doctrine, v. par ex. : Chantepie G. et Latina M., La réforme du droit des obligations, Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 216, Dalloz, n° 522 ; Deshayes O., Genicon T. et Laithier Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, commentaire article par article, 2016, LexisNexis, spéc. p. 384 ; Mekki M., « De l’imprévisible changement de circonstances à l’imprévisible immixtion du juge ? Analyse du nouvel article 1195 du Code civil », préc., n° 1 ; Stoffel-Munck P., « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », RDC 2016, n° 112z5, p. 30, n° HS ; Revet T., « Le juge et la révision du contrat », RDC 2016, n° 113g6, p. 373 ; Pellier J. D., « Réflexions sur l’imprévision dans le projet de réforme de droit des contrats », LPA 16 nov. 2015, p. 8.
  • 9.
    Sur ceux-ci, v. David R., « L’imprévision dans les droits européens », in Études offres à A. Jauffret, 1974, Faculté de droit d’Aix-Marseille, p. 211-229 ; Tallon D., « La révision des contrats pour imprévision au regard des enseignements récents du droit comparé », in Droit et vie des affaires, Études à la mémoire de Sayag A., 1997, Litec, p. 403-417 ; Cabrillac R., « Article 1196 : la porte entrouverte à l’admission de l’imprévision », RDC 2015, n° 112a8, p. 771 ; V. égal. les projets de réforme de droit des obligations, ainsi que les projets européens, pour une synthèse : Ghestin J. : « Observations générales », LPA 4 sept. 2015, p. 17 ; Stoffel-Munck P., art. préc.
  • 10.
    V. parmi d’autres auteurs : Demogue R., Traité des obligations en général, t. VI, 1932, Librairie Arthur Rousseau, n° 637 ; Chazal J.-P., De la puissance économique en droit des obligations, thèse 1996, Lefevre D. (dir.), université Grenoble II, nos 807-808 ; Fin-Langer L., L’équilibre contractuel, thèse, préf. Thibierge C., 2002, LGDJ, BDP, t. 366, n° 537 ; David R., art. préc., p. 228 ; Fauvarque-Cosson B. : « Le changement de circonstances », RDC 2004, p. 67, nos 22 et s.
  • 11.
    Le fait que la révision soit accordée au juge ne fait aucun doute dans l’œuvre des auteurs précités, de sorte que la théorie de l’imprévision suppose une révision du contrat par le juge en cas de changement de circonstances.
  • 12.
    Certains auteurs étaient moins favorables à une intervention du juge, et avaient développé un devoir de renégociation, qui ferait reposer sur les parties elles-mêmes l’adaptation du contrat à la suite d’un changement de circonstances ; v. par ex. : Stoffel-Munck P., Regards sur la théorie de l’imprévision, 1994, PUAM, laboratoire de théorie juridique, n° 164 ; Chantepie G., La lésion, thèse préf. Viney G., 2006, LGDJ, BDP, t. 467, n° 319 ; Thibierge L., Le contrat face à l’imprévu, thèse préf. Aynès L., 2001, Economica, Recherches juridiques, n° 796 ; Aynès L., « Le devoir de renégocier », RJ com. 11/99, p. 11-21, spéc. n° 16 ; « L’imprévision en droit privé », RJ com. 5/05, p. 397-406, spéc. p. 404 ; Catala P., « La renégociation des contrats », in Études de droit privé, mélanges P. Didier, 2008, Economica, p. 91-99, spéc. p. 97 ; Genicon T., « Théorie de l’imprévision… ou de l’imprévoyance ? », D. 2010, 2485.
  • 13.
