Caractérisation de la prise en charge du bénéficiaire de l’aide sociale par son héritier excluant l’action en récupération du département sur sa part de succession

Publié le 13/04/2023
Illustration d'un couple âgé devant une maisondevant
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La charge effective et constante du bénéficiaire de l’aide sociale handicapé placé en foyer d’accueil médicalisé s’entend d’un engagement régulier et personnel de l’héritier, tant d’ordre matériel qu’affectif et moral, et exclut l’action en récupération des sommes versées par le département sur sa part dans la succession du bénéficiaire.

Cass. 2e civ., 26 janv. 2023, no 21-18653

Le recours en récupération du département sur la succession de la personne bénéficiaire d’une aide sociale peut être tenu en échec par l’engagement caractérisé de son héritier qui a assumé sa prise en charge. L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 26 janvier 2023 y apporte d’intéressantes précisions concernant le rôle de la sœur d’une bénéficiaire handicapée.

Hébergée dans un foyer d’accueil médicalisé pendant les années précédant son décès, survenu le 22 septembre 2014, une personne handicapée avait bénéficié d’une aide sociale départementale pour ses frais de séjour et d’hébergement. Le 19 mai 2017, le président du conseil départemental avait notifié à sa sœur, en sa qualité d’héritière, sa décision de récupérer ces sommes, ce que cette dernière contesta en vain devant la juridiction d’aide sociale alors compétente. En partie déboutée par la commission de recours amiable, elle interjeta appel mais n’obtint que partiellement gain de cause le 16 février 2021 devant la cour d’appel d’Amiens, qui maintint la récupération sur la succession d’une somme réduite tenant compte de l’évaluation du soutien qu’elle avait apporté à sa sœur handicapée pendant 25 ans. L’héritière forma alors un pourvoi en cassation considérant que le fait qu’elle ait assumé sa prise en charge effective et constante excluait toute récupération sur sa part de succession.

Le problème posé concerne l’action en récupération sur la succession d’une personne handicapée accueillie en établissement socio-médicalisé des frais d’hébergement et d’entretien versés au titre de l’aide sociale par le département ; il interroge plus particulièrement sur les caractères et l’incidence de l’engagement de l’héritier ayant assumé la charge du bénéficiaire. La Cour de cassation répond au visa des articles L. 132-8 et L. 344-5, 2°, du Code de l’action sociale et des familles, cassant l’arrêt de la cour d’appel, au motif que, l’héritière ayant établi qu’elle avait assumé de façon effective et constante la charge de la bénéficiaire de l’aide sociale, le département ne pouvait pas exercer à son encontre l’action en récupération des sommes versées sur sa part de succession. La première de ces dispositions prévoit que le département qui a engagé des dépenses d’aide sociale au titre des frais d’hébergement et d’entretien d’une personne handicapée dans un établissement ou service médico-social dispose d’un recours en recouvrement contre la succession du bénéficiaire. Cette action se justifie par le principe de subsidiarité de l’aide sociale. Cependant, la seconde disposition visée l’exclut lorsque l’héritier du bénéficiaire est la personne qui a assumé de façon effective et constante sa charge.

Le contentieux relatif à la récupération des aides sociales sur la succession du bénéficiaire est assez important en raison des sommes conséquentes qui peuvent être réclamées à son décès. Il relève depuis le 1er janvier 20191 de la compétence des juges judiciaires2. L’affaire portait en l’espèce sur la détermination de l’engagement de l’héritière et sur ses conséquences sur l’exercice de l’action en récupération par le département. L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 26 janvier 2023 présente l’intérêt d’apporter des précisions sur les caractères de la prise en charge exigée et sur son incidence sur le recours du département. Il permet de rappeler la nature en principe récupérable des frais d’hébergement et d’entretien sur la succession de la personne handicapée (I) et de pointer l’incidence déterminante de la prise en charge caractérisée du bénéficiaire par son héritier sur l’action du département (II).

