Testament authentique nul mais testament international valide

Publié le 26/10/2018

Un testament authentique nul peut valoir comme testament international à la condition que les formalités prescrites par la convention de Washington du 26 octobre 1973 soient respectées.

Un testament peut en cacher un autre ! La Cour de cassation vient de rendre un arrêt, rendu sur renvoi après cassation (Cass. 1er civ, 5 sept. 2018, n° 17-26010) qui nous rappelle que conformément à sa jurisprudence de 2014 (Cass. 1er civ, 12 juin 2014, n° 13-18383), un testament qui ne remplit pas les conditions nécessaires pour être considéré comme un acte authentique peut être valable en tant que testament international et produire tous ses effets dès lors que les formalités prescrites par la convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies.

Des degrés de formalités variables

Par opposition à un acte olographe, entièrement rédigé de la main du testateur, daté et signé, un acte authentique établi par un notaire est soumis à de nombreuses conditions formelles. Il doit être dicté à un notaire, en présence de deux témoins ou d’un autre notaire. Il doit être lu au testateur avant sa signature. Il est également signé par les témoins ou le deuxième notaire présent. Cet acte est conservé à l’étude et enregistré au Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV). Créé dans le cadre de la convention de Washington du 26 octobre 1973, le testament international a, quant à lui, été introduit en France le 1er décembre 1994. Il peut être rédigé en France comme à l’étranger, concerner des biens nationaux et non nationaux. Le testeur peut être de nationalité française ou étrangère et avoir son domicile ou sa résidence en France ou à l’étranger. Comme pour un testament holographe, le testament est tout d’abord préparé par son auteur. Il peut être manuscrit ou dactylographié, y compris par un tiers. Dans la mesure où il n’a pas à être dicté, un testateur ayant des difficultés d’élocution peut donc y avoir recours. Il est rédigé dans la langue du choix du testateur. Ce document fait l’objet d’une déclaration devant notaire et en présence de deux témoins. Le testateur déclare que ce document constitue son testament et qu’il en connaît le contenu, sans pour autant être tenu de le révéler, ce qui lui confère une similarité avec le testament mystique. Le testament international est ensuite signé par l’ensemble des parties présentes. Le notaire date le testament puis établit une attestation en deux exemplaires précisant que les formalités du testament international ont été remplies.

Le rôle des témoins

L’affaire soumise à la Cour de cassation concerne un testament authentique consentant divers legs particuliers à plusieurs personnes, notamment à deux des neveux du défunt, à l’association diocésaine de Toulouse et au vicaire général du diocèse de cette ville. Les deux neveux contestaient la régularité du testament et s’opposaient notamment à la délivrance des legs au profit de l’association diocésaine de Toulouse et du vicaire général du diocèse de cette ville. Pour la cour d’appel, le testament du 14 juin 2007 est déclaré faux et annulé en tant que testament authentique. Cependant, l’annulation d’un testament authentique ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international. Cette solution suppose évidemment que les formalités de la convention de Washington du 26 octobre 1973 soient respectées. Dans la présente espèce, l’obligation faite au testateur de déclarer sa volonté et de signer le testament en présence de deux témoins et d’un notaire a été jugée satisfaite puisque les formalités ont été accomplies en présence de deux notaires, par équivalence des conditions prévue en droit interne à l’article 971 du Code civil. En conséquence, la cour a ordonné la délivrance du legs consenti à l’association diocésaine de Toulouse, ainsi que des fruits et revenus produits par lui depuis le décès du testeur.

