Chronique de droit de la tutelle, de la curatelle et de la protection judiciaire (janvier 2021 – mai 2021)

Publié le 11/10/2021
Chronique
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Cette chronique est consacrée à l’analyse et l’étude des principaux arrêts rendus par la Cour de cassation, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel portant sur des problématiques relatives à la tutelle, à la curatelle et à la sauvegarde de justice d’une part, et d’autre part, expose la législation applicable de janvier 2021 à mai 2021. La chronique s’articule en deux parties : la législation (I) et la jurisprudence (II).

I – La législation

D. n° 2021-279, 13 mars 20211, portant diverses dispositions relatives à la carte nationale d’identité et au traitement de données à caractère personnel dénommé « Titres électroniques sécurisés ». L’article 6 de ce texte de loi précise les modalités de remise de la pièce d’identité. Sa remise est faite au tuteur en présence du majeur placé en tutelle sauf s’il a présenté seul la demande de sa pièce d’identité.

D. n° 2021-391, 2 avr. 20212, relatif au certificat médical joint à une demande déposée auprès d’une maison départementale des personnes handicapées (MDPH). L’article 1er de ce texte de loi modifie l’article R. 146-26 du Code de l’action sociale et des familles en portant de 6 mois à 1 an la durée de la validité du certificat joint au dossier d’une personne handicapée relatif à la demande des droits/prestations auprès de la MDPH.

D. n° 2021-537, 30 avr. 20213, relatif à la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d’isolement et de contention mis en œuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement. Ce texte de loi fixe les obligations pesant sur les établissements de santé et prévoit la procédure applicable devant le juge de la liberté et de la détention en matière d’isolement et de contention mis en œuvre en cas d’admission de soins psychiatriques sans consentement.

D. n° 2021-684, 28 mai 2021, relatif au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique (Journal officiel de la République française n° 0124 du 30/05/2021 ; texte n° 30). Ce texte, qui a été pris en application de l’ordonnance du 11 mars 2020, modifie quelques termes applicables en matière de gestion de mesure de protection.

II – La jurisprudence

Le pouvoir pour le tuteur de procéder seul au placement de fonds sur un compte ne peut être étendu au versement libre de nouvelles primes sur un contrat d’assurance sur la vie existant (Cass. 1re civ., 18 déc. 2020, n° 20-70003). La protection du patrimoine du majeur protégé suppose que l’encadrement des actes pris pour son compte se densifie à mesure que s’accentue la gravité de l’acte pour le patrimoine. La tendance législative est à la simplification de cet encadrement4, par à-coups successifs plutôt que dans le cadre d’une réforme en profondeur. Ce mouvement n’est sans doute pas étranger à la volonté d’alléger la charge des juges des contentieux de la protection, dont l’ampleur, en pratique, menace l’effectivité du contrôle qu’ils sont censés assurer, et cela sans engager d’effectif supplémentaire. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a poursuivi ce mouvement en ajoutant à l’article 501 du Code civil que « le tuteur peut toutefois, sans autorisation, placer des fonds sur un compte ». Saisie d’une demande d’avis, la Cour de cassation était interrogée sur la question de savoir si, sur le fondement de cette nouveauté de la loi de 2019, le tuteur disposait du pouvoir de verser librement des nouvelles primes sur un contrat d’assurance sur la vie existant. La Cour de cassation a répondu par la négative, en rappelant que, pour ce faire, « le tuteur doit solliciter l’autorisation du conseil de famille, ou à défaut, du juge des contentieux de la protection ».

Le premier argument utilisé par la Cour pour aboutir à cette solution, qui relève d’une interprétation littérale de l’article 501 du Code civil, se suffisait à lui-même : la Cour de cassation affirme que « le contrat d’assurance sur la vie n’est pas un compte ». Dans la conception classique développée par la Cour de cassation, le contrat d’assurance sur la vie conserve une nature aléatoire5, laquelle ne se marie guère, a priori, avec la sécurité garantie par un contrat de dépôt. Néanmoins, la Cour de cassation ne s’est pas contentée de cet argument, comme si la distinction qu’elle établit entre les contrats d’assurance sur la vie et ceux de capitalisation, qu’elle sait critiquée6, n’était pas suffisante. En effet, pour étayer sa solution, elle s’appuie sur d’autres arguments, mis sur le même plan que le premier.

En deuxième lieu, la Cour de cassation rappelle que le contrat d’assurance sur la vie peut présenter « des risques financiers, notamment lorsqu’il est libellé en unités de compte »7. Cet argument doit être approuvé sans réserve, alors qu’il se rapporte à l’esprit général de la législation en la matière : l’acte grave pour le patrimoine, parce qu’il peut se traduire par des pertes importantes, doit bénéficier d’un encadrement strict, et échappe au pouvoir du seul tuteur. Ce risque n’existe pas pour le dépôt des sommes sur un compte bancaire8, celui-ci assurant même une rémunération en intérêts pour la personne protégée, de sorte qu’il est légitime d’autoriser le tuteur à réaliser l’acte seul. Le contrôle a posteriori pourra alors s’appliquer, avant que la situation soit devenue irrémédiable.

En troisième lieu, la Cour de cassation s’appuie sur un argument de même nature que le précédent, quoique mâtiné d’opportunité du fait que le cas qu’elle évoque n’est sans doute pas très répandu9. La Cour de cassation justifie sa solution par la volonté de prévenir la situation dans laquelle le tuteur, par la clause bénéficiaire, notamment si elle le désignait lui, pourrait se trouver dans une situation de conflit d’intérêts. Cet argument est sans doute le moins convaincant, alors que dans un tel cas, la loi prévoit déjà un mécanisme de protection, lié à l’intervention d’un tuteur ad hoc, qui interdit en toute hypothèse au tuteur de procéder seul à ces versements10.

En quatrième lieu, la Cour de cassation s’en tient à un argument de légistique, en rappelant que le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 n’a pas été amendé depuis la modification de l’article 501 du Code civil et que celui-ci classe le versement de nouvelles primes sur un contrat d’assurance sur la vie parmi les actes de disposition. La Cour de cassation semble supposer que si l’intention du législateur avait été en 2019 d’autoriser, par la modification de l’article 501 du Code civil, que le tuteur puisse seul verser des primes nouvelles sur un contrat existant, le décret aurait été aussi modifié pour disqualifier cet acte de la catégorie des actes de disposition. Si la baisse de qualité des normes modernes relativise tout argument partant du postulat qu’elles demeureraient toujours cohérentes, il est vrai que les travaux parlementaires, qui évoquent simplement le placement de fonds sur des « comptes d’épargne »11 confortent la solution de la Cour de cassation.

