La prostitution depuis la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016, sous l’angle du droit des contrats

Publié le 16/02/2017

Par l’adoption de la loi du 13 avril 2016, le législateur a consacré la contrariété du contenu du contrat de prostitution à l’ordre public, mettant ainsi fin au débat qui portait sur sa licéité. Si l’on peut admettre le postulat selon lequel la personne qui se prostitue est nécessairement vulnérable, la vulnérabilité du client, pourtant loin d’être rare, est quant à elle très peu évoquée.

1. Les multiples visages de la prostitution. Contact charnel qui fusionne les corps, le rapport sexuel est un processus naturel en vue de la reproduction, permettant ainsi de perpétuer l’espèce. Mais les relations impliquant une union des corps sont aussi empreintes de désir. On a pu dire à ce sujet que « l’un des domaines où se révèlent les relations complexes que chacun entretient avec son corps et avec le corps des autres est le domaine sexuel. Ne serait-ce que parce que nos relations à l’autre les plus intenses sont les relations sexuelles, et que le désir érotique est toujours une ouverture à autrui à la fois dans sa corporéité et dans sa subjectivité »1. Le corps de l’autre est alors perçu comme un moyen de satisfaire une pulsion sexuelle et, par conséquent, la prostitution serait une activité qui contribuerait à l’assouvissement de ce désir sexuel.

De nombreux clichés circulent à propos de la prostitution. Ainsi, malgré les origines lointaines de cette pratique, la prostitution est « souvent qualifiée, à tort d’ailleurs, de plus vieux métier du monde »2. Autre idée reçue, la prostitution serait, dans l’imaginaire collectif, l’apanage de la gent féminine. Ce préjugé est pourtant à nuancer3. La prostitution masculine existe en effet, et elle n’est d’ailleurs pas rare puisqu’elle représenterait 20 à 30 % de la prostitution de rue4. Ce pourcentage ne prenant pas en compte les hommes ayant recours à internet pour leur activité, l’estimation relative à la prostitution masculine est nécessairement à revoir à la hausse5.

2. Le phénomène prostitutionnel saisi par le droit. Tiré du verbe latin « prostituere » signifiant « exposer publiquement », la prostitution serait une forme d’exhibition de ce qui relève habituellement de l’intime. Si le législateur français n’a pas donné de définition à la prostitution, il est en revanche possible de se référer à la jurisprudence, laquelle définit la prostitution comme « le fait de se prêter, moyennant rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui »6. À la lumière de cette définition prétorienne, on comprend que c’est l’échange d’ordre pécuniaire qui constitue le principal critère de cette activité : la tarification du rapport sexuel jette le trouble sur cette activité intime et charnelle.

La loi du 4 mars 20027, celle du 18 mars 20038 ainsi que la récente loi du 13 avril 20169 ont toutes les trois au moins un objectif commun : celui de pénaliser les clients des personnes qui se livrent à la prostitution. Les premières lois précitées ont d’abord incriminé le fait de « solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle » de la part d’une personne qui se livre à la prostitution lorsque cette personne est mineure ou lorsqu’il s’agit d’une personne qui présente une particulière vulnérabilité due à une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse10. Cette infraction étant toujours en vigueur, les clients encourent 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, voire 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € lorsqu’il s’agissait d’un mineur de 15 ans11. La loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a, quant à elle, franchi un cap en portant la création d’une contravention de 5e classe sanctionnant de manière générale toutes les personnes ayant recours à la prostitution12. La création de cette infraction s’inscrit dans la lignée de l’idéologie « néoabolitionniste »13 selon laquelle « pénaliser la demande permettrait de réduire l’offre de relations sexuelles tarifées »14. Cette position adoptée par le législateur français pour lutter contre le phénomène prostitutionnel est en effet marquée par la volonté affirmée de ne pas sanctionner la personne qui se prostitue. C’est en ce sens que le législateur a mis en place des obstacles à la conclusion du contrat de prostitution à travers le délit de racolage15, ainsi que des obstacles à son exécution à travers l’incrimination de proxénétisme16. Ces entraves se justifient par l’objectif de protection de la personne prostituée en tant que « victime à protéger des autres, mais aussi d’elle-même »17.

La récente abrogation du racolage par la loi du 13 avril 201618 a contribué à renforcer cet objectif de protection. Il était en effet difficilement concevable d’envisager les mêmes personnes comme victimes et délinquantes à la fois.

3. Enjeux et perspectives du contrat de prostitution. Le contrat de prostitution, en temps qu’il implique la mise en jeu du corps humain contre rémunération en vue de satisfaire les besoins sexuels d’autrui, met à l’épreuve les valeurs et principes cardinaux de notre droit.

Le législateur, en prohibant l’achat d’actes sexuels, met aujourd’hui tout en œuvre pour neutraliser ce contrat. Cette nouvelle ère impose le constat suivant : alors que la discussion porte classiquement sur la conformité du contrat de prostitution à l’ordre public (I), le législateur contemporain a choisi de consacrer la contrariété du contenu du contrat de prostitution à l’ordre public (II).

I – La conformité du contrat de prostitution à l’ordre public discutée

4. La prostitution au cœur d’un débat sociétal. Les partisans de la doctrine de victimisation affirment fermement que le contrat de prostitution ne répond pas aux conditions de validité du droit commun des contrats (A). Pour contourner l’interdit, la jurisprudence européenne, suivie par une partie de la doctrine, a rejeté cette qualification porteuse d’une certaine idéologie, préférant regarder le contrat de prostitution comme portant sur une prestation de service sexuel (B).

