Le changement de circonstances imprévisible, source de caducité du contrat ? Approche de droit transitoire et de droit substantiel

Publié le 16/01/2019

Une juridiction de proximité s’est fondée sur le nouvel article 1186 du Code civil pour retenir que le changement de circonstances imprévisible intervenu lors de l’exécution d’un contrat entraînait sa caducité, alors même qu’il avait été conclu avant le 1er octobre 2016. Par un arrêt rendu le 19 septembre 2018, la Cour de cassation a censuré la décision au visa de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. L’arrêt commenté nécessite une approche de droit transitoire couplée à une analyse du droit substantiel, dans la mesure où la notion de changement de circonstances renvoie inévitablement à la théorie de l’imprévision, laquelle a été consacrée dans le Code civil par la réforme du droit des contrats.

Cass. 1re civ., 19 sept. 2018, no 17-24347, PB

1. La multiplication des lois pose régulièrement des problèmes de conflits de lois dans le temps, et il était évident que la réforme du droit des obligations susciterait rapidement des difficultés, dès lors que les dispositions de la loi nouvelle s’avèrent sur certains points être beaucoup plus favorables à l’une des parties contractantes que les dispositions de la loi ancienne1. On pouvait le penser notamment s’agissant de la question majeure de la théorie de l’imprévision, exclue autrefois, et désormais ouverte. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 19 septembre 2018 constitue en ce domaine une illustration topique des questions relatives au droit transitoire.

2. En l’espèce, le 18 juin 2013, Mme X a acheté un climatiseur auprès de la société SMATEC, laquelle a procédé à son installation à l’intérieur et à l’extérieur de son domicile. Le lendemain, l’acheteuse a souscrit avec cette même société un contrat de maintenance d’une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction. Par lettre en date du 15 mai 2015, la société a informé sa cocontractante qu’elle ne renouvellerait pas le contrat, au motif que l’accès au groupe extérieur était devenu trop difficile et nécessitait des frais supplémentaires dus à la location d’une nacelle.

La demanderesse a assigné la société aux fins d’obtenir le remboursement des frais de déplacement de l’unité extérieure et la réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de maintenance. La juridiction de proximité de Marseille a rendu son jugement le 30 juin 2017. Après avoir énoncé qu’en vertu de l’article 1186 du Code civil, le contrat devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît, le jugement a retenu que l’accès au groupe extérieur était possible lors de la souscription du contrat et que la modification de la situation de l’immeuble rend depuis l’entretien impossible. Par conséquent, les juges du fond ont considéré que la demande était sans objet. Insatisfaite, Mme X a formé un pourvoi en cassation fondé sur un moyen unique divisé en deux branches. La seconde branche n’est pas de nature à entraîner la cassation. En ce qui concerne la première branche, le pourvoi soutient que, conformément aux dispositions transitoires de l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 20162, cette dernière entre en vigueur le 1er octobre 2016 et les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne. La juridiction de proximité, en ayant appliqué la loi nouvelle à un contrat normalement soumis à la loi ancienne, aurait violé l’article 9 de l’ordonnance. Sans que l’on en soit étonné, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation pour violation de la loi au visa de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, rappelant sèchement que selon ce texte, « les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ».

3. Sous la question de la caducité on aperçoit, en creux, la question de l’imprévision, laquelle est au cœur de cette affaire. Deux problèmes juridiques se posaient en réalité. D’une part, la bénéficiaire du contrat de maintenance demandait une indemnisation pour rupture abusive du contrat. S’agissant d’un contrat conclu pour un an, renouvelable par tacite reconduction, et ayant fait l’objet d’un non-renouvellement, il est loin d’être certain que les conditions de mise en jeu de la responsabilité contractuelle soient remplies. L’essentiel n’est pas là, mais dans la demande de remboursement des frais de déplacement de l’unité extérieure du climatiseur, qui se rattache à la question de l’exécution forcée du contrat. Un examen des faits révèle qu’il s’agit davantage d’une question d’imprévision que d’une question de caducité3. En effet, la juridiction de proximité a relevé que, lors de sa dernière intervention, la société a constaté que des containers poubelle avaient été installés par les services de la voirie, rendant l’accès au groupe extérieur impraticable dans les conditions initiales du contrat. Pour accéder à l’unité extérieure, la société aurait dû louer un engin élévateur à la charge de la cocontractante, ce qu’elle a refusé. La situation de l’immeuble ayant été modifiée en cours d’exécution du contrat et l’entretien devenant de ce fait impossible, les juges du fond ont considéré que la demande de l’intéressée tendant à ce que la société de maintenance déplace l’unité extérieure était sans objet et devait être rejetée. Ainsi, c’est donc bien l’imprévision que la société invoquait pour se soustraire à ses obligations et mettre fin au contrat de maintenance. La première branche du pourvoi évoquait d’ailleurs le « changement substantiel du traitement de l’imprévision en matière contractuelle ».