    V. Cass. com., 3 nov. 1992, n° 90-18547, Huard : Bull. civ. IV, n° 338 ; Defrénois 30 nov. 1993, n° 35663, p. 1337, obs. Aubert J.-L. ; RTD civ. 1993, p. 124, obs. Mestre J. ; JCP G 1993, II, 22164, obs. Virassamy G. ; D. 1995, p. 85, note Ferrier D. – Cass. com., 24 nov. 1998, n° 96-18357, Chevassus-Marche : Bull. civ. IV, n° 277 ; RTD civ. 1999, 98, obs. Mestre J. ; RTD civ. 1999, 646, obs. Gautier P.-Y. ; JCP G 1999, I, 143, obs. Jamin C. ; JCP G 1999, II, 10210, note sous arr. Picod Y. ; Contrats conc. consom. 1999, comm. 56, Malaurie-Vignal M. ; Defrénois 30 mars1999, n° 36953, p. 371, obs. Mazeaud D. – La solution ne semble être confirmée qu’a contrario par la première chambre civile, v. Cass. 1re civ., 16 mars 2004, n° 01-15804 : Bull. civ. I, n° 86 ; RLDC 2004/6, n° 222, p. 5, note Houtcieff D. ; D. 2004, p. 1754, note sous arr. Mazeaud D. ; JCP E 2004, 737, note Renard-Pamyen O. ; RTD civ. 2004, 290, obs. Mestre J. et Fages B. ; RDC 2004, p. 642, obs. Mazeaud D. ; CCE 2004, comm. 119, note Stoffel-Munck P. ; LPA 28 juin 2004, p. 18, note sous arr. Gavoty C. et Edwards O. ; RJ com. 9/05, p. 397-406, note Aynès  L. ; Adde Ghestin J., « L’interprétation d’un arrêt de la Cour de cassation », D. 2004, p. 2239 et contra Bénabent A., « Doctrine ou Dallas ? », D. 2005, p. 852.
  • 14.
    CE, 30 mars 1916, n°59928, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux ; Long M., Wiel P., Braibant G., Delvolvé P. et Genevois B., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 21e éd., 2017, Dalloz, Grands arrêts, n° 29, où le Conseil d’état renvoie les parties devant le Conseil de préfecture qui devra, « si elles ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les conditions spéciales dans lesquelles la Compagnie pourra continuer le service, de déterminer (…) le montant de l’indemnité à laquelle la Compagnie a droit à raison des circonstances extracontractuelles » ; Relevant ce point, v. Mekki M. : art. préc., n° 1.
  • 15.
    V. Cass. civ., 6 mars 1876, préc., où il était question de la fixation d’une redevance, qui ne correspondait plus aux frais supportés pour l’entretien du canal, en raison de l’évolution de la valeur de la monnaie depuis la conclusion des contrats, au XVIe siècle.
  • 16.
    CE, 30 mars 1916, préc., où il est question de la prise en compte de la variation du prix des matières premières, en l’occurrence le charbon, qui bouleverse l’économie du contrat.
  • 17.
    V. par ex. Lasbordes V., Les contrats déséquilibrés, thèse préf. Saint-Alary-Houin C., 2000, PUAM, Institut de droit des affaires, n° 65 ; Fin-Langer L., L’équilibre contractuel, préc., n° 400 ; Chantepie G. : thèse, préc., nos 300 et s. ; Gras N., Essai sur les clauses contractuelles, thèse Mekki M. (dir.) et Stoufflet J., 2014, université d’Auvergne-Clermont-Ferrand 1, n° 138 ; Delmas Saint-Hilaire J.-P., « L’adaptation du contrat aux circonstances économiques », in La tendance à la stabilité du rapport contractuel, Durand P. (dir.), 1960, LGDJ, p. 189-233, spéc. n° 2 ; Mekki M. : « Hardship et révision des contrats 1. Quelle méthode au service d’une harmonisation des droits », JCP G2010, 1219, spéc. n° 2.
  • 18.
    V. auteurs préc., favorables à la consécration de l’imprévision en droit privé, qui, s’ils peuvent différer sur le mécanisme, aboutissent dans l’ensemble à une prise en considération du changement de circonstances économiques entre la conclusion et l’exécution du contrat.
  • 19.
