Chronique de procédure civile et pénale (1er semestre 2020)

Publié le 26/07/2021

Dans le cadre d’une chronique d’une périodicité semestrielle, le Centre d’étude et de recherche en droits des procédures (EA 1201) de l’université Côte d’Azur met en valeur des décisions des juges du fond comme de la Cour de cassation se rattachant à la procédure civile (incluant la procédure devant les juridictions civiles mais aussi commerciales et sociales) et à la procédure pénale. Selon un ordonnancement qui est suivi systématiquement, des arrêts, le plus souvent, portant sur les modes alternatifs à la procédure judiciaire, l’introduction de la procédure, l’instruction du procès, l’audience et les voies de recours, seront abordés au gré des choix réalisés par les auteurs.

Dans ce deuxième numéro de l’année 2020, qui porte sur le premier semestre de l’année 2020, les contributeurs ont choisi notamment de mettre en lumière pour la procédure civile les derniers arrêts rendus en matière d’appel, mais également dans le cadre des procédures collectives, les pouvoirs d’un gérant dont la société est placée en liquidation judiciaire, et dans le cadre de la procédure prud’homale, la distinction existant entre le harcèlement moral sanctionné pénalement et le harcèlement moral en droit du travail.

Dans le cadre de la procédure pénale sont analysées, ce semestre notamment, les conditions de la constitution de partie civile d’un débiteur placé en liquidation judiciaire et des décisions qui rappellent notamment les conditions de divulgation d’informations en cours d’enquête ou d’instruction par les autorités de poursuites ou le principe du contradictoire et encore le droit d’interroger les témoins devant la cour d’assises.

I – Les modes alternatifs à la procédure judiciaire

A – Les MARDS

La clause de conciliation fait obstacle à ce qu’une personne publique émette directement un titre exécutoire contre son cocontractant sans saisir le juge (Cass. 1re civ., 11 mars 2020, n° 18-267891).

Le contentieux des clauses contractuelles de conciliation ou de médiation ne se tarit pas2. Au centre du litige faisant l’objet de l’arrêt commenté, cette question : la clause de conciliation faisant obstacle à la saisine d’un juge fait-elle aussi obstacle à l’émission d’un titre exécutoire par une personne publique sans saisine du juge ? La première chambre civile de la Cour de cassation répond par l’affirmative.

En l’espèce, un établissement public (OPH), s’estimant créancier au titre d’une convention le liant à une société, émet à l’encontre de cette dernière un titre exécutoire. La société débitrice conteste devant le juge le bien-fondé de ce titre exécutoire. Les juges du fond décident que ce titre ne peut être exécuté aux motifs qu’une clause insérée au contrat instituant une procédure préalable de conciliation n’a pas été respectée. L’OPH se pourvoit en cassation. Il prétend qu’il y a eu dénaturation de la clause puisque celle-ci ne faisait obstacle qu’à la saisine d’un juge et non à l’émission directe d’un titre exécutoire. Il argue également que la violation de cette clause est sanctionnée par une fin de non-recevoir qui ne saurait faire obstacle à l’émission d’un titre exécutoire par un établissement public. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle valide l’interprétation de la cour d’appel aux termes de laquelle « si la stipulation contractuelle subordonnant la saisine du juge à la mise en œuvre d’une procédure préalable de conciliation faisait obstacle à ce que la société saisisse directement le juge d’une contestation, elle s’opposait également à ce que l’OPH émette directement un titre exécutoire pour le règlement de sommes correspondant à l’exécution du contrat ».

1 – L’apport : l’application de la clause de conciliation à une procédure de réalisation extrajudiciaire du droit relevant du droit public

La clause était ainsi libellée : « en cas de désaccord sur son exécution, les parties conviennent de faire appel à un conciliateur choisi d’un commun accord. Si le désaccord persiste, c’est le tribunal de grande instance du Mans qui sera compétent pour juger du différend ». Il est certes indiqué de manière large que le désaccord doit être soumis à un conciliateur, sans se limiter à interdire aux parties de saisir un juge avant d’avoir mis en œuvre la procédure de conciliation. Toutefois, la motivation des juges du fond validée par la Cour de cassation consiste à énoncer qu’une clause subordonnant la saisine d’un juge à la conciliation interdit aussi l’émission directe d’un titre exécutoire.

L’interprétation de la clause n’est pas littérale mais ne relève pas non plus de l’analogie. La méthode employée est plutôt téléologique ; elle vise à « éclairer la finalité actuelle d’un texte pour en déterminer le sens » afin de « donner à la norme une portée effective dans le respect de sa nature profonde »3. L’article L. 1617-5 du Code général des collectivités territoriales, dont la violation était alléguée dans le moyen au pourvoi, prévoit qu’en cas d’émission directe d’un titre de recette exécutoire, le débiteur peut contester dans un certain délai ce titre exécutoire en saisissant le juge. Si bien qu’en émettant un titre exécutoire, l’OPH contraignait son cocontractant à ester en justice pour suspendre l’exécution du titre. Contraindre l’autre à saisir le juge, c’est la même chose que de saisir le juge. Le respect de la finalité de la clause pouvait justifier de traiter identiquement ces deux comportements et donc d’invalider le titre exécutoire émis4. En cet état, la solution pourrait paraître justifiée par la spécificité de l’émission de titres exécutoires par les personnes morales de droit public5.

Il n’en reste pas moins que l’interprétation téléologique adoptée pourrait nourrir la créativité des praticiens.

2 – Les perspectives : jusqu’où pourrait aller l’extension de ces clauses de conciliation et de médiation hors de la saisine du juge ?

Si l’émission d’un titre exécutoire est sanctionnée au même titre que la saisine du juge, c’est vraisemblablement parce qu’il y a dans ces deux voies de droit une manière de progresser dans la réalisation du droit6. Le débiteur se retrouve dans les deux cas à l’orée d’une procédure d’exécution forcée. Comme l’ont observé d’autres auteurs, l’hypothèse se distingue de la question de l’applicabilité de la clause pour entreprendre des procédures d’exécution forcée une fois le titre exécutoire obtenu7. Il ne s’agit pas de faire obstacle à une procédure d’exécution forcée mais à ce qui autorise le recours à celle-ci.

En appliquant cette interprétation téléologique en droit des contrats privés, la clause pourrait-elle avoir un rôle à jouer lorsqu’un contractant peut obtenir ce qu’il veut sans avoir besoin d’être titulaire d’un titre exécutoire ? Le droit des contrats réformé fait la part belle à l’unilatéralisme et les contractants peuvent être dotés de prérogatives contractuelles par des clauses. Commentant le mécanisme des actions interrogatoires, le professeur Jeuland a émis l’hypothèse de « concevoir la notion d’action de manière large comme (…) un droit mettant en mouvement des droits au fond »8 ou de reconnaître aux côtés de l’action du Code de procédure civile une action du Code civil qui serait « une sorte de droit en mouvement sans nécessité de recourir au juge »9. N’est-ce pas cette appréhension large de l’action qui est suggérée lorsque la Cour de cassation neutralise, au nom de l’application d’une clause de conciliation, la mise en œuvre de droits sans saisine du juge ?

Dès lors, en cas de litige, la clause de conciliation pourrait-elle faire obstacle à l’exercice d’un droit ou d’une prérogative contractuelle procurant au créancier ce qu’il souhaite sans avoir tenté une conciliation préalable10 ? Sur le fondement du principe de bonne foi, la Cour de cassation a admis que le juge pouvait « sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle »11. Cette jurisprudence pourrait se trouver revivifiée par les clauses de conciliation : le contractant qui se fait justice à lui-même sans mettre en œuvre la clause pourrait en effet être considéré de mauvaise foi et voir l’usage de sa prérogative contractuelle empêché.

Thibault GOUJON-BETHAN

B – L’arbitrage, la transaction et la procédure amiable

L’annulation de la convention de divorce par consentement mutuel contresignée par avocats n’a pas lieu d’être prononcée en l’absence de preuve d’un vice du consentement, dès lors que l’épouse a signé l’état liquidatif en toute connaissance de cause, même si les époux ont choisi d’être assistés par deux avocats appartenant à la même SELARL (CA Nîmes, 14 avr. 2020, n° 19/00887).

Deux époux signent une convention de divorce par consentement mutuel par acte d’avocats, assistés chacun par un avocat de la même SELARL. Un état liquidatif est établi par un notaire. La convention est déposée au rang des minutes d’un notaire, mais quelques jours plus tard, l’ex-épouse manifeste son intention d’arrêter la procédure auprès de son avocat et du notaire, contestant la répartition et les conditions prévues. Elle obtient du président du tribunal judiciaire l’autorisation d’assigner à jour fixe son ex-époux, son avocat, l’avocat de son ex-époux et le notaire, en annulation de la convention de divorce et en réparation de ses préjudices. Le tribunal déboute l’ex-épouse de ses demandes d’annulation et de réparation au titre de la lésion, et ordonne la publication de l’acte de partage auprès des services de la publicité foncière. Elle fait donc appel devant la cour d’appel de Montpellier (laquelle a renvoyé l’affaire à la cour d’appel de Nîmes sur le fondement de l’article 47 du Code de procédure civile, les avocats mis en cause appartenant à un barreau du ressort de la cour saisie) en se fondant sur une série de moyens très diversifiés qui traduisent, en l’absence de disposition légale expresse, les difficultés pour les parties de trouver des moyens procéduraux pour contester la convention !

Compte tenu de la nature conventionnelle de l’acte, l’accès au juge pour contrôler sa régularité ne peut consister qu’en une action en nullité, les voies de recours étant réservées à la critique d’un acte juridictionnel. En l’espèce, la question n’a pas été abordée de savoir quel est le juge compétent : le juge de droit commun du contrat (comme en l’espèce), ou le juge aux affaires familiales, exclusivement compétent en matière de divorce ? Les auteurs sont divisés12, même si la préférence devrait aller au JAF, juge spécialisé mieux à même de mettre en œuvre la spécificité des modalités et conditions du divorce.

L’annulation de la convention de divorce peut être fondée sur les dispositions spécifiques (C. civ., art. 229 et s.) et sur le droit commun des contrats (C. civ., art. 1128 et s.). L’épouse invoquait à cet égard : la violation de l’article 229-3 du Code civil en ce que les époux auraient dû être assistés chacun d’un avocat n’appartenant pas à la même structure ; que la clause dérogatoire insérée à l’acte est contraire à l’ordre public de protection ; un vice du consentement affectant la convention de divorce en ce sens qu’elle était vulnérable sur le plan de sa santé au moment de la formation du contrat, qu’il a été profité de sa faiblesse pour obtenir un accord manifestement déséquilibré en sa défaveur (montant de la soulte, absence de désolidarisation du prêt, montant de la prestation compensatoire, modalités de paiement) et que son avocat a fait preuve d’une réticence dolosive en ne l’informant pas qu’il ne pouvait mener sa mission à bien en raison du conflit d’intérêt qui existait entre les époux ; et enfin, l’absence de concessions réciproques pouvant constituer une transaction et ayant conduit à un partage inégalitaire.

L’arrêt répond à ces différents moyens. S’agissant des vices du consentement, les moyens allégués par la demanderesse n’avaient aucune chance de prospérer en l’état parce qu’ils mêlaient l’incapacité (elle affirmait être vulnérable sur le plan de la santé et qu’il avait été tiré profit de sa faiblesse, sans le démontrer) et le dol… de son avocat ! Ces vices peuvent incontestablement entraîner l’annulation d’un contrat, mais encore faut-il que les conditions prévues au Code civil soient réunies. S’agissant de son état de santé et de sa faiblesse, l’arrêt constate que les documents médicaux produits n’évoquent une quelconque altération des facultés intellectuelles, de son jugement, ou de sa compréhension et que la demanderesse ne prouve pas une inaptitude de sa part à exprimer valablement son consentement et à conduire normalement ses affaires. En ce qui concerne la réticence dolosive de l’avocat qui assiste la partie, elle ne peut en aucun cas entraîner l’annulation du contrat : seul le dol du cocontractant est utile (C. civ., art. 1137). La cour exerce pleinement son office en examinant les autres vices du consentement que le moyen pourrait sembler développer implicitement : « Il n’existe aucune méprise sur le contenu comme sur la valeur des prestations mises à la charge de M. X, très clairement énoncées par la convention. Il ne peut dès lors, à cet égard, y avoir une erreur au sens des articles 1133 à 1136 du Code civil ». Il est noté que la demanderesse « ne démontre aucune manœuvre, mensonge, ou dissimulation intentionnelle d’une information essentielle de la part de M. X qui aurait pu l’amener à adopter, en des termes qu’elle critique aujourd’hui, la convention du 19 juin 2017. L’assistance de Mme C. par maître A., qui avait été précédemment le conseil des deux époux, ne relève d’aucun procédé déloyal de la part de l’avocat, encore moins concerté avec M. X, puisque la démarche a été faite en toute transparence et que c’est davantage M. X qui aurait pu, de ce fait, s’estimer trahi. Aucun dol n’est dès lors constitué. Il n’est allégué à l’encontre de M. X aucune contrainte ou menace pouvant être source d’une violence telle que la définissent les articles 1140 et 1141 du Code civil. L’argumentation de Mme C. pourrait relever de la qualification que donne l’article 1143, quoiqu’elle ne la vise pas formellement, selon lequel “il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif”. Mais, là encore, l’état de santé ne l’a pas placée dans une situation de dépendance, M. X n’est l’auteur d’aucun abus dans la défense de ses droits, et, comme il sera détaillé plus loin, la convention n’est pas manifestement déséquilibrée au profit de celui-ci ».