Le changement de circonstances4, imprévisible lors de la conclusion du contrat, était source de caducité pour les juges du fond sur le fondement de l’article 1186 du Code civil. Conformément au droit transitoire, la Cour de cassation affirme cependant l’inapplicabilité de ce nouvel article aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 (I). La théorie de l’imprévision doit être convoquée pour éclairer cet arrêt dans lequel se pose un problème de changement de circonstances. Sa consécration à l’article 1195 du Code civil représente un changement substantiel de notre droit, la révision du contrat par le juge étant jusqu’alors interdite par une jurisprudence constante. Par conséquent, l’arrêt commenté invite à s’interroger quant à l’application des règles nouvelles relatives à l’imprévision s’agissant d’un contrat conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance (II).

I – L’inapplicabilité de l’article 1186 du Code civil à un contrat conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance

4. Un changement de circonstances imprévu lors de la conclusion du contrat a entraîné d’importantes modifications concernant les conditions d’exécution du contrat par la société. Partant, les juges du fond ont retenu la caducité du contrat sur le fondement de l’article 1186 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016. La Cour de cassation a néanmoins cassé la décision rendue par la juridiction de proximité au visa d’une disposition transitoire, celle de l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016. Aussi, pour comprendre cette cassation, il faut rappeler le sens et la portée du principe de survie de la loi ancienne en droit transitoire des contrats (A). En l’espèce, la Cour de cassation a jugé que l’article 1186 du Code civil était inapplicable au contrat de maintenance conclu le 19 juin 2013. Cette analyse apparaît conforme aux dispositions transitoires de l’ordonnance du 10 février 2016 (B).

A – La conformité de la solution au principe de survie de la loi ancienne

5. Dès 1929, Paul Roubier a proposé une théorie qui distingue, d’une part, la rétroactivité et la non-rétroactivité de la loi nouvelle et, d’autre part, l’application immédiate de la loi nouvelle et la survie de la loi ancienne5. Cette théorie faisait suite à celle des droits acquis6. La Cour de cassation a véritablement consacré la théorie de Paul Roubier à partir des années 19607. La jurisprudence a dégagé deux principes de l’article 2 du Code civil : le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle et le principe de l’application immédiate de la loi nouvelle. En vertu du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, cette dernière n’a pas d’emprise sur les conditions de validité d’une situation légale ou contractuelle passée, ni sur les effets passés d’une situation juridique légale ou contractuelle. Il existe, on le sait, plusieurs exceptions à ce principe : la rétroactivité est la règle pour la loi pénale plus douce8, pour la loi de validation9, et pour la loi interprétative. Le législateur peut également déclarer la loi expressément rétroactive.

6. En ce qui concerne le principe d’application immédiate de la loi nouvelle, cette dernière s’applique, dès son entrée en vigueur10, aux conditions de validité d’une situation légale ou contractuelle à venir, ainsi qu’aux effets futurs d’une situation légale antérieurement constituée. Mais il existe une exception au principe de l’application immédiate de la loi nouvelle : lorsqu’un contrat a été conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, tous ses effets futurs demeurent régis par la loi sous l’empire de laquelle il a été conclu. Ce principe de survie de la loi ancienne s’explique, et nous en reparlerons, par la nécessité d’assurer la sécurité des conventions, le respect de la prévision des parties contractantes.

7. En l’espèce, la pose de containers poubelle était imprévisible au moment de la formation du contrat et rendait l’exécution de ce dernier trop onéreuse, puisque la société aurait dû louer une nacelle pour accéder au groupe extérieur afin d’exécuter son obligation d’entretien. Seulement, par application du droit antérieur à la réforme, la société de maintenance devait assumer les conséquences de la situation : le contrat ne pouvait être révisé. Pourtant, les juges du fond ont considéré que ce dernier était devenu caduc, l’accès au groupe extérieur étant un élément essentiel du contrat. Sous l’ère du droit antérieur à la réforme du droit des contrats, la caducité du contrat était envisageable lorsque la disparition de l’objet n’était pas imputable à la faute d’une partie mais, par exemple, au fait d’un tiers. Lorsque l’objet disparaissait, rendant par conséquent impossible l’exécution du contrat, la jurisprudence a parfois considéré que ce dernier était devenu caduc11. En l’espèce, l’objet n’ayant pas disparu mais l’accès au groupe extérieur n’étant plus possible dans les conditions initiales du contrat, le raisonnement de la juridiction de proximité était discutable. Néanmoins, en se fondant expressément sur l’article 1186 du Code civil, les juges n’ont pas respecté le principe de survie de la loi ancienne, lequel a d’ailleurs été consacré par les dispositions transitoires de l’ordonnance du 10 février 2016.