    Pour rappel, imprévisible à la conclusion du contrat, rendant l’exécution excessivement onéreuse, absence de clause de prise en charge des risques liés au changement de circonstances.
  • 20.
    V. relevant cette condition : Chantepie G. et Latina M. : op. cit., n° 524 ; Stoffel-Munck P. : « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », art. préc.
  • 21.
    C. civ., art. 110 : « Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies par des dispositions propres à chacun d’eux. Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières ».
  • 22.
    V. par ex. en matière de procédure collective, C. com., art. L. 622-13 qui oblige le contractant du débiteur en difficultés à poursuivre l’exécution de ses obligations, faisant de la circonstance économique résultant de l’ouverture d’une procédure collective une circonstance dont il n’est pas possible de se prévaloir pour enclencher une modification du contrat. Pour autant, le texte est spécifique et n’empêche pas, a priori, le débiteur, de se prévaloir de la disposition nouvelle dans le cas où ses conditions d’application seraient remplies. Sur ce point, v. : Dupichot P., Merly E., Sénéchal M. et Kopf F. : « Réforme des contrats et difficultés des entreprises », Congrès du CNAJMJ, La Colle-sur-Loup, 9 et 10 juin 2016, BJE sept. 2016, n° 113u8, p. 352 ; Pour une position plus nuancée, v. Thullier B., « La réforme du droit commun des contrats et les contrastants du débiteur en procédure collective », BJE mai 2017, n° 114r7, p. 240, spéc. n° 12.
  • 23.
    V. par ex. en matière de baux commerciaux, C. com., art. L. 145-33 qui prévoit que le loyer révisé doit correspondre à la valeur locative, déterminée par un certain nombre de critères, dont l’évolution des facteurs locaux de commercialité, et C. com., art. L. 145-38 qui ajoute que la révision, a priori, plafonnée par l’évolution de l’indice des loyers commerciaux, peut être déplafonnée, dans la limite de 10 % du loyer annuel, en cas de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une évolution de plus de 10 % de la valeur locative ; sur ce point, v. Confino A., « L’article 1195 du Code civil et le bail commercial : imprévision ou imprécision ? », AJDI 2016, p. 345, où l’auteur paraît considérer que les règles spécifiques relatives aux baux commerciaux n’empêchent pas l’application de C. civ., art. 1195 ; Boffa R. : « La révision et la résiliation pour imprévision », in Colloque Lille, 24 juin 2016, Planckeel F. (dir.), Loyers et Copropriété, 2016, dossier 12 ; Adde les règles spécifiques relatives aux marchés publics, qui s’appliquent parfois dans des rapports contractuels de droit privé, v. infra, nos 11 et s.
  • 24.
    Il est possible d’ajouter à la liste des exclusions légales la révision des conditions et charges grevant les donations ou legs, prévue par C. civ., art. 900-2 lorsque, après un changement de circonstances, l’exécution est devenue « extrêmement difficile » ou « sérieusement dommageable » pour le gratifié, conditions différentes de celles prévues à l’article 1195.
  • 25.
    Il est possible, en s’attachant au résultat du changement de circonstances, et en considérant que celui-ci peut s’analyser en un déséquilibre, de s’interroger sur le point de savoir si C. com., art. L. 442-6, I, 2° ne pourrait pas être invoqué, dans les limites de son champ d’application, ce texte permettant notamment d’obtenir une indemnisation ; v. plus longuement sur cette question : Fortunato A. : Clauses et pratiques restrictives de concurrence, thèse. Voinot D. (dir.), 2016, université Lille 2, nos 289 et s.
  • 26.
    V. C. com., art. L. 441-8 qui prévoit pour les contrats portant sur la vente de certains produits issus de l’agriculture, dont les prix peuvent être affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles, l’obligation de stipuler une clause de renégociation, sous peine d’une amende administrative.
  • 27.
