Des précisions sur l’étendue du pouvoir du mandataire successoral
Un mandataire successoral ne peut être désigné sur le fondement des articles 813-1, alinéa 1, et 814 du Code civil pour signer un acte de partage à la place des copartageants.
Cass. 1re civ., 13 mai 2020, no 18-26702, FS–PB
Du mandataire successoral. En l’espèce1, U. V. et H. V., son épouse, sont respectivement décédés les (…) et (…), laissant pour leur succéder leurs enfants, H., J., N., E., L., A. et leurs petits-enfants, B. et X., venant par représentation de leur père, décédé. Un jugement du 11 mars 2008 a ordonné le partage judiciaire de la communauté et des deux successions. Une autre décision du 15 mars 2011, statuant sur les points de désaccord subsistant entre les parties, a homologué partiellement l’état liquidatif dressé par le notaire, tranché deux difficultés et renvoyé les parties devant ce dernier pour établir l’acte constatant le partage. Celui-ci, dressé le 31 octobre 2012, a été soumis à la signature des copartageants. M. A. V. s’y étant refusé, ses cohéritiers (les consorts V.) l’ont assigné en la forme des référés devant le président du tribunal pour obtenir, sur le fondement des articles 813-1 et suivants du Code civil, la désignation d’un mandataire successoral chargé de signer l’acte. Les juges du fond font droit à la demande et désignent un mandataire successoral. La haute juridiction censure cette décision au visa des articles 813-1, alinéa 1, et 814 du Code civil en affirmant qu’il ne revient pas au mandataire successoral (I) de consentir à un partage, lequel met fin à l’indivision (II).
I – Désignation judiciaire du mandataire successoral à l’effet d’administrer provisoirement la succession
Le simple désaccord de l’indivisaire. On sait que les motifs de désignation judiciaire d’un mandataire successoral2 sont édictés par les articles 813-1 et 814-1 du Code civil (A). Voilà qui soulève, dans le cas d’espèce, la question, au demeurant délicate, du simple désaccord de l’indivisaire (B).
A – Les motifs de la désignation du mandataire successoral
Les conditions de l’article 813-1 du Code civil. Il résulte de ce texte que le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale. C’est ainsi qu’il a été jugé que les conditions étaient remplies s’il résulte des conclusions des parties qu’aucun accord n’a pu intervenir entre elles s’agissant de la liquidation des successions de leurs parents, puisque l’appelant souhaite un règlement concomitant de ces deux successions afin de parvenir à un partage en nature, alors que les intimés sollicitent le règlement de chaque succession de manière indépendante avec licitation des biens immobiliers dépendant de la succession de leur mère3. En revanche, il a été affirmé par les juges du fond que la demande de désignation d’un mandataire successoral est incompatible avec la désignation d’un curateur dont la mission est définie aux articles 809-1 et suivants du Code civil laquelle suppose « qu’aucun héritier ne se soit présenté pour réclamer la succession et qu’il n’y ait pas d’héritier connu, que tous les héritiers connus aient renoncé à la succession ou lorsque après l’expiration d’un délai de 6 mois depuis l’ouverture de la succession, les héritiers connus n’aient pas opté de manière tacite ou expresse ». Que, dans le cadre de l’instance pendante devant la cour d’appel, les enfants du défunt, F. nés A., A., X. et Z., contestent avoir accepté, même tacitement la succession de leur père, et que le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble LE DOMAINE DU L. ne peut se prévaloir de sa seule qualité de créancier, contestée à leur égard, en excipant d’un jugement, certes assorti du bénéfice de l’exécution provisoire, mais frappé d’appel ayant considéré qu’ils ont accepté tacitement la succession de leur père et qu’ils sont tenus solidairement avec leur mère, coindivisaire, au paiement des charges de copropriété, pour solliciter la désignation d’un mandataire successoral. Les conditions de l’article 813-1 du Code civil n’étaient pas réunies4. Si ces solutions sont fréquemment affirmées par les cours et tribunaux, leur domaine d’application n’est pas pour autant facile à dégager. D’ailleurs la doctrine s’accorde à penser que l’article 813-1 du Code civil n’est pas réservé aux successions indivises mais a vocation à s’appliquer à toute succession5.