B – La conformité de la solution aux dispositions transitoires de l’ordonnance du 10 février 2016

8. La réforme du droit des contrats, réalisée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, a consacré le principe de survie de la loi ancienne. En effet, l’article 9 de l’ordonnance fixe l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance au 1er octobre 2016, et le deuxième alinéa du même texte précise que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne. Ce texte entérine donc le principe de survie de la loi ancienne pour les effets futurs des contrats conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

9. En ce qui concerne la caducité, cette notion a été consacrée par la réforme du droit des contrats à l’article 1186 du Code civil12. Suivant l’alinéa premier, « un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît ». Ainsi, la caducité est une sanction qui s’applique en cas de disparition, au stade de l’exécution du contrat, d’un élément qui était, au stade de sa formation, essentiel à sa validité. C’est ce qui distingue la caducité de la nullité, cette dernière venant sanctionner un acte auquel il manquait un élément de validité au stade de sa formation. En l’espèce, les juges du fond se sont expressément référés à l’article 1186 du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016. Précisément, ils ont considéré que l’accès au groupe extérieur était possible lors de la conclusion du contrat mais que cet accès a été rendu impossible en cours d’exécution du contrat (du moins dans les conditions initialement fixées), de sorte qu’un élément essentiel lors de la formation du contrat avait disparu. En effet, la connaissance de la nécessité de supporter le coût de la location d’une nacelle pour accéder au groupe extérieur aurait certainement conduit la société à refuser la conclusion d’un contrat de maintenance, la liberté d’accès ayant alors constitué un élément essentiel du consentement de la société. Par conséquent, la disparition de cet élément essentiel en cours d’exécution du contrat rend ce dernier caduc.

La Cour de cassation a cassé le jugement rendu le 30 juin 2017 au motif qu’il ressortait des propres constatations de la juridiction de proximité que le contrat d’entretien avait été conclu en 2013, soit antérieurement au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats. Le nouvel article 1186 ne pouvait donc pas s’appliquer et, par conséquent, la caducité du contrat ne pouvait être retenue. Il s’agit d’une cassation formelle. Le contrat de maintenance, conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, aurait donc dû continuer à être exécuté par la société débitrice, au risque que le surcoût de la location de l’engin élévateur ne pèse lourdement sur la trésorerie de la société. Ainsi, le caractère excessivement onéreux de l’exécution du contrat pour la société qui n’en avait pas accepté le risque lors de la conclusion du contrat laisse à penser que ce sont davantage les règles relatives à l’imprévision qui auraient pu trouver application.

II – La question de l’applicabilité de l’article 1195 du Code civil à un contrat conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance

10. Il existe une « exception à l’exception » de la survie de la loi ancienne : lorsque le juge estime que les dispositions sont d’ordre public, un retour s’opère à l’application immédiate de la loi nouvelle aux effets futurs du contrat13. Les dispositions de l’article 1195 du Code civil étant supplétives de volonté car l’une des parties peut décider de prendre à sa charge les risques de l’imprévision, la majorité de la doctrine estime qu’elles ne sont pas d’ordre public14. Pourtant, la révision du contrat lorsqu’un contractant souffre des conséquences de l’imprévision pourrait être considérée comme une règle protectrice de la partie faible au contrat. En ce sens, certains auteurs plaident en faveur d’une disposition d’ordre public pouvant s’appliquer aux contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance (A). Si la loi du 20 avril 2018 est venue préciser que les dispositions d’ordre public ne peuvent pas s’appliquer aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, la Cour de cassation a néanmoins interprété à plusieurs reprises le droit ancien à l’aune de l’évolution du droit des obligations. Dès lors, une question se pose : la volonté affirmée du législateur mettra-t-elle fin à ce courant jurisprudentiel (B) ?