Les articles 4 et 5 de cette loi uniforme prescrivent, à peine de nullité de l’acte en vertu de son article 1er, que le testateur déclare en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter à cet effet en France que le document est son testament, qu’il en connaît le contenu et qu’il le signe en présence des témoins et du notaire ou s’il l’a déjà fait, reconnaît et confirme sa signature. Pour les requérants l’article V de la convention portant loi uniforme sur la forme du testament international, disposant que les conditions requises pour être témoin d’un testament international sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée, ne peut pas être interprété comme signifiant en contradiction avec les articles 1er, 4 et 5 de la loi uniforme, qu’un testament international est valable lorsqu’il est reçu par deux notaires, nonobstant l’absence de deux témoins. La Cour de cassation confirme la solution de la cour d’appel pour qui l’annulation d’un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du Code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international, dès lors que les formalités prescrites par la convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies. En l’espèce l’arrêt retient, à bon droit, que l’obligation faite au testateur de déclarer sa volonté et de signer le testament en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter à cet effet, en l’occurrence, sur le territoire de la République française, un notaire, est satisfaite en ce que ces formalités ont été accomplies en présence de deux notaires, par équivalence des conditions prévue en droit interne à l’article 971 du Code civil. Toutes les conditions prévues par la loi uniforme sur la forme d’un testament international ayant été remplies à l’occasion de l’établissement du testament reçu le 14 juin 2007, la cour d’appel en a justement déduit que cet acte, déclaré nul en tant que testament authentique, était valable en tant que testament international. Une solution qui ne fait pas l’unanimité. Conformément aux règles du droit national, la présence de deux notaires est considérée comme équivalente à celle de deux témoins et d’un notaire, conformément à l’article 971 du Code civil. En revanche, la loi uniforme ne comporte aucune disposition de ce type. Et si l’article V de la convention de Washington du 26 octobre 1973 renvoie à la loi nationale pour fixer les qualités requises pour avoir la qualité de témoin (notion d’incapacité, de témoin), il n’est pas évident que ces dispositions puissent être interprétées de façon aussi extensive.

Aphasie et dictée

Dans une affaire jugée par la cour d’appel de Paris l’hiver dernier (CA Paris, 20 févr. 2018, n° 16/17591), ces conditions n’ont pas été considérées comme respectées. Dans cette affaire, le litige entre les deux neveux héritiers de la défunte portait sur des œuvres d’un peintre et sculpteur espagnol contemporain de Picasso (Julio Gonzalez) ainsi que de son frère et de sa fille qui étaient également des artistes dont elle avait elle-même hérité. Dans un premier acte authentique, la défunte a fait une donation à la circonscription administrative espagnole « Generalitat Valencia » d’un ensemble important de ces œuvres, à charge notamment pour le donataire de les exposer en permanence dans le cadre d’un centre présentant les critères d’un centre international, ouvert au public. Cette condition a été respectée et les œuvres sont exposées à l’Institut Valencia d’art moderne (IVAM). Dans de précédents testaments holographes, la défunte instituait ses neveu et nièce, comme légataires universels conjointement avec accroissement entre eux et leur a légué, en outre, à titre particulier, ses quatre biens immobiliers. Elle leur demandait de régler les droits de succession par dation en paiement des œuvres d’art se trouvant dans les biens immobiliers précités autres que celles de Julio Gonzalez et précisait que les œuvres non retenues en dation leur appartiendraient à parts égales. Elle léguait par ailleurs à l’IVAM, les œuvres de Julio Gonzalez qui se trouvaient dans son appartement parisien et les dessins et huiles de son frère et de sa fille se trouvant dans sa propriété de Monthyon. Leurs autres œuvres devaient, quant à elles, demeurer la propriété de ses légataires universels. Dans un nouveau testament holographe, elle désigne conjointement avec accroissement entre eux ses neveux comme légataires universels, en leur léguant, à titre particulier, les mêmes biens, avec la même répartition entre eux. Un an après un nouveau testament holographe est rédigé, où elle réitère sa volonté de léguer l’ensemble de ses biens, à deux neveux, en les instituant de nouveau  légataires universels, cette fois à concurrence de moitié chacun. Par un codicille ulterieur, elle désigne M. N L, notaire comme exécuteur testamentaire. Victime la même année d’un accident vasculaire cérébral, entraînant une hémiplégie droite et une aphasie globale, elle donne un mandat de gérer et administrer tous ses biens et notamment l’œuvre de Julio Gonzalèz à son neveu. Un an après, dans un testament authentique en date du 22 décembre 2005, elle institue son neveu, légataire universel à charge pour lui de délivrer à sa nièce le legs particulier suivant net de frais et droits, consistant en tous ses actifs à la Société Générale.