L’héritier acceptant à concurrence de l’actif. L’article 814-1 du Code civil dispose qu’en toute circonstance, l’héritier acceptant à concurrence de l’actif net peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée en qualité de mandataire successoral à l’effet de le substituer dans la charge d’administrer et de liquider la succession. À lire ce texte, le juge n’a plus la faculté, prévue à l’article 813-1 du Code civil, mais le devoir de désigner un mandataire successoral lorsqu’un héritier qui a accepté à concurrence de l’actif net le demande6.
B – Le simple désaccord de l’indivisaire
Simple désaccord ou inertie de l’indivisaire ? En l’espèce, on rappellera qu’une autre décision du 15 mars 2011, statuant sur les points de désaccord subsistant entre les parties, a homologué partiellement l’état liquidatif dressé par le notaire, tranché deux difficultés et renvoyé les parties devant ce dernier pour établir l’acte constatant le partage. Celui-ci, dressé le 31 octobre 2012, a été soumis à la signature des copartageants. M. A. V. s’y étant refusé, ses cohéritiers (les consorts V.) l’ont assigné en la forme des référés devant le président du tribunal pour obtenir, sur le fondement des articles 813-1 et suivants du Code civil, la désignation d’un mandataire successoral chargé de signer l’acte. Souvent la jurisprudence opère elle-même une distinction sur le comportement de l’indivisaire. C’est que la cour d’appel de Paris a pu juger que les demanderesses appelantes n’expliquent pas en quoi la vente au prix qu’elles proposent serait, dans l’état actuel du marché immobilier favorable à une bonne administration d’une succession qui est simple alors qu’il n’est démontré, ni inertie, ni carence, ni a fortiori de faute des héritiers, ceux-ci étant seulement en désaccord sur le principe de la vente et sur le prix des immeubles, et même si une mésentente entre eux est patente ; qu’il convient dans ces conditions et pour les raisons non contraires exposées par le premier juge de confirmer la décision de celui-ci7. Un auteur fait observer avec pertinence qu’en l’espèce il s’agit d’un simple désaccord de l’indivisaire8.
II – Les pouvoirs du mandataire successoral à l’issue de la procédure du partage judiciaire
Du partage judiciaire. La notion de partage judiciaire successoral mettant fin à l’indivision se rencontre en matière de partage mais également en cas de liquidation judiciaire.
A – Le partage judiciaire successoral mettant fin à l’indivision
Partage successoral, ou tout partage mettant fin à une indivision. En l’espèce, selon la haute juridiction un mandataire successoral ne peut être désigné sur le fondement des articles 813-1, alinéa 1, et 814 du Code civil pour signer un acte de partage à la place des copartageants. À ce propos, la Cour de cassation considère qu’une transaction ne met pas fin à une indivision dès lors que, par l’effet de leur régime matrimonial, la veuve de Germain X avait reçu au décès de celui-ci l’entière propriété de tous les biens dépendant de la communauté universelle ayant existé entre elle et son époux9.
La signature des copartageants à l’épreuve du partage judiciaire. La seule lecture de la décision rendue par la Cour de cassation permettra d’apprécier le partage judiciaire et est nécessaire en cas notamment de désaccord des copartageants. C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé : « (…) aux termes de son jugement d’homologation, le tribunal n’a pas renvoyé les copartageants devant le notaire aux fins de signature de l’acte de partage ; qu’il est inopérant aujourd’hui de la part des demandeurs de se prévaloir de la portée reconnue par la jurisprudence à une décision faisant droit à une demande d’attribution préférentielle ; qu’en effet, le jugement du 18 septembre 2003 n’a pas statué sur une telle attribution nécessairement préalable à la constitution des lots, mais a statué sur une demande tendant à ce que soient homologuées les attributions de lots proposées par le notaire et expressément acceptées par quatre des cinq copartageants concernés ; qu’il suit de là que le jugement de ce siège du 18 septembre 2003, aujourd’hui définitif, a bien, en donnant force exécutoire au projet de partage établi par Me Pierre D. en 2002 et accepté par les demandeurs à la présente instance le 8 février 2002, mis fin à la situation d’indivision qui existait entre les consorts B.-X. et emporté au profit de M. Jean-Paul X. transfert du droit de propriété sur l’immeuble sis à B n° 1930 lieudit “Les Coteaux de Montlouis” et sur les meubles qui lui étaient attribués, de même qu’il a conféré aux autres copartageants un droit de propriété sur les meubles mis dans leurs lots ainsi qu’un titre exécutoire du chef des créances qui leur étaient reconnues à l’encontre de M. Jean-Paul X. au titre des soultes et indemnités d’occupation dues par ce dernier ; qu’il est indifférent, s’agissant des rapports entre les copartageants, que le jugement d’homologation portant en annexe le justificatif de sa publication et l’acte de février 2002 n’ait pas été publié au bureau des hypothèques compétent »10.