En ce qui concerne l’absence de concessions réciproques dans l’état liquidatif établi par le notaire, l’arrêt constate qu’il y était fait expressément référence aux dispositions relatives à la transaction (« en conséquence, ledit partage est consenti à titre inégalitaire, forfaitaire et définitif, au sens des articles 2044 du Code civil »), de sorte que la demanderesse n’avait pu se méprendre sur le sens de l’accord. L’application des dispositions relatives à la transaction à la convention de divorce est particulièrement problématique, même si elle semble ici limitée aux aspects patrimoniaux résultant de l’état liquidatif. En effet, une convention de divorce contient des dispositions extrapatrimoniales importantes qui sont irréductibles à la notion de « concessions réciproques » : peut-on faire des concessions sur l’exercice de l’autorité parentale, la résidence des enfants, etc. ? L’arrêt se borne habilement à répondre à la question de l’état liquidatif, pour constater que « chacune des questions patrimoniales majeures a été discutée sérieusement entre elles pour aboutir à un accord » (en l’espèce, il n’est pas certain que les règles relatives à la liquidation aient été bien appliquées13).

Un autre moyen de nullité invoqué était fondé sur la violation de l’article 229-3 du Code civil en ce que les époux auraient dû être assistés chacun d’un avocat n’appartenant pas à la même structure ; et en ce que la clause dérogatoire insérée à la convention de divorce, prévoyant l’exclusion de la règle imposant aux époux de recourir à deux avocats appartenant à deux structures différentes, est contraire à l’ordre public de protection. Il est vrai que l’avocat choisi par la demanderesse avait été l’avocat commun initialement. L’arrêt indique que « chacun des époux pouvait, à son libre choix, décider de poursuivre sa démarche avec un tout autre avocat. Les époux ont malgré tout, en pleine connaissance de cause, préféré le recours à deux avocats de la société PVB, assurant il est vrai une moindre neutralité mais conservant leur indépendance professionnelle, en considération de leur démarche initiale, de l’état d’avancement de leur accord, de leur antagonisme mesuré, et des avantages de rapidité et d’efficacité qu’ils recherchaient »… « En conséquence, la protection des intérêts des époux, et notamment ceux de Mme Z, ayant été normalement assurée, il n’existe de ce chef aucune cause de nullité, de forme ou substantielle ».

Cette solution est critiquable. Elle ne tient pas compte des exigences déontologiques qui pèsent sur les avocats, rappelés par l’article 7.2 du RIN : « La convention de divorce par consentement mutuel établie par acte sous signature privée conformément aux dispositions de l’article 229-3 du Code civil est signée, en présence physique et simultanément, par les parties et les avocats rédacteurs désignés à la convention sans substitution ni délégation possible ». Chaque partie doit être assistée par son avocat, et la clause qui permet aux époux de se faire assister par 2 avocats appartenant à la même structure ne permet pas d’éviter le conflit d’intérêts… La protection des intérêts de chaque époux ne peut être valablement assurée que par l’intervention d’avocats totalement indépendants.

Comme l’arrêt ne prononce pas l’annulation de la convention, il n’était pas nécessaire qu’il réponde au moyen tiré de l’indivisibilité de la convention et par voie de conséquence, de l’indivisibilité de l’annulation ! La demanderesse « estime que la convention présentant un caractère indivisible, les époux sont censés n’avoir jamais divorcé ce qui emporte des restitutions sur le plan patrimonial comme sur le plan personnel de sorte que les époux ne sont pas divorcés et que tout doit être remis en état ». En raison du particularisme de la convention de divorce, il paraît opportun de distinguer les aspects patrimoniaux et extrapatrimoniaux, et de limiter les effets de l’annulation aux seules conséquences patrimoniales !

Natalie FRICERO

II – L’introduction de la procédure

A – Les modes d’introduction de la procédure

1 – Procédure civile

(…)

2 – Procédure pénale

La constitution de partie civile d’un débiteur en liquidation judiciaire (Cass. crim., 24 juin 2020, n° 18-85540, FS-PBI).

Un très important arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation apporte des éclaircissements et enseignements sur la question, qui avait été débattue en doctrine sous l’empire de la loi de sauvegarde des entreprises, de la constitution de partie civile d’un débiteur en liquidation judiciaire.

En l’espèce, la responsabilité pénale d’un expert-comptable, qui avait délivré des attestations aux termes desquelles des apports en compte courant avaient été effectué à des sociétés ayant pour objet la promotion immobilière, a été recherchée. Ces attestations s’étaient révélées inexactes et des sociétés civiles immobilières, qui avaient commandé des travaux, en ont subi un préjudice, à tel point qu’elles se sont retrouvées en liquidation judiciaire.

Une enquête préliminaire, puis une information judiciaire a été ouverte, contre l’expert-comptable, qui a été renvoyé devant le tribunal correctionnel.

Alors que la liquidation judiciaire des sociétés civiles immobilières n’était pas encore clôturée et que, par conséquent, leur liquidateur judiciaire était encore en fonction, un mandataire ad hoc avait été désigné aux fins de se constituer partie civile au nom des sociétés civiles immobilières, en sollicitant la condamnation à des dommages et intérêts. Les premiers juges sont entrés en voie de condamnation et la chambre criminelle de la Cour de cassation va les censurer pour deux motifs. Cette censure contribue grandement à éclairer la question de la constitution de partie civile par un débiteur en liquidation judiciaire.

La chambre criminelle va juger, au visa de l’article L. 641-9, I, du Code de commerce, que le débiteur ne peut se constituer partie civile que dans le but de déclencher ou de soutenir l’action publique, le liquidateur disposant seul de la faculté d’exercer l’action civile afin d’assurer la défense des intérêts patrimoniaux de ce dernier. Elle prend le soin de préciser que ce principe s’applique lorsque ne sont en cause que les seuls intérêts civils, mais encore lorsque la constitution de partie civile est associée à l’action publique.

Elle va également estimer que ni le représentant statutaire de la personne morale mise en liquidation judiciaire, ni son mandataire désigné en lieu et place des dirigeants sociaux, n’est recevable à solliciter la réparation du préjudice subi par le débiteur.

La demande de réparation est tout d’abord refusée au débiteur en liquidation judiciaire. Selon l’article L. 641-9, I, du Code de commerce, « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ». L’alinéa 2 ajoute que : « Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur d’un crime ou d’un délit dont il serait victime ».

Cette solution est parfaitement logique puisqu’une telle faculté est constitutive d’un droit attaché à la personne du débiteur.

L’article L. 641-9, I, alinéa 2, du code, dans la rédaction que lui donne la loi de sauvegarde des entreprises, a supprimé la réserve contenue dans la loi de 1985 selon laquelle le débiteur devait limiter son action à la poursuite de l’action publique sans solliciter de réparation civile. On lit dans les travaux préparatoires que cette réserve était apparue « peu justifiée »14. En conséquence, il semblait que non seulement le débiteur pouvait se constituer partie civile, mais, en outre, qu’il pouvait demander une indemnisation.

Tel n’a pas été ici la solution retenue par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il est vrai que, dans un premier arrêt du 9 mars 201615, elle avait déjà jugé que « le débiteur en liquidation judiciaire ne peut se constituer partie civile que dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur du crime ou du délit dont il serait victime, ses droits et actions de nature patrimoniale étant exercés, pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, par le liquidateur ; que, par conséquent, est irrecevable le pourvoi formé, sans le concours du liquidateur, par la partie civile placée en liquidation judiciaire lorsque ne sont plus en cause que les intérêts civils ».

C’est la solution qu’elle réaffirme dans l’arrêt du 24 juin 2020. L’action du débiteur doit se limiter au soutien ou au déclenchement de l’action publique. Le débiteur est privé du droit de solliciter des dommages et intérêts. La question s’éclaircit au regard des règles du dessaisissement. Le droit personnel du débiteur échappe au dessaisissement. Or constitue un tel droit celui de se constituer partie civile pour déclencher ou soutenir l’action publique afin d’établir la culpabilité d’un prévenu. En revanche, l’indemnisation du préjudice est quant à elle de nature strictement patrimoniale. Par conséquent, il s’agit d’une action soumise comme telle au dessaisissement, lequel désigne, selon un auteur ayant consacré sa thèse à la question16, « la mesure de garantie de l’intérêt collectif des créanciers tendant à la protection et à la reconstitution du gage commun »17. Le dessaisissement présente donc un lien direct avec le gage commun, dont le liquidateur a la charge de la conservation et à la reconstitution. Par conséquent, dès lors que l’action met en jeu le gage commun des créanciers, seul le liquidateur judiciaire peut agir. Par voie de conséquence, cela entraîne l’irrecevabilité de l’action du débiteur et, s’il est une personne morale, de son représentant statutaire.

Dans l’affaire soumise à la chambre criminelle de la Cour de cassation, comme nous l’avons signalé, un mandataire ad hoc avait été désigné pour exercer l’action civile et il entendait obtenir l’indemnisation du préjudice des sociétés dont il avait été nommé mandataire ad hoc. Ce droit lui avait été reconnu par le juge du fond.

La présence de cet organe apparaissait pourtant insolite. En effet, la liquidation judiciaire n’était pas clôturée. Alors pourquoi avoir nommé ce mandataire ad hoc ? Sans doute par la force de l’habitude, puissant anesthésiant de l’esprit. Un rappel historique est nécessaire pour comprendre ce qui a pu, en l’espèce, expliquer qu’un mandataire ad hoc soit désigné.

Sous l’empire de la législation du 25 janvier 1985, une difficulté se présentait. En effet, l’article 1844-7, 7°, du Code civil, tel qu’il résulte de la rédaction que lui a donnée la loi du 5 janvier 1988, prévoit que « la société prend fin (…) 7° par l’effet du jugement ordonnant la liquidation judiciaire ou la cession totale des actifs de la société ». Pour sa part, l’article 1844-8 du Code civil, dans la rédaction de la loi du 5 janvier 1988, disposait, en son alinéa 1, que « la dissolution de la société entraîne sa liquidation ». L’alinéa 2 prévoit la désignation d’un liquidateur. Il s’agit là d’un liquidateur, au sens du droit des sociétés.

Par conséquent, la combinaison des articles 1844-7, 7°, et 1844-8 du Code civil conduisait à désigner un liquidateur au sens du droit des sociétés ou un mandataire ad hoc pour l’exercice des droits propres de société dissoute par l’effet du prononcé de la liquidation judiciaire. Si le débiteur, qui était une société, voulait se constituer partie civile, la désignation d’un mandataire ad hoc s’imposait.

C’est la solution qui a été suivie en l’espèce. Avant la loi de sauvegarde des entreprises, il avait en effet été jugé que le dirigeant social n’était plus maintenu en fonction en cas de liquidation judiciaire, du fait de la dissolution de la société qu’elle entraînait. Il en résultait l’obligation de faire nommer un mandataire ad hoc pour représenter la société débitrice poursuivie au pénal18. Cependant, si la solution a été justifiée sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, et que la force de l’habitude a pu conduire à poursuivre au-delà son application, elle n’était plus d’actualité, sous l’empire de la loi du 26 juillet 2005. La loi de sauvegarde a en effet écarté l’application mécanique de l’article 1844-8 du Code civil en décidant que, par principe, le dirigeant social en fonction le demeurait pendant le cours de la liquidation judiciaire. Par conséquent, il n’y avait pas ici matière à désigner un mandataire ad hoc.