Finalement, la solution de la Cour de cassation ne peut que recevoir l’adhésion, alors qu’elle se trouve justifiée à la fois par l’interprétation littérale, celle téléologique, la légistique et les travaux parlementaires. Elle a aussi le mérite de rappeler que la simplification ne peut pas être sans limite et la seule solution à la surcharge de travail des juges, à moins de renoncer, en partie, à la protection des personnes vulnérables.

Laurent MORTET

Décision du juge des tutelles, ex-concubin d’un majeur protégé et qualité pour interjeter appel (Cass. 1re civ., 27 janv. 2021, n° 19-22508). La restriction des personnes ayant qualité pour interjeter appel des décisions des juges des tutelles se montre délicate face à l’application du droit pour chacun de bénéficier d’un procès équitable au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La Cour de cassation a été amenée à se positionner sur cette problématique dans un arrêt en date du 27 janvier 2021. Dans cette affaire, un concubin avait souscrit une assurance sur la vie mentionnant comme bénéficiaire sa concubine et à défaut ses héritiers le 23 août 2010. En raison de l’altération de ses facultés, ce dernier a été placé le 30 juin 2015 par jugement sous mesure de protection judiciaire12. Le juge a désigné le fils comme tuteur du majeur protégé. Dans le cadre de ses missions, le tuteur a formulé une demande au juge d’autorisation de changement de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie de son père au profit uniquement de ses deux enfants (dont le tuteur). Sa requête fut acceptée par ordonnance le 25 avril 2016. Notons que depuis l’ouverture de la mesure de protection, la concubine anciennement désignée comme étant bénéficiaire de ce contrat avait rompu tout lien avec le majeur protégé. Au cours de cette même année, le décès du majeur protégé est survenu et l’ex-concubine, ancienne bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie s’est manifestée auprès du juge des tutelles en formulant une tierce opposition à l’ordonnance du 25 avril 2016. Le juge des tutelles déclare la demande irrecevable et considère que l’ex-concubine n’a pas qualité à agir. Cette dernière estimant que cette décision porte atteinte à ses intérêts interjette appel. La cour d’appel de Lyon rappelle à l’appelante son défaut de qualité à agir et retient sa demande en estimant que cette personne est privée du droit à l’appel et sans rapport raisonnable avec le but visé d’une décision portant atteinte de manière grave à ses intérêts. L’ancien tuteur et bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie du défunt se pourvoit en cassation. Notons qu’il pourrait exister un conflit d’intérêts. La Cour de cassation casse et annule de manière partielle l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, sans renvoi et en effectuant elle-même un contrôle de conventionalité. Dans le cas d’espèce, la haute juridiction note que l’article 1239 du Code de procédure civile13 et l’article 430 du Code civil14 sont conformes à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Ainsi, la restriction du droit à l’appel des décisions du juge des tutelles est proportionnée et se justifie par le but légitime poursuivi de protéger les intérêts du majeur protégé et de l’efficacité des mesures de protection judiciaire. L’appel de ces décisions est ouvert de manière strictement limitée aux personnes15 entretenant des liens étroits et stables avec le majeur protégé même si ces personnes ne sont pas intervenues à l’instance. En l’espèce, l’ex-concubine n’entretenait plus de liens étroits et stables au sens de la loi et ce, depuis 18 mois. La cour d’appel a justement considéré que le concubinage avait de fait pris fin. La qualité à agir de l’ex-concubine en contestation de la décision émanant du juge des tutelles n’était plus ouverte en raison de son caractère tardif. Cette décision donnera certainement suite à davantage d’interprétations voire à un contrôle de conventionalité au sens de l’article 55 de notre Constitution.

Anissa FILALI

Conditions de validité en France d’un mandat de protection future établie à l’étranger (Cass. 1re civ., 27 janv. 2021, n° 19-15059). La mobilité des personnes sur le plan international pose inéluctablement la question du droit applicable aux divers actes qu’elles posent dans leur vie. C’est la question notamment du droit applicable à un mandat pour cause d’inaptitude soumis à plusieurs ordres juridiques et porté devant un juge national16. En effet, en présence d’un litige empreint d’un élément d’extranéité, l’opération du juge du for est à la fois de déterminer sa compétence et le droit applicable. Telle est la problématique posée devant la Cour de cassation. En l’espèce, une femme de nationalité suisse avait signé en décembre 2012 en Suisse, où elle résidait habituellement, un acte unilatéral par lequel elle conférait des pouvoirs de représentation à un mandataire pour que celui-ci les exerce lorsqu’elle sera hors d’état de pourvoir à ses intérêts. Ce mandat pour cause d’inaptitude, ainsi rédigé conformément à la loi suisse, désignait comme mandataire son fils ainsi qu’un suppléant. Plus tard, cette dernière établit sa résidence habituelle en France et son fils, mandataire désigné, sollicite et obtient du tribunal dans le ressort duquel le mandant avait établi sa résidence17 le visa qui conditionne la prise d’effet du mandat. Le second fils de la mandante saisit le juge des tutelles de Bayonne d’une contestation de la mise en œuvre du mandat de protection future. À la suite de l’appel formé de la décision l’ayant évincé de sa contestation, la cour d’appel prononce la nullité de l’ordonnance rendue le 12 janvier 2018 par le juge des tutelles du tribunal d’instance de Bayonne, motifs pris de ce que ce mandat ne comportait formellement aucune modalité de contrôle du mandataire, la seule référence de l’acte aux dispositions des articles 360 et suivants du Code civil suisse ne pouvant pallier cette carence. Saisie d’un pourvoi formé par le mandataire, la Cour de cassation, au visa des articles 15 et 16 de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes18 et des articles 1258, 1258-2 et 1258-3 du Code de procédure civile, censure le raisonnement de la cour d’appel en établissant une distinction entre la validité du mandat de protection future et les modalités de sa mise en œuvre19.