A – Les fondements traditionnels de la contrariété du contrat de prostitution aux conditions de validité du droit commun des contrats

5. Le contrat de prostitution serait contraire aux principes d’indisponibilité et de non-patrimonialité du corps humain. Le principe d’indisponibilité, dégagé par la jurisprudence, signifie qu’il est en principe interdit, par sa volonté unilatérale ou un contrat conclu avec autrui, d’organiser la mise à disposition de son corps. Le législateur a choisi d’inscrire, aux termes de l’article 16-1 du Code civil, le principe de l’inviolabilité du corps humain plutôt que celui de l’indisponibilité. Le principe d’inviolabilité consiste en l’interdiction qui est faite à autrui de porter atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne19 sans son consentement, ce qui démontre bien que le législateur admettait de reconnaître à la personne un certain pouvoir sur son corps. Le pouvoir de disposer de son corps est appuyé par le droit européen, lequel reconnait une liberté sexuelle basée sur le consentement des personnes20.

Si les relations sexuelles librement consenties relèvent de la sphère privée, le droit ne devrait en principe pas intervenir en ce qui concerne la prostitution. Mais la question ne va pas nécessairement de soi, car cet acte onéreux à l’encontre du corps humain est régulièrement invoqué comme étant contraire au principe de non patrimonialité du corps humain, posé à l’article 16-1, alinéa 3, du Code civil.

Le corps humain ne peut faire l’objet que d’un droit extrapatrimonial, c’est-à-dire d’un droit « présentant pour le sujet un intérêt moral, n’ayant aucun contenu pécuniaire et ne représentant pour son titulaire aucun élément de richesse matérielle »21.

Si certains auteurs considèrent que la prostitution peut être assimilée à la vente22 ou à la location23 du corps de la personne, une partie de la doctrine s’accorde à dire que « la prostitution donne au corps humain une valeur pécuniaire »24 puisque le corps est mis à disposition d’autrui en l’échange d’une rémunération, laquelle entre dans le patrimoine de la personne qui se prostitue. La prostitution serait donc contraire au principe de non-patrimonialité en ce que cette activité fait du corps humain une source de profit.

6. Le consentement de la personne qui se prostitue serait vicié. Le contrat de prostitution implique nécessairement le consentement de la personne qui se prostitue. Son consentement est protégé par l’article 222-23 du Code pénal puisque tout acte de pénétration sexuelle commis sur la personne d’autrui sans son consentement est considéré comme un viol. Mais la difficulté porterait sur le caractère libre et éclairé du consentement donné. Ceux qui voient dans la prostitution un contrat qui ne saurait reposer sur un consentement lucide et éclairé estiment que les femmes sont davantage visées par ce phénomène et qu’elles se trouvent dans un état de grande vulnérabilité sociale qui les pousse à se prostituer. Leur vulnérabilité pèserait alors sur la liberté de leur consentement, ce qui revient à dire qu’il n’y aurait jamais vraiment de prostitution volontaire25.

7. Le contrat de prostitution serait contraire à la dignité humaine. Dès qu’il est question de pouvoir de l’être humain sur son corps, il est fait appel au grand principe de dignité de la personne humaine, dont on sait qu’il est consacré par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État26. La dignité « correspond à l’essence de l’homme, c’est ce qui permet de distinguer l’homme de l’animal et des choses en général »27. Le droit européen, s’il a pris position de façon claire en ce qui concerne la liberté sexuelle, ne s’est en revanche pas prononcé aussi franchement en ce qui concerne la prostitution. Ainsi, dans l’affaire Tremblay contre France28, la juridiction européenne a d’abord constaté « qu’il est manifeste qu’il n’y a pas de consensus européen quant à la qualification de la prostitution en elle-même »29, avant de préciser « qu’elle juge la prostitution incompatible avec les droits et la dignité de la personne humaine dès lors qu’elle est contrainte »30. Le préambule de la Convention des Nations Unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui du 2 décembre 1949 énonce, quant à lui, clairement que « la prostitution et la (…) traite des êtres humains en vue de la prostitution sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine »31.

La ratification de cette Convention a permis d’inscrire le choix de la politique abolitionniste fait par la France, en affirmant que l’activité prostitutionnelle est contraire aux valeurs qu’elle défend.

B – Les arguments au service du rejet de cette analyse

8. Une prestation de service sexuel. La jurisprudence européenne tend à considérer la prostitution comme une prestation de service rémunérée, comme en témoigne l’arrêt Jany rendu par la CJCE le 20 novembre 200132, aux termes duquel la prostitution est « une activité par laquelle le prestataire satisfait à titre onéreux une demande du bénéficiaire, sans produire ou céder des biens matériels [et qui] constitue une prestation de service rémunérée qui relève de la notion d’activité économique ». Cette terminologie s’inscrit en droit interne dans la mouvance du droit des contrats, lequel a en partie été remanié par l’ordonnance du 10 février 201633 portant réforme du droit des contrats, laquelle est entrée en vigueur le 1er octobre 2016. En effet, l’alinéa 1er de l’article 1163 nouveau du Code civil dispose que « L’obligation a pour objet une prestation présente ou future ».

9. Contrat de prostitution et louage d’ouvrage. Une partie de la doctrine partage la position adoptée par le droit européen, en retenant la qualification de louage d’ouvrage34.

Ce contrat est défini à l’article 1710 du Code civil comme « un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ». Le louage de service étant une des espèces principales du louage d’ouvrage selon l’article 1779 du Code civil, la personne qui se prostitue engagerait donc ses services pour une entreprise déterminée, la fourniture d’actes sexuels contre rémunération35.

Si la qualification retenue présente un certain intérêt en ce qu’elle permet de contourner l’interdit en écartant la personne et son corps de l’objet du contrat de prostitution, cette définition peine à convaincre complètement car elle tend à réduire, voire même à nier l’étendue de l’implication du corps humain. En effet, s’il y a bien prestation de service par la fourniture d’une satisfaction du corps du client, cette dernière se réalise par l’usage d’un corps déconnecté de la personnalité de celui qui se livre à la prostitution. C’est en cela que cette prestation de service se révèle bien particulière. Si la licéité de la prestation de service au cœur du contrat de prostitution était jusqu’à présent en débat, le législateur a aujourd’hui permis la consécration de son illicéité.