En outre, ce mandataire ad hoc ne pouvait avoir d’autres fonctions que de représenter le débiteur au titre de ses droits propres ou de ses droits personnels. En revanche, il ne pouvait représenter le débiteur au titre de ses droits patrimoniaux, du fait du dessaisissement. Ce pouvoir n’appartient en effet qu’au seul liquidateur.

La conclusion s’impose dès lors avec évidence : ce mandataire ad hoc désigné alors que la liquidation judiciaire des sociétés recherchant une indemnisation n’est pas clôturée, est irrecevable à demander l’indemnisation au nom des sociétés qu’il représente, car il ne défend que leur intérêt personnel et leur intérêt propre, non leur intérêt patrimonial, la défense de ce dernier n’appartenant qu’à l’organe de défense de l’intérêt collectif des créanciers, encore en fonction, à savoir le liquidateur.

Pierre-Michel LE CORRE

Le mandant ad litem de l’avocat le dispense de justifier d’un pouvoir (Cass. crim., 22 janv. 2020, n° 19-84325).

Bien qu’établi depuis plusieurs décennies, certains principes doivent parfois être rappelés. C’est ce que fait la Cour de cassation dans la présente décision. Un individu fait l’objet d’un procès-verbal de contravention. Son conseil formule une contestation. L’officier du ministère public la déclare irrecevable. Le tribunal de police est alors saisi. Le tribunal déclare la requête en incident contentieux recevable et renvoie l’affaire au ministère public pour qu’il y donne la suite opportune. Un pourvoi est alors formé par le ministère public.

Le moyen était pris de la violation de l’article 529-2 du Code de procédure pénale. Il critiquait le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la contestation alors que la requête a été transmise par une personne « se disant avocat », que rien ne permet d’identifier, qui ne mentionne pas le nom de son client, et adresse à la juridiction des documents-types sans rapport avec l’infraction poursuivie.

La Cour de cassation rejette logiquement le pourvoi au regard de ce que l’on nomme le mandat ad litem. Au passage elle rappelle la règle générale que le tribunal de police, tout en jugeant la requête recevable avait tempéré d’exception. Le tribunal de police a en effet relevé qu’aux termes de l’article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2004, l’avocat est le mandataire naturel de son client, tant en matière de conseil, de rédaction d’actes, que de contentieux. Il a ajouté que lorsqu’il assiste ou représente ses clients en justice, devant un arbitre, un médiateur, une administration ou un délégataire du service public, l’avocat n’a pas à justifier d’un mandat écrit, sous réserve des exceptions prévues par la loi ou le règlement. Dans ces autres cas, le tribunal précisait que l’avocat doit justifier d’un mandat écrit sauf dans les hypothèses où la loi ou le règlement en présume l’existence. Ainsi, pour la juridiction du fond, l’avocat représentait son client dans le cadre d’un pré-contentieux de nature pénale, un stade où aucun texte ne lui imposait de justifier d’un mandat écrit.

À lire le jugement, la porte était ouverte à une solution différente si l’on avait été en matière de contentieux. Tel n’est pas le sens du texte. La haute juridiction le rappelle.

La chambre criminelle décide de mettre en avant la règle : l’avocat dispose, par application des articles 6 et 8 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 d’un pouvoir général de représenter son client devant les juridictions, les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. L’avocat peut également assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires. Elle en déduit, dans la stricte application du texte qu’il existe pour l’avocat un pouvoir général de représentation, auquel l’article 529-2 du Code de procédure pénale n’apporte aucune restriction.

Ainsi, l’avocat peut introduire, au nom de son client destinataire d’un avis de contravention. Il serait contraire au texte de demander à l’avocat de justifier de sa qualité. Sauf à être poursuivi pour exercice illégal d’une profession réglementée, le fait de se dire avocat suffit. On ne saurait demander au Conseil de justifier de son inscription au barreau, que, du reste la juridiction peut aussi vérifier. Quant à la désignation du client, sil elle doit être recommandée dans le corps d’une lettre, son absence peut être pallié par les documents joints à la requête. C’était le cas en l’espèce.

Cédric PORTERON

B – Les modes (ou les moyens) de résistance de la procédure introduite

1 – En procédure civile

Si une juridiction non spécialement désignée pour connaître des adoptions internationales a toujours la faculté de se déclarer d’office incompétente en application de l’article 76 du Code de procédure civile, elle n’y est jamais tenue (Cass. 1re civ., 18 mars 2020, n° 19-50031).

Pouvoir ou devoir ? Telle est la question relative à la portée de l’office d’une juridiction non spécialement désignée de se déclarer incompétente, à laquelle la première chambre civile de la Cour de cassation répond dans son arrêt en date du 18 mars 2020.

Les faits à l’origine de l’affaire sont sommaires. Un couple résidant en France formule une demande d’adoption d’un enfant né et résidant à Haïti. Cette demande est accueillie par jugement du tribunal de grande instance – désormais tribunal judiciaire – de Pointe-à-Pitre. Or dans le ressort de la cour d’appel de Basse-Terre, seul le tribunal de cette même ville dispose d’une compétence, en tant que juridiction spécialement désignée19, pour connaître des adoptions internationales. Il en résulte, dans la présente affaire, une incompétence du tribunal de Pointe-à-Pitre, juridiction du ressort de la cour d’appel de Basse-Terre. L’incompétence n’ayant pas été soulevée, un pourvoi dans l’intérêt de la loi20 est formé par le procureur général près la Cour de cassation21.

En raison de la nature spécifique du litige et de sa technicité, une compétence matérielle particulière est réservée à certains tribunaux. L’adoption internationale s’inscrit dans ce mouvement grandissant de spécialisation des juridictions. Pour les actions aux fins d’adoption, lorsque l’enfant résidant habituellement à l’étranger a été, est ou doit être déplacé vers la France, le siège et le ressort des tribunaux judiciaires et des tribunaux de première instance compétents sont fixés au tableau VIII-I annexé au Code de l’organisation judiciaire (COJ, art. D. 211-10-1). En l’espèce, l’incompétence du tribunal de Pointe-à-Pitre est manifeste, puisque cette juridiction a été saisie alors même qu’elle n’est pas désignée en tant que juridiction apte à connaître des actions aux fins d’adoption susmentionnées. Le procureur général près la Cour de cassation fait grief au jugement de ne pas relever l’incompétence de la juridiction saisie, et ce faisant interroge sur le pouvoir ou le devoir de la juridiction de se déclarer d’office incompétente.

Concernant la compétence matérielle, l’article 76 du Code de procédure civile en son alinéa premier vise deux cas22 suivant lesquels le tribunal saisi peut se déclarer incompétent. L’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution d’ordre public d’une part, et lorsque le défendeur ne comparaît pas d’autre part. La présente affaire met en œuvre une règle de compétence prévoyant une spécialisation de certains tribunaux judiciaires. Il est acquis que « l’attribution d’une compétence exclusive à une juridiction confère, en principe, un caractère d’ordre public à cette compétence »23, il devrait en résulter un caractère similaire pour une règle de compétence prévoyant une spécialisation de certains tribunaux judiciaires ; la compétence exclusive et celle spéciale ayant pour objet l’organisation judiciaire. La Cour de cassation passe, cependant, sous silence la qualification d’ordre public de la règle de compétence24.

Dans son arrêt en date du 18 mars 2020, la Cour du quai de l’Horloge concentre le débat non pas sur l’applicabilité de l’article 76 du Code de procédure civile, mais sur son application. La Cour de cassation le souligne en énonçant qu’un tribunal non spécialement désigné « pour connaître des actions aux fins d’adoption, lorsque l’enfant résidant habituellement à l’étranger a été, est ou doit être déplacé vers la France, s’il peut toujours se déclarer d’office incompétent en application de l’article 76 du Code de procédure civile, n’y est jamais tenu »25. En d’autres termes, l’application de l’article 76 du Code de procédure civile confère à la juridiction saisie une simple faculté de se déclarer incompétent. Cette disposition ne l’impose nullement, l’emploi du verbe pouvoir26 et non devoir l’attestant. La mise en œuvre d’une règle de compétence spéciale, c’est-à-dire désignant spécialement certaines juridictions en raison de la nature spécifique du litige, n’a pas d’incidence sur l’office de la juridiction non spécialement désignée de se déclarer incompétente. La juridiction saisie n’est pas dans l’obligation de relever son incompétence. En revanche, la nature de la règle de compétence, sauf textes spécifiques, a une incidence sur l’applicabilité de l’article 76 du Code de procédure civile, car, hormis le cas du défaut de comparution du défendeur, l’applicabilité de la disposition est subordonnée au caractère d’ordre public de la règle de compétence mise en œuvre.

Marie-Cécile LASSERRE

Réforme de la procédure prud’homale par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 : droit transitoire (Cass. soc., 22 janv. 2020, n° 18-21747).

Les dispositions de l’article R. 1452-7 du Code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016.

L’article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail27, pris en application de la loi du 6 août 201528, a réécrit le chapitre II du titre V du livre portant sur la résolution des litiges devant le conseil de prud’hommes, du Code du travail, dans lequel se trouvait l’article R. 1452-7 et l’article R. 1452-8 portant respectivement sur le principe d’unicité d’instance applicable en matière prud’homale et sur le régime particulier de la péremption. C’est par la réécriture des dispositions relatives à la saisine du conseil de prud’hommes sans reprise de ces deux séries de dispositions que le principe d’unicité d’instance en matière prud’homale et le régime spécifique de péremption d’instance ont été abrogés.

L’article 45 du décret du 20 mai 2016 prévoit que l’article 8 s’applique aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016.

Allait forcément se poser, à la chambre sociale de la Cour de cassation, la question de l’application du droit transitoire de la réforme prud’homale adoptée par la loi du 6 août 2015 et précisée par le décret du 20 mai 2016.

Si la plupart des praticiens ont à l’esprit que la réforme s’applique aux instances introduites à compter du 1er août 2016, certaines subtilités de ce droit transitoire doivent être prises en considération concernant des principes ayant une portée aussi importante que le principe d’unicité d’instance ou la péremption, pouvant conduire à l’extinction de l’instance. Il était donc logique qu’un droit transitoire permette une entrée en vigueur progressive de l’abrogation de ces dispositions. C’est l’objet de l’arrêt sous commentaire.

En l’espèce, un salarié, ayant sollicité au stade de l’appel, une indemnité pour travail dissimulé sans l’avoir formulée en première instance, est déclaré irrecevable par la cour d’appel de Poitiers29, en application du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 ayant supprimé le principe de l’unicité de l’instance. La cour d’appel a retenu qu’il n’était plus possible de présenter des demandes nouvelles en appel à compter du 1er août 2016 alors que le salarié avait fait appel le 8 décembre 2016.

La cassation était encourue : c’est la décision prise par la Cour de cassation au visa des articles 8 et 45 du décret du 20 mai 2016. Les dispositions de l’article R. 1452-7 du Code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, sont demeurées applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016, ce qui était le cas en l’espèce.

En effet l’article 45 du décret du 20 mai 2016 est clair : « Les articles 8, 12 et 23 sont applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016 ». Seules les instances introduites devant les conseils de prud’hommes, et non celles introduites devant les cours d’appel, à compter du 1er août 2016 sont concernées par l’entrée en vigueur de l’article 8 du décret. Seules les instances d’appel faisant suite à une instance prud’homale, introduite après le 1er août 2016, sont soumises à l’application de l’article 8 du décret. Cette lecture de l’article 45 du décret est confirmée par la circulaire du 27 mai 2016 de présentation du décret30.

C’est bien la position adoptée par la chambre sociale de la Cour de cassation31.

En réécrivant le chapitre II du titre V du livre sur la résolution des litiges devant le conseil des prud’hommes dans le Code du travail, les auteurs de la réforme ont souhaité mettre fin au particularisme de la procédure prud’homale à travers la suppression du principe d’unicité d’instance et celle du régime spécial de péremption.

La soumission de la procédure prud’homale au droit commun de la procédure civile, par l’abrogation des articles R. 1452-6 à R. 1452-8 du Code du travail a été décalée dans le temps et ne concerne, en appel, que les instances faisant suite à une instance prud’homale introduite après le 1er août 2016 quelle que soit la date d’introduction de l’instance d’appel.