A – La révision du contrat pour imprévision et les contrats conclus avant le 1er octobre 2016

11. Le contrat se formant par un accord de volontés, sa modification unilatérale par l’une des parties n’est en principe pas permise, pas plus qu’une modification par le juge. Le célèbre arrêt Canal de Craponne est le premier à avoir manifesté son hostilité envers la révision du contrat par le juge15. Cette solution avait cependant été vivement critiquée par la doctrine, laquelle s’appuyait sur la divergence existant avec le juge administratif, qui admet, dans certaines circonstances, une révision du contrat pour imprévision16. Si le refus de principe de révision du contrat par le juge a connu quelques assouplissements17, la réforme a opéré « une des modifications les plus symboliques »18 en consacrant la révision du contrat pour imprévision à l’article 1195 du Code civil. Selon le premier alinéa de ce texte, il y a imprévision « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque »19. C’était bien le cas en l’espèce, la société ne pouvant plus avoir accès à l’unité extérieure à cause de l’installation de containers poubelle par les services de la voirie, à moins de louer une nacelle, ces frais supplémentaires n’étant pas prévus dans les conditions initiales du contrat. L’article 1195 prévoit alors un mécanisme en plusieurs étapes20. La première repose sur une demande de renégociation conventionnelle formulée par la partie victime de l’imprévision. En cas d’échec, les parties peuvent convenir de la résiliation du contrat, ou saisir conjointement le juge afin qu’il procède à l’adaptation du contrat21. Si les parties n’ont pu se mettre d’accord « dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe »22.

12. Le nouveau rôle du juge, passant de celui d’arbitre à celui de « créateur » du contrat, suscite des interrogations au sein de la doctrine23, mais l’on comprend que le législateur se soit montré protecteur à l’égard de la partie qui subit l’imprévision. Cela dit, on observera qu’en l’espèce, c’était le professionnel qui était une partie « faible »… Si certains auteurs considèrent que l’article 1195 du Code civil est d’ordre public24 car « une partie ne saurait renoncer par avance au droit d’invoquer l’imprévision »25, en vertu de l’exception au principe de survie de la loi ancienne, ses dispositions devraient immédiatement s’appliquer aux contrats en cours. Cependant, par la loi du 20 avril 2018, et plus précisément en vertu de son article 16, le législateur est venu interpréter les dispositions de l’ordonnance du 10 février 2016, en affirmant que la survie de la loi ancienne s’applique pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016, y compris pour leurs effets légaux et les dispositions d’ordre public26. Cet « acharnement » du législateur à vouloir maintenir le principe de survie de la loi ancienne a été critiqué par la doctrine dès l’ordonnance du 10 février 201627. En effet, certains auteurs auraient souhaité que le législateur fasse preuve d’esprit novateur, afin que cette réforme affichée du droit des contrats en soit réellement une. Le professeur Daniel Mainguy préconisait ainsi une application immédiate de la loi nouvelle aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, notamment car les contrats peuvent avoir des effets sur le long terme, ce qui aura pour conséquence de leur appliquer un droit très ancien28. La justification traditionnelle de cette césure entre l’application immédiate de la loi nouvelle et la survie de la loi ancienne repose sur l’exigence de sécurité juridique qui doit entourer le contrat. En tant qu’acte de prévision, le contrat ne doit pas être remis en cause par un bouleversement de l’environnement juridique dans lequel il a été conclu. Si réforme il y a eu, c’est justement par souci d’équité. Ainsi, il est possible de songer, avec cet auteur, que se fonder sur des règles uniformes aurait pu contribuer à renforcer la prévisibilité des décisions rendues et, partant, la sécurité juridique.

13. Le professeur Alain Bénabent29, reprenant les rapports de la Commission des lois du Sénat, explique que l’article 16 de la loi du 20 avril 2018 a clairement été adopté pour neutraliser la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle affirme, depuis l’ordonnance du 10 février 2016, sa volonté d’interpréter le droit ancien au regard des règles nouvelles. En l’espèce, la Cour de cassation s’est gardée d’appliquer les règles relatives à l’imprévision. Est-ce là la fin du mouvement initié ? Rien n’est moins sûr.

B – Vers la fin d’une interprétation de la loi ancienne à la lumière de la loi nouvelle ?

14. Tandis que le législateur a expressément prévu le principe de survie de la loi ancienne pour les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation a quant à elle manifesté à plusieurs reprises sa volonté de faire une application immédiate de la loi nouvelle aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016. On peut rappeler, à titre d’illustration, un arrêt rendu le 24 février 2017 par la chambre mixte en matière de mandat30. Dans cette décision, la Cour de cassation a pris en considération « l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 », ce qui l’a conduit à « apprécier différemment l’objectif poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat, lesquelles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire ». Modifiant sa jurisprudence, la Cour de cassation a décidé que « la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par la nullité relative ». Un arrêt, rendu le 20 septembre 2017 par la première chambre civile de la Cour de cassation31, a statué dans le même sens, reprenant les termes de l’arrêt du 24 février 2017. Par l’analyse de ces décisions, « on mesure ainsi que la jurisprudence peut s’inspirer des textes nouveaux pour modifier les solutions qu’elle retenait jusque-là et, ainsi, rapprocher le droit ancien du droit nouveau »32.

