La validité en tant que testament international des dispositions testamentaires authentiques nulles

(À propos de Cass. 1 re civ., 25 nov. 2015)
Publié le 10/06/2016

L’arrêt annoté a permis à la première chambre civile de la Cour de cassation d’apporter de précisions utiles quant à la notion de signature à propos des feuillets intermédiaires d’un testament reçu par ministère de notaire. Dès lors que ces feuillets comportent les initiales du disposant, il s’agit du paraphe prévu par le décret du 26 novembre 1971 pour les actes notariés. Il en résulte qu’un tel paraphe constitue la signature du testateur sur les feuillets en cause. Dans ces conditions, l’acte considéré est conforme aux prescriptions de l’article 6, paragraphe 2 de la convention de Washington et peut valoir comme testament international valable.

Cass. 1re civ., 25 nov. 2015, no 14-21287, PB

Le testament authentique est marqué par un formalisme très prégnant qui constitue pour le testateur une réelle garantie de ce que ses dernières volontés seront exécutées. Cette garantie est celle qui se rattache aux actes authentiques. Ainsi le prix de cette sécurité est-il l’existence d’un formalisme très lourd. Il faut considérer que, reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins (C. civ., art. 971), le testament authentique est à l’abri du contentieux portant sur ses dispositions ; de même qu’il ne court pas le risque d’être perdu. De plus, étant un acte authentique, ce testament possède la force probante des actes publics quant aux constatations faites personnellement par l’officier ministériel instrumentaire. En ce sens donc, de telles constatations ne peuvent être combattues que par la procédure de l’inscription en faux1.

La sanction de ce formalisme est la nullité du testament2 et, par conséquent, l’éventuelle responsabilité civile du notaire instrumentaire. Ainsi s’explique le fait que le notariat soit particulièrement réticent à recevoir de testament. Il y a lieu de souligner que, suivant l’article 764 du Code civil, le testament authentique est le seul procédé qu’un époux prédécédé peut utiliser pour exhéréder son conjoint survivant du droit viager au logement prévu par les articles 764 à 766 du Code civil.

De fait, lorsque cette sanction survient, afin d’éviter leur responsabilité civile, les notaires ont tendance à se prévaloir de la validité, en tant que testament international, des dispositions contenues dans le testament authentique nul. Tel était le cas dans les faits de l’arrêt annoté. En effet, un jugement devenu irrévocable avait déclaré comme faux un testament authentique et, en conséquence, prononcé sa nullité. Le notaire instrumentaire avait, par la suite, excipé de la validité de l’acte en qualité de testament international. La cour d’appel allait rejeter cette demande en considérant que les prescriptions de la loi uniforme portant sur la signature n’étaient pas remplies dès lors que les feuillets des testaments authentiques ne comportaient que les initiales du testateur et non pas la signature de celui-ci. La décision de la juridiction du second degré est censurée. Confirmant de la sorte le sauvetage du testament authentique par le testament international (I), l’arrêt annoté retient, en outre, en matière de signature une solution qui est conforme à la convention de Washington du 26 octobre 1973 relative à la forme du testament international (II).

I – Du testament authentique nul au testament international valide

Présenté comme un testament authentique simplifié3, le testament international est entré en vigueur en France le 1er décembre 19944. La consécration du testament international marque un véritable mouvement qui traduit la favor testamenti dans l’ordre international. Cette favor testamenti avait commencé avec la convention de La Haye du 5 octobre 1961 relative à la loi applicable à la forme des dispositions testamentaires5. Manifestant sa favor testimenti, la convention de La Haye avait déjà retenu la validité du testament dès lors que sa forme correspondait à l’une de celles admises par la loi du pays du lieu de rédaction du testament, de la nationalité du testateur, du domicile ou de la résidence habituelle dudit testateur, soit au moment où il avait testé, soit à la date de son décès6.

C’est ce mouvement que la convention de Washington du 26 octobre 1973 est venu amplifier. En effet, cette convention prévoit dans son article premier qu’« un testament est valable en ce qui concerne sa forme, quels que soient le lieu où il a été fait, la situation du bien, la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur, s’il est fait dans les formes du testament international, conformément aux dispositions de la loi uniforme ».