II – La contrariété du contenu du contrat de prostitution à l’ordre public consacrée

10. Le législateur face au contrat de prostitution. L’étude des dispositions de la loi du 13 avril 2016 démontre que le contrat de prostitution est désormais frappé de nullité, et il s’avère que c’est la vulnérabilité de la personne qui se prostitue qui est à la source de la nullité du contrat de prostitution (A). Si la vulnérabilité de la personne qui se prostitue semble désormais prise en compte par le législateur, la vulnérabilité du client est, quant à elle, ignorée du droit (B).

A – La vulnérabilité comme source de la nullité du contrat de prostitution

11. La création du statut de « victimes de la prostitution ». Si la prostitution non contrainte relevait de la liberté entre adultes selon le droit européen, le législateur a pris le parti de considérer que les sujets se livrant à la prostitution sont vulnérables et, partant, des personnes qu’il convient de protéger. C’est en ce sens que la loi du 13 avril 2016 fixe désormais une limite à la liberté sexuelle en créant le statut de « victimes de la prostitution »36, aux côtés des victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains. On peut alors envisager que ce statut de victime tend implicitement à considérer que le consentement de ces personnes soit vicié, notamment d’un vice de violence. La vulnérabilité induite par ce statut et la contrainte économique qui en résulte pourraient par conséquent rendre nul leur consentement suivant l’article 1143 nouveau du Code civil37, cette analyse allant dans le sens d’une certaine victoire des partisans de la doctrine de victimisation. Un raisonnement par analogie nous permet en effet de considérer que le client, profitant de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve la personne prostituée, obtient de sa part l’engagement de l’accomplissement d’un acte sexuel qu’elle n’aurait pas consenti en l’absence d’une telle contrainte. L’acte sexuel ainsi obtenu représente un avantage manifestement excessif. Si le nouveau statut de victime de la prostitution permet la reconnaissance de la vulnérabilité de la personne qui se prostitue, sa protection n’est pas nécessairement assurée. On constate en effet certaines apories du droit face au contrat de prostitution, lequel produit des effets malgré sa contrariété à l’ordre public.

12. Droit fiscal et prostitution. La prostitution est regardée comme une activité indépendante depuis un arrêt rendu par le Conseil d’État le 4 mai 197938. Une jurisprudence administrative constante estime que les revenus tirés par la personne qui se prostitue de son activité indépendante doivent être regardés comme relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC)39. La notion d’activité indépendante est difficilement concevable eu égard au nouveau statut de victimes de la prostitution, lequel rejette implicitement toute activité économique indépendante. Les personnes qui exercent cette activité, même à titre occasionnel, doivent alors déclarer leurs revenus et demeurent notamment soumises à l’impôt sur le revenu. La position de l’administration fiscale française est vivement critiquée sur ce point40, ce qui a conduit certains auteurs à affirmer que la France est un État que l’on pourrait qualifier de proxénète41.

13. Un parcours de sortie de la prostitution. Le fisc et l’URSSAF, de par les impôts et les cotisations exigées, calculés en fonctions des revenus de l’année antérieure, peuvent constituer un sérieux frein au désir de sortir de la prostitution. Ce problème était au cœur de l’arrêt Tremblay42, la décision rendue n’allant pas dans le sens d’une réinsertion des personnes qui se prostituent. Mais la loi du 13 avril 2016 a notamment permis la création d’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle43. L’autorisation de l’engagement de la personne dans ce parcours est donnée par le préfet, et ce pour une durée de six mois renouvelable, dans la limite de deux ans44.

L’un des intérêts de l’engagement dans ce parcours réside en ce qu’il peut donner lieu au versement d’une aide financière par un fonds de prévention de la prostitution et l’accompagnement des personnes prostituées45. Ce fonds sera constitué par les crédits de l’État affectés au soutient de toute initiative visant à la sensibilisation des populations aux effets de la prostitution sur la santé et à la réduction des risques sanitaires, à la prévention de l’entrée dans la prostitution et à l’insertion des personnes prostituées, ainsi que par les recettes provenant de la confiscation des produits du proxénétisme. L’engagement de la personne dans ce parcours permettra de présumer ces personnes comme répondant aux conditions de gêne ou d’indigence46, ce qui peut conduire l’administration fiscale à accorder des remises totales ou partielles d’impôts. Si l’engagement dans ce parcours permet de bénéficier de certaines mesures de protection, il apparaît qu’il est seulement possible d’en bénéficier si l’on demande à sortir de la prostitution. Ces mesures ne s’adressent donc pas aux victimes de la prostitution en exercice.

14. Interdiction de l’achat d’un acte sexuel. La loi du 13 avril 2016 porte création de l’infraction de l’achat d’un acte sexuel47. Il est à noter que la terminologie employée par le législateur paraît peu appropriée. Faire référence à « l’achat d’un acte sexuel » laisse à penser qu’il s’agit d’un objet que l’on pourrait se procurer. L’incrimination du « recours à l’achat d’une prestation sexuelle auprès d’une personne qui se prostitue » aurait peut-être mieux traduit la réalité. La création de cette infraction s’oppose à la condition de validité du contrat posée à l’article 1128 nouveau du Code civil tenant à son « contenu licite ». L’exigence d’un « contenu licite et certain »48 du contrat posée à l’article 1128 nouveau du Code civil remplace les deux conditions objectives relatives à « l’objet certain qui forme la matière de l’engagement » et la « cause licite dans l’obligation ». Si le vocabulaire employé est différent, il ne traduit pas pour autant un abandon des notions. Les fonctions qui étaient attribuées à la cause par la jurisprudence sont notamment maintenues49.