Établir un mandat pour cause d’inaptitude relève de la volonté du mandant. Cette volonté s’exprime par la détermination de la personne chargée d’exercer ledit mandat20, mais également par la détermination du droit applicable notamment pour ce qui est d’un mandat pour cause d’inaptitude lorsqu’il fait intervenir un élément d’extranéité. En ce qui concerne le droit applicable, le majeur exprime sa volonté en désignant expressis verbis une loi devant régir l’acte qui consacre le mandat. Il peut s’agir, suivant l’alinéa 2 de l’article 15 de la convention de La Haye du 13 janvier 2000, de la loi de l’État dont l’adulte possède la nationalité, de la loi de l’État d’une résidence habituelle précédente de l’adulte, de la loi d’un État de situation des biens en ce qui concerne les biens. L’absence de désignation de l’une de ces lois participe tout autant de la volonté de l’adulte ; celle de laisser s’appliquer la règle de droit prévue par la convention. Ainsi, pour déterminer le droit applicable, le juge se réfère à la règle de conflit qu’offre l’article 15 de la convention de La Haye. Il résulte de l’alinéa 1er de cet article que le mandat de protection future est régi par la loi de l’État de la résidence habituelle de l’adulte au moment de la signature de l’acte. Le lieu et le jour de la rédaction de l’acte sont pris en compte. La fixité du facteur de rattachement ainsi proposé permet d’exclure le conflit mobile21 dont la validité de l’acte dépendrait des choix liés à la nationalité, à la résidence ou à un lieu de situation de biens.

Le facteur de rattachement de référence permet au juge de retenir comme droit applicable à la validité du mandat pour cause d’inaptitude le droit suisse dont le Code civil en ses articles 360 et suivants. Dans les faits, les règles de validité selon l’article 360 du code s’entendent des données personnelles du mandat, de l’énumération des tâches confiées au mandataire, des données personnelles le concernant et le cas échéant d’un suppléant ; de la date et de la signature du mandant, et de sa forme qui doit être olographe ou authentique. Tandis que le droit français requiert les modalités d’exercice pour la validité du mandat, le Code civil suisse n’exige pas pareilles dispositions pour sa validité. Pour autant, ledit code n’est pas taisant sur le contrôle de l’activité du mandataire.

Sur un tout autre plan, déterminer des règles de validité du mandat d’inaptitude par le juge permet de rappeler les règles liées à sa mise en œuvre. En effet, la décision de la haute juridiction participe de la démarche protectrice du majeur protégé par le législateur français. En effet, les conditions de l’exercice sont une condition nécessaire pour l’apposition du visa conformément à l’article 1258-3 du Code civil français dont le premier paragraphe dispose : « Si l’ensemble des conditions requises est rempli, le greffier, après avoir paraphé chaque page du mandat, mentionne, en fin d’acte, que celui-ci prend effet à compter de la date de sa présentation au greffe, y appose son visa et le restitue au mandataire, accompagné des pièces produites ». Ainsi, le greffier vérifie notamment si les « 2° les modalités du contrôle de l’activité du mandataire sont formellement prévues »22.

La censure opérée par la haute juridiction de la décision d’appel ne remet nullement en cause les besoins de la protection dont est soucieux le juge d’appel. En l’espèce, il s’imposait au juge d’appel de déterminer le droit applicable à la validité du mandat. Pour rappel, à titre de droit comparé, pour ce qui est des modalités de contrôle prévues par le droit suisse, le contrôle revient à l’Autorité de protection de l’adulte qui peut intervenir notamment pour gérer d’éventuels conflits d’intérêts entre le mandant et le mandataire23, pour fixer la rémunération du mandataire en cas de carence du mandat24 ou de prendre d’office des mesures nécessaires ou sur requête lorsque les intérêts du majeur risquent d’être compromis25. Il s’avère que les modalités de contrôle sont bel et bien prévues par le droit suisse, mais ne sont pas incluses dans l’acte de mandat. C’est dire que pour la mise en œuvre, le droit français trouve pleinement à s’appliquer. En cela, le juge du for a toute la compétence nécessaire pour veiller au contrôle de la mise en œuvre du mandat établi suivant la loi étrangère.

Au demeurant, l’affaire soumise à l’étude est révélatrice de la pluralité des modes d’établissement des mandats de protection future emportant par là même la pluralité de leur validité. La recherche d’une plus grande protection de la majeure protégée, la nécessité d’une harmonisation internationale ne sont pas sans intérêt.

Télesphore TEKEBENG LELE

Réquisitoire introductif, perquisition, absence d’information du curateur du majeur protégé (Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-82267). La problématique soulevée devant la chambre criminelle de la Cour de cassation le 11 mai 2021 est relative à l’information26 de la personne en charge de la mesure de protection lors de poursuites, notamment lors d’une perquisition. En l’espèce, un homme est placé sous curatelle renforcée. La curatrice désignée est sa mère. Dans le cadre d’une enquête préliminaire pour viol sur mineur de 15 ans, il est placé en garde à vue. Après avoir obtenu son consentement, les enquêteurs ont procédé en sa présence à la perquisition de son domicile. Une information judiciaire a été ouverte et la personne protégée a été mise en examen pour viol sur mineur de 15 ans, agression sexuelle sur mineur de 15 ans et pédopornographie. La chambre d’instruction est saisie par la personne protégée. Cette dernière soulève la nullité du réquisitoire introductif, de son interrogatoire de première comparution et surtout de la garde à vue, de la perquisition et des fouilles car la curatrice n’a pas été informée de ces procédures. Saisie du litige, la Cour de cassation écarte la nullité du réquisitoire introductif et de la perquisition pratiquée. Elle note substantiellement d’une part qu’« un tel réquisitoire ne pouvait être annulé que s’il ne satisfaisait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale », et d’autre part que « l’absence d’information à la curatrice, au moment de la perquisition, n’a pas porté atteinte au droit du prévenu ». Cet arrêt rejette le pourvoi formé par le majeur protégé. En d’autres termes, la Cour de cassation valide le déroulement des poursuites pénales vis-à-vis du majeur protégé. Cette position est-elle conforme aux dispositions de l’article 706-113 du Code de procédure pénale ? Pour rappel, ce texte de loi précise que « le curateur ou le tuteur d’une personne majeure protégée doit être avisé des poursuites dont elle fait l’objet ». La réponse est négative. Malgré les motivations de la Cour de cassation27, cette décision n’emporte guère notre adhésion dans la mesure où en matière de poursuites pénales, spécifiquement lors d’une perquisition, le défaut d’information de la personne en charge de la mesure de protection est de nature à fragiliser davantage la situation du vulnérable, qui du fait de l’altération de ses facultés mentales ou physiques, n’est pas apte à défendre valablement ses intérêts. D’ailleurs, au regard de la décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier 2021, cette décision est désuète. En effet, il ressort de la lecture de l’article 706-113, alinéa 1er, du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice que ses dispositions sont inconstitutionnelles en ce qu’elles privent le majeur protégé des droits de la défense et d’un procès équitable lors de la procédure de perquisition. Vivement la reforme de ce texte de loi pour une information systématique du curateur/tuteur lors des perquisitions !