15. En matière de droit du travail, deux arrêts, rendus le 21 septembre 2017 par la chambre sociale de la Cour de cassation33, ont pu être qualifiés de « remarquables »34. En effet, dans la note explicative qui accompagne ses décisions, la Cour de cassation affirme qu’elle a « choisi de réexaminer sa jurisprudence au regard de l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ». Mais elle va encore plus loin, en souhaitant anticiper l’entrée en vigueur des dispositions nouvelles en les appliquant à des situations constituées avant le 1er octobre 2016 et/ou à des contrats conclus avant cette date35. Selon le professeur Grégoire Loiseau, « l’idée sous-jacente pourrait être que l’universalisme de la règle de droit commun a pour corollaire son intemporalité »36. Une fois encore, la Cour de cassation a pris en compte l’évolution du droit des obligations, ce qui l’a conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et des promesses unilatérales de contrat de travail.

16. S’agissant de la notion de caducité, la Cour de cassation l’a utilisée en matière de crédit-bail, mais en se fondant de manière implicite sur le nouvel article 1186 du Code civil. Ainsi, aux termes d’un arrêt rendu par la chambre mixte le 13 avril 201837, la Cour a rappelé qu’il a été jugé que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants38 et que l’anéantissement de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres39. Si cette dernière jurisprudence n’est pas transposable au contrat de crédit-bail mobilier, accessoire au contrat de vente, la Cour de cassation a considéré que la caducité qu’elle prévoit constitue la mesure adaptée.

17. On observe ainsi une divergence non seulement entre le législateur et le juge en ce qui concerne le principe de survie de la loi ancienne, mais aussi une divergence entre les chambres de la Cour de cassation puisque, dans la solution commentée, la première chambre civile rend un arrêt de cassation lorsque le texte relatif à la caducité est expressément mentionné dans la décision entreprise, tandis que la chambre sociale affirme en toute transparence sa volonté d’appliquer les dispositions nouvelles, y compris aux contrats qui devraient être régis par la loi ancienne. En l’espèce, si le jugement avait retenu la caducité du contrat de maintenance en se fondant implicitement sur l’article 1186 du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, il est possible, mais non certain bien sûr, que la haute juridiction aurait approuvé la solution rendue par la juridiction de proximité.

18. Quoi qu’il en soit, la Cour de cassation n’a pas souhaité recourir aux règles nouvelles en matière d’imprévision. Est-ce dû à la précision apportée par la loi du 20 avril 2018, suivant laquelle la loi ancienne doit nécessairement s’appliquer aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 ? Les travaux préparatoires de la loi ont en tout cas révélé que l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016 a clairement été complété par le législateur dans l’objectif de contrer le courant jurisprudentiel interprétatif initié par la haute juridiction40.