Dans le domaine du conflit des lois, l’application de ces deux conventions aboutit à supprimer tout conflit. D’une part, l’effet de la convention de La Haye est de se substituer totalement aux règles françaises de conflit. Ainsi ce sont les règles matérielles de cette convention qui trouveront matière à application chaque fois que sera en cause la forme de testament dans les États liés par ladite convention. D’autre part, puisque la convention de Washington réalise l’uniformisation quant à la forme du testament, il en résulte des règles matérielles applicables toutes les fois que le disposant recourt aux formes prescrites par la convention. Au surplus, il y a lieu de noter l’articulation entre les conventions de La Haye et de Washington. Ainsi un testament en la forme international établi dans un pays où les deux conventions sont en vigueur sera-t-il valable aussi bien dans les États parties à la convention de La Haye que dans les États parties à la convention de Washington. Car un tel testament a été établi conformément à la loi du lieu de sa rédaction7.

Il apparaît ainsi que le testament international constitue en France l’une des formes valables pour l’établissement des dernières volontés. Dans ces conditions, lorsque le testateur recourt aux formes internes de testament – le testament olographe, le testament mystique et le testament authentique – et que ces formes sont déclarées nulles, il convient de s’interroger sur la validité de ces dispositions testamentaires au regard de la forme internationale des testaments. Il ne s’agit rien moins que de l’application de la théorie de la conversion par réduction8. En effet, la nullité des dispositions testamentaires dans l’une des trois formes internes ne signifie pas que l’acte concerné ne serait pas valable dans la forme internationale lorsqu’il en remplit les conditions de validité. Et, inversement, le testament international frappé de nullité en raison d’un vice de forme pourrait toujours constituer un acte régulier s’il est conforme aux prescriptions régissant la confection de l’une des trois formes internes de testament. Au demeurant, l’article 979, alinéa 2 du Code civil fait déjà application de la théorie de la conversion par réduction à propos du testament mystique. Car cette disposition précise que l’acte nul en tant que testament mystique pourra être valable en qualité de testament olographe, si les conditions de celui-ci sont réunies.

En réalité, il convient de souligner que le testament international nul ne pourrait être sauvé que par la forme olographe de testament, à la condition qu’il ait été écrit par le testateur, daté et signé de la main du disposant. La forme olographe constitue, en effet, la forme minimale commune aux formes de testaments admises en droit français. Dans tous les autres cas, l’irrégularité de forme affectant le testament international fera obstacle à ce qu’il puisse être valable en qualité, soit de testament authentique, soit de testament mystique.

En revanche, il en va autrement en ce qui concerne le testament authentique. Quand font défaut les conditions de forme requises pour la validité d’un tel acte, le testament international en constituera un véritable substitut9. Car, très souvent, les conditions de forme prescrites pour la validité du testament international auront été observées à l’occasion de la confection du testament authentique atteint par la nullité. Il en est ainsi de la condition relative à l’existence de l’écrit, de celle portant sur la présence de notaire instrumentaire ou de témoins ainsi que de la condition touchant à la signature de l’acte. Ce sont ces formalités solennelles qui permettent de caractériser le testament international. Il s’ensuit que, dès lors que toutes ces formalités ont été accomplies, l’acte dont il s’agit doit être tenu pour un testament international valable10. Tel était exactement le cas du testament considéré dans les faits de l’arrêt annoté. Or la cour d’appel avait pris prétexte de ce que les feuillets de l’acte ne comportaient que les initiales du disposant pour conclure à l’inexistence de la signature, d’où il résultait que le testament authentique nul ne pouvait servir en qualité de testament international valable.

II – La signature dans le testament international

L’acte uniforme portant le testament international comporte une double exigence en matière de signature. D’une part, l’article 5 de la convention de Washington dispose que le testateur doit signer l’acte valant testament international. Cette signature doit être apposée en présence du notaire instrumentaire et des témoins. Dans le cas où l’acte est déjà signé, le disposant doit, sous la même condition, reconnaître et confirmer sa signature. Lorsqu’il est dans l’incapacité de signer, le testateur doit en indiquer la cause et le notaire est tenu d’en faire mention dans l’acte qu’il dresse. D’autre part, l’article 6 de la même convention précise que, dans le cas où l’acte comporte plusieurs feuillets, chacun de ceux-ci doit revêtir le paraphe du testateur. De fait, c’est cette disposition qui était en cause dans l’arrêt rapporté. Si la dernière page du testament authentique était revêtue de la signature du disposant, les feuillets ne comportaient que l’indication de ses initiales. La juridiction du second degré avait alors retenu que les feuillets n’avaient pas été signés par le de cujus, de sorte que les formalités requises par l’article 6, paragraphe 2, de la convention pour la validité du testament international n’étaient pas réunies.