15. Un but contraire à l’ordre public. L’article 1162 nouveau du Code civil exige, quant à lui, que les stipulations du contrat comme son but soient conformes à l’ordre public. Derrière cette nouvelle formulation, l’on reconnait les exigences liées à ce que l’on appelait la « cause subjective » ou « cause du contrat ». Les dispositions de l’article 1162 nouveau du Code civil ainsi appliquées au contrat de prostitution étudié permettent de démontrer que, si le prostitué-prestataire s’engage à fournir un tel service au client-bénéficiaire, c’est bien parce qu’il attend une somme d’argent en contrepartie. Or, étant donné que la loi prohibe désormais l’achat d’un acte sexuel, la cause du contrat rebaptisée « but du contrat » est contraire à l’ordre public textuel car contraire à la loi. Ce contrat est aujourd’hui contraire à l’ordre public en ce qu’il vise la réalisation d’une infraction pénale. Le contrat est alors sans effet en vertu des articles 112850 et 116251 du Code civil. Concrètement, cela signifie qu’une personne prostituée ne peut désormais plus saisir le juge pour exiger l’exécution du contrat, alors que cela était théoriquement possible jusqu’à présent. Si la vulnérabilité du prostitué-prestataire semble être actée, la vulnérabilité du client-bénéficiaire est quant à elle oubliée.

B – L’absence de prise en compte de la vulnérabilité du client

16. Le client et la vulnérabilité. Bien souvent, le client est diabolisé, perçu comme un homme libidineux qui profite de la faiblesse d’une femme sans défense. Pourtant, la misère humaine est aussi présente du côté de la clientèle. L’Organisation mondiale de la santé défini la santé sexuelle comme un état de bien-être physique, mental et social, dans le domaine de la sexualité. Elle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres de toute coercition, discrimination ou violence. La notion de vulnérabilité est plus large que la seule incapacité appréhendée par le Code civil : peuvent ainsi être considérées comme des personnes vulnérables « celles qui ne sont pas en mesure d’exercer suffisamment correctement leurs droits et libertés, du fait de leur situation pathologique ou de handicap, ou de leur âge, ou de leurs conditions économiques d’existence. Entrent dans cette catégorie : les personnes âgées, les personnes handicapées ou dont la santé est précaire, les personnes physiquement et psychologiquement faibles, les personnes vivant dans des conditions d’extrême pauvreté »52. On peut alors notamment songer aux difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap, qui sont autant d’obstacles à une vie affective et sexuelle53. Depuis la loi du 13 avril 2016, si une personne handicapée a recours à l’achat d’un acte sexuel auprès d’une personne qui se prostitue, elle pourra être pénalement réprimée, au même titre que le client « valide ». Mais qu’en est-il de la personne lourdement handicapée qui ne peut accéder seule à la sexualité, ni même à la connaissance de son propre corps ? Certaines associations considèrent l’assistance sexuelle comme une solution adaptée pour ces personnes54.

17. Assistance sexuelle et prostitution. L’assistance sexuelle55 peut se définir comme « un service sexuel rendu, par des personnes spécifiquement formées, à des personnes handicapées, contre rémunération »56. Prostitution et assistance sexuelle se confondent en droit français, puisque le client en situation de handicap sollicite de la part de l’assistant sexuel des relations de nature sexuelle en l’échange d’une rémunération, et ce dans le but de lui procurer un plaisir sexuel57. Afin que l’assistance sexuelle ne soit plus assimilée à de la prostitution, certaines associations réclament un encadrement juridique de ces pratiques clandestines, notamment par la création d’un agrément pour les structures ayant une activité d’assistance sexuelle, ce qui permettrait d’exonérer les personnes procédant à un acte d’entremise de toute répression.

La particulière vulnérabilité de ces personnes constitue un argument en faveur d’une formation spécifique, quasi médicale, de l’assistant sexuel, car « si les personnes handicapées ont des besoins sexuels, elles sont également plus vulnérables. Leur corps peut être fragile, douloureux, inconnu, et leur sensibilité exacerbée, de sorte qu’il est nécessaire d’être particulièrement attentif. L’accompagnement sexuel doit leur faire du bien, en aucun cas les personnes handicapées ne doivent se sentir heurtées par ce contact. Le bien ressenti, doit être à la fois psychologique et physique »58. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg a précisément permis la réalisation d’une telle formation59. En l’espèce, l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (APPAS) avait signé un contrat de réservation de prestations hôtelières et de restauration avec la mise à disposition d’une salle de conférence, afin d’y organiser une formation relative à l’accompagnement sexuel des personnes handicapées. Cette formation devait avoir lieu sur trois jours au mois de mars 2015. Quelques jours après la conclusion du contrat, la gérante de l’hôtel a fait savoir à l’association qu’elle refusait d’exécuter le contrat en raison des risques de poursuites pénales pour proxénétisme que le déroulement d’une telle formation pouvait faire courir à son établissement. Le juge des référés a estimé que le contrat devait être exécuté car le risque de poursuites pénales pour proxénétisme n’était pas avéré, en raison du caractère théorique du programme de formation qui se contentait d’évoquer des cas précis, sans démonstration à caractère sexuel pouvant être assimilée à de la prostitution. Le tribunal relève que le séminaire était exclusivement destiné à un public restreint de professionnels des domaines médico-social et sanitaire, préalablement sélectionnés. Le refus d’exécution du contrat constituait donc un trouble manifestement illicite. Le juge des référés a alors condamné la gérante de l’hôtel à exécuter le contrat sous astreinte de 10 000 €. Cette décision représente un premier pas vers la professionnalisation de cette activité, mais si l’apprentissage de la théorie est autorisé, la pratique ne l’est pas encore60.