À ce titre, il a été relevé que l’on « a rarement vu une telle semonce adressée à la Cour de cassation et une telle volonté (conjoncturelle) de rappeler qui, de nos institutions, est chargé de faire le droit. (…) Il s’agit d’un coup d’arrêt à l’éclairage rétrospectif du droit antérieur et les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 doivent, y compris pour leurs effets futurs, échapper définitivement à la réforme, même en ses dispositions d’ordre public »41. Néanmoins, certains auteurs n’excluent pas que les règles relatives à l’imprévision puissent être appliquées par les juges à un contrat conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance42. Dès lors, ainsi que le souligne le professeur Alain Bénabent, « reste à savoir si un tel coup d’arrêt suffira à arrêter un train en marche… »43.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Gaudemet S., « Dits et non-dits sur l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016 », JCP 2016, 559, n° 19 ; François C., « Application dans le temps et incidence sur la jurisprudence antérieure de l’ordonnance de réforme du droit des contrats », D. 2016, p. 506.
  • 2.
    Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO, 11 févr. 2016.
  • 3.
    Dans le même sens, Pellier J.-D., « De l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016 », Dalloz actu., 15 oct. 2018.
  • 4.
    V. Fauvarque-Cosson B., « Le changement de circonstances », RDC janv. 2004, p. 67.
  • 5.
    V. Roubier P., Le Droit transitoire (conflit des lois dans le temps), 1re éd., 1929, Dalloz, (2e éd., 1960).
  • 6.
    Se fondant uniquement sur le principe de non-rétroactivité, sans distinguer les effets passés et les effets futurs, la théorie des droits acquis, développée au XIXe siècle, reposait sur l’idée qu’un droit acquis avant la promulgation de la loi nouvelle demeure exclusivement régi par la loi ancienne, et ne peut être remis en cause par la loi nouvelle. Sur laquelle, v. not. Marais A., Introduction au droit, 6e éd., 2016, Vuibert, nos 203 et s.
  • 7.
    Cass. 1re civ., sect., 29 avr. 1960 : « Attendu que si sans doute une loi nouvelle s’applique aussitôt aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, et cela même quand semblable situation est l’objet d’un litige judiciaire, en revanche elle ne saurait, sans avoir effet rétroactif, régir rétrospectivement les conditions de validité ni les effets passés d’opérations juridiques antérieurement achevées » ; D. 1960, p. 279, note Holleaux G. ; Capitant H., Chénedé F., Terré F. et Lequette Y., Les grands arrêts de la jurisprudence civile (GAJC), t. 2, Obligations, contrats spéciaux, sûretés, 13e éd., 2015, Dalloz, Grands arrêts, nos 5 à 8. Pour une analyse générale, v. Bonneau T., La Cour de cassation et l’application de la loi dans le temps, 1990, PUF.
  • 8.
    En vertu du principe de la rétroactivité in mitius, une loi nouvelle qui réprime moins gravement une infraction doit s’appliquer à toutes les infractions commises avant son entrée en vigueur, dès lors qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une condamnation définitive.
  • 9.
    Massot J., « Les juges et les validations législatives, un chœur à cinq voix non sans dissonances », in Mélanges en l’honneur de Bruno Genevois, 2009, LGDJ, p. 705.
  • 10.
    Conformément à l’article 1er du Code civil.
  • 11.
    V. not. Cass. com., 2 nov. 1993, n° 91-21898 : Bull. civ. IV, n° 371, p. 270.
  • 12.
    Sur cette notion, Buffelan-Lanore Y., Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, 1963, LGDJ ; Fricero N., La caducité en droit judiciaire privé, thèse, 1979, Université de Nice ; Garron F., La caducité du contrat, 1999, PUAM ; Pelletier C., La caducité des actes juridiques en droit privé français, 2004, L’Harmattan, 2004 ; Chaaban R., La caducité des actes juridiques. Étude de droit civil, 2006, LGDJ ; Wester-Ouisse V., « La caducité en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP 2001, I 290. Malgré sa consécration dans le Code civil par la réforme du droit des contrats, la notion de caducité continue d’interroger la doctrine ; v. not. Epstein A.-S., in La réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Douville T. (dir.), 2018, Lextenso, p. 165 et s.
  • 13.
    Le caractère d’ordre public ne suffit cependant pas à entraîner son application immédiate car, selon la Cour de cassation, « la loi nouvelle, fût-elle d’ordre public, ne peut, en l’absence de dispositions spéciales, régir les effets à venir des contrats conclus antérieurement » ; v. Cass. 2e civ., 24 févr. 2005, n° 03-19802.
  • 14.
    Mekki M., « La loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016 – Une réforme de la réforme ? », D. 2018, p. 900, n° 19.
  • 15.
    Cass. civ., 6 mars 1876 : GAJC, préc., n° 165.
  • 16.
    CE, 30 mars 1916, M. Long : Weil P., Braibant G., Delvolvé P. et Genevois B., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative (GAJA), 21e éd., 2017, Dalloz, n° 31.
  • 17.