Cette indication conduit à poser une première question. Les formalités prescrites par l’article 6, paragraphe 2 de la convention de Washington constituent-elles des formalités solennelles prescrites à peine de nullité du testament international ?

Le professeur Michel Grimaldi avait considéré qu’il s’agissait de « conditions dont la violation n’emporte point la nullité du testament (…) leur sanction pourrait, le cas échéant, consister dans la responsabilité civile du notaire, notamment si, par la suite de l’irrégularité, le testament, bien qu’il ne fût pas nul, se trouvait néanmoins frappé d’inefficacité »11.

Mais la position exprimée par l’éminent professeur n’a pas été suivie par la Cour de cassation. La première chambre civile de la Cour a tranché cette question. À cet égard, elle a retenu que l’article 5 de la convention de Washington, « qui exige la signature du testateur, est indissociable des dispositions de l’article 6 qui déterminent les modalités de la signature ». La Cour de cassation en a tiré la conclusion suivant laquelle les dispositions de l’article 6 sont également prescrites à peine de nullité de l’acte, tout comme l’est l’article 5 de la même convention. Aussi la Cour de cassation a-t-elle considéré que la nullité du testament authentique dont les feuillets ne revêtaient pas la signature du testateur, faisait obstacle à ce qu’un tel testament authentique nul puisse valoir en tant que testament international valable, puisque les formalités de l’article 6, paragraphe 2, n’avaient pas été accomplies12.

Puisque les dispositions des articles 5 et 6 de la convention de Washington sont indissociables, la seule mention des initiales par le testateur sur les feuillets de l’acte peut-elle être considérée comme étant la signature que le disposant est tenu d’apposer à l’acte dans les conditions déterminées par l’article 6, paragraphe 2 de la convention ? Telle est la seconde question que soulevait l’arrêt annoté.

En réalité, dès lors que l’intervention du notaire instrumentaire se produit dans la phase de suscription, il s’ensuit que celle-ci est établie par le notaire en brevet. Il s’agit donc d’un acte notarié. Précisément, un tel acte ne peut être établi que conformément aux prescriptions du décret du 26 novembre 1971 régissant l’établissement des actes notariés. De fait, l’article 14, alinéa 4 de ce décret prévoit explicitement que les actes notariés comportant plusieurs feuillets sont revêtus du paraphe du disposant sur chaque feuillet. Ainsi, l’apposition du paragraphe par le disposant constitue-t-elle une formalité qui est équipollente à la signature. Telle est la solution pertinente adoptée par l’arrêt rapporté.

En effet, il n’y a aucune raison de maintenir la solution posée par la juridiction du second degré. Une telle solution serait revenue à opter pour un renforcement du formalisme en matière de signature dans le testament international, alors même que le formalisme en vigueur pour les actes notariés demeurait régi par le décret du 26 novembre 1971. Or, dans les deux cas, ce sont les mêmes actes qui sont en cause ; il s’agit dans l’un et l’autre cas d’actes authentiques établis par ministère de notaire. Dans ces conditions, dès lors que le paraphe équivaut à la signature dans les actes notariés, la même solution doit être admise pour le testament international qui n’est rien d’autre qu’un acte notarié. Et, puisque l’insertion des initiales sur les feuillets intermédiaires de l’acte par le testateur constitue l’apposition du paraphe, il en résulte que l’acte considéré est revêtu de la signature du disposant pour être, le cas échéant, excipé comme constituant un testament international.

Il y a lieu de souligner que l’adoption de la solution retenue par la cour d’appel dans l’arrêt censuré aurait eu pour effet pratique de rendre impossible l’application de la théorie de la conversion par réduction au profit du testament international. L’exigence d’un formalisme spécifique au testament international aurait constitué un obstacle à ce que le testament authentique nul puisse servir comme testament international. Car la pratique notariale consiste, précisément, à recommander au disposant d’apposer son paraphe sur les feuillets intermédiaires de l’acte et de ne signer que la dernière page. Et ce sont les initiales qui sont très souvent utilisées comme paraphe. C’est donc une réelle insécurité que pouvait introduire une telle solution.