La Cour de cassation n’a, en l’espèce, été saisie que de l’entrée en vigueur de l’abrogation du principe d’unicité d’instance mais pourrait l’être un jour de celle de l’abrogation du régime spécial de la péremption qui a fait l’objet d’arrêts rendus par plusieurs cours d’appel32. Une éventuelle décision ne pourrait qu’aller dans le même sens.

Christine GAILHBAUD

Le recours entre constructeurs n’est pas soumis au délai décennal mais au délai quinquennal de droit commun et son point de départ n’est pas la date de la réception de l’ouvrage mais la date de mise en cause du constructeur par le maître de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 16 janv. 2020, n° 18-25915).

Dans une précédente chronique33, nous avions commenté le délai-butoir imaginé par la Cour de cassation34 pour canaliser les actions récursoires en matière de garantie des vices cachés35. En résumé, dans l’hypothèse où après des ventes successives du même produit, un vice caché affectant une pièce d’origine est découvert par le propriétaire actuel plus de 5 ans après la vente initiale, l’action récursoire contre le fabricant, premier de la chaîne de vendeurs, est déclarée irrecevable par application de la prescription quinquennale extinctive édictée à l’article 2224 du Code civil ou à l’article L. 110-4 du Code de commerce36. Qualifiée d’absurde par une partie de la doctrine37, cette jurisprudence a été contredite par la troisième chambre civile : « Le délai dont dispose l’entrepreneur pour agir en garantie des vices cachés à l’encontre du fabricant en application de l’article 1648 du Code civil court à compter de la date de l’assignation délivrée contre lui, le délai décennal38 de l’article L. 110-4 du Code de commerce étant suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l’ouvrage »39.

Dans son arrêt du 16 janvier 2020, cassant un arrêt de la cour d’appel de Riom du 5 mars 2018, la troisième chambre civile étend la même solution de principe en matière d’action récursoire exercée entre constructeurs relevant de l’article 1792-4-3 du Code civil. Après avoir rappelé sa jurisprudence selon laquelle l’action récursoire « qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés40 et de nature quasi-délictuelle s’ils ne le sont pas (Cass. 3e civ., 8 févr. 2012, n° 11-11417 : Bull  civ. I, n° 23) », la troisième chambre civile fait application de la prescription quinquennale de droit commun et, conformément à l’article 2224 du Code civil, retient comme point de départ du délai pour agir la date de l’assignation signifiée à l’entrepreneur principal à la requête du maître de l’ouvrage41. La troisième chambre civile persiste ainsi à partager les critiques doctrinales dirigées contre la jurisprudence de la première chambre42.

L’enjeu est important car on avait pu constater une certaine résistance des juges du fond qui, ayant appliqué les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil en la matière, avaient jugé dès avant la cour d’appel de Riom, que « la prescription court à compter de la réception des travaux »43.

Ainsi, après avoir exfiltré en 2012 les recours entre constructeurs et/ou sous-traitants du périmètre de l’article 1792-4-3 du Code civil44, la troisième chambre civile renforce la cohérence de sa jurisprudence en fixant le point de départ du délai de prescription quinquennale à la date où est interrompu le délai de la garantie décennale.

La troisième chambre civile en profite pour souligner la supériorité de sa jurisprudence au regard des droits fondamentaux, à une époque où les délais de prescription ont tendance à se raccourcir : « fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu’il est assigné par le maître de l’ouvrage en fin de délai d’épreuve, du droit d’accès à un juge ». En effet, c’est une pierre dans le jardin de la première chambre civile embourbée dans sa logique de délai-butoir. Dans bien des cas, il est préférable d’avoir 5 années pleines pour agir qu’un restant aléatoire sur 10 années.

Philippe KAIGL

Dès lors qu’il n’est ni prétendu ni démontré que des bornes ont été implantées, la demande de bornage est recevable (CA Aix-en-Provence, 1-5, 6 févr. 2020, n° 18/15575).

Deux copropriétés limitrophes étaient en litige depuis quelques années à propos d’un « sentier séparatif commun ». Par jugement du 26 mars 2013, le tribunal de grande instance de Grasse avait retenu la qualification de « chemin ou sentier d’exploitation au sens de l’article L. 162-1 du Code rural » et définitivement jugé que l’assiette de ce chemin était « incluse en son entier » dans le terrain de l’une des copropriétés et en limite de propriété. Cependant son assiette précise était indéterminée puisqu’en l’absence de bornes, la limite entre les deux copropriétés était elle-même inconnue. Seule figurait dans un acte notarié de 1904 l’indication descriptive selon laquelle les deux terrains étaient « séparés par la ligne formant le parement nord dudit sentier ». D’ailleurs, anticipant cette difficulté, le tribunal de Grasse avait « en tant que de besoin renvoyé la [copropriété du fonds servant] à agir en bornage ».

Celle-ci avait donc ensuite saisi le tribunal d’instance de Cannes d’une action en bornage sur le fondement de l’article 646 du Code civil et des articles R. 221-12 et R. 221-48 du Code de l’organisation judiciaire (ces derniers dans leur version alors applicable).

À sa grande surprise, la copropriété demanderesse avait été non seulement déboutée de sa demande de bornage, mais en outre sévèrement condamnée pour « procédure abusive » (3 000 €) ainsi qu’au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (3 000 €) au motif que le tribunal de Grasse faisait « référence à la description des limites du terrain… en ce que les limites du terrain limitrophe ont été définitivement précisées dès l’acte de partage de 1904 qui fixe la limite divisoire des deux fonds, savoir : le parement nord du sentier » (jugement du 28 juillet 2016).

En appel, par arrêt du 6 février 2020, la cour d’Aix-en-Provence infirme le jugement et « déclare le syndicat des copropriétaires [du fonds servant] recevable à solliciter le bornage des parcelles ». Au visa de l’article 646 du Code civil, la cour retient la motivation suivante : « En l’espèce, alors que les fonds sont contigus, il n’est nullement justifié de l’existence d’un précédent bornage ».

En effet, le tribunal d’instance s’était complètement mépris sur la nature d’une mesure de bornage. Il résulte d’un arrêt de la Cour de cassation45 qu’« une demande en bornage judiciaire n’est irrecevable que si la limite divisoire fixée entre les fonds a été matérialisée par des bornes ». En aucun cas, la mention « parement nord du sentier » sur l’acte de 1904 ne pouvait faire office du bornage habituellement confié à un géomètre-expert. L’article 646 du Code civil est très clair : « tout propriétaire a le droit de faire implanter des bornes à la limite de son terrain pour en connaître la limite exacte ». Ce texte ne prévoit aucun procédé de substitution.

Au surplus, en l’espèce, le jugement du tribunal de Cannes ne permettait pas de savoir si ce « parement nord du sentier » existait encore sur place, ni s’il courait sur l’intégralité de la limite commune, ni en quel état il se présentait. La mission habituelle d’un géomètre-expert pour réaliser un bornage judiciaire consiste à se faire communiquer tous documents utiles, notamment les titres de propriété, les plans antérieurement établis et les documents cadastraux, et à tenir compte de tous indices, notamment ceux résultant de la configuration des lieux et du cadastre, et ceux permettant d’établir les caractères et la durée des possessions.

En aucun cas, la simple mention « parement nord du sentier » figurant dans l’acte de 1904 ne pouvait remplacer en l’espèce la mission d’un géomètre-expert. Certes, l’expert n’aurait pas manqué d’exploiter l’acte de 1904 parmi les « documents utiles à l’accomplissement de sa mission », mais ni l’acte de 1904 ni un quelconque autre titre ne pouvaient remplacer un rapport de bornage. Une simple « description des limites du terrain » dans un acte notarié n’équivaut pas à un plan de bornage établi par un géomètre-expert. Un mur ou parement n’équivaut pas à l’implantation de bornes sur le terrain.

Le droit au bornage consacré par l’article 646 du Code civil est d’autant plus fort que la jurisprudence y voit l’une des illustrations des droits absolus ou discrétionnaires. « Son exercice ne pourrait dégénérer en abus que si l’instance était introduite après un précédent bornage parfaitement connu et non sérieusement contestable »46. « L’action en bornage ne peut être jugée abusive dès lors qu’aucun bornage antérieur ne s’y opposait »47. C’est en s’inspirant directement de ce principe que la cour d’appel a infirmé le premier jugement : « Dès lors qu’il n’est pas prétendu que des bornes ont été implantées, la demande de bornage est recevable ».

Philippe KAIGL

Articulation entre un premier appel porté devant une cour territorialement incompétente et un second appel porté devant une cour territorialement compétente avant le désistement du premier appel (Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-14086).

Les cas de saisine d’une cour d’appel territorialement incompétente sont rares. Les exceptions d’incompétence territoriale visent plus souvent les juridictions du premier degré, d’abord parce qu’elles sont beaucoup plus nombreuses que les juridictions d’appel (le risque d’erreur au moment d’initier la procédure est donc plus élevé), ensuite parce que le débat portant sur la compétence territoriale est généralement tranché en première instance. Certes nous avions déjà commenté un incident d’incompétence territoriale soulevé devant le conseiller de la mise en état de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait « ordonné le renvoi de l’affaire devant la cour d’appel de Nîmes »48, mais il avait pour fondement le cas très particulier traité à l’article 47 du Code de procédure civile qui n’est pas une exception d’incompétence territoriale49.

Dans l’espèce présentement commentée, l’appelant avait interjeté appel le 29 mars 2016 devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’un jugement du conseil de prud’hommes d’Ajaccio et, se rendant probablement compte de son erreur, avait le 4 mai 2016 interjeté un nouvel appel, cette fois-ci devant la cour d’appel de Bastia. L’intimé avait conclu à l’irrecevabilité du second appel au motif qu’au jour de la déclaration d’appel devant la cour de Bastia, l’appelant ne s’était pas encore désisté de son premier appel. L’appelant ne conclura au désistement de son premier appel que le 14 juin 2018, désistement constaté par arrêt de la cour d’Aix-en-Provence du 29 juin 2018.

Or par arrêt du 21 novembre 2018, la cour d’appel de Bastia a déclaré irrecevable l’appel du 4 mai 2016 au motif que « l’appel formé devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence était encore pendant lorsque le second appel contre le même jugement a été interjeté devant la cour d’appel de Bastia, privant par là même [l’appelant] d’intérêt à agir ».

L’arrêt du 2 juillet 2020 casse l’arrêt du 21 novembre 2018 au visa des articles 12650 et 54651 du Code de procédure civile, et de l’article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, au motif que « la saisine d’une cour d’appel territorialement incompétente donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d’appel n’ait pas expiré ».

Nul doute que l’intimé avait alimenté ses conclusions d’irrecevabilité en invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation illustrée par l’arrêt de la deuxième chambre civile du 11 mai 2017 : « l’arrêt, ayant retenu que la cour d’appel était régulièrement saisie de l’appel formé par la société le 2 juin 2014 dont la caducité n’avait pas été constatée, en a exactement déduit que l’appel formé le 13 février 2015 était irrecevable faute d’intérêt à interjeter appel »52. Cet arrêt avait conduit la doctrine à affirmer qu’il était « exagéré de soutenir l’existence d’un principe général appel sur appel ne vaut »53 qu’elle a rebaptisé pour la circonstance « appel sur appel (non caduc) ne vaut »54.

Pourtant, dans l’affaire présentement commentée, alors même que la caducité du premier appel n’a été constatée par la cour d’Aix-en-Provence qu’après la seconde déclaration d’appel55, l’arrêt de la cour d’appel de Bastia déclarant l’irrecevabilité de l’appel qui l’avait saisie a été cassé.

En effet, il convient d’abord de relever que les circonstances de la double déclaration d’appel étaient différentes. En l’espèce, le second appel n’était pas destiné à « sauver » les chances de réformation du jugement de première instance. L’appelant n’était pas confronté à la nécessité de pallier la caducité de son premier appel encourue par l’inobservation du délai de 3 mois pour conclure imparti par l’article 908 du Code de procédure civile56. Le second appel était destiné à corriger une « erreur d’aiguillage » commise par l’avocat de la société appelante qui avait formé sa déclaration d’appel devant la cour d’Aix-en-Provence au lieu de la cour d’appel de Bastia57.