Défaut de formalisme et nullité

Cette dernière conteste la validité de ce testament. Le tribunal de grande instance de Paris rejette sa demande en nullité du testament du 22 décembre 2005 et  déclare celui-ci, en toutes hypothèses, valable en tant que testament international en application des règles de la convention de Washington du 26 octobre 1973, (TGI Paris, 5 juillet 2016, n° 13/05902). L’acte notarié du 22 décembre 2005 mentionne que le notaire a fait écrire le testament à la machine à écrire par une de ses secrétaires, puis l’a lu à la testatrice qui a déclaré le bien comprendre, le trouver conforme à sa volonté et y persévérer, le tout en la présence réelle, simultanée et non interrompue des deux témoins. La nièce de la défunte dans sa procédure d’appel avançe notamment que la mention indiquant que la testatrice a dicté au notaire, en présence des deux témoins, son testament est inexacte et caractérise un faux en écriture authentique et que la mention selon laquelle elle a déclaré le bien comprendre, le trouver conforme à sa volonté et y persévérer est dépourvue de toute valeur probante. Enfin, elle demande à la cour d’appel de Paris de juger que le testament du 22 décembre 2005, nul pour non-respect de l’article 972 du Code civil, ne saurait être requalifié en testament international en raison du non-respect de l’article IV de la loi uniforme sur la forme du testament international. En l’absence d’élément contemporain de l’élaboration du testament litigieux portant sur l’état de santé mentale de la défunte, la nullité du testament ne peut être prononcée au titre de l’insanité d’esprit au sens de l’article 901 du Code civil. Pour la cour d’appel de Paris, aux termes des articles 971 et 972 du Code civil, si le testament est reçu par un notaire assisté de deux témoins, il doit être dicté par le testateur, le notaire l’écrivant lui-même ou le faisant écrire à la main ou mécaniquement. Le testateur doit énoncer lui-même et de façon orale ses dispositions et il ne peut être suppléé par de simple signes, fussent-ils aussi expressifs et aussi peu équivoques que possible. Ce formalisme qui s’impose à peine de nullité en application des articles précités et de l’article 1001 du Code civil n’a pu être respecté en l’espèce dès lors que la testatrice était incapable de procéder à la moindre dictée. La mention de la dictée est inexacte et fausse. Le testament authentique du 22 décembre 2005 qui n’a pas été dicté est donc nul. Et c’est donc le testament du 4 décembre 2002 qui doit être appliqué.

Invalidité du testament international

En application de l’article 1 de la convention de Washington, un testament est valable en ce qui concerne la forme, quels que soient notamment le lieu où il a été fait, la situation des biens, la nationalité, le domicile ou la résidence du testateur, s’il est fait dans la forme du testament international. Selon l’article 3 de cette même convention, le testament doit être fait par écrit et n’est pas nécessairement écrit par le testateur lui-même. Aux termes de son article 4, le testateur déclare en présence de deux témoins et d’une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu. L’article 9 précise en outre que la personne habilitée joint au testament une attestation conforme aux dispositions de l’article 10 établissant que les obligations prescrites par la présente loi ont été respectées. En l’espèce, le testament ne comporte pas la déclaration prévue à l’article 9, ce qui se comprend dès lors qu’il n’était pas prévu lors de son établissement de le soumettre à ce régime. Dans ces conditions, le testament du 22 décembre 2005 ne peut être considéré comme un testament international valable. La formule-type retenue ne comporte aucune précision tenant à la situation de la testatrice souffrant d’aphasie ni quand les éléments recueillis auprès d’une personne dont la capacité de compréhension, suffisante pour les échanges de la vie quotidienne ou même mondains, ne pouvait lui permettre de comprendre des dispositions testamentaires, au demeurant très différentes de ses précédents testaments ne répond pas aux exigences des dispositions de la convention de Washington. Ce testament est donc nul pour défaut de dictée. Le testament holographe du 4 décembre 2002 doit donc être appliqué, conclut le juge.

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