Christian GAMALEU KAMENI

Consécration constitutionnelle de l’application au majeur protégé de droits de la défense renforcés lors du procès de l’aménagement des peines (Cons. const., 12 févr. 2021, n° 2020-884). La Cour de cassation28, après arrêt de transmission de la cour d’appel de Nancy29, a saisi le Conseil constitutionnel d’une question formulée ainsi : « L’article 712-6 du Code de procédure pénale, en ce qu’il ne prévoit pas d’aviser le curateur ou le tuteur de la date d’audience devant le juge de l’application des peines, en ne permettant pas au curateur ou tuteur de prendre connaissance des pièces du dossier dans les mêmes conditions que le condamné, d’être entendu et d’avoir connaissance des décisions prises par le juge de l’application des peines, méconnaît-il les droits et libertés constitutionnellement garantis et plus particulièrement l’article 16 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 178930 ? ». Dans un raisonnement désormais commun, le moyen d’inconstitutionnalité reprochait au législateur de ne pas avoir exercé sa compétence31, concernant la définition des droits de la défense32 du majeur protégé lors du procès de l’aménagement des peines. L’article 712-6 du Code de procédure pénale organise en effet le procès contradictoire de l’aménagement des peines, et, au moment de l’audience à laquelle avait comparu le demandeur, placé sous mesure de protection, aucune disposition ne prévoyait de garantie spécifique pour le majeur protégé.

Le constat d’inconstitutionnalité supposait d’abord de reconnaître l’application des droits de la défense à la matière de l’aménagement des peines. Cela n’était pas si évident. Dans un premier temps de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a ainsi établi le principe que « les décisions relatives à son application ne sont pas soumises aux règles qui régissent le prononcé des peines », dès lors qu’une mesure « qui ne concerne que l’exécution d’une peine ne peut donc être regardée comme constituant elle-même une peine »33. La jurisprudence constitutionnelle a rapidement évolué pour décider que « si le législateur choisit d’organiser à l’encontre d’une décision prise par le juge de l’application des peines une voie de recours de caractère juridictionnel, il lui incombe alors de se conformer aux règles de fonctionnement et de procédure destinées à garantir devant toute juridiction le respect des droits de la défense »34. Si l’application du procès équitable à la matière de l’aménagement des peines n’était donc pas imposée par les principes constitutionnels35, le Conseil constitutionnel reconnaissait sa compétence pour vérifier que le législateur avait correctement appliqué les principes du procès équitable, s’il en avait fait le choix. Ultérieurement, la jurisprudence constitutionnelle a semblé admettre l’application des principes constitutionnels encadrant le procès répressif au droit de l’aménagement de peine, sans formuler non plus de principe clair36 par comparaison à celui forgé en 1978 rejetant l’application du procès équitable à cette matière, et dans des cas pour lesquels le législateur avait choisi le recours à une procédure respectant le procès équitable37. S’agissant de la décision commentée, le Conseil constitutionnel paraît admettre l’application de l’article 16 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen au procès de l’aménagement des peines sans aucune restriction et sans aucune démonstration. Et la « constitutionnalisation » du droit pénal38 paraît désormais concerner également l’aménagement des peines39.

Cette décision poursuit aussi la « constitutionnalisation » du renforcement des droits de la défense au profit des majeurs protégés, et ce dans l’ensemble des étapes du processus pénal. Au stade du procès pénal, à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme40, la législation a été modifiée pour imposer la convocation à l’audience du curateur ou du tuteur, l’assistance obligatoire d’un avocat et la réalisation préalable d’une expertise médicale41. Dès l’enquête, le Conseil constitutionnel a également imposé l’avis au curateur ou au tuteur du placement en garde à vue42 ou de la réalisation d’une perquisition en enquête préliminaire43. S’agissant du procès de l’aménagement des peines, le Conseil constitutionnel note que « devant ce juge, le condamné est amené à effectuer des choix qui engagent la défense de ses intérêts, qu’il s’agisse de celui de faire appel à un avocat, de renoncer au débat contradictoire ou de présenter des observations » et que « l’intéressé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles, et ainsi opérer des choix contraires à ses intérêts ». Il en tire la conséquence que le majeur protégé doit être « assisté » au cours de cette audience, ce qui nécessite que le curateur ou le tuteur soit informé de la tenue de l’audience. Dès lors, les dispositions de l’article 712-6 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi pénitentiaire n° 2009-1436, « en ne prévoyant pas en principe une telle information (…) méconnaissent les droits de la défense ». Il ressort de cette construction jurisprudentielle que le majeur protégé est également atteint d’une sorte d’« incapacité pénale », imposant que son assistance soit renforcée au cours de la procédure pénale, au stade de l’audience, et plus généralement dès qu’il exerce un droit rattaché à ceux de la défense. Concernant l’étendue de ces droits de la défense renforcés, seule l’assistance du curateur ou du tuteur est constitutionnalisée44. Au regard de la décision, le Conseil constitutionnel n’impose pas, par exemple, l’intervention obligatoire d’un avocat. Le curateur ou le tuteur doit donc intégrer qu’au niveau pénal, son intervention s’inscrit en défense du majeur protégé, ce qui peut le placer en contradiction avec l’autorité judiciaire, avec laquelle il a par ailleurs l’habitude de collaborer.

En dehors de ces apports, la décision de censure du Conseil constitutionnel n’aura que peu d’incidence pratique. Le Conseil constitutionnel a prévu que les mesures d’aménagement de peine prises sur ce fondement ne pourraient être contestées sur le fondement de cette décision d’inconstitutionnalité. Il faut dire qu’avant même cette décision, le législateur a procédé à une modification législative du procès de l’aménagement des peines pour renforcer les droits de la défense des majeurs protégés, en créant l’article 712-16-3 du Code de procédure pénale45. Celui-ci consacre l’obligation d’informer préalablement le curateur ou le tuteur de la tenue de l’audience en aménagement de peine46, et il prévoit également l’assistance obligatoire d’un avocat pour cette audience. La loi a donc dépassé les exigences du standard constitutionnel, lesquelles paraissent finalement relativement faibles, à se contenter d’ajouter, par rapport au droit commun, l’assistance du curateur ou du tuteur, pour renforcer les droits de la défense des majeurs protégés.