L’évocation de la création d’un régime juridique dérogatoire en faveur de ces personnes particulièrement vulnérables donne naissance à de nombreuses interrogations. Ne serait-ce pas le point de départ de multiples revendications ? À titre d’exemple, une personne vivant en institution et n’ayant pas la possibilité d’en sortir ne pourrait-elle pas, elle aussi, légitimement demander à bénéficier des services d’un assistant sexuel61 ? La même revendication d’un droit d’accès à la sexualité ne pourrait-elle pas se manifester chez le sujet dont le grand âge met à mal les possibilités de poursuivre sa sexualité comme il le souhaiterait62 ? Il y aurait aussi beaucoup à dire sur le cas du majeur protégé ayant recours à une prostituée… Lorsqu’une personne vulnérable manifeste la volonté d’avoir recours à des services sexuels proposés, l’illicéité de ces contrats soulève en définitive une réelle réflexion éthique. Admettre une exception à la nullité du contrat lorsque le client est une personne vulnérable pourrait se justifier. Mais admettre une telle exception ne conduirait-elle pas à ouvrir la boîte de Pandore ?

18. Conclusion. Si l’on retient que le contrat de prostitution ne porte pas sur le corps de la personne mais sur une prestation de service sexuel, la réalisation de cette dernière se révèle incontestablement consubstantielle au corps humain. Contrairement à ce que soutient une partie de la doctrine, ce n’est pas la réalisation d’une obligation de faire classique (laquelle n’existe d’ailleurs plus qu’implicitement), car la spécificité de la mise à disposition du corps est double. En effet, cette prestation de service s’exécute par un corps-à-corps, puisque le créancier de l’obligation met son corps à contribution de façon équivalente à celui du débiteur de l’obligation. De plus, le résultat de cette prestation de service est inhérent au corps de la personne qui l’exécute. Il n’y a pas, contrairement à la force de travail par exemple, d’extériorité du résultat de la prestation qui puisse se détacher de la personne qui l’a réalisée.

C’est pourquoi, il apparaît important que ce contrat soit inséré dans la théorie générale des contrats portant sur le corps humain dont nous proposons la création, afin que ce contrat ne soit justement pas, dans l’esprit de nos contemporains, détaché du corps humain et, partant, banalisé. L’article 19 de la loi du 13 avril 2016 va d’ailleurs dans ce sens, avec la mise en place, à l’attention des élèves, de séances d’information sur « les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps », précisant que ces séances auront pour but de contribuer à « l’apprentissage du respect dû au corps humain ».