    Elles peuvent être nommées clauses de renégociation, mais également clauses d’imprévision (sur ce terme, v. Heinich J., Le droit face à l’imprévisibilité du fait, thèse Mestre J. (dir.), 2013, université d’Aix-Marseille, n° 159), ou encore, spécifiquement dans les contrats d’affaires, clauses de hardship (pour une étude détaillée de cette clause, v. Oppetit B., « L’adaptation des contrats internationaux aux changement de circonstances : la clause de “hardship” », JDI 1974, p. 794-814).
  • 28.
    Pour un rappel du caractère supplétif du droit des obligations, sauf disposition contraire, Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131, préc., dans sa partie relative à l’article 1104.
  • 29.
    V. sur celles-ci : Mekki M., « De l’imprévisible changement de circonstances à l’imprévisible immixtion du juge ? Analyse du nouvel article 1195 du Code civil », préc. spéc. nos 12 et s. ; Heinich J., « Le défi : la confiance dans les relations d’affaires – acclimater la révision pour imprévision dans les contrats en droit français », in 42e colloque de Deauville : Un nouveau droit des contrats au service du droit français des affaires, Association Droit et commerce, Gaz. Pal. 12 juin 2017, n° HS 3, p. 66 et s.
  • 30.
    Le raisonnement pourrait aller plus loin en se référant au contrat lui-même et au point de savoir s’il contient un aléa accepté, ce qui justifierait une exclusion du texte tacite, pour une analyse détaillée sur ce point, v. El Mejri A., « La théorie de l’imprévision et les contrats aléatoires », RLDC, juin 2017, n° 149, p. 11-15.
  • 31.
    La jurisprudence administrative prend en compte, en effet, l’existence d’une clause de révision de prix dans son raisonnement relatif à la caractérisation de l’imprévision, v. par ex. CE, 28 oct. 1983, n° 25859, Société auxiliaire d’entreprise ; CAA Bordeaux, 2e ch., 3 mai 2011, n° 10BX01996, où une telle clause était présente ; CE, 29 avr. 1981, nos 10170 et 13920 (2 espèces), où une telle clause n’était pas présente.
  • 32.
    Sur celles-ci, v. Chantepie G. et Latina M. : op. cit., n° 525.
  • 33.
    Ibid., V. C. civ., art. 1171.
  • 34.
    V.C. civ., art. 1195.
  • 35.
    V. parmi d’autres : Chantepie G., thèse préc., n° 300 ; Fin-Langer L., thèse préc., n° 400 ; Lasbordes V. : thèse préc., n° 65 ; David R. : op. cit., p. 214 ; Fauvarque-Cosson B., op. cit., n° 2 ; Mazeaud D., « La révision du contrat », LPA 30 juin 2005, p. 4, note Catala P., op. cit., spéc. p. 91.
  • 36.
    Le rapport à la présidence de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131, préc., évoque sur ce point la lutte contre les « déséquilibres contractuels majeurs ».
  • 37.
    V. hypothèse de l’arrêt Canal de Craponne, et les développements sur la question de Stoffel-Munck P., « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », préc. ; Adde Deshayes O., Genicon T. et Laithier Y.-M., op. cit, spéc. p. 396 et s.
  • 38.
    Ce critère était déjà présent dans l’arrêt de 1916, préc., et se retrouve dans des exemples plus récents, où la jurisprudence refuse d’accorder une indemnité au titre de l’imprévision si l’économie du contrat n’est pas bouleversée, v. par ex. CE, 29 avr. 1981, préc. – CAA Nantes, 4e ch., 18 févr. 2011, n° 09NT02627 – CAA, Bordeaux, 3 mai 2011, préc.
  • 39.
    Alors que la doctrine a pu proposer ce critère comme justifiant l’adaptation du contrat, v. sur ce point : Pimont S. : L’économie du contrat, thèse préf. Beauchard J., 2004, PUAM, Institut de droit des affaires, spéc. nos 396 et s.
  • 40.