Laurent MORTET

Convention d’honoraires de résultat signée par un tuteur et défaut d’autorisation du juge des tutelles (Cass. 2e civ., 6 mai 2021, n° 19-22141). La décision rendue par la Cour de cassation le 6 mai 2021 revêt une importance notable en matière tutélaire notamment en matière de gestion du patrimoine47 de la personne protégée. C’est ainsi que l’acte du tuteur a été sanctionné en raison du non-respect de la législation applicable en matière tutélaire. En l’espèce, dans le cadre de plusieurs procédures judiciaires, un tuteur, sans l’autorisation du juge des tutelles, a conclu trois conventions d’honoraires pour assurer la défense des intérêts de la personne protégée. Deux de ces conventions prévoyaient des honoraires de résultat en plus des honoraires de diligence. À la suite de la contestation de la fixation des honoraires soulevée par l’avocat, la cour d’appel de Montpellier, approuvée par la Cour de cassation, fixe les honoraires à la seule somme de 36 099 € TTC. La question posée est celle de savoir si un tuteur peut signer une convention d’honoraires, a fortiori une convention d’honoraires de résultat, sans l’accord du juge des tutelles. La réponse à cette question requiert au préalable d’opérer un distinguo entre les actes d’administration et les actes de disposition. Un acte d’administration tel que l’indique le vocable est un acte de gestion du patrimoine de la personne protégée. Tandis qu’un acte de disposition a un impact direct sur la consistance du patrimoine de la personne protégée48. C’est un acte qui dégrève le patrimoine du majeur protégé. Cette catégorie49 d’actes nécessite l’accord du juge des tutelles. La signature d’une convention d’honoraires, spécifiquement une convention d’honoraires de résultat, fait partie de ces actes50. Le défaut d’accord du juge des tutelles invalide l’acte accompli. Cette position est rappelée par la deuxième chambre civile de la Cour de la cassation sur la base de deux fondements légaux : l’article 465, alinéa 4, et de l’article 505, alinéa 1er, du Code civil. Si la position de la haute juridiction emporte notre adhésion, il est notoire de souligner qu’au regard de la célérité nécessaire dans la gestion de certaines procédures judiciaires impliquant les personnes protégées, la procédure d’obtention de l’autorisation du juge des tutelles pour la conclusion d’une convention d’honoraires peut s’avérer quelques fois longue. D’où l’initiative de certains tuteurs d’outrepasser la législation tutélaire et ce, dans « l’intérêt » de la personne protégée. Ce qui a semblé être le cas dans cette affaire. Mais alors, le tuteur peut-il prioriser l’intérêt de la personne protégée et violer la législation applicable ? Aucunement. Peu importe l’urgence de la situation du protégé à gérer, le tuteur/curateur ou mandataire spécial est tenu d’obtenir l’accord de l’autorité judiciaire avant de conclure toute convention d’honoraires. Cet état de choses se résume par l’adage suivant : dura lex sed lex.

Christian GAMALEU KAMENI

Absence d’obligation légale d’aviser le tuteur/curateur d’un majeur protégé et perquisition menée à son domicile dans le cadre d’une enquête préliminaire (Cons. const., 15 janv. 2021, n° 2020-873 QPC). La décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier 2021 est une réponse à la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à la suite de l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 13 octobre 2020. La requête introduite auprès du Conseil constitutionnel visait à voir déclarer inconstitutionnelles les dispositions de l’article 706-113, alinéa 1er, du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en ce qu’elles portent atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès juste et équitable. L’analyse de la décision du Conseil des sages nécessite de présenter les termes de l’alinéa 1er de l’article 706-113 : « Le procureur de la République ou le juge d’instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l’objet. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté ».

La problématique soulevée dans le cadre de la saisine du Conseil constitutionnel est celle de savoir si l’absence d’obligation légale d’aviser le tuteur/curateur d’une personne protégée lors d’une perquisition dans le cadre d’une enquête préliminaire est une violation du principe d’inviolabilité du domicile garanti par la constitution ? Autrement dit, le texte de loi ne prévoyant pas d’information du mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) en charge d’une personne protégée lors d’une perquisition envisagée chez ce dernier en matière d’enquête préliminaire est-il conforme à la Constitution ? Il convient de souligner que si le texte de loi prévoit l’information du juge des tutelles, du tuteur/curateur en cas de poursuites, il garde le mutisme sur l’information de la personne en charge de la mesure de protection lors de la perquisition menée chez le protégé dans le cadre d’une enquête préliminaire. Pour rappel, l’article 76 du Code pénal est sans ambiguïté sur la question des droits fondamentaux lors des perquisitions : « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ne peuvent être effectuées sans l’assentiment exprès de la personne chez laquelle l’opération a lieu ». D’ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 76 du Code pénal poursuit : l’assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès-verbal…

Si l’on part du postulat suivant lequel l’accord exprès de la personne chez qui la perquisition se déroule est nécessaire, l’accord exprès d’une personne bénéficiant d’une mesure de protection juridique51 se trouve davantage nécessaire. Cet accord exprès est le symbole de la garantie des droits fondamentaux de la personne dont le domicile est perquisitionné. Cela étant, face à une personne placée sous protection et donc souffrant de l’altération52 de ses facultés mentales ou de ses facultés corporelles de nature à empêcher sa volonté, instituer et mener une perquisition dans le cadre d’une enquête préliminaire sans informer leur tuteur/curateur ou tout au moins sans obtenir l’assentiment de ces derniers constitue une violation des droits fondamentaux notamment des droits de la défense de la personne protégée. Très concrètement, il faut souligner que cette absence de dispositions spécifiques relatives à la validité de l’assentiment du majeur protégé lors d’une perquisition menée dans le cadre d’une enquête préliminaire le met dans une incapacité manifeste « d’exercer avec discernement son droit de s’opposer à la réalisation ». À cause d’un manque de discernement lié à sa pathologie, la personne protégée n’est pas apte à défendre parfaitement ses droits lors de l’opération menée par les autorités judiciaires en l’occurrence les officiers de police judiciaire. Afin de remédier à cette situation ou position dite « défavorable » de la personne protégée, il est indispensable de réglementer cette phase de l’enquête préliminaire concernant les personnes protégées. En déclarant les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 706-113 du Code de procédure pénale inconstitutionnelles, le Conseil constitutionnel préconise l’abrogation de ces dispositions au 1er octobre 2021.