Au surplus, il convient de noter que cette exigence de la signature des feuillets comme formalité solennelle sanctionnée par la nullité de l’acte constituait déjà un renforcement du formalisme en matière de testament international opéré par la Cour de cassation13. Dans ces conditions, un durcissement supplémentaire n’était ni souhaitable ni justifié, puisqu’il aurait conduit à une opposition purement artificielle entre des actes notariés, que rien ne permet de distinguer ou d’opposer. Par ailleurs, un tel durcissement, parce qu’il aurait eu pour effet de rendre difficile la validité en France du testament international, eût été contraire à la favor testamenti dont le testament international est une des manifestations. Aussi, la solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt rapporté mérite-t-elle d’être approuvée.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. civ., art. 303 et s. – Cass. 1re civ., 28 juin 1961 : Bull. civ. I, n° 353 – Cass. 1re civ., 29 mai 1962 : RTD civ. 1962, p. 686, obs. Savatier R.
  • 2.
    V. par ex. Cass. 1re civ., 26 sept. 2007 : JCP G 2008, II, 10051, note Mahinga J.-G. ; Dr. Famille 2007, n° 224, obs. Beignier B. ; D. 2008, p. 2251, obs. Nicod M. – Cass. 1re civ., 29 juin 2011 : JCP N 2011, 1257, note Rivière G. ; RTD civ. 2011, p. 791, obs. Grimaldi M. ; Dr. Famille 2011, n° 132, obs. Beignier B. – Cass. 1re civ., 1er févr. 2012 : RTD civ. 2012, p. 360, obs. Grimaldi M. ; Dr. Famille 2012, n° 71, obs. Beignier B. – Cass. 1re civ., 7 juill. 1965 : JCP G 1965, II, 14385, note Voirin P. – Cass. 1re civ, 19 déc. 1978 : Defrénois 1979, p. 1248, obs. Champenois G. – V., en outre, Rivière G., « La dictée du testament authentique », in Mélanges G. Champenois, Defrénois, 2012, p. 701 et s.
  • 3.
    Malaurie P., Les successions. Les libéralités, Defrénois, 2012, n° 486.
  • 4.
    Byk C., « La forme internationale du testament » : JCP N, 331 ; Revillard M., « Une nouvelle forme de testament : le testament international » : Defrénois 15 mars 1995, p. 289 ; Revillard M., « L’entrée en vigueur de la convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d’un testament international » : JDI 1995, p. 585.
  • 5.
    V. Batiffol H., « La neuvième session de la conférence de La Haye » : Rev. crit. DIP 1962, p. 465 ; Droz G., « Les nouvelles règles de conflit françaises en matière de forme des testaments » : Rev. crit. DIP 1968, p. 1.
  • 6.
    Cass. 1re civ., 14 nov. 2007 : JCP G 2008, II, 10088, note Mahinga J.-G. ; Defrénois 30 juin 2008, p. 1326, n° 38793, note Revillard M. ; Dr. Famille 2008, n° 16, obs. Fongaro E.
  • 7.
    Sur la différence entre la forme et le fond, v. Cass. 1re civ., 21 nov. 2012 : LPA 30 janv. 2013, p. 7, note Mahinga J.-G.
  • 8.
    V. Grimaldi M., Libéralités. Partages d’ascendants, Litec, 2000, n° 1386 bis.
  • 9.
    Cass. 1re civ., 10 oct. 2012 : LPA 7 déc. 2012, p. 6, note Mahinga J.-G.
  • 10.
    Cass. 1re civ., 12 juin 2014 : LPA 18 juill. 2014, p. 7, note Mahinga J.-G.
  • 11.
    Grimaldi M., op. cit., n° 1386 bis.
  • 12.
    Cass. 1re civ., 10 oct. 2012, préc. : LPA 7 déc. 2012, p. 6, note Mahinga J.-G., préc. ; RTD civ. 2012, p. 761, obs. Grimaldi M.
  • 13.
    Cass. 1re civ., 10 oct. 2012, préc. : LPA 7 déc. 2012, p. 6, note Mahinga J.-G., préc., pour la critique de la solution.
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