    Cass. soc., 25 févr. 1992, n° 89-41634. Par cet arrêt, la chambre sociale considère que « l’employeur, tenu d’exécuter le contrat de travail, a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois ». D. 1992, p. 390, note Défossez M. ; Dr. soc. 1992, p. 573, note Lyon-Caen A. – V. également Cass. com., 3 nov. 1992, n° 90-18547 : JCP 1993, II 22164, note Virassamy G. ; RTD civ. 1993, p. 124, obs. Mestre J. – Adde Cass. com., 24 nov. 1998, n° 96-18357 : JCP 1999, II 12210, note Picod Y. ; JCP 1999, I 143, n° 6, obs. Jamin C. ; RTD civ. 1999, p. 98, obs. Mestre J. ; RTD civ. 1999, p. 646, obs. Gautier P.-Y. ; Defrénois 30 mars 1999, n° 36953, p. 371, note Mazeaud D. – Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-67369 ; Dans cet arrêt, la Cour sanctionnait directement l’imprévision en suggérant une « caducité » du contrat ; v. Savaux E., « Frémissement en matière d’imprévision », RDC janv. 2011, p. 34 ; D. 2010, p. 2481, note Mazeaud ; D. 2010, p. 2485, note Genicon T. ; JCP 2010, 1056, note Favario T. ; RTD civ. 2010, p. 782, obs. Fages B. ; LPA 24 déc. 2010, p. 7, note Choné A.-S. ; Dr. & patr. mensuel 2011, n° 200, p. 68, obs. Stoffel-Munck P. ; JCP 2011, 126, n° 3, note Ghestin J. ; Defrénois 30 avr. 2011, n° 39229-4, p. 811, obs. Seube J.-B. De manière générale, si le juge ne pouvait pas réviser le contrat, la Cour de cassation considérait que le refus de renégociation par le cocontractant profitant de la modification des circonstances économiques était contraire à la bonne foi et pouvait engager sa responsabilité contractuelle et le condamner à des dommages et intérêts. Pour une vue d’ensemble, Chantepie G. et Latina M., La réforme du droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2e éd., 2018, Dalloz, nos 522 et s.
  • 18.
    Porchy-Simon S., Les obligations 2019, 11e éd., 2018, Dalloz, n° 418.
  • 19.
    V. Fortunato A., « Les circonstances de la révision du contrat », LPA 11 janv. 2018, n°130q7, p. 6.
  • 20.
    Sur le régime de la révision du contrat pour imprévision, v not. Porchy-Simon S., Les obligations 2019, 11e éd., 2018, Dalloz, nos 423 et s.
  • 21.
    La doctrine émet des réserves quant à la faisabilité de cette procédure ; v. Chantepie G. et Latina M., La réforme du droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2e éd., 2018, Dalloz, n° 529 : « D’un point de vue pratique, on voit d’ailleurs mal dans quelles circonstances des parties pourraient demander à un juge de modifier le contrat à leur place. En effet, si le contrat n’a pas été modifié c’est, dans l’architecture du texte, soit parce que les parties n’ont pas réussi à se mettre d’accord lors de la renégociation (échec de la renégociation), soit parce qu’une des parties n’a pas voulu renégocier (refus de renégociation). Dans ces conditions, pourquoi les contractants, et notamment celui qui bénéficie des circonstances, prendraient-ils le risque de se soumettre à la révision judiciaire ? Le législateur a poussé jusqu’à l’absurde la logique de l’accord amiable, sans doute pour montrer que l’intervention du juge, à la demande d’une seule partie, n’était qu’un dernier recours ».
  • 22.
    C. civ., art. 1195, al. 2, in fine.
  • 23.
    V. not. Aynès L., « Le juge et le contrat : nouveaux rôles ? », RDC avr. 2016, n° 112z2, p. 14 ; Stoffel-Munck P., « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », RDC avr. 2016, n° 112z5, p. 30.
  • 24.
    Mercadal B., « L’ordre public dans la réforme du droit des contrats », La quotidienne, 22 mars 2018, éd. Francis Lefebvre ; sur ce point, v. également Alleaume C. in La réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Douville T. (dir.), 2018, Lextenso, p. 183.
  • 25.
    Mercadal B., « L’ordre public dans la réforme du droit des contrats », La quotidienne, 22 mars 2018, éd. Francis Lefebvre.
  • 26.
    V. not. Roda J.-C., « La loi de ratification du 20 avril 2018 : aspects de droit transitoire », AJ Contrats 2018, p. 313.
  • 27.
    V. Mainguy D., « Pour l’entrée en vigueur immédiate des nouvelles règles du droit des contrats », D. 2016, n° 30, études et commentaires, p. 1762 ; v. aussi, du même auteur, « L’étrange rétroactivité de la survie de la loi ancienne. À propos de la loi de ratification de la réforme du droit des contrats », JCP 2018, doctr. 964, spéc. n° 10.
  • 28.
    Mainguy D., « Pour l’entrée en vigueur immédiate des nouvelles règles du droit des contrats », D. 2016, n° 30, études et commentaires, p. 1763 : « bien des contrats conclus avant le 1er octobre 2016 verront leurs effets se poursuivre longtemps après (…). Il faudra donc aux générations actuelles et surtout futures de juristes, avocats, magistrats, intégralement formées au nouveau droit des contrats, ressortir des codes, des manuels, de 2016, pour faire (re)vivre de vieilles lunes, alors que tous les ouvrages seront à jour de la réforme de 2016 et que tous les écrits à venir ne feront que gloser sur son contenu ? (…) Quel droit faudra-t-il appliquer en 2030 à un contrat conclu avant 2016 (…) ? (…) Faut-il maintenir des cours de droit “anciens” des contrats (…) ? ».