Christian GAMALEU KAMENI

L’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure de contrôle de soins sous contrainte du majeur protégé : une exception de nullité invocable « en tout état de cause » (Cass. 1re civ., 12 mai 2021, n° 20-13307). Toute mesure d’hospitalisation sous contrainte en tant qu’elle constitue une atteinte à une liberté constitutionnellement protégée doit s’effectuer aux termes d’une procédure dont le juge des libertés et de la détention a compétence pour s’assurer de sa légalité. Ainsi, outre l’information du projet de décision concernant la personne visée par les soins, celle-ci doit être à même de faire valoir ses observations. Cette notification doit être immédiate dès l’admission et après chacune des décisions prises à son encontre. De même, l’exercice de ces droits suppose que la personne ait la capacité de le faire. Ainsi, l’exigence de contrôle s’avère plus impérieuse lorsqu’il s’agit d’une personne faisant l’objet d’une mesure de protection. La Cour de cassation a de nouveau traité cette problématique à travers son arrêt datant du 12 mai 2021. En l’espèce, une personne a été admise en soins psychiatriques sans son consentement à la demande de sa mère par décision du directeur de l’établissement prise sur le fondement de l’article L. 3212-1 du Code de la santé publique53. À la suite de cela, le directeur de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l’article L. 3211-12-1 du même code aux fins de poursuites de la mesure. La personne sous soins, assistée de son conseil, a soulevé la nullité de la procédure en invoquant, d’une part, l’absence de convocation de son curateur à l’audience devant le juge des libertés et de la détention, et, d’autre part, le moyen suivant lequel la requête saisissant le juge des libertés et de la détention de Meaux n’a pas été signée par le représentant légal de l’établissement, mais par une personne dont le nom et la qualité ne sont pas précisés. Sa demande est jugée irrecevable au motif pris de ce que cette exception de nullité devrait être soulevée in limine litis en application de l’article 74 du Code de procédure civile. À la suite de l’appel, le président de la cour d’appel de Paris, par son ordonnance en date du 4 décembre 2019, adopte un raisonnement similaire et déclare irrecevables les conclusions de nullité car elles n’ont pas été soulevées devant le premier juge in limine litis conformément à l’article 74 du Code de procédure civile. Saisie du litige, la Cour de cassation va plus loin. Elle sanctionne le raisonnement de la cour d’appel par application des dispositions des articles 1015 et 620, alinéa 2, du Code de procédure civile et de l’article 118 du même code. Aux termes de ce dernier article, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées « en tout état de cause ». Par ce rappel, la haute juridiction insiste sur l’encadrement des procédures de soins surtout quand celles-ci mettent en cause une personne protégée. Ainsi, la sanction de l’inobservation des règles de procédure en matière de contrôle des mesures d’hospitalisation sous contrainte révèle tout leur intérêt dans la sauvegarde des droits et libertés individuels.

La décision saisissant le juge des libertés et de la détention doit être prise par le représentant légal de l’établissement des soins. Cela pose nécessairement l’exigence de la légalité de l’acte en ce qu’il doit être pris par une autorité compétente. À défaut d’être pris par le directeur, l’auteur de l’acte doit être bénéficiaire d’une délégation de signature régulière en la forme. L’inobservation de cette mesure constitue une irrégularité procédurale qui cause nécessairement grief au patient et justifiant la nullité de l’acte et dès lors le prononcé de la mainlevée de la mesure en cause. Ainsi, la mesure de protection et d’aide ne concerne pas uniquement la gestion du patrimoine. Elle vise également l’assistance et l’accompagnement dans les procédures juridictionnelles, notamment, toute mesure de privation de liberté dont elle peut faire l’objet. La mesure d’hospitalisation sous contrainte, en tant que telle constitue une privation de liberté, le majeur doit pouvoir être accompagné pour mieux exercer ses droits et assurer sa défense. Méconnaître cette exigence est en soi une entrave au statut qui lui est juridiquement reconnu et que la société tend à protéger.

La décision rendue par la haute juridiction rappelle l’impérieuse nécessité de prendre en compte la mesure de protection de la personne à une phase primaire de toute procédure de soins sous contrainte. En effet, la mise en application des mesures de contrôle peut paraître sans effet. Cela est d’autant plus vrai que la décision qui intervient plus tard, quoique rappelant l’exigence de protection, a une portée relative en ce que la mesure dont faisait l’objet le majeur protégé a perdu de son effet. C’est pourquoi le juge sanctionne son inobservation.

L’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure constitue un ensemble d’exceptions de nullité qui peuvent être soulevées à tout moment de la procédure, y compris pour la première fois à hauteur d’appel. Bien plus, elles peuvent être invoquées d’office par le juge. En effet, la procédure devant le juge des libertés de la détention est régie par les articles R. 3211-10 et suivants du Code de la santé publique. En application de ces dispositions, le juge fixe la date, l’heure et le lieu de l’audience et le greffier convoque aussitôt, par tout moyen, en leur qualité de parties à la procédure. Ainsi, en ce qui concerne la personne faisant l’objet d’une mesure de protection, il peut s’agir suivant les cas de son tuteur, de son curateur voire de ses représentants légaux. Or la présence du curateur a pour intérêt de suppléer l’incapacité du majeur à ester en justice en application de l’article 117 du Code civil. Son défaut constitue une irrégularité de fond affectant la validité de la procédure. De même, il s’est posé la question de la légalité de la décision par laquelle le chef de l’établissement des soins a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contrôle de la mesure. Si leur caractère ne pose pas de difficultés particulières54, c’est bien leur recevabilité en tant qu’exception de nullité qui était posée aux premiers juges. En faisant une application de l’article 118 du Code de procédure civile plutôt que l’article 74 du même code55, à l’opposé des premiers juges, la Cour de cassation rappelle que ces moyens de nullité ainsi visés peuvent être soulevés à tout moment du procès, voire pour la première fois devant la juridiction d’appel. Par ailleurs, ne devrait-on pas envisager une présomption de bonne santé chez le patient et s’abstenir de le placer en soins sous contrainte ? La question est difficile car on fait face tant aux besoins de soins, afin de résoudre une maladie qui pourrait par la suite s’avérer complexe, qu’aux exigences du respect des droits du patient. Telle est la nécessaire conciliation sur laquelle il convient de se pencher pour une meilleure protection du majeur protégé : son droit aux soins et son droit à la liberté.