    V. par ex. Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-67369 : D. 2010, p. 2481, note sous arr. Mazeaud D. ; D. 2010, p. 2485, note Genicon T. ; JCP G 2010, 1056, note sous arr. Favario T. ; JCP E 2010, 2108, note sous arr. Le Gac-Pech S. ; Defrénois 30 avr. 2011, n° 39229, p. 811, obs. Seube J.-B. ; RTD civ. 2010, p. 782, obs. Fages B. ; RDC 2011, p. 34, obs. Savaux E. ; Gaz. Pal. 13 janv. 2011, n° 14331, p. 17, chron. Houtcieff D. ; Dr et patr. 2011, n° 200, p. 64-71, spéc. p. 69, chron. Aynès L. et Stoffel-Munck P. ; V. aussi : Mekki M., « Hardship et révision des contrats », JCP G 2010, 1219 et 1257 ; Deumier P., « Un arrêt non publié peut-il faire jurisprudence ? », RTD civ. 2011, p. 87.
  • 41.
    V. en ce sens : Mestre J., « l’économie du contrat », RTD civ. 1996, 901.
  • 42.
    V. en ce sens : Pimont S., op. cit., spéc. n° 274 ; Moury J. : « Une embarrassante notion : l’économie du contrat », D. 2000, 382.
  • 43.
    Certains auteurs, analysant la disposition, évoquent des exemples de circonstances, v. par ex. Revet T., « Le juge et la révision du contrat », préc., où l’auteur évoque l’environnement économique, financier, monétaire, commercial, technologique, politique, diplomatique, militaire et juridique ; Stoffel-Munck P., « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », préc., où l’auteur évoque par ex. : les circonstances juridiques, pratiques, technologiques ou commerciales ; Mekki M., « De l’imprévisible changement de circonstances à l’imprévisible immixtion du juge ? Analyse du nouvel article 1195 du Code civil », spéc. n° 6 où l’auteur mentionne le contexte juridique, politique, financier, économique, écologique, personnel ou technologique ; Deshayes O., Genicon T., et Laithier Y.-M. : op. cit., spéc. p. 391, où les auteurs citent les données factuelles, économiques, techniques, technologiques, politiques ou juridiques.
  • 44.
    Ibid.
  • 45.
    Sur ce point, et dans le sens d’une transposition vers le droit privé de cette expérience, v. : Vandermeeren R., « Nouvel article 1195 du Code civil : peut-on l’interpréter à la lumière de l’imprévision dans les contrats administratifs ? », RJDA 02/17, p. 83-85.
  • 46.
    Certaines de ces circonstances ne sont pas des circonstances économiques, comme les mesures de pouvoirs publics ou les phénomènes naturels, sur ce point, v. Long M., Wiel P., Braibant G., Delvolvé P. et Genevois B., op. cit., loc. cit., spéc. n° 3.
  • 47.
    L’application du droit des marchés publics s’étend en effet à certains rapports de droit privé ; v. article 10, 2° et 3° de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juill. 2015 relative aux marchés publics, et concerne en particulier les offices publics de l’habitat, les sociétés d’économie mixte n’ayant pas un caractère industriel et commercial ; Sur ce point, v. aussi Vandermeeren R., op. cit., spéc. n° 15.
  • 48.
    CE, 30 juill. 2003, n° 223445, Commune de Lens ; Contrats-Marchés publ. 2003, comm. 172, note sous arr. Pietri J.-P. ; JCP A 2003, 1961 et JC P E 2003, 1628, notes sous arr. Lindtch F. ; LPA 2 déc. 2003, p. 4, note Vidal L.
  • 49.
    V. par ex. CE, 1er juill. 2015, n° 383613, Régie des eaux du Canal de Belletrud, AJDA 2015, p. 1343.
  • 50.
    V. par ex. CE, 13 mai 1987, n° 35374, Société Citra France.
  • 51.
    V. supra, n° 3.
  • 52.
    V. CMP, art. 20, anc., abrogé depuis le 1er avr. 2016.
  • 53.
    Sur la procédure de passation d’un marché public, v. art. 40 et s. de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juill. 2015 relative aux marchés publics.