Le bien-fondé juridique de l’arrêt du 2 juillet 2020 s’apprécie en mesurant la portée de la jurisprudence du 11 mai 2017. En effet, tous les mots comptent : « l’arrêt, ayant retenu que la cour d’appel était régulièrement saisie de l’appel formé par la société le 2 juin 2014 dont la caducité n’avait pas été constatée, en a exactement déduit que l’appel formé le 13 février 2015 était irrecevable faute d’intérêt à interjeter appel ». Dans son mémoire à l’appui de son pourvoi, la société déboutée de son second appel soutenait que « l’adage appel sur appel ne vaut n’a vocation à s’appliquer que dans la mesure où une cour d’appel a déjà régulièrement été saisie d’un premier appel et qu’en l’espèce, il était constant que la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait été saisie était territorialement incompétente, ce dont il résultait que le premier appel était irrégulier ». C’est ce moyen que retient la Cour de cassation : « La saisine d’une cour d’appel territorialement incompétente donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d’appel n’ait pas expiré ».

Ainsi, dans l’arrêt du 2 juillet 2020, la Cour de cassation ne remet nullement en cause sa jurisprudence du 11 mai 2017. Elle en précise sa portée.

Sur le plan pratique, la jurisprudence du 2 juillet 2020 ne manque pas d’intérêt. En effet, confronté à l’impossibilité de contacter à temps un confrère postulant devant la cour d’appel territorialement compétente, l’avocat conserve la ressource de se connecter au RPVA avant le minuit fatidique pour déclarer appel devant « sa » cour d’appel qu’il sait territorialement incompétente. Il pourra ensuite « régulariser » en faisant déclarer un second appel par un confrère territorialement compétent.

Philippe KAIGL

Le recours exercé contre la décision du bâtonnier statuant au-delà du délai, éventuellement prorogé, prévu à l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, à l’issue duquel il se trouve dessaisi, est recevable même s’il a été formé plus d’1 mois après la date du dessaisissement, sous réserve d’être introduit dans le délai d’1 mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier statuant hors délai (Cass. 2e civ., 5 mars 2020, n° 19-10751).

La fixation des honoraires de l’avocat illustre le pouvoir juridictionnel du bâtonnier consacré par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (art. 174 et s.) qui en fait un « magistrat d’un ordre professionnel »58. Selon l’article 175 du décret, le bâtonnier « prend sa décision dans les 4 mois », délai qui « peut être prorogé dans la limite de 4 mois par décision motivée du bâtonnier ». La question se pose donc de savoir quel régime est applicable dans l’hypothèse où le bâtonnier n’a pas statué dans le délai de 4 ou de 8 mois.

  • Le délai réglementaire pour statuer : les cas dans lesquels un texte impose au « juge » saisi de statuer avant l’expiration d’un délai sont rares puisqu’en règle générale, c’est le juge qui fixe lui-même la durée de son délibéré, la date de la mise à disposition de sa décision au greffe et la prorogation éventuelle de son délibéré59. La procédure prud’homale fournit au moins deux exemples d’un délai légal pour statuer : l’action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée60 et l’action du salarié qui fait suite à la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail61. En pratique, ce délai d’1 mois n’est pas respecté62, même si la brièveté du délai prévu par le législateur partait d’un bon sentiment63. Les « procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé » ont d’ailleurs fait l’objet d’un traitement spécial dans l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 puisqu’elles ont fait partie des rares hypothèses où pendant la période d’urgence sanitaire, les parties ne pouvaient pas s’opposer à la « procédure sans audience » décidée par le juge64. Dans ces hypothèses, l’inobservation des délais pour statuer ne dessaisit pas le conseil de prud’hommes.

Le régime de l’assistance éducative des mineurs impartit aussi au juge des enfants un délai pour statuer65.

S’agissant du délai imparti au bâtonnier pour « prendre sa décision » sur la réclamation en matière d’honoraires, la sanction est implicitement prévue par l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 : le dessaisissement66. En effet, lorsque le « bâtonnier accuse réception de la réclamation », l’article 175 précise qu’il « informe l’intéressé que, faute de décision dans le délai de 4 mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’1 mois ». Le bâtonnier se trouve donc dessaisi à l’expiration du délai de 4 (ou 8) mois, mais ce dessaisissement ne se traduit par la saisine « au profit du premier président de la cour d’appel » que si « l’intéressé » (le client ou l’avocat requérant) prend l’initiative de le saisir. L’absence de décision du bâtonnier équivaut donc à un jugement de débouté67 qui « dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche », conformément au droit commun de la procédure civile68.

  • La marge de manœuvre : certes, l’article 175 du décret précité limite à 4 mois (ou 8 mois) le délai dont dispose le bâtonnier pour « prendre sa décision », mais ce texte précisant que « cette décision est notifiée, dans les 15 jours de sa date… », en pratique ce délai de 15 jours peut servir de réserve au bâtonnier pour lui permettre de dépasser le délai réglementaire à la condition d’antidater sa décision à la date d’expiration des 4 mois (ou 8 mois).

  • Le recours en cas d’absence de décision ou de décision tardive : l’absence de décision du bâtonnier s’analysant en une décision implicite de débouté, la situation est par principe susceptible de recours. Aux termes de l’article 175 du décret précité, « faute de décision dans le délai de 4 mois », il appartient au requérant « de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’1 mois ». La saisine du premier président en cas de décision tardive ou d’absence de décision du bâtonnier s’analyse en un recours69, au même titre que le recours70 contre la décision formelle que le bâtonnier aurait prise s’il avait respecté le délai réglementaire71. Quel est alors le point de départ du délai d’1 mois pour exercer ce recours ?

Dans l’affaire jugée le 5 mars 2020, la Cour de cassation retient la date de notification de la décision tardive du bâtonnier au requérant72. Pourtant, l’article 175 du décret précité dispose que « faute de décision dans le délai de 4 mois, il appartiendra [au requérant] de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’1 mois ». Le point de départ du délai de recours devrait donc correspondre à la date d’expiration du délai marquant le dessaisissement du bâtonnier et non pas à la date où la décision tardive du bâtonnier est notifiée au requérant. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation a pour effet de générer deux solutions différentes, selon que le bâtonnier rend sa décision avec retard ou ne la rend pas du tout. Dans le premier cas, la Cour retient la date de notification tardive comme point de départ du délai de recours alors qu’en l’absence de décision du bâtonnier, le seul point de départ du délai de recours ne peut correspondre qu’à la date d’expiration du délai de 4 (ou 8) mois. Or au moment où expire ce délai, le requérant ne peut pas savoir s’il va être confronté à une absence de décision ou à une décision simplement tardive du bâtonnier. La jurisprudence de la Cour est donc dangereuse pour le requérant car elle l’encourage à parier sur la tardiveté de la décision du bâtonnier, mais si le bâtonnier ne statue pas, le délai pour saisir le premier président expirera 1 mois après le dessaisissement du bâtonnier, ce qui expose le recours devant le premier président à être déclaré irrecevable. La jurisprudence de la Cour de cassation n’est donc admissible que si le retard du bâtonnier ne dépasse pas le délai d’1 mois après son dessaisissement73. En toutes hypothèses, mettre en place deux points de départ différents alors que le recours est justifié par un seul événement (le dessaisissement du bâtonnier) paraît manquer de cohérence74.

Philippe KAIGL

2 – En procédure pénale

Constitue un acte interruptif de prescription, la délivrance du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée (Cass. crim., 21 janv. 2020, n° 19-84450).

Dans cet arrêt de cassation, la chambre criminelle précise que l’énumération des actes qui interrompent la prescription de l’action publique, prévue à l’article 9-2 du Code de procédure pénale, n’est pas limitative. Elle précise que constitue un tel acte la délivrance du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée.

Dans le cas d’espèce, une contravention a été dressée. À défaut de paiement de l’amende correspondante dans les délais, une amende forfaitaire majorée a été délivrée. Cette dernière a été contestée. Le ministère public a délivré deux mandements de citation, lesquels ont été suivis de la délivrance de citations. En première instance, le prévenu avait fait valoir que les mandements de citation devant la juridiction étaient tardifs. Pour déclarer l’action publique éteinte par la prescription, le jugement énonce que le réquisitoire aux fins de citation est intervenu plus d’1 an après la commission de l’infraction. Un pourvoi est formé. La Cour de cassation casse la décision : le délai de prescription d’1 an, couru à compter de la commission des faits, a été interrompu par la délivrance du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, laquelle a fait courir un nouveau délai d’1 an qui n’était pas expiré lors des mandements de citation ayant abouti à la signification des citations, le tribunal a méconnu les dispositions de l’article 9-2 du Code de procédure pénale.

Cet article donne textuellement une liste des actes du parquet qui interrompent la prescription75. Il fait référence essentiellement à des actes d’enquête, des actes d’instructions, de mise en mouvement de l’action publique ou de décisions de justice. Or la particularité de l’espèce était que le ministère public n’entendait pas se prévaloir d’un acte de poursuite, d’un acte d’instruction ou d’un jugement pour prétendre à l’interruption de la prescription. Il prenait appui sur l’amende forfaitaire majorée comme acte interruptif. L’auteur du pourvoi prenait en compte lui uniquement la convocation en justice.

Il est vrai que la Cour de cassation a jugé qu’est un acte de poursuite qui interrompt le cours de la prescription de l’action publique à la date de sa transmission le mandement de citation transmis par le procureur général au procureur de la République en vue de la saisine de l’huissier76, ainsi que les réquisitions par lesquelles le ministère public manifeste sa volonté de réprimer la contravention77. Ce sont là des actes qui marquent l’intention d’enclencher des poursuites. Pour autant, et de manière plus générale, l’amende forfaitaire est un titre exécutoire qui peut être remis en cause lors de la contestation qui est ouverte. Fort logiquement, il interrompt la prescription dans la mesure où il marque l’intention du ministère public de maintenir les poursuites.

Cédric PORTERON

L’ordonnance pénale interrompt la prescription de l’action publique dès lors qu’elle n’est pas nulle (Cass. crim., 21 janv. 2020, n° 19-81066).

La chambre criminelle rappelle que l’ordonnance pénale interrompt la prescription de l’action publique dès lors qu’elle n’est pas nulle.

Un conducteur d’un véhicule est verbalisé. Après réception de l’avertissement du comptable du trésor, il forme une réclamation, laquelle a été suivie de réquisitions d’ordonnance pénale, puis d’une ordonnance. Sur opposition du contrevenant, le prévenu est cité devant le tribunal de police et condamné de ce chef. Le demandeur au pourvoi invoque la prescription de l’action publique sur le fondement de l’article 9-2 du Code de procédure pénale ; ne tenant pas compte de la délivrance de l’ordonnance pénale. La Cour de cassation rappelle que selon le 4° de ce texte, le délai de prescription de l’action publique est interrompu par tout jugement, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité et que tel est le cas de l’ordonnance pénale.

La présente décision a le mérite de préciser la lettre du texte de l’article 9-2, 4°, du Code de procédure pénale. Selon ce dernier : tout jugement ou arrêt, même non définitif interrompt la prescription, s’il n’est pas entaché de nullité. En statuant comme elle le fait, la chambre criminelle assimile l’ordonnance pénale à un jugement. On pourrait critiquer le sens de cette décision en ce que l’ordonnance pénale n’est pas un jugement à proprement parler puisqu’un jugement impose plusieurs parties à une instance, qui s’échangent leurs pièces et arguments lors d’un débat. Ce n’est pas le cas lorsque la procédure de l’ordonnance pénale est utilisée. Toutefois, ce faisant, la Cour pallie l’insuffisance rédactionnelle d’un texte qui aurait pu du reste préciser que toute ordonnance pénale est aussi interruptive de prescription. Mais, si la qualité rédactionnelle du législateur peut laisser insatisfait, la solution reste légitime. Si elle n’est pas un jugement, l’ordonnance pénale reste une décision de justice, qui peut être frappée d’opposition. Partant, manifestant le prononcé d’une peine, point d’aboutissement des actes de poursuites, il est normal qu’elle interrompe l’action publique. C’est son point d’aboutissement, le dernier acte pris par un magistrat sur la culpabilité de la personne poursuivie. Par ailleurs, même si elle est anéantie du fait de l’opposition, elle a valablement existé. Elle n’est pas nulle. Décider le contraire aurait pu mettre à mal le mécanisme même des ordonnances pénales. Ce qui ne va pas dans le sens du développement de cette forme de titre exécutoire.

Cédric PORTERON

III – L’instruction du procès

A – Le régime des preuves

1 – En procédure civile

Le recours en rétractation contre une ordonnance sur requête doit être formé devant le juge qui a rendu l’ordonnance ; la demande formée devant le juge des référés est irrecevable (Cass. 2e civ., 19 mars 2020, n° 19-11323, F-PBI : Bull. civ. II, à paraître).