Télesphore TEKEBENG LELE

Notes de bas de pages

  • 1.
    JO, 14 mars 2021, texte n° 22. Au premier alinéa de l’article R. 146-26 du Code de l’action sociale et des familles, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an ».
  • 2.
    JO, 4 avr. 2021, texte n° 18.
  • 3.
    JO, 2 mai 2021, texte n° 53.
  • 4.
    V. la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures et l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille.
  • 5.
    Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 01-13592 : Bull. mixte, n° 4.
  • 6.
    P. Casson, « Assurances – Fasc. 10 : Assurances – Contrat d’assurance : Conclusion », JCl. Notarial Formulaire, § 13 : « Ces arrêts ont été critiqués, parce que ne tenant pas compte de l’absence d’aléa économique pour l’assureur qui sait dès la conclusion du contrat qu’il paiera, la seule incertitude portant sur la date d’exigibilité de sa dette ainsi que sur l’identité du bénéficiaire (F. Leduc et P. Pierre, « Assurance placement : une qualification déplacée », Resp. civ. et assur. 2005, chron. 3). Ferait ainsi défaut l’aléa économique qui, avec l’aléa évènementiel (date d’exigibilité de la prestation, identité du bénéficiaire), conditionnerait la qualification de contrat aléatoire (V. concernant ce cumul nécessaire à la qualification selon certains auteurs F. Leduc, « Le projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats et le caractère aléatoire du contrat d’assurance », RDC 2015, n° 112p2, p. 895 qui estime qu’un contrat est aléatoire lorsqu’existent un aléa évènementiel incertain, un aléa économique qui rend incertain lors de la conclusion du contrat le ratio final de sorte que chacun court un risque de gain ou de perte et un lien de causalité qui relie ces deux éléments) ».
  • 7.
    Dans ce dernier cas, le capital obtenu dépendra, au moment de son exigibilité, de la valeur des unités de compte, ce qui peut engendrer de graves déconvenues si leur valeur a considérablement baissé. V. par ex. pour un arrêt se prononçant sur l’obligation d’information particulière de l’assureur dans ce type de contrat, Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-16302.
  • 8.
    À moins de la faillite de la banque.
  • 9.
    Même s’il existe de la jurisprudence à ce sujet, v. Cass. 1re civ., 8 juill. 2009, n° 08-16153 : Bull. civ. I, n° 162.
  • 10.
    C. civ., art. 455.
  • 11.
    La modification de l’article 501 du Code civil est issue d’un amendement d’abord déposé par le gouvernement (n° CL961), lequel a été retiré, pour être repris par les députés de la majorité (n° CL478). Les motifs justifiant cette disposition sont peu développés : « afin de faciliter la gestion du patrimoine du majeur dans son intérêt, le tuteur pourra placer les fonds sur les comptes d’épargne du majeur protégé sans autorisation. À cet égard, il convient de relever que plus de 80 % des requêtes en matière financière sont acceptées par les juges des tutelles ». L’amendement a été adopté en commission des lois, sans discussion véritable sur ce point. Les travaux parlementaires montrent néanmoins que la modification est inspirée du rapport de mission interministérielle de Mme Caron Deglise, qui contenait cette proposition (p. 72). Le rapport préconisait des simplifications plus larges et d’autoriser le tuteur à procéder seul à « l’ouverture d’une assurance vie avec une clause bénéficiaire standard ». Le législateur n’a repris aucune modification en ce sens, ce qui paraît confirmer qu’il n’a pas entendu modifier les règles en matière d’assurance sur la vie.
  • 12.
    La tutelle.
  • 13.
    Sauf disposition contraire, les décisions du juge des tutelles et les délibérations du conseil de famille sont susceptibles d’appel. Sans préjudice des dispositions prévues par les articles 1239-1 à 1239-3, l’appel est ouvert aux personnes énumérées aux articles 430 et 494-1 du Code civil, même si elles ne sont pas intervenues à l’instance. Le délai d’appel est de 15 jours. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.
  • 14.
    La demande d’ouverture de la mesure peut être présentée au juge par la personne qu’il y a lieu de protéger ou, selon le cas, par son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, ou par un parent ou un allié, une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique. Elle peut être également présentée par le procureur de la République soit d’office, soit à la demande d’un tiers.
  • 15.
    Son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, les parents ou alliés.
  • 16.
    M. Revillard. « Le mandat de protection future en droit international privé », Defrénois 30 août 2008, n° 38806, p. 1533, spéc. n° 35.
  • 17.
    Conformément à l’article 1258 du Code de procédure civile.
  • 18.
    Texte à vocation universelle, la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes est entrée en vigueur en France le 1er janvier 2008. V. L. n° 2008-737 du 28 juillet 2008 autorisant la ratification de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes, JO, 30 juill. 2008, texte n° 2.
  • 19.
    La Cour de cassation décide : « la mise en œuvre en France d’un mandat qui désigne une loi étrangère, ou qui a été fait dans un État étranger où le mandant avait précédemment sa résidence habituelle, peut être soumise, au titre des modalités d’exercice des pouvoirs de représentation mentionnées au paragraphe 3, à une procédure de visa destinée à vérifier que l’altération des facultés du mandant a été médicalement constatée et à fixer la date de prise d’effet du mandat, elle ne saurait être subordonnée à des conditions propres au droit français, telles que l’exigence d’une prévision expresse, dans le mandat, de modalités de contrôle du mandataire que n’impose pas la loi applicable à cet acte ».
  • 20.
    A. Batteur, « De quelques difficultés pratiques du mandat de protection future », LPA 8 sept. 2017, n° 129k5, p. 65.
  • 21.
    V. Legrand, « Convention de La Haye sur la protection internationale de l’adulte et mise en œuvre d’un mandat d’inaptitude établi à l’étranger », LPA 26 mars 2021, n° 159n9, p. 17.
  • 22.
    C. civ., art. 1258-2.
  • 23.
    Code civil suisse, art. 365.
  • 24.
    Code civil suisse, art. 366.
  • 25.
    Code civil suisse, art. 368.
  • 26.
    T. Verheyde, « Étendue de l’obligation d’information du protecteur d’un majeur protégé pénalement poursuivi ou condamné : la Cour de cassation va loin ! », AJ fam. 2014, p. 56.
  • 27.