I – Nature en principe récupérable des frais d’hébergement et d’entretien de la personne handicapée sur sa succession

L’arrêt montre que le département avait en l’espèce pris en charge les frais d’entretien et d’hébergement en foyer d’accueil médicalisé d’une personne handicapée (A), ce qui lui permettait en principe d’agir en récupération sur sa succession, à condition toutefois qu’il ne se heurte pas à une exclusion légale (B).

A – Prise en charge par le département de frais d’entretien et d’hébergement en foyer d’accueil médicalisé de la personne handicapée

Le recours en récupération sur la succession du bénéficiaire suppose au préalable qu’il ait bénéficié d’une aide sociale versée par le département, dont ce dernier doit prouver l’existence et le montant. En l’espèce, il n’était pas contesté que le département du Nord avait engagé des frais de séjour et d’hébergement de la personne handicapée hébergée dans un foyer d’accueil médicalisé du 1er juillet 2009 au 22 septembre 2014.

Les frais d’hébergement et d’entretien d’une personne handicapée sont expressément visés par l’article L. 344-5 du Code de l’action sociale et des familles, qui renvoie pour la nature du lieu d’accueil de la personne bénéficiaire aux établissements mentionnés à l’article L. 312-1, I, 7° du même code. Cette disposition vise les établissements et services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert. Ces frais sont toutefois à titre principal à la charge des personnes accueillies dans ces structures, sous réserve de leur conserver un minimum, variable selon qu’elles travaillent ou pas, fixé par décret et par référence à l’allocation aux handicapés adultes. Seul le surplus éventuel est pris en charge par l’aide sociale, ce qui avait été le cas en l’espèce par le département du Nord. Il n’est pas précisé si l’aide a été versée directement à la bénéficiaire ou à l’établissement l’accueillant, mais cette modalité importe peu, la Cour de cassation considérant que le principe général du versement direct au bénéficiaire de l’aide sociale, posé par l’article R. 131-5 du Code de l’action sociale et des familles, n’interdit pas au département de choisir d’autres modalités justifiées par l’intérêt de la personne3.

Au décès du bénéficiaire, c’est le président du conseil départemental qui fixe le montant des sommes à récupérer, dans la limite toutefois du montant des prestations allouées ; il peut même décider de reporter la récupération en tout ou partie4. En l’espèce, le président du conseil départemental du Nord avait fixé le montant à 270 654,47 €. Cependant, s’il ne faisait aucun doute que les conditions relatives à l’aide sociale dont avait bénéficié la personne handicapée décédée étaient réunies, encore fallait-il que le département ne se heurte pas à une exclusion pour pouvoir exercer effectivement son recours contre la succession de la bénéficiaire.

B – Existence de restrictions à la récupération des sommes versées au titre de l’aide sociale sur la succession de la personne handicapée

Le recours en récupération sur la succession du bénéficiaire suppose qu’il ait bénéficié d’une aide sociale récupérable, ce qui est devenue plutôt rare5, et exige que la récupération soit prévue par la loi pour les prestations légales ou par un règlement départemental pour les prestations extralégales6. L’existence d’un tel recours se justifie par la subsidiarité de l’aide sociale7, qui explique que la prise en charge publique corresponde à une simple avance de la collectivité, qui peut ensuite en obtenir le reversement. Le principe est posé à l’article L. 132-8, 1°, du Code de l’action sociale et des familles, qui l’admet de manière générale contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, sa succession, le donataire dont la donation est postérieure à la demande d’aide sociale ou a eu lieu dans les 10 ans qui ont précédé cette demande, un légataire ou, à titre subsidiaire, le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie8. La récupération sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale est par conséquent expressément prévue par ce texte, mais ce recours n’est pas automatique ; le président du conseil départemental décide souverainement de sa mise en œuvre9, ce qui en l’espèce résultait de la décision du président du conseil départemental du Nord notifiée à la sœur de la personne handicapée en sa qualité d’héritière. C’est sur ce fondement que la cour d’appel admit que le département avait effectivement qualité et intérêt pour agir en récupération. C’est aussi ce que reconnaît sur le principe la Cour de cassation qui, après avoir visé l’article L. 132-8, rappelle dans un premier temps l’existence du recours en recouvrement sur l’actif de la succession du bénéficiaire pour les dépenses d’aide sociale engagées par le département au titre des frais d’hébergement et d’entretien d’une personne handicapée accueillie dans un foyer d’accueil médicalisé. Aucun seuil de dépenses en deçà ou au-delà duquel il n’est pas procédé à la récupération n’étant posé par la loi pour ces frais, le département aurait ainsi pu récupérer l’intégralité des sommes versées au titre de l’aide sociale, dans la limite toutefois de l’actif net successoral10. La décision commentée ne donne aucune précision sur les éléments de l’actif et du passif successoral laissés par la bénéficiaire à son décès, mais dans l’absolu, les sommes récupérables pouvaient intégralement absorber l’actif net successoral.