Les praticiens ont souvent recours aux mesures d’instruction ordonnées sur requête, en raison de leur efficacité due à l’effet de surprise. En effet, l’article 145 du Code de procédure civile permet de saisir le juge avant tout procès au fond78 pour obtenir une expertise s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir une preuve sans respecter le contradictoire. Le contentieux ultérieur est important et le recours en rétractation permet à la personne victime de la mesure de faire annuler l’ordonnance et d’anéantir les mesures exécutées. En l’espèce, le président du tribunal de grande instance de Paris avait autorisé avant tout procès la saisie et le séquestre de fichiers d’une société ; la société demanderesse ayant ensuite assigné en référé la société objet de la mesure devant le même juge pour réclamer la mainlevée du séquestre, cette dernière avait sollicité reconventionnellement la rétractation de l’ordonnance ; la cour d’appel avait jugé cette demande reconventionnelle irrecevable motif pris qu’elle n’aurait pas été adressée au juge compétent. La question était donc de savoir si le juge des référés saisi d’une demande de mainlevée du séquestre a le pouvoir pour rétracter l’ordonnance rendue sur requête qui avait autorisé la mesure d’instruction. La Cour de cassation répond par la négative : il résulte de l’article 496, alinéa 2, du Code de procédure civile que « l’instance en rétractation d’une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, et… la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Dès lors, seul le juge des requêtes qui a rendu l’ordonnance peut être saisi d’une demande de rétractation de celle-ci ». La demande reconventionnelle en rétractation de l’ordonnance formée devant le juge des référés est donc irrecevable, faute de pouvoirs du juge des référés. En effet, il s’agit dans cette situation de la question de l’étendue des pouvoirs du juge des référés (et non d’un problème de « compétence ») : d’après le Code de procédure civile, le juge des référés a des pouvoirs spécifiques, limités par les dispositions légales et s’il est saisi en dehors de ces pouvoirs, la sanction procédurale est l’irrecevabilité de la demande (et non une exception d’incompétence, qui peut se produire lorsque, par ex., on sollicite une mesure urgente en hésitant entre le juge des référés du tribunal judiciaire ou celui du tribunal de commerce).

Il convient donc de saisir d’une demande de rétractation le juge qui a rendu l’ordonnance : le « référé-rétractation » (que l’on a parfois qualifié de « faux référé »79) ne doit pas être confondu avec le référé de droit commun qui obéit à un régime différent. Cette procédure de rétractation emprunte au référé son caractère contradictoire, mais elle n’est pas soumise aux autres conditions d’ouverture du référé (comme l’urgence ou l’absence de contestation sérieuse…, article 834 du Code de procédure civile pour le référé devant le président du TJ). Peu importe que ce soit la même personne physique qui statue comme juge des requêtes et comme juge des référés : en l’espèce, il s’agissait du président du TJ qui avait été saisi successivement dans ses fonctions de juge des requêtes, puis dans celles de juge des référés… La demande en rétractation ne peut être formée, à titre principal ou reconventionnel, que devant le juge des requêtes.

L’instance en rétractation permet de rétablir le contradictoire et de contester les conditions dans lesquelles l’ordonnance a été rendue : le juge doit vérifier, même d’office, si la requête et l’ordonnance caractérisent les circonstances justifiant une exception au principe du contradictoire et si les conditions prévues à l’article 145 du Code de procédure civile étaient remplies : la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. Dès lors, si la personne victime de la mesure d’instruction veut s’opposer à la levée du séquestre, elle doit saisir rapidement le juge qui a rendu l’ordonnance d’une demande de rétractation, et non attendre que le bénéficiaire fasse une demande de mainlevée du séquestre en référé.

Natalie FRICERO

2 – En procédure pénale

(…)

B – L’instance civile

1 – Les incidents d’instance

La demande visant à l’homologation d’une convention réglant tout ou partie des conséquences d’un divorce formée en cours d’instance est recevable si elle est présentée par un seul époux, mais elle ne peut être accueillie en l’absence de conclusions concordantes de l’autre époux (Cass. 1re civ., 12 févr. 2020, n° 19-1008880).

Les demandes en homologation font partie du paysage judiciaire. En dépit de leurs spécificités, elles n’ont pas forcément vocation à déroger aux règles de la théorie générale du procès. L’arrêt commenté en témoigne.

En l’espèce, des époux négocient un accord portant sur la liquidation du régime matrimonial au cours d’une instance en divorce en cause d’appel. L’époux sollicite l’homologation de l’accord mais son épouse ne conclut pas à cette fin. La demande d’homologation est jugée irrecevable par la cour d’appel aux motifs qu’elle aurait dû être conjointe en application de l’article 268 du Code civil. La Cour de cassation casse : elle considère que la demande en homologation d’une convention présentée « par un époux seul est recevable » et que le juge, qui ne peut prononcer l’homologation « qu’en présence de conclusions concordantes des époux en ce sens », devait tirer les conséquences de l’absence d’accord de l’autre époux sur la demande.

La Cour de cassation se prononce sur l’articulation de deux corps de règles : celles qui régissent la formation des demandes incidentes et celles qui encadrent les conditions de prononcé d’une homologation sur le fondement de l’article 268 du Code civil.

Pourquoi fallait-il articuler ces règles ? En application de l’article 268 du Code civil, les époux parties à une instance en divorce peuvent demander au juge d’homologuer une convention réglant tout ou partie des conséquences du divorce. À l’instar d’une demande en homologation d’une convention de divorce par consentement mutuel judiciaire, la demande d’homologation d’une telle convention présente deux caractéristiques. D’abord, l’homologation du juge est ici requise pour habiliter les parties à conclure une convention dotée de la force obligatoire. Ensuite, les deux époux doivent marquer devant le juge leur accord pour que la convention soit homologuée. Obligation de recourir au juge et absence de litige, ce sont là les deux ingrédients de la matière gracieuse au sens de l’article 25 du Code de procédure civile81. Le juge doit constater l’absence de litige pour homologuer, ce qui paraît suggérer l’obligation pour les parties de solliciter conjointement l’homologation en présentant à cette fin une requête conjointe.

Seulement voilà : les conventions de l’article 268 du Code civil sont par hypothèse soumises au juge à l’occasion d’une instance préexistante de divorce contentieux. La demande gracieuse vient alors perturber le cours d’une instance contentieuse82. Il y a là un phénomène qu’un auteur a appelé un « abaissement du contentieux »83. Sur le plan procédural, la demande d’homologation se présente comme une demande incidente. Or normalement, une demande incidente se forme à l’égard des parties à l’instance comme sont présentés les moyens de défense84. Il serait étonnant d’imposer aux parties, eu égard à la préexistence de l’instance, de présenter une requête conjointe. Même si cette technique est suggérée dans d’autres cas, spécialement pour les accords issus de la conciliation judiciaire déléguée85 ou de la médiation judiciaire86 (encore qu’une demande unilatérale soit également possible dans ces cas), l’article 268 du Code civil ne prévoit rien de tel. Dès lors, l’on ne saurait faire grief aux parties de présenter par voie de conclusions leur demande incidente. Le problème est qu’il devient alors plus compliqué pour le juge de s’assurer du consentement des parties sur la demande d’homologation.

Cela conduit à une deuxième interrogation : comment articuler ces règles ? La Cour de cassation énonce deux principes.

D’abord, la demande en homologation présentée par une seule partie n’est pas de ce seul fait irrecevable. Par là même sont tirées les conséquences de l’intégration de l’homologation à l’instance pendante : la demande peut être formée comme une demande incidente classique. Il n’est pas exigé un acte particulier à peine d’irrecevabilité.

Ensuite, néanmoins, le juge ne peut prononcer l’homologation sollicitée que s’il est saisi de conclusions concordantes de l’autre partie. Ainsi, lorsque le juge est saisi unilatéralement et que l’autre partie ne prend pas des conclusions à fin d’homologation, le juge doit débouter de la demande d’homologation.

Le schéma retenu n’est pas dénué de cohérence même si la cassation peut sembler formelle. Pour autant, d’autres raisonnements auraient pu être tenus par la haute juridiction.

La sanction de la fin de non-recevoir était-elle inadaptée ? Sans remettre en cause la possibilité de procéder par voie de conclusions, n’y avait-il pas dans l’absence de conclusions concordantes une cause d’irrecevabilité tenant au défaut de qualité pour agir ? L’habilitation à demander l’homologation est limitée par la loi d’une manière certes particulière mais réelle : il doit exister une demande de part et d’autre ; tout se passe comme si le droit d’agir n’appartenait pas concurremment à chacune des parties mais conjointement aux deux ensemble. Dès lors qu’une seule partie présente la demande et que l’autre ne s’y associe pas, n’y a-t-il pas in fine une irrégularité touchant à l’absence de titularité du droit d’agir aux fins d’homologation ?

De plus, était-il opportun de poser, tel un principe général, que le juge ne peut faire droit à la demande qu’en cas de conclusions concordantes ? L’absence d’un tel principe aurait laissé ouverte l’hypothèse d’une homologation prononcée sur le fondement d’un consentement implicite, voire d’une absence de consentement de la partie non-demanderesse. Cela aurait contrarié les exigences liées à la nature gracieuse de la demande.

Mais, au regard de l’espèce, est-on bien certain que la demande d’homologation présentée ici était gracieuse et devait nécessairement être consensuelle ? La convention soumise au juge est présentée comme un « acte de liquidation », ce qui était de nature, si elle se limitait bien à la liquidation, à la faire relever de l’article 265-2 du Code civil. Or même s’il existe des doutes quant à l’obligation de soumettre à l’homologation les conventions conclues sur le fondement de cet article87, l’article 1451 du Code civil suggère qu’elles y échappent puisqu’il est disposé que les effets de ces conventions de liquidation anticipées sont suspendus jusqu’au prononcé du divorce (si les effets sont suspendus, c’est a priori qu’ils ne dépendent pas d’une homologation).

Dès lors, si l’on avait retenu cette interprétation et admis sur le principe l’homologation d’une telle convention, les exigences tenant au caractère consensuel de la demande auraient pu être appréciées moins strictement. L’acte aurait été doté d’une force obligatoire dès avant son homologation (laquelle n’aurait eu pour effet que de conférer force exécutoire à l’accord) et l’on aurait pu en déduire l’impossibilité de rétracter le consentement manifesté par la signature de l’acte de liquidation, ce qui aurait permis au juge de prononcer l’homologation nonobstant l’absence de conclusions concordantes.

Thibault GOUJON-BETHAN

Précisions sur la prescription de l’action en droit du travail (Cass. soc., 29 janv. 2020, n° 18-15359).

Selon l’article L. 1471-1 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En application de l’article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance susvisée, par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier. Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

Dans cette décision, la chambre sociale de la Cour de cassation affirme que l’action en requalification d’un contrat à durée déterminée ou de contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée s’analyse en une action portant sur l’exécution du contrat de travail. Nous sommes effectivement dans un contentieux stigmatisant la mauvaise exécution du contrat de travail. Cette précision est de taille au regard de la nouvelle rédaction de l’article L. 1471-1 du Code du travail, issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : les actions portant sur l’exécution du contrat de travail, sont soumises à un délai de prescription de 2 ans, et celles portant sur la rupture, sont soumises à un délai d’1 an.

Concernant le point de départ du délai de prescription, la chambre sociale fait désormais une distinction selon le fondement de l’action : lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat, le point de départ de l’action est la date de conclusion du contrat à durée déterminée88. En revanche, lorsqu’elle est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat. Cette solution est une extension d’un arrêt du 13 juin 201289 concernant le travail temporaire. La Cour avait déjà retenu que le point de départ de l’action du salarié temporaire tendant à faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée courait à compter du terme du dernier contrat de mission.

La Cour rappelle que lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, le salarié est en droit de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier puisque c’est à compter de cette date qu’il est censé être employé à durée indéterminée90. Enfin, il est affirmé à nouveau, si besoin était, que la demande de rappel de salaire, auquel le salarié peut prétendre au titre des périodes non travaillées entre deux contrats à durée déterminée, dès lors qu’il justifie s’être tenu à disposition de l’employeur, est soumise au délai triennal de l’article L. 3245-1 du Code du travail91. Il s’agit d’une action liée au paiement du salaire. Elle se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Cédric PORTERON

La relaxe du chef de harcèlement n’exclut pas une condamnation pour harcèlement moral dans le cadre d’un contentieux prud’homal (Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-23682).