  • 54.
    Réforme intervenue avec l’ordonnance n° 2015-899, préc., et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
  • 55.
    V. art. 139, 3° du décret préc.
  • 56.
    Selon la règle ancienne, l’avenant au marché public ne devait pas bouleverser l’économie du marché (CMP, art. 20, anc., al. 2), alors que selon l’article 140 du décret n° 2016-360, l’avenant au marché, le montant de la modification intervenue après survenance d’une circonstance imprévue ne peut pas être supérieure à 50 % du montant du marché public initial.
  • 57.
    V. Dir. (UE) n° 2014/24 du PE et Cons., 26 févr. 2014 sur la passation des marchés publics, spéc. art. 32, 2, c).
  • 58.
    V. Cons. n° 109 de Dir. préc. : « Les pouvoirs adjudicateurs peuvent se trouver confrontés à des circonstances extérieures qu’ils ne pouvaient prévoir au moment de l’attribution du marché » (…). « Les circonstances imprévisibles sont celles que le pouvoir adjudicateur, bien qu’ayant fait preuve d’une diligence raisonnable lors de la préparation du marché initial, n’aurait pu prévoir, compte tenu des moyens à sa disposition, de la nature et des caractéristiques du projet particulier, des bonnes pratiques du secteur et de la nécessité de mettre en adéquation les ressources consacrées à la préparation de l’attribution du marché et la valeur prévisible de celui-ci ».
  • 59.
    V. sur ce point, ayant une analyse similaire : fiche technique de la Direction des Affaires juridiques, rubrique « commande publique » intitulée « modalités de modification des contrats en cours d’exécution », spéc. p. 2, disponible à l’adresse suivante : http://www.economie.gouv.fr/daj/modalites-modification-des-contrats-en-cours-execution-2016.
  • 60.
    V. sur ce point Chrétien P., Chifflot N. et Tourbe M., Droit administratif, 15e éd., 2016, Sirey, université, spéc. n° 590 où les auteurs laissent entendre que la question de la survie de l’ensemble de la jurisprudence relative à l’imprévision peut se poser après la réforme du droit des marchés publics.
  • 61.
    V. les contrats conclus par les personnes préc., supra, n° 10.
  • 62.
    Par ex. la musique, accessible par acquisition de fichiers numériques, ou même, par abonnement à un service permettant l’écoute de musique en ligne ; les films, accessibles en vidéo à la demande, et non plus forcément en les achetant sur un support physique ; les livres, pour la plupart disponibles pour liseuse numérique ; les billets de spectacles, pour certains disponibles de manière dématérialisée ; Adde la numérisation d’ouvrages anciens par la Bibliothèque nationale de France, qui rend ces ouvrages accessibles en ligne, et non plus simplement par consultation physique.
  • 63.
    Par ex. le secteur de la photographie, passé au numérique il y a une quinzaine d’années, laissant aujourd’hui peu de place au développement des photographies argentiques, seul format possible auparavant ; le secteur des agences matrimoniales, largement bouleversé et amplifié par les sites de rencontre ; le secteur des publications périodiques de petites annonces, remplacé et nettement amplifié par des sites internet.
  • 64.
    V. sur ces modifications de circonstances, et les modifications contractuelles qu’elles peuvent induire : Lemay P., « Les nouvelles pratiques contractuelles des réseaux de distribution », RTD com. 2015, p. 183.
  • 65.
    Par ex. Contrats conclus pour la publicité d’un hébergement proposé par un particulier ; financement de projets via le système bancaire classique, incluant intérêts et frais ; location d’un véhicule pour un entrepreneur du transport de personnes, non accepté par les plateformes spécialisées.
  • 66.
    Pour une définition de celui-ci, v. Cons. n° 61 et art. 4, 1, 40 de la Dir. (UE) n° 2014/65/UE, 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers.
  • 67.