Cependant, la Cour de cassation vise également l’article L344-5, 2°, du Code de l’action sociale et des familles, qui réduit considérablement le domaine de la récupération des frais d’hébergement et d’entretien d’une personne handicapée accueillie dans l’un des établissements ou services sociaux ou médico-sociaux visés par l’article L. 312-1 du même code. Plusieurs exemptions y sont ainsi posées en raison du principe de primauté de la solidarité publique sur la solidarité familiale initié par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées11. Il convient par conséquent de vérifier l’existence d’un éventuel cas d’exclusion avant d’admettre le recours du département. Ainsi, par dérogation à la règle de recouvrement des prestations d’aide sociale posée à l’article L. 132-8, le recours en récupération ne peut pas être exercé contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, un donataire, un légataire, le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, ni contre sa succession lorsque ses héritiers sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé de façon effective et constante sa charge. C’est précisément cette dernière qualité qui est en l’espèce revendiquée par la sœur de la bénéficiaire de l’aide sociale.

Les collatéraux privilégiés ne sont pas expressément visés en tant que tels par l’article L. 344-5, 2°, qui ne se réfère qu’aux membres de la parenté les plus proches en ligne directe, enfants12 et père ou mère du bénéficiaire de l’aide sociale. Cette distinction opérée entre les héritiers a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité en 2016, qui a considéré qu’elle repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l’objet de la loi et ne méconnaît donc pas le principe d’égalité devant la loi13. Elle s’explique par le fait que les enfants et les parents sont tenus de l’obligation alimentaire en ligne directe14, qui fait présumer leur prise en charge du créancier alimentaire, au moins matérielle, alors qu’il n’existe pas d’obligation alimentaire légale en ligne collatérale. Cependant, les collatéraux, en particulier les frères et sœurs du défunt, peuvent établir qu’ils ont bien assumé de façon effective et constante sa charge. Ainsi, si le comportement des héritiers est indifférent s’agissant des enfants, des père et mère ou du conjoint, il s’avère déterminant pour toute autre personne, qu’il s’agisse d’un tiers, du concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité du défunt, ou d’un membre de sa famille non exempté de plein droit par la loi. En l’espèce, la sœur de la bénéficiaire de l’aide sociale souhaitait établir qu’elle avait assumé sa charge effective et constante pour contester l’action du département à son encontre. Cependant, l’incidence de cette prise en charge oppose les juges du fond et la Cour de cassation.

II – Incidence déterminante de la prise en charge caractérisée du bénéficiaire de l’aide sociale par son héritière sur l’action en récupération du département

Il résulte de l’arrêt commenté que l’établissement de la prise en charge caractérisée de la bénéficiaire de l’aide sociale par son héritière (A) s’oppose à l’action en récupération du département sur la part de succession de cette dernière (B).