Dans la présente décision, la Cour de cassation précise que la relaxe d’une personne au titre d’un harcèlement sexuel, n’empêche pas automatiquement une condamnation dans le cadre d’un contentieux social. La chambre sociale de la Cour de cassation décide que le juge civil peut caractériser des faits de harcèlement sexuel alors que le juge pénal a prononcé la relaxe pour ces mêmes faits sur la base d’un défaut d’élément intentionnel.

Bien qu’apparaissant a priori en doublon les deux textes sanctionnant le harcèlement ont des finalités différentes, et chacun obéit aux règles de la procédure qui lui est propre. La caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail, tels que définis à l’article L. 1153-1, 1° ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel. Ainsi, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la décision du juge pénal, qui s’est bornée à constater l’absence d’élément intentionnel, ne privait pas le juge prud’homal de la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l’employeur. On pouvait effectivement se demander si la définition du harcèlement sexuel était identique sur le plan de la qualification civile et de la qualification pénale. Nécessite-t-elle dans les deux cas la détermination de l’élément intentionnel ? La chambre sociale répond à cette question, par la négative.

Cette jurisprudence est classique. Elle distingue l’incidence au civil d’une décision de relaxe fondée sur l’absence d’élément matériel d’une décision de relaxe fondée sur l’absence d’élément intentionnel, lorsque cette intention n’est pas requise par les textes en droit du travail. Si la relaxe est fondée sur l’absence de preuve de l’élément matériel et donc des faits poursuivis, ce qui est jugé en matière pénale a l’autorité de la chose jugée en matière sociale. Il s’agit d’éviter les contradictions de décisions. Cela justifie aussi que la juridiction prud’homale ordonne le sursis à statuer lorsqu’une plainte est en cours. Pour autant, le défaut de poursuite n’impliquera pas un défaut de condamnation systématique devant le Conseil de prud’hommes. Si la juridiction pénale a relevé l’absence d’intention, elle a néanmoins pu confirmer la réalité des faits imputés. En l’espèce, la décision du juge pénal n’avait pas autorité de la chose jugée sur le contentieux prud’homal puisque la relaxe était fondée sur l’absence d’élément intentionnel. Or l’élément intentionnel, nécessaire pour que soit constitué le délit de harcèlement sexuel, est absent de la définition, en droit du travail, des faits de harcèlement sexuel, tels que prévus à l’article L. 1153-1, 1°, du Code du travail. On rappellera que la logique est identique pour le harcèlement moral, lui aussi sanctionné à la fois par des textes pénaux et par le droit du travail.

Cédric PORTERON

2 – La mise en état

Les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de chose jugée, qu’elles mettent ou non fin à l’instance (Cass. 2e civ., 9 janv. 2020, n° 18-21997).

Les réformes successives tendent à faire en sorte que le juge de la mise en état (JME) tranche les incidents de procédure afin que le tribunal se concentre sur le fond. Non seulement ses pouvoirs ont considérablement évolué, puisqu’il peut régler les fins de non-recevoir même si elles impliquent l’examen préalable d’une question de fond (CPC, art. 789-692), mais encore la portée des décisions qu’il prend a été renforcée. L’article 794 du Code de procédure civile (qui reprend les dispositions de l’ancien 775 du CPC en les complétant pour ajouter les fins de non-recevoir) précise que les ordonnances du JME n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, ce qui permet de remettre en cause la décision devant le tribunal statuant au fond. Mais il prévoit une liste d’exceptions concernant les ordonnances « statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789 ». L’arrêt du 9 janvier 2020 revient sur une question portant sur l’interprétation des termes « statuant sur les exceptions de procédure, les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance » : lorsque le JME saisi d’un incident, rejette comme en l’espèce une exception de nullité de l’assignation, son ordonnance a-t-elle autorité de la chose jugée au principal, ou bien cette autorité n’est-elle attribuée qu’à l’ordonnance qui fait droit à l’exception et prononce la nullité de l’assignation en mettant fin à l’instance, comme l’avait jugé la cour d’appel ? La Cour de cassation répond qu’il faut dissocier les différents cas prévus à l’article 794 (anc. 775) du Code de procédure civile : les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure ont autorité de chose jugée, qu’elles mettent ou non fin à l’instance. La Cour de cassation avait adopté une position contraire dans un arrêt du 13 mars 200893 qui avait décidé que « c’est seulement lorsque, en statuant sur une exception de procédure, l’ordonnance du conseiller de la mise en état met fin à l’instance que cette ordonnance a, au principal, l’autorité de la chose jugée ; que l’ordonnance du 31 mai 2006 ayant rejeté l’exception de nullité de l’assignation, la validité de l’acte pouvait être remise en cause devant la cour d’appel ». Cette position avait été reprise dans un arrêt du 10 janvier 201294. La nouvelle interprétation doit être approuvée pour deux raisons essentielles. D’abord, elle est conforme à la lettre du texte : l’autorité de la chose jugée est attachée à l’ordonnance qui « statue sur une exception de procédure », quelle que soit la décision du JME, qu’il admette ou non son bien-fondé, qu’il mette ou non fin à l’instance. « Statuer » sur une exception de procédure ne signifie pas en admettre le bien-fondé et mettre fin à l’instance. Ensuite, la solution est pragmatique et permet de réaliser l’objectif poursuivi, à savoir supprimer le contentieux portant sur les incidents de procédure lors de la phase de mise en état, en évitant que le débat puisse être renouvelé devant le tribunal lors du jugement au fond. La partie qui conteste la décision du JME peut faire appel95 (ou, s’agissant d’une ordonnance du conseiller de la mise en état, déférer la décision à la cour d’appel, article 916 du Code de procédure civile). La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 mai 2018 avait déjà décidé, « qu’il n’y a donc plus lieu de distinguer selon que l’ordonnance du juge de la mise en état ou du conseiller de la mise en état met ou non fin à l’instance ; que, dès lors, c’est à bon droit qu’après avoir relevé que, par ordonnance du 21 mars 2016, le conseiller de la mise en état avait rejeté la demande de sursis à statuer formée par les emprunteurs et que cette décision n’avait pas fait l’objet d’un déféré, la cour d’appel a retenu que la demande de sursis à statuer présentée à nouveau devant elle était irrecevable »96. Mais l’autorité de la chose jugée n’est attribuée aux ordonnances que dans les domaines prévus à l’article 794 du Code de procédure civile. À propos des ordonnances du conseiller de la mise en état (soumis aux mêmes dispositions puisque l’article 907 renvoie aux articles 780 à 807 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux pouvoirs supplémentaires définis à l’article 914 du Code de procédure civile), la Cour de cassation97 a, au visa des articles 775 (devenu 794), 914 et 916, ensemble l’article 907, du Code de procédure civile, précisé que « l’ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur la recevabilité de la déclaration de saisine après renvoi de cassation n’était pas revêtue de l’autorité de la chose jugée, de sorte que l’absence de déféré de cette ordonnance n’interdisait pas à la partie défenderesse de soulever devant la cour d’appel le moyen pris de l’irrecevabilité de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation ». En effet, aucune disposition légale relative à l’autorité de la chose jugée ne vise la décision statuant sur l’irrecevabilité de la déclaration de saisine… Néanmoins, il faut garder à l’esprit que la Cour de cassation applique au sursis à statuer le régime des exceptions de procédure98, ce qui doit faire entrer les ordonnances du JME statuant sur cet incident dans le champ d’application de la nouvelle jurisprudence.

Natalie FRICERO

C – L’instruction pénale

Rappel de l’obligation de respect de l’article 11 du Code de procédure civile relatif au secret de l’enquête de l’instruction (Cass. crim., 24 mars 2020, n° 19-80909, F-PBI).

Le très célèbre article 11 du Code de procédure pénale prévoit dans son premier alinéa que l’enquête et l’instruction sont secrètes.

Et selon l’alinéa 2, toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal. Il est évident que les officiers de police judiciaire sont inclus dans cette catégorie et se doivent de ne pas divulguer le résultat de leurs investigations. Seul le procureur de la République peut, dans le but d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause. Ces règles élémentaires, qui semblent aujourd’hui devenues pourtant bien théoriques, viennent d’être rappelées par la Cour de cassation dans un arrêt publié au Bulletin.

En l’espèce, un commandant de police, chargé d’enquêter sur des dégradations graves et répétées subies par la SNCF du fait de tagueurs, divulgua aux journaux Le Parisien et Le Monde diverses informations concernant ses investigations. Ces deux organes de presse publièrent alors des articles délivrant les informations suivantes : « Ce sont les plus gros tagueurs de ces dernières années (…). En 3 ans, on peut estimer que la remise en état des rames de métro qu’ils ont dégradées se monte à près de 600 000 €. Un record. (…) Nous savions qu’ils étaient très bien renseignés sur les dépôts de la RATP, ils connaissaient toutes les mesures de sécurité qu’il fallait respecter pour éviter tout accident. Nous voulions surtout les prendre en flagrant délit. C’était la seule façon pour nous de nous assurer qu’ils étaient les bons tagueurs. (…) Ils opèrent en toute connaissance de cause avec un but : obtenir la plus grande notoriété possible en multipliant les signatures, si possible dans des sites difficiles d’accès. (…) Le policier parle de “drogués du tag”, capables de passer leurs nuits dans les dépôts ou les tunnels du métro ».

Bien qu’aucun nom ni aucun élément ne fût donné qui put permettre son identification, un des interpelés déposa plainte, puis, en raison du classement sans suite de celle-ci, se constitua partie civile des chefs de violation du secret de l’enquête et recel de ce délit, information qui fût close par un non-lieu. L’appel devant la chambre de l’instruction ne connut guère plus de succès. Les juges exposèrent que les propos de ce fonctionnaire de police, tels que retranscrits par le journaliste, ne comprenaient aucune indication permettant d’identifier les personnes interpellées, et ne contenaient aucune révélation d’une information à caractère secret au sens des dispositions de l’article 226-13 du Code pénal. Ils ajoutaient qu’il s’agissait de commentaires, et non d’informations couvertes par le secret de l’enquête et de l’instruction.

Le présumé tagueur, poursuivi par ailleurs pour dégradation dans le réseau métropolitain, se pourvut alors en cassation. Le 24 mars 2002, la chambre criminelle lui donna raison, cassant la décision de la chambre de l’instruction de Paris pour violation de la loi, au visa des articles 11 du Code de procédure pénale et 226-13 du Code pénal. Selon cette décision, publiée au Bulletin, « seul le ministère public est investi du droit de communiquer sur une enquête en cours, dans les conditions restrictives énoncées par le troisième alinéa de l’article 11 du Code de procédure pénale, de sorte que la communication de renseignements connus des seuls enquêteurs par un officier de police judiciaire à des journalistes est susceptible de constituer, le cas échéant, la violation du secret professionnel par une personne qui concourt à la procédure ».

La décision, pour être orthodoxe, n’en est pas moins surprenante. Les violations du secret de l’enquête et de l’instruction sont devenues tellement courantes et répétées qu’elles finissent par sembler secondaires, presque « excusées » par les prétendues nécessités de l’information. Combien d’accusés et de prévenus se lancent dans d’interminables procès pour faire respecter ce droit ? En l’espèce, les articles du Parisien et du Monde avaient paru en juin 2007, l’arrêt de cassation date de mars 2020, et procède au renvoi devant la cour d’appel de Paris, autrement composée, permettant désormais à la procédure de se poursuivre pendant quelques années de plus… Quoi de plus décourageant ?

Coralie AMBROISE-CASTEROT

De la nécessité de la délivrance du permis de communiquer à un avocat (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 19-86465).

Le principe est posé : est nulle l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui, après incarcération provisoire de l’intéressé, a, au terme d’un débat contradictoire différé intervenu, en l’absence des avocats choisis par le détenu, placé ce dernier en détention provisoire dès lors que porte atteinte aux droits de la défense le défaut de délivrance du permis de communiquer sollicité par l’un d’eux, obtenu le lendemain du débat contradictoire différé, alors même que ce permis de communiquer aurait pu être délivré d’office à l’avocat choisi dès la décision d’incarcération provisoire.