    Par ex. les contrats qui portaient sur la gestion et la maintenance des serveurs réseau qui permettaient le stockage de données sur support physique.
  • 68.
    Par ex. dans le cas où l’hébergeur est victime de piratage, et que les données se trouvent entre les mains de personnes tierces ; v. pour des ex. de circonstances se modifiant en cours de contrat : Cruquenaire A. et Cassart A., « L’évolutivité des services en cloud : difficultés juridiques et solutions contractuelles », in Contrats et Cloud computing, Journée d’étude, Lille 2013, Voinot D. (dir.), Chantepie G., Sénéchal J. et Desrumaux N., RLDI 2013/98, p. 85-140, spéc. p. 108 et s.
  • 69.
    V. par ex. dans le secteur de la réservation des hébergements : art. 8 des CGU du site « Booking » qui inclut la « popularité » des hébergements dans les critères qui permettent le classement des résultats pour une recherche donnée, les internautes pouvant classer leurs résultats en fonction de ces avis ; Le site « Tripadvisor » ne précise pas les modalités de classement des résultats d’une recherche dans ses CGU, mais permet aux internautes de classer leurs résultats en fonction des avis laissés sur les établissements.
  • 70.
    Règlement (UE) n° 2015/2120, 25 nov. 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert ; Lignes directrices du Bureau européen des régulateurs des communications électroniques, août 2016, disponibles (en anglais) sur son site : http://berec.europa.eu/eng/netneutrality/.
  • 71.
    V. sur ces systèmes : Moreau Y. et Dornberer C., « Enjeux de la technologique de blockchain », D. 2016, p. 1856 ; Streiff V. : « Blockchain et propriété immobilière : une technologie qui prétend casser les codes », Dr. et patr. 2016, n° 262, p. 24-29 ; Cohen-Adria Y., « Blockchain : révolution ou évolution ? », D. 2016, p. 537.
  • 72.
    Moreau Y. et Dornbierer C., op. cit., les auteurs donnant une définition détaillée.
  • 73.
    La Blockchain « ETHEREUM » (http://www.ethereum.org/) propose, parmi d’autres applications, les « smart contracts ». Ces contrats sont en réalité des programmes notamment conçus pour entrer en application à partir du moment où des conditions préalablement définies sont remplies ; V. sur ces contrats Streiff V., op. cit. ; Cohen Y., op. cit.
  • 74.
    Certains auteurs tendent même à inciter à prévoir des clauses d’adaptation du contrat aux évolutions de circonstances, v. par ex. s’agissant de circonstances liées au changement climatique : Hautereau-Boutonnet M., « Le risque climatique en droit des contrats », RDC 2016, n° 113b6, p. 312, où l’auteur se montre en faveur de prévisions contractuelles relatives à ce risque, dans le but « d’adapter » le contrat, et paraît douter de l’applicabilité de l’article 1195 du Code civil aux circonstances liées aux effets du changement climatique.
  • 75.
    Certains auteurs doutent de l’imprévisibilité de l’évolution de certaines circonstances, v. sur ce point par ex. concernant les circonstances liées au changement climatique, Hautereau-Boutonnet M., op. cit. ; concernant les circonstances du domaine de la construction : Dessuet P., « L’imprévision bientôt introduite en droit privé : quelles conséquences dans le domaine de la construction ? », RGDA avr. 2015, n° 112b1, p. 176 ; D’autres se montrent en faveur d’une interprétation du texte in abstracto, qui prenne en considération les circonstances « raisonnablement imprévisibles », en reconnaissant que celle-ci permet de donner une « réelle effectivité au texte », v. Chantepie G. et Latina M., op cit., n° 524 ; dans le même sens : Deshayes O., Genicon T. et Laithier Y.-M., op. cit., p. 392 ; Mekki M., « De l’imprévisible changement de circonstances à l’imprévisible immixtion du juge ? Analyse du nouvel article 1195 du Code civil », préc., spéc. n° 7 ; Revet T. : « Le juge et la révision du contrat », préc.