A – Établissement d’une prise en charge effective et constante de la personne handicapée par son héritière

L’article L. 344-5, 2°, du Code de l’action sociale et des familles exige que l’héritier ait assumé de façon effective et constance la prise en charge du bénéficiaire de l’aide sociale mais ne donne pas de définition précise de cette notion, ce qui est source d’incertitude15. Le Conseil d’État s’est parfois montré assez souple sur sa caractérisation, considérant qu’il n’est pas nécessaire qu’elle soit matérielle mais qu’elle peut être simplement morale et affective, et n’exigeant pas qu’elle soit exclusive et permanente dès lors qu’elle présente une certaine régularité, notamment aux moments importants de la vie du bénéficiaire16. Néanmoins, le simple fait d’avoir entouré la personne handicapée n’a pas été jugé suffisant17.

L’arrêt commenté présente l’intérêt de donner la position de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation sur cette notion. Elle y pose des critères assez stricts, affirmant que la charge effective et constante s’entend d’un engagement régulier et personnel de l’héritier auprès de la personne handicapée, tant d’ordre matériel qu’affectif et moral. La Cour de cassation exige par conséquent de la part de l’héritier un soutien d’une certaine ampleur. Il doit être d’une part régulier, ce qui implique une assiduité et exclut les interventions ponctuelles, et d’autre part personnel, ce qui suppose que l’héritier se soit occupé lui-même de la personne handicapée. Quant à sa nature, la Cour de cassation exige un engagement matériel, moral et affectif, ce qui implique un soutien d’ordre patrimonial et extrapatrimonial de la personne handicapée. Ce sont par conséquent la fréquence et l’intensité de l’engagement qui sont déterminants18. Ces critères exigeants permettent de distinguer la prise en charge visée par l’article L. 344-5, 2° de la simple aide familiale naturelle qui peut être ponctuellement apportée à un proche. Il est ainsi certain que la notion de prise en charge effective et constante nécessite une intervention continue auprès de la personne dépassant les preuves d’affectation naturelle et les simples marques d’affection.

En l’espèce, il était établi que l’héritière avait été présente de façon régulière pour soutenir affectivement et sur le plan pratique la bénéficiaire. Elle avait produit en ce sens des attestations de membres de sa famille, de collègues de travail et de personnels de l’établissement d’accueil de la bénéficiaire établissant qu’elle s’était beaucoup occupée de sa sœur pendant les 25 années ayant suivi l’accident à l’origine de son handicap. Cependant, en considérant que l’assistance dont elle avait fait preuve relevait de l’attachement familial et de la loyauté entre membres d’une même famille, la cour d’appel sembla estimer qu’une partie de la prise en charge effectuée correspondait à son obligation naturelle d’entraide au sein de la fratrie et ne pouvait être retenue au soutien des prétentions de l’appelante. Cette considération n’est cependant pas envisagée par la loi, qui ne distingue pas selon le fondement de la prise en charge par l’héritier et ne pose pas de seuil à partir duquel elle peut être retenue. Seules son effectivité et sa constance sont exigées, ce qui semble avoir été établi par l’héritière ; dès lors, le raisonnement des juges du fond ne pouvait prospérer devant la Cour de cassation.

B – Exclusion totale du recours en récupération du département sur la part de succession de l’héritière