En conséquence, étant donné la récente position adoptée par le législateur qui a créé le statut de victimes de la prostitution et prohibé l’achat d’actes sexuels, et dans l’objectif d’une lecture cohérente, le contrat de prostitution, en tant que contrat portant sur le corps humain, devrait figurer, à l’instar de la gestation pour autrui, parmi les contrats contraires à l’ordre public ; car garder à l’esprit que cette activité est singulière, tant dans sa réalisation que dans les conséquences physiologiques, psychologiques et sociales qu’elle induit, c’est déjà contribuer à faire un pas pour la sauvegarde de la dignité humaine.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Marzano M., Philosophie du corps, 2007, PUF, « Que sais-je ? », p. 107.
  • 2.
    Cerf-Hollender A., « Libre disposition de son corps et prostitution », in La libre disponibilité du corps humain, Larralde J.-M. (dir.), t. 88, 2009, Nemesis & Bruylant, Droit & Justice, p. 309.
  • 3.
    Mathieu L., Sociologie de la prostitution, chap. IV « Protagonistes du monde de la prostitution », 2015, La Découverte, Repères, spéc., p. 71 à 93.
  • 4.
    V. Derycke D. (dir.), Les politiques publiques et la prostitution, Rapport d’information n° 209 sur l’activité de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pour l’année 2000, Sénat, 31 janv. 2001, II Panorama de la prostitution : « La prostitution masculine est en forte augmentation, elle atteint même 30 % à Paris et dans les grandes agglomérations ». Adde : Olivier M., Rapport d’information sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, Assemblée nationale, Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, n° 1360, 17 sept. 2013, p. 17.
  • 5.
    Les nouvelles technologies ont l’avantage de faciliter les contacts discrets avec les clients. Aussi, de plus en plus de jeunes se prostituent occasionnellement par ce biais, dans le but d’obtenir de manière rapide un complément de revenu. Pour approfondir cette forme récente de prostitution, v. Clouet E., La prostitution étudiante à l’heure des technologies de communication, 2008, Paris, Max Milo, « Essais-documents ».
  • 6.
    Cass. crim., 27 mars 1996, n° 95-82016 : Bull. crim., n° 138 ; Dr. pén. 1996, p. 182, obs. Veron. Outre le versement d’une somme d’argent, la rémunération s’entend de tout avantage matériel. V. Cass. crim., 22 juill. 1959 : RSC 1960, p. 80, obs. Hugueney L.
  • 7.
    L. n° 2002-305, 4 mars 2002.
  • 8.
    L. n° 2003-239, 18 mars 2003.
  • 9.
    L. n° 2016-444, 13 avr. 2016 : JO n° 0088, 14 avr. 2016, texte n° 1. Sur laquelle, Laurent-Bonne N., « La lutte contre le système prostitutionnel, analyse critique et comparative de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 », D. 2016, p. 1713 ; Casado A., « Brèves remarques sur la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées », Dr. pén. 2016, étude n° 12.
  • 10.
    C. pén., art. L. 225-12-1 (anc.) (L. n° 2002-305, 4 mars 2002, art. 13 ; L. n° 2003-239, 18 mars 2003, art. 50). Incrimination aujourd’hui prévue au C. pén., art. 225-12-1, al. 2 (L. n° 2016-444, 13 avr. 2016, art. 20).
  • 11.
    Le terme de « handicap » a remplacé la « déficience physique ou psychique ».
  • 12.
    C. pén., art. 225-12-2, 4°.
  • 13.
    Le chapitre V de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 s’intitule « Interdiction de l’achat d’un acte sexuel ». L’article 20 de cette même loi prévoit la création d’un titre unique inséré au livre VI du Code pénal, lequel a pour titre : « Du recours à la prostitution ». L’infraction est alors consacrée au nouvel article 611-1 du Code pénal.
  • 14.
    Parmi les actions abolitionnistes, la loi Marthe Richard du 13 avril 1946 a abrogé les dispositions qui prévoyaient l’inscription des personnes qui se livraient à la prostitution sur des fichiers de police spéciaux et fermé les maisons closes. Il n’existe pas de consensus des États en ce qui concerne la prostitution. Certains États choisissent d’adopter un régime dit réglementariste qui permet d’encadrer l’activité prostitutionnelle (c’est le cas des Pays-Bas notamment), d’autres États dits prohibitionnistes interdisent la prostitution (comme la Chine et bon nombre d’États américains par exemple), enfin, des systèmes mixtes dits de « néo-abolitionnisme » n’incriminent pas la prostitution mais sanctionnent les clients qui y ont recours, c’est la position adoptée par la Suède et depuis peu par la France.
  • 15.
    Laurent-Bonne N., « La lutte contre le système prostitutionnel, analyse critique et comparative de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 », préc., n° 2.
  • 16.
    Lequel consistait à inciter autrui à avoir des relations sexuelles en l’échange d’une rémunération. Sur l’histoire de la répression du racolage, v. Cerf-Hollender A., « Libre disposition de son corps et prostitution », préc., p. 321.
  • 17.
    Cette incrimination, prévue à l’article 225-5 du Code pénal revêt plusieurs formes, et le législateur assimile au proxénétisme certains comportements qui gravitent autour de l’activité prostitutionnelle. Sur lesquels, v. André C., Droit pénal spécial, 2e éd., 2013, Dalloz, n° 210, p. 173 à 175. À ce titre, on peut citer le proxénétisme par fourniture de locaux, incriminé à l’article 225-10 du Code pénal, passible de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende.
  • 18.
    Mazouz A., Le prix du corps humain, thèse, 2014, Paris I Panthéon-Sorbonne, n° 543, p. 256.
  • 19.
    L. n° 2016-444, 13 avr. 2016, art. 15.
  • 20.
    Cornu G. (dir), association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, v° « Inviolabilité ».
  • 21.
    Dans l’affaire Pretty contre Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’Homme a ainsi énoncé que l’article 8 de la Convention, relatif à la vie privée, comportait un droit à l’autodétermination au sens de la possibilité d’opérer des choix concernant son propre corps (CEDH, 29 avr. 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, n° 2346/02, § 66). À l’occasion de l’affaire K.A et A. D contre Belgique, laquelle traitait de relations sadomasochistes librement consenties, la même juridiction a considéré que le droit d’entretenir des relations sexuelles découle du droit de disposer de son corps, qui fait partie intégrante de la notion d’autonomie personnelle (CEDH, 17 févr. 2005, K.A et A.D c/ Belgique, nos 42758/98 et 45558/99, § 83). Sur cette affaire, v. Fabre-Magnan M., « Le sadisme n’est pas un droit de l’homme », D. 2005, p. 2973.
  • 22.
    Montas A., « Entre “être” et “avoir”, le corps humain est-il vénal ? », RRJ, vol. 4, 2006, p. 2245.
  • 23.