B – Le partage mettant fin à l’indivision en cas de liquidation judiciaire
Droits propres au débiteur. Plus largement, l’arrêt est une occasion de revenir sur la notion de droits propres au débiteur. S’il est une question qui a donné lieu à une production jurisprudentielle particulièrement abondante ces dernières années, il s’agit, à n’en pas douter, de la question de l’articulation de l’article L. 641-9 du Code de commerce avec « les droits propres du débiteur », qui ne peuvent être exercés par le liquidateur11. Il est de jurisprudence constante que le partage successoral est un acte d’administration et de disposition d’un patrimoine pouvant constituer le gage des créanciers et que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la signature d’un tel acte relevait du seul pouvoir du liquidateur12. Cette situation a été magistralement exposée et développée par le professeur Frédéric Vauvillé, dans sa note sous l’arrêt du 13 janvier 2015 en expliquant : « Illustration typiquement notariale : le débiteur en liquidation judiciaire exerce seul la faculté d’accepter une succession. Et ensuite ? Quid après l’acceptation ? En principe, le mandataire “reprend la main” ; c’est l’enseignement que l’on doit tirer d’un arrêt du 13 janvier 2005 qui sur le fond ne surprend pas »13.
Conclusion. Il est certes difficile de trouver une voie juste et équilibrée tant les questions relatives au partage touchent à des considérations d’ordre moral et familial. Il faut bien évidemment exclure toute tentation d’instaurer un quelconque ordre moral par la loi.
Notes de bas de pages
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1.
Cottet M., « La signature de l’acte de partage judiciaire : impossible par un mandataire successoral et inutile par les copartageants », Dalloz actualité, 9 juin 2020 ; Sauvage F., « Mandat successoral judiciaire : administrer n’est pas partager ! », JCP N, n° 23, act. 481 ; De Loth E., Un mandataire successoral ne peut être désigné pour consentir à un partage, efl.fr, La Quotidienne, 11 juin 2020.
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2.
Projet de loi portant réforme des successions et des libéralités : (rapport), https://www.senat.fr/rap/l05-343-1/l05-343-1_mono.html#toc399. Rapp. n° 343 (2005-2006), De Richemont H., fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 mai 2006.
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3.
CA Aix-en-provence, 18 sept. 2019, n° 18/19484.
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4.
CA Aix-en-provence, 8 janv. 2020, n° 19/05378.
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5.
Zalewski-Sicard V., « Succession et paiement des charges de copropriété : un mandat au service du syndicat », Rev. Loyers 2019, n° 1001.
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6.
Mestre J., « Mandat judiciaire », Le Lamy Sociétés commerciales, n° 1214.
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7.
CA Paris, 25 févr. 2009, n° 08/19942.
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8.
De Loth E., « Un mandataire successoral ne peut être désigné pour consentir à un partage », efl.fr, La Quotidienne, 11 juin 2020.
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9.
Cass. com., 29 janv. 2013, n° 11-21282.
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10.
Cass. 1re civ., 1er juin 2011, n° 10-11567.
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11.
De Montaigne M., « Portée du dessaisissement du débiteur en cas de partage successoral postérieur à la liquidation judiciaire », RLDA 2015, n° 102.
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12.
Cass. com., 13 janv. 2015, n° 13-12590.
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13.
Vauvillé F., « Pouvoirs du liquidateur dans le cadre d’un partage successoral », Defrénois 30 mars 2016, n° 122s0, p. 284.