La cour d’appel avait reconnu que l’héritière avait assumé une prise en charge de sa sœur handicapée mais n’en avait pas déduit l’exclusion de toute récupération par le département sur la succession ; elle en avait seulement limité le montant, reprenant l’évaluation faite par la commission de recours amiable qui avait estimé à 90 000 € la valeur de sa prise en charge constante et effective, pour la déduire de la somme réclamée par le département. Ce raisonnement permettait de maintenir le recouvrement mais de le réduire à 180 654,47 €, aboutissant à une solution de compromis entre les intérêts respectifs de l’héritière et du département. Cassant cette décision, la Cour de cassation considère au contraire qu’à partir du moment où la cour d’appel avait constaté une prise en charge effective et constante de la bénéficiaire par son héritière au sens de l’article L. 344-5, 2°, elle ne pouvait admettre l’action du département à son encontre. La référence à la part de succession de l’héritière peut surprendre car l’article L. 132-8 envisage à la lettre une récupération contre la succession, non contre les héritiers. Ainsi, d’un point de vue civil, dans la liquidation successorale, les sommes récupérables constituent des charges de la succession19, dont les héritiers ne sont pas tenus sur leurs biens personnels même s’ils l’acceptent purement et simplement20. La récupération doit par conséquent en principe s’exécuter sur l’actif net successoral21. Toutefois, cette référence peut résulter de l’absence d’autres héritiers laissés par la défunte, ce qui semble plausible compte tenu du fait que la successibilité de la sœur dans la dévolution de la succession légale suppose qu’il n’y ait ni descendant ni conjoint survivant laissés par le défunt22. L’arrêt indique toutefois que d’autres proches parents de la bénéficiaire avaient également assumé sa prise en charge mais ne mentionne pas leur qualité d’héritier, peut-être en raison de leur prédécès ou de leur renonciation à la succession. Il se peut aussi que les autres héritiers ne remplissent pas les conditions d’une exemption de récupération23, la référence à la part successorale de la sœur marquant alors la volonté d’individualiser son incidence. Elle peut aussi découler du fait que le règlement de la succession ait eu lieu avant l’action en recouvrement, expliquant que le département poursuive le paiement de sa créance sur la part de succession reçue par la sœur, seule héritière ou seule héritière non exemptée de plein droit si elle venait en concours à la succession avec les père et/ou mère du défunt24.

Dans tous les cas, la solution retenue par la Cour de cassation est en pratique importante car elle interdit aux juges du fond de moduler la récupération de l’aide sociale sur la succession du bénéficiaire en fonction d’une appréciation subjective de la situation. De ce point de vue, elle s’éloigne de la jurisprudence constante du Conseil d’État, qui admettait qu’une juridiction de l’aide sociale, compétente avant la réforme opérée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, puisse se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision et pouvait à ce titre aménager les modalités de la récupération sur succession, notamment en réduisant le montant ou reportant les effets25. La Cour de cassation refuse ici aux juges judiciaires ce pouvoir modérateur sur la fixation du montant à récupérer.