    Un auteur a notamment avancé deux hypothèses en ce sens : celle de la vente à temps et celle de la multipropriété du corps de la personne qui se prostitue. V. Amourette C., La prostitution et le proxénétisme en France depuis 1946 : étude juridique et systémique. Thèse : droit privé et sciences criminelles, 2003, Montpellier I, spéc. p. 239 et s. Contra Casado A., La prostitution en droit français : étude de droit privé, Préf. Loiseau G., t. 62, 2015, IRJS, André Tunc, spéc. nos 895 à 897, qui réfute la qualification de contrat de vente, notamment à travers la notion de transfert de propriété qui fait défaut.
  • 24.
    En ce sens, le philosophe Kant E., Leçon d’éthique, 1997, Le classique poche, p. 293, selon qui : « Il n’y a rien de plus honteux que d’offrir ainsi sa personne en location et de la livrer pour de l’argent à la satisfaction de l’inclination sexuelle d’un autre ». Adde Campagna N., Prostitution et dignité, L’attrape-corps, 2008, La Musardine, p. 95. Cet auteur explique que la personne qui se livre à la prostitution « loue son vagin, sa bouche, ses mains ou encore d’autres parties de son corps ». Contra, Casado A., La prostitution en droit français : étude de droit privé, préc., spéc. nos 902 à 905, lequel réfute la qualification du contrat de louage.
  • 25.
    Ouvrard L., La prostitution, Analyse juridique et choix de politique criminelle, 2000, L’Harmattan, Sciences criminelles, p. 151.
  • 26.
    Contra, certaines personnes se revendiquent des « travailleurs du sexe » et militent pour une reconnaissance officielle de cette profession, considérant que la prostitution libre existe. La revendication d’une prostitution choisie et reconnue appartient même désormais à une nouvelle branche du combat féministe. Sur ce phénomène, Starck L., « Néo-féminisme et prostitution », in Le sexe et la norme, Deffains N. et Py B. (dir.), 2011, PU Nancy, Santé, qualité de vie et handicap, p. 397 et s. Dans le même sens, v. Cerf-Hollander A., « Libre disposition de son corps et prostitution », préc., p. 314, laquelle cite une lettre ouverte qui avait été adressée à Noël Mamère par le Collectif Droits et prostitution : « Oui, nous avons des tas de problèmes et des parcours souvent difficiles étant le plus souvent des femmes ou des minorités déjà discriminées. Mais le travail du sexe a pu représenter au cours de nos vies une ressource, afin de migrer, d’étudier, de veiller au bien de sa famille et de ses enfants, d’être indépendant économiquement, bref de progresser socialement. Cela ne plaît peut-être pas que nous utilisions notre sexe, mais l’usage de son sexe ne veut pas dire que l’on perd l’usage de son cerveau » ; Maîtresse Nikita et Schaffauser T., Fières d’être putes, 2007, L’Altiplano, « Agit’Prop ».
  • 27.
    Batteur A. (dir.), Les grandes décisions du droit des personnes et de la famille, 2e éd., 2016, Lextenso éditions, nos 447 et s.
  • 28.
    Dreyer E., « La dignité opposée à la personne », D. 2008, n° 39, p. 2730.
  • 29.
    CEDH, 11 déc. 2007, n° 37194/02, Tremblay c/ France : RTD civ. 2007, p. 730, note Marguénaud J.-P.
  • 30.
    CEDH, 11 déc. 2007, n° 37194/02, Tremblay c/ France, § 24.
  • 31.
    Cf. § 25.
  • 32.
    Convention entrée en vigueur en France le 19 novembre 1960. V. L. n° 60-754, 28 juill. 1960 autorisant la ratification de la convention : JO, 30 juill. 1960, p. 7041 – D. n° 60-1251, 25 nov. 1960 portant publication de la convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 2 décembre 1949, JO, 27 nov. 1960, p. 10619-10621. Rectif., JO, 15 déc.1960, p. 11225.
  • 33.
    CJCE, 20 nov. 2001, n° C-268/99, Aldona Malgazata Jany et a. c/ Pays-Bas ; Retterer S., « L’activité de prostitution exercée à titre indépendant : une activité économique au sens du droit communautaire », D. 2002, p. 2144.
  • 34.
    Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
  • 35.
    Qualification retenue not. par Casado A., La prostitution en droit français : étude de droit privé, préc., n° 906. Dans le même sens, Caballero F., Droit du sexe, 2010, LGDJ, n° 527, où l’auteur considère que « l’objet du contrat de prostitution consiste en la fourniture à autrui d’un service sexuel rémunéré ».
  • 36.
    Casado A., La prostitution en droit français : étude de droit privé, préc., ibid. : « Dans le contrat de prostitution, une personne – celle qui se prostitue – engage ses services pour une entreprise déterminée – la fourniture d’actes de nature ou à connotations sexuelles contre rémunération ».
  • 37.
    L., 13 avr. 2016, préc., art. 5. En cas de torture ou d’actes de barbarie, de violences, de violences ayant entraînées une mutilation ou une infirmité, de violences mortelles, d’agressions sexuelles, ou de viol commis sur une personne qui se livre à la prostitution pendant l’exercice de son activité, cette nouvelle catégorie de victimes est constitutive d’une circonstance aggravante aux termes de l’article 11 de la loi du 13 avril 2016 venant modifier plusieurs articles du Code pénal par l’insertion de la formule suivante : « sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, si les faits sont commis dans l’exercice de cette activité ». V. Code pénal, 5° quarter des art. 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, l’art. 222-24 13° et l’art. 222-28 9°.
  • 38.
    C. civ., art. 1143 : « Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».
  • 39.
    CE, 4 mai 1979, n° 09337. Sur la reconnaissance en droit interne de la prostitution comme une activité professionnelle par le droit fiscal, v. not. Marrion B., « Profession : prostitué ! », in Le sexe et la norme, préc., spéc. p. 374 à 379.
  • 40.
    Cette catégorie regroupe, aux termes de l’article 92 du CGI : « Les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ». V. not. : CE, 17 janv. 1990, n° 43499 ; CAA Bordeaux, 27 avr. 2006, n° 02BX01379.
  • 41.
    Dans l’affaire Temblay c/ France, préc., par un jugement du 17 décembre 1998, le TASS de Paris avait annulé pour illégalité les contraintes de recouvrement des cotisations des années antérieures que l’URSAFF réclamait à une femme qui exerçait une activité prostitutionnelle. Les juges avaient été particulièrement audacieux dans leur motivation en relevant que « l’État, un et indivisible, ne peut par le biais du ministère de la Justice faire tomber sous le coup de la loi pénale quiconque appréhende les subsides d’une personne se livrant à la prostitution et par le biais du ministère des Finances ou d’organismes officiels, tel que l’URSAFF, appréhender lui-même lesdits revenus pour des raisons fiscales évidentes (…). Le tribunal, qui a une mission de justice, ne peut que stigmatiser cette compromission étatique ». Ces éléments de procédure sont rappelés par la Cour EDH dans l’arrêt Tremblay c/ France, préc., § 10.