    « En effet, il résulte de ces énonciations que l’absence d’information de la curatrice de M. [J] n’a pas porté atteinte à son droit à un procès équitable pour les raisons suivantes. D’une part, aucun interrogatoire n’a eu lieu lors de ces mesures, de sorte que les droits de la défense ont été respectés. D’autre part, M. [J] n’a pas contesté l’authenticité des biens saisis. Enfin, les enquêteurs qui ignoraient la mesure de protection dont M. [J] faisait l’objet, aucun élément recueilli au cours de l’enquête, avant les perquisitions, n’étant de nature à faire naître un doute sur l’existence de celle-ci, n’ont pas agi de façon déloyale ».
  • 28.
    Cass. crim., 18 nov. 2020, n° 20-90024.
  • 29.
    Sur un moyen soulevé par l’auteur de ces lignes.
  • 30.
    « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Pour le Conseil constitutionnel, « il résulte de ces dispositions [DDHC, art. 16] qu’est garanti le respect des droits de la défense » (Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-730 QPC, cons. n° 5).
  • 31.
    Cons. const., 1er avr. 2013, n° 2013-336 QPC : « la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ».
  • 32.
    Cons. const., 17 févr. 2012, n° 2011-223 QPC :« il incombe au législateur de définir les conditions et les modalités selon lesquelles une telle atteinte aux conditions d’exercice des droits de la défense peut être mise en œuvre ».
  • 33.
    Cons. const., 22 nov. 1978, n° 78-98 DC.
  • 34.
    Cons. const., 3 sept. 1986, n° 86-214 DC, cons. n° 3.
  • 35.
    Le Conseil constitutionnel maintenait dans la même décision « qu’aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’exclut que les modalités d’exécution des peines privatives de liberté soient décidées par des autorités autres que des juridictions ».
  • 36.
    Ainsi, le Conseil constitutionnel a pu vérifier que « les dispositions en cause ne méconnaissent ni le principe constitutionnel du respect des droits de la défense ni le droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l’article 16 de la Déclaration de 1789 », tout en maintenant qu’« aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’interdit au législateur de confier à des autorités autres que des juridictions le soin de fixer certaines modalités d’exécution de fins de peines d’emprisonnement et de les qualifier de “mesures d’administration judiciaire” » (Cons. const., 2 mars 2004, n° 2004-492 DC, cons. n° 124).
  • 37.
    V. par ex. pour la vérification de l’indépendance du juge de l’application des peines sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, Cons. const., 7 août 2014, n° 2014-696 DC – et Cons. const., 10 nov. 2017, n° 2017-671 QPC.
  • 38.
    L. Philip, « La constitutionnalisation du droit pénal français », RSC 1985, p. 711.
  • 39.
    V. récemment concernant les voies de recours contre les conditions de détention indignes, Cons. const., 16 avr. 2021, n° 2021-898 QPC.
  • 40.
    CEDH, 30 janv. 2001, n° 35683/97, Vaudelle c/ France, § 62 : « la Cour ne voit (…) pas sur quel fondement et pourquoi un individu reconnu inapte à défendre ses intérêts civils et bénéficiant d’une assistance à cet effet ne disposerait pas également d’une assistance pour se défendre contre une accusation pénale dirigée contre lui ».
  • 41.
    V. CPP, art. 706-113.
  • 42.
    Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-730 QPC, cons. n° 8.
  • 43.
    Cons. const., 15 janv. 2021, n° 2020-873 QPC.
  • 44.
    Le juge judiciaire y accorde également une importance fondamentale, alors qu’en matière pénale, elle sanctionne d’une nullité sans grief la décision de condamnation prise contre le majeur protégé sans qu’ait été avisé préalablement le tuteur ou le curateur (Cass. crim., 24 juin 2014, n° 13-84364 : Bull. crim., n° 161).
  • 45.
    L’article est issu de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Les travaux parlementaires démontrent que l’article a été introduit du fait de la saisine du Conseil constitutionnel, le législateur anticipant une censure.
  • 46.
    « Lorsque le condamné est une personne majeure faisant l’objet, conformément à l’article 706-112, d’une mesure de protection juridique, son curateur, son tuteur ou la personne désignée en application des articles 706-114 ou 706-117 est avisé de la date du débat contradictoire prévu à l’article 712-6 ou de l’audience prévue à l’article 712-13. Ce curateur, ce tuteur ou cette personne peut faire des observations écrites ou être entendu comme témoin par la juridiction de l’application des peines, sur décision de son président. Le condamné doit être assisté d’un avocat, désigné par lui ou l’une de ces personnes ou, à la demande du juge de l’application des peines, par le bâtonnier, conformément à l’article 706-116 ».
  • 47.
    Sur la question du patrimoine de la personne protégée, v. J.-M. Plazy et G. Raoul-Cormeil, Le patrimoine de la personne protégée, 2015, LexisNexis.
  • 48.
    L’article 496, alinéa 3, du Code civil opère une distinction entre les actes d’administration et les actes de gestion. Les premiers actes sont des actes de gestion courante du patrimoine de la personne protégée. Les seconds actes engagent le patrimoine de manière durable et substantielle.
  • 49.
    Pour une classification des actes, v. I. Maria, « De la pertinence de la classification des actes de gestion du patrimoine des personnes protégées. Approche critique du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 », Dr. famille 2009, étude 31.
  • 50.
    L’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, constitue un acte de disposition soumis à l’autorisation du juge les conventions d’honoraires proportionnels en tout ou partie à un résultat, indéterminés ou aléatoires.
  • 51.
    Sur la question des mesures de protection juridique, v. O. Molin, Les Tutelles, La protection juridique des majeurs, 4e éd., 2020, Berger-Levrault.
  • 52.
    C. civ., art. 425.
  • 53.
    L’article L. 3212-1 du Code de la santé publique : « Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; / 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1 ».
  • 54.
    Le défaut d’information et de convocation du représentant légal ou du curateur est une cause de nullité de fond régulièrement sanctionnée par les juges. V. Cass. 1re civ., 16 mars 2016, n° 15-13745.
  • 55.
    Article 74, § 1 « Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public ».
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