L’affaire et les parties sont renvoyées devant la même cour d’appel autrement composée, mais cette dernière n’aura guère de latitude et devra, soit revenir sur la caractérisation de la prise en charge effectuée par la sœur pour mettre en évidence son absence de constance et d’effectivité au vu des critères précisés par la Cour de cassation afin de pouvoir admettre la récupération sur sa part de succession, soit l’en exempter totalement. Dans ce dernier cas, le département supportera définitivement le coût total de l’aide sociale, ce que précisément la cour d’appel tentait d’éviter en retenant que l’assistance relevant de l’attachement familial et de la loyauté entre membres d’une même famille ne pouvait avoir pour conséquence de faire échec à l’action en récupération. La précision donnée sur le fait que son financement est assuré par les impôts versés par la collectivité nationale semblait en outre vouloir insister sur la charge globalement supportée par la solidarité publique par opposition à la solidarité familiale. La position de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt du 26 janvier 2023 revient au contraire à faire abstraction de la solidarité familiale et à laisser le coût de l’aide sociale peser entièrement sur la collectivité. La solution est conforme à la lettre de l’article L. 344-5, 2°, du Code de l’action sociale et des familles mais peut en pratique considérablement affaiblir le principe du recours du département contre la succession du bénéficiaire. Elle va cependant dans le sens de la politique sociale favorable à la personne handicapée en étendant le bénéfice de la solidarité de la collectivité aux proches qui l’ont significativement entourée.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, de modernisation de la justice du XXIe, art. 12.
  • 2.
    CASF, art. L134-3 ; COJ, art. L211-16.
  • 3.
    Cass. 2e civ., 7 juill. 2022, n° 21-13527 : AJ fam. 2022, p. 448, obs. F. Maisonnasse ; RDSS 2022, p. 178, obs. X. Prétot ; RDSS 2022, p. 969, obs. A. Niémiec.
  • 4.
    CASF, art. R 132-11.
  • 5.
    V. not. R. Fontaine, « La variété des applications du principe de subsidiarité », RDSS 2021, p. 310 ; N. Couzigou-Suhas, « Aides sociales et récupération sur succession : un casse-tête institutionnel », AJ fam. 2019, p. 634.
  • 6.
    Dans ce dernier cas, la récupération doit être prévue dans les dispositions réglementaires régissant les prestations au moment de leur versement et respecter ensuite les dispositions applicables à la récupération sur succession à la date du décès du bénéficiaire : CE, 5 févr. 2020, n° 422833 : Dalloz actualité, 17 févr. 2020, note E. Benoit ; AJ fam. 2020, p. 194, obs. M. Illy ; GPL 28 juill. 2020, n° GPL383k3, note C. Rieubernet.
  • 7.
    V. not. M. Borgetto et D. Cristol, JCl. Collectivités territoriales, fasc. 406 : aide sociale, n° 60.
  • 8.
    À concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de 70 ans.
  • 9.
    CASF, art. R 132-11.
  • 10.
    V. not. CE, 5 nov. 2004, n° 263314 – CE, 15 oct. 1999, n° 184553 : RDSS 2000, p. 140, obs. P. Ligneau.
  • 11.
    Adde. not. L. n° 2002-303, 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; L. n° 2015-1776, 28 déc. 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
  • 12.
    Extension aux petits-enfants venant à la succession par représentation de l’enfant prédécédé : CE, 9 déc. 1998, n° 182636.
  • 13.
    Cons. const., QPC, 21 oct. 2016, n° 2016-592 : LPA 17 janv. 2017, n° LPA123d1, note A. Niemiec.
  • 14.
    C. civ., art. 205 et C. civ., art. 207.
  • 15.
    V. not. J. Combret, « Les aides sociales : quels recours ou récupération ? », DEF 4 juill. 2019, n° DEF149w2.
  • 16.
    CE, 29 mars 1991, n° 81439 : JCP N 1991, 101364, note V. Gernez-Ryssen.
  • 17.
    CE, 5 févr. 2020, n° 422833.
  • 18.
    V. not. C. Hélaine, « Précisions sur l’action en recouvrement du département contre la succession », Dalloz actualité, 2 févr. 2023.
  • 19.
    V. not. C. Bahurel, « La récupération des aides sociales sur la succession », DEF 21 juin 2018, n° DEF137c4 ; F. Fruleux et S. Le Chuiton, « Recours en récupération d’aides sociales : analyse fiscale et civile », JCP N 2016, 1320.
  • 20.
    V. not. C. Brenner, JCl. Civil Code, Art. 870-877, fasc. 20 : successions, n° 51.
  • 21.
    V. not. CE, 5 nov. 2004, n° 263314 – CE, 15 oct. 1999, n° 184553.
  • 22.
    C. civ., art. 734 et C. civ., art. 757-2.
  • 23.
    Chacun y contribue alors proportionnellement à ses droits dans la succession : v. not. B. Beignier et S. Plé, « Les aides sociales et leur récupération sur la succession. Méthodes à suivre, conseils à donner », Dr. famille 2006, étude 21.
  • 24.
    C. civ., art. 738.
  • 25.
    V. not. CE, 15 avr. 2015, n° 365655 – CE, 31 mai 2002, n° 228997 – CE, 25 avr. 2001, n° 214252 : AJDA 2001, p. 449, chron. M. Guyomar et P. Collin ; RDSS 2001, p. 547, obs. P. Ligneau ; RDSS 2001, p. 620, concl. S. Boissard – CE, 17 mai 1999, n° 188870 – CE, 25 nov. 1988, n° 181242.
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