  • 42.
    V. not. Larralde J.-M., « La France, État proxénète ? », RTDH 2009, p. 195.
  • 43.
    La requérante avait saisi la Cour européenne en soutenant que les sommes réclamées par l’URSAFF étaient si élevées que cela l’obligeait à continuer de se prostituer pour pouvoir s’en acquitter, ce qui constituait un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention, et un travail forcé au sens de l’article 4, § 2 du même texte. La Cour européenne a néanmoins décidé que les cotisations réclamées par l’URSAFF ne constituaient ni un traitement inhumain ou dégradant, ni un travail forcé, car la requérante pouvait très bien s’acquitter de ses cotisations au moyen d’autres activités.
  • 44.
    L., 13 avr. 2016, article 5 ; CASF, art. L. 121-9. Le décret d’application n° 2016-1467 du 28 octobre 2016 prévoit que toute association déclarée depuis au moins trois ans et ayant pour principal objet de venir en aide aux personnes prostituées, mais également aux femmes victimes de violences ou plus généralement aux personnes en difficulté, peut demander un agrément lui permettant de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de ce parcours. L’agrément, délivré par le préfet, est d’une durée de 3 ans renouvelable. Une commission départementale de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle est également instituée dans chaque département. Elle doit notamment rendre un avis sur tous les dossiers relatifs à la mise en place ou au renouvellement du parcours de sortie de la prostitution, lesquels lui sont soumis par les associations agréées ayant procédé à leur instruction.
  • 45.
    Selon l’article 1er du décret du 28 octobre 2016, instituant l’article R. 121-12-10 du CASF.
  • 46.
    Loi du 13 avril 2016, art. 7. Suivant l’article 1er du décret du 28 octobre 2016, une personne engagée dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle pourra également bénéficier : d’un logement dans le respect des conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, d’un accueil en logement-foyer ou d’un hébergement adapté à sa situation ; d’un accompagnement visant à faciliter l’accès aux soins, sur le plan physique et psychologique, et aux droits ; ainsi que d’actions d’insertion sociale, visant à favoriser la socialisation, l’autonomie des personnes dans leur vie quotidienne et l’élaboration d’un projet d’insertion professionnelle. La décision du préfet de département d’autoriser ou de renouveler le parcours de sortie permet aussi la délivrance aux personnes étrangères d’une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois ouvrant droit à l’exercice d’une activité professionnelle, dans les conditions prévues à l’art. L. 316-1-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
  • 47.
    Livre des procédures fiscales, article L. 247 1°.
  • 48.
    L’article 611-1 nouveau du Code pénal dispose que « Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au présent article encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l’article 131-16 et au second alinéa de l’article 131-17 ». Les peines complémentaires mentionnées se traduisent par des stages de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, lesquels peuvent être accomplis aux frais de l’intéressé. La récidive est constitutive d’un délit puni d’une amende de 3 750 € (C. pén., art. 225-12-1, al. 1er).
  • 49.
    Sur lequel, Pellet S., « Le contenu licite et certain du contrat », Dr. et patr. mai 2016, p. 61.
  • 50.
    Grimaldi C., « Les maux de la cause ne sont pas qu’une affaire de mots », D. 2015, p. 814 ; Wicker G., « La suppression par le projet d’ordonnance : la chose sans le mot ? », D. 2015, p. 1557.
  • 51.
    C. civ., art. 1128 : « Sont nécessaires à la validité du contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un contenu licite et certain ».
  • 52.
    C. civ., art. 1162 : « Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ».
  • 53.
    Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur le consentement des personnes vulnérables, ass. plén. du 16 avril 2015 : JO, 10 juill. 2015, texte n° 126.
  • 54.
    Chossy J.-F., Évolution des mentalités et changement du regard de la société sur les personnes handicapées : passer de la prise en charge… à la prise en compte, Rapport remis au gouvernement en novembre 2011, spéc. p. 104 à 109.
  • 55.
    Thierry J.-B., « Libres propos sur l’assistance sexuelle au sujet de la liberté sexuelle des personnes handicapées », in Le sexe et la norme, préc., spéc. p. 313.
  • 56.
    CCNE, avis n° 118 du 4 octobre 2012 : « Vie affective et sexuelle des personnes handicapées, question de l’assistance sexuelle » ; Vialla F., « Vie affective et sexuelle des personnes handicapées : assistance sexuelle », D. 2013, p. 714.
  • 57.
    Geoffroy G., Rapport sur la prostitution en France, Rapport Assemblée nationale, n° 3334, 13 avril 2011, p. 282 et s.
  • 58.
    V. not. Py B., « L’assistance sexuelle aux personnes handicapée : un service ? Un soin ? Un délit ? », Rev. dr. & santé 2011, n° 40, p. 105.
  • 59.
    Gelly C., in Handicaps et sexualités, Nuss M. (dir.), 2014, Dunod, citée par Duchosal O., « L’assistance sexuelle : revendications, état du droit et perspectives », Juris associations 2015, n° 530, p. 21.
  • 60.
    TGI Strasbourg, 6 mars 2015, n° 15/00173. Sur laquelle, Py B., « Quand une juridiction statue sur la licéité d’une formation à l’accompagnement sexuel sur le sol français », Rev. dr. & santé, n° 65, 2015, p. 464-467 ; Missoffe P., « L’admission judiciaire d’une formation théorique à l’assistance sexuelle pour les personnes en situation de handicap », La Revue des droits de l’Homme 2015, Actualités Droits-Libertés http://revdh.revues.org/1084, mis en ligne le 17 avril 2015.
  • 61.
    Selon le site internet de l’APPAS, la prochaine formation pour l’accompagnement sexuel des personnes en situation de handicap aura lieu du 16 au 19 mars 2017. Chaque stagiaire devra s’acquitter de la somme de 600 €.
  • 62.
    Vialla F., « Vie privée et vie sexuelle en institution : on n’est pas des anges », Juris associations 2015, n° 530, p. 17 ; Callu M.-F., « Le regard éthique en matière de sexualité et d’intimité », Ibid., p. 26.
  • 63.
    Crivelli D., Le regard du personnel soignant sur la sexualité des personnes âgées en institution, thèse de médecine, Dr Bouvel B. (dir.), 2010, Université de Nancy ; Colson M.-H., « Sexualité et pathologies du vieillissement chez les hommes et les femmes âgées », Gérontologie et société 2012/1, n° 140, p. 109 à 130.
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