  • 29.
    Bénabent A., « Application dans le temps de la loi de ratification de la réforme des contrats [art. 16 de la loi du 20 avril 2018] », D. 2018, p. 1024.
  • 30.
    Cass. ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20411, PB : JCP 2017, 306, note Pignarre G. ; JCP 2017, doctr. 325, obs. Serinet Y.-M. ; D. 2017, p. 793, note Fauvarque-Cosson B. ; RDC sept. 2017, n° 114j8, p. 415, note Genicon T.
  • 31.
    Cass. 1re civ., 20 sept. 2017, n° 16-12906 : D. 2017, p. 1911 ; RTD civ. 2017, p. 837, obs. Barbier H.
  • 32.
    Seube J.-B., « Les dispositions transitoires de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 », Defrénois 24 mai 2018, n° 136c8, p. 19.
  • 33.
    Cass. soc., 21 sept. 2017, nos 16-20103 et 16-20104.
  • 34.
    Loiseau G., « Contrat de travail. Le rôle matriciel du droit commun des contrats en droit du travail », JCP S 2017, 1356, n° 45.
  • 35.
    V. Loiseau G., « Contrat de travail. Le rôle matriciel du droit commun des contrats en droit du travail », JCP S 2017, 1356, n° 45 ; Adde, Mazeaud D., « Droit des obligations et application de la loi nouvelle aux contrats en cours : deux leçons de la chambre sociale », D. 2017, p. 2007.
  • 36.
    Loiseau G., « Contrat de travail. Le rôle matriciel du droit commun des contrats en droit du travail », JCP S 2017, 1356, n° 45.
  • 37.
    Cass. ch. mixte, 13 avr. 2018, nos 16-21345 et 16-21947 : D. 2018, p. 1185, note Barbier H. ; AJ Contrats 2018, p. 277, obs. Bucher C.-E. ; RTD civ. 2018, p. 388, obs. Barbier H. ; RTD com. 2018, p. 434, obs. Legeais D. ; RTD com., 2018. 450, obs. Bouloc B.
  • 38.
    Cass. ch. mixte., 17 mai 2013, nos 11-22768 et 11-22927 : Bull. civ. ch. mixte, n° 1.
  • 39.
    Cass. com., 12 juill. 2017, n° 15-27703, PB.
  • 40.
    Rapp. de la Commission des lois au Sénat des 11 octobre 2017 et 24 janvier 2018 : « certaines décisions récentes de la Cour de cassation semblent devoir faire échec à la rédaction retenue sur ce point par l’ordonnance ». Ainsi, cette jurisprudence « crée pour les parties une grande insécurité juridique et une grande imprévisibilité ». C’est pourquoi il convient « au nom de la protection constitutionnelle des contrats légalement conclus et de la loyauté dans les relations contractuelles et dans l’exécution des contrats », de prévoir expressément « que les contrats conclus avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les règles d’ordre public avec une application rétroactive de cette disposition à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance ».
  • 41.
    Bénabent A., « Application dans le temps de la loi de ratification de la réforme des contrats [art. 16 de la loi du 20 avril 2018] », D. 2018, p. 1024, n° 7.
  • 42.
    V. en ce sens Alleaume C., in La réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Douville T. (dir.), 2018, Lextenso, p. 182 ; selon cet auteur, « l’application littérale des dispositions transitoires de l’ordonnance de 2016 et de la loi de ratification de 2018 devrait conduire les juges à n’appliquer le nouveau texte qu’aux seuls contrats conclus à partir du 1er octobre 2016. Toutefois, il n’est pas exclu que cette solution conduise à des solutions incohérentes, voire inégalitaires. Par exemple, imaginons que deux sociétés aient conclu deux contrats distincts – et parfaitement indépendants l’un vis-à-vis de l’autre – à deux moments différents : le premier avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, le second après. Il n’est pas exclu qu’à l’avenir les mêmes circonstances imprévisibles au jour de la conclusion de chaque contrat bouleversent l’économie générale des deux relations contractuelles, au point que l’une des deux parties courrait à sa ruine sans adaptation des deux accords. En un tel cas, le juge serait d’ailleurs vraisemblablement saisi en même temps pour se prononcer sur les deux contrats. Or, l’application littérale de l’article 9 de l’ordonnance de 2016 permettrait d’appliquer l’article 1195 au second contrat, mais pas au premier… Le second contrat pourrait ainsi être adapté aux circonstances nouvelles, mais pas l’autre, alors qu’il n’est pas exclu que seule l’adaptation des deux contrats pourrait permettre de rééquilibrer les relations contractuelles, de sauver les accords et d’éviter la ruine de l’une des parties. C’est pourquoi, nous n’excluons pas qu’en de tels cas les juges procèdent à une évaluation des avantages et des inconvénients selon qu’il serait fait application, ou non, du principe de la survie de la loi ancienne ; afin, au cas par cas, s’il existait une disproportion manifeste entre ces avantages et ces inconvénients, de pouvoir faire jouer les nouvelles règles de l’imprévision contractuelle à un contrat en dépit de sa date de conclusion ».
  • 43.
    Bénabent A., « Application dans le temps de la loi de ratification de la réforme des contrats [art. 16 de la loi du 20 avril 2018] », D. 2018, p. 1024.
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