Un individu, mis en examen, comparaît devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire. Il sollicite un délai pour préparer sa défense, de sorte que l’examen de l’affaire est renvoyé, avec incarcération provisoire de l’intéressé. Un permis de communiquer est sollicité mais n’est pas obtenu par ses avocats avant le débat. Le débat contradictoire différé a lieu en leur absence. L’intéressé est placé en détention provisoire. Il forme un référé-liberté. La personne mise en examen signe une déclaration d’appel au greffe de l’établissement pénitentiaire, demandant à comparaître personnellement. La présidente de la chambre de l’instruction, saisie du référé-liberté, juge n’y avoir lieu de remettre l’intéressé en liberté et renvoie l’affaire devant la chambre de l’instruction. La demande d’annulation de l’ordonnance de placement en détention provisoire est rejetée. Un pourvoi en cassation a été formé.

Au visa des articles 6, § 3, c, de la convention européenne des droits de l’Homme, 115 et R. 57-6-5 du Code de procédure pénale, la chambre criminelle casse la décision rendue. Elle rappelle un principe : la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant du premier de ces textes, la délivrance d’un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l’exercice des droits de la défense. Le défaut de délivrance de cette autorisation à un avocat désigné, avant un débat contradictoire différé organisé en vue d’un éventuel placement en détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen.

La cour d’appel avait tenté de mettre à l’écart le principe au nom d’un réalisme procédural peu conforme au droit. Elle avait considéré qu’il n’a pas été porté atteinte aux droits de la défense dès lors que, selon les propres déclarations de la personne, son avocat était en possession de tous les documents nécessaires à sa défense et que, lors du débat contradictoire, aucune écriture n’a été déposée et aucun des avocats choisis ne s’est présenté au cabinet du juge des libertés et de la détention pour prendre connaissance du dossier et s’entretenir confidentiellement avec l’intéressé avant la tenue du débat. C’était faire fi de l’obligation mise à la charge des organes de la procédure. C’est à eux qu’il appartient de s’assurer que la personne a pu s’entretenir avec son avocat et non à ce dernier de se manifester pour faire état d’une impossibilité. Progressivement, le droit à l’avocat s’est construit comme le noyau dur des droits de la défense. En l’absence de circonstance insurmontable ayant empêché la délivrance à l’avocat, en temps utile, d’un permis de communiquer avec la personne détenue, permis qui, au demeurant, aurait pu être délivré d’office à l’avocat choisi dès la décision d’incarcération provisoire, la chambre de l’instruction a violé la loi.

Cédric PORTERON

Délivrance tardive d’un permis de communiquer et défaut de demande de renvoi (Cass. crim., 19 févr. 2020, n° 19-87545).

La présente décision apporte une précision à celle précédemment analysée. Le mis en examen dont l’avocat ne s’est pas présenté au débat différé devant le juge des libertés et de la détention, au motif qu’il n’a pas été en mesure de s’entretenir avec son client du fait d’une délivrance tardive du permis de communiquer, ne saurait invoquer une atteinte aux droits de la défense, dès lors que, compte tenu des délais prévus par l’article 145 du Code de procédure pénale, son avocat aurait pu solliciter le renvoi du débat contradictoire.

Dans le cas d’espèce, un individu a été mis en examen. Le même jour, ayant demandé à bénéficier d’un délai pour préparer sa défense, il a été placé par le juge des libertés et de la détention sous mandat de dépôt à durée déterminée. Le débat différé a été fixé, l’avocat du mis en examen ayant été convoqué à l’audience. Par télécopie, l’avocat a sollicité la délivrance d’un permis de communiquer en vue du débat contradictoire. Ce permis lui a été adressé le matin du jour où le débat devait se tenir. L’après-midi de la délivrance, l’avocat a adressé une télécopie au greffe, pour informer que, bien qu’ayant sollicité un permis de communiquer, il ne l’avait reçu qu’en fin de matinée, à une heure où son client avait déjà quitté la maison d’arrêt, et que n’ayant pas pu s’entretenir avec lui avant le débat contradictoire, il considérait qu’il était porté atteinte aux droits de la défense. Il a dès lors sollicité la remise en liberté de son client. Après un débat contradictoire tenu en l’absence de l’avocat, le juge des libertés a placé la personne mise en examen en détention provisoire. Elle a relevé appel de cette décision. La cour d’appel a confirmé la décision.

Pour dire qu’il n’y a pas eu violation des droits de la défense en raison d’une délivrance tardive du permis de communiquer, l’arrêt attaqué énonce que le greffe du magistrat a délivré le permis de communiquer en temps utile au vu des seules informations qui avaient été portées à sa connaissance, et que le délai de transmission, ne présentait pas de caractère tardif. Les juges ajoutent que si l’avocat du mis en examen a envoyé par télécopie un courrier au greffe pour invoquer une violation des droits de la défense et annoncer qu’il demanderait la remise en liberté, il n’a pas cru devoir se présenter au débat contradictoire du lundi 21 octobre 2019, ne serait-ce que pour solliciter un renvoi encore possible malgré les délais contraints du débat différé. La Cour de cassation considère que l’avocat du mis en examen aurait pu solliciter le renvoi du débat contradictoire, il n’a pas été porté atteinte en l’espèce aux droits de la défense.

Cette décision doit être prise pour ce qu’elle est : un arrêt d’espèce. Elle n’énonce pas un principe obligeant l’avocat à qui un permis de communiquer a été remis tardivement de solliciter un renvoi. Elle précise que compte tenu du délai restant à courir il aurait pu encore solliciter un renvoi. Ce qui signifie que si la notification du permis avait été faite la veille de l’audience pour un débat qui devait impérativement se tenir à la date prévue pour respecter les délais impératifs du débat différé, la communication tardive aurait nécessairement porté atteinte aux droits de la défense, sans que l’avocat n’ait à solliciter un renvoi. Il appartient donc à l’avocat qui s’aperçoit d’une communication tardive du permis de communiquer de bien distinguer : soit il a encore le temps de solliciter un renvoi et il doit le faire ou il ne pourra pas s’en plaindre ; soit, le renvoi n’est pas possible compte tenu des délais imposés et il y aura nécessairement violation des droits de la défense sans qu’il ait à demander quoi que ce soit à l’audience.

Cédric PORTERON

Un avocat d’une société inter-barreaux inscrite dans le ressort d’une cour d’appel peut adresser son mémoire par la voie recommandée (Cass. crim., 6 mai 2020, n° 20-81111).

Cette décision apporte une intéressante contribution aux modalités de dépôt d’un mémoire devant la chambre de l’instruction par un avocat qui est associé d’une société inter-barreaux. Pour ce faire, il convient de déterminer le lieu d’exercice de l’avocat constitué à la défense.

Un individu est mis en examen par un juge d’instruction et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention de ce tribunal le même jour. Le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de mise en liberté qu’il avait présentée. L’intéressé a relevé appel de cette décision. La cour d’appel a déclaré irrecevable le mémoire transmis par son avocat et rejeté sa demande de mise en liberté. Un pourvoi est alors formé.

La Cour casse l’arrêt rendu au visa de l’article 198 du Code de procédure pénale. Elle affirme qu’il résulte de cet article qu’un avocat qui n’exerce pas dans la ville où siège la chambre de l’instruction peut adresser son mémoire par télécopie ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lesquelles doivent parvenir à leurs destinataires avant le jour de l’audience, peu important que cet avocat appartienne à une société inter-barreaux dont l’un des membres est inscrit au barreau du siège de cette juridiction.

Pour déclarer irrecevable le mémoire transmis par télécopie par l’avocat de la personne mise en examen, exerçant à Marseille, l’arrêt attaqué avait relevé que, selon le papier à en-tête du mémoire, le cabinet de cet avocat, qui exerce au sein d’une société d’avocats inter-barreaux, dispose de trois bureaux, à Aix-en-Provence, Marseille et Pertuis. Les juges en avaient alors conclu que, l’avocat exerçant dans la ville du siège de la cour d’appel, son mémoire adressé par télécopie en lieu et place du dépôt au greffe de la chambre de l’instruction, seul autorisé dans ce cas, était irrecevable. Il aurait dû être déposé au greffe.

Toutefois, cette analyse procédait d’une confusion. Le principe d’une société inter-barreaux est qu’elle est composée d’avocats exerçant dans des barreaux différents. Or la défense d’un individu est personnelle. Si un avocat est constitué à la défense des intérêts d’une personne, ses associés ne le sont pas. C’est la base de la procédure. C’est pourquoi le texte de l’article 198 du Code de procédure civile vise l’avocat et non sa structure. Affirmer que lorsqu’un avocat fait partie d’une société inter-barreaux, un de ses associés exerce au lieu de la cour d’appel, et qu’alors le mémoire doit être déposé au greffe, c’est faire des avocats associés les avocats de la personne mise en examen. Or le texte est clair : il faut que l’avocat constitué n’exerce pas dans la ville où siège la chambre de l’instruction pour pouvoir adresser son mémoire par télécopie ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. À suivre la logique de la cour d’appel, les autres avocats de la structure pourrait alors intervenir dans le dossier, voire en avoir copie devant la chambre de l’instruction au motif qu’ils font partie de la même structure. Ce qui n’est pas concevable.

Cédric PORTERON

IV – L’audience de jugement

A – La convocation à l’audience

1 – En procédure civile

(…)

2 – En procédure pénale

(…)

B – Le déroulement de l’audience

1 – L’audience civile

L’irrecevabilité du gérant d’une société en liquidation judiciaire pour former appel à titre personnel contre une ordonnance d’admission d’une créance au passif ne porte pas atteinte au droit à l’accès au juge. En outre, le dirigeant n’a pas d’intérêt à agir en réclamation à l’état des créances, dans l’hypothèse où il serait intervenu volontairement à l’instance de vérification du passif (Cass. com., 11 mars 2020, n° 19-13233).

En l’espèce, une ordonnance d’admission d’une créance au passif d’une société en liquidation judiciaire est contestée en appel par la personne morale débitrice. Le gérant de celle-ci intervient à l’instance, car ce dernier était recherché en comblement de passif. Courant 2014, la cour d’appel annule l’ordonnance d’admission et ordonne la reprise des opérations de vérification des créances. Le gérant de la société débitrice intervient volontairement à l’instance se déroulant devant le juge-commissaire, mais la créance sera de nouveau admise. Le gérant interjette appel de la décision et la société débitrice en relève appel incident. Ces recours sont déclarés irrecevables par la cour d’appel et un pourvoi est formé par le gérant.

Pour le demandeur, l’irrecevabilité prononcée par la cour d’appel constituait une atteinte au droit à l’accès au juge. Concédons que le dirigeant se trouvait dans une impasse procédurale. D’une part, son intervention à l’instance de contestation des créances devant le juge-commissaire l’avait privé d’une éventuelle réclamation à l’état des créances. D’autre part, la cour d’appel le considère comme irrecevable à interjeter appel de l’ordonnance d’admission.

La haute juridiction n’y voit pourtant aucune violation du droit à l’accès au juge. La Cour rappelle que le premier alinéa de l’article 102 de la loi du 25 janvier 1985 limite la qualité pour exercer un recours contre les décisions du juge-commissaire prises en matière d’admission des créances au créancier, au débiteur, à l’administrateur et au représentant des créanciers. Elle souligne qu’une telle restriction est légitime puisqu’elle poursuit l’objectif de déroulement rapide de la procédure. Rendue sous l’empire de la législation de 1985, la solution n’en demeure pas moins d’actualité. La liste limitative des personnes ayant qualité pour interjeter appel des décisions du juge-commissaire se retrouve aujourd’hui à l’article L. 624-3 du Code de commerce99. Or le dirigeant de la société débitrice ne figure pas au sein de cette liste.

La Cour de cassation prend en outre le soin de préciser qu’en l’espèce, le dirigeant s’est privé de la possibilité de former une réclamation contre l’état des créances. Certes la jurisprudence a parfois reconnu au dirigeant d’une société débitrice la qualité pour exercer ce recours et en particulier, comme en l’espèce, lorsque son intérêt à agir résulte d’une recherche en comblement de passif100. Mais, il est d’autres cas où le dirigeant est irrecevable à porter réclamation, notamment lorsqu’il agit à titre personnel en ayant préalablement participé és qualitès à la vérification des créances101.

Cette dernière hypothèse d’irrecevabilité est à mettre en regard avec la formule employée par la Cour de cassation lorsqu’elle énonce que le dirigeant s’est « lui-même privé » de l’exercice de la réclamation. En l’espèce, le dirigeant n’a pas participé és qualitès à la vérification des créances, mais y est intervenu volontairement. Ce procédé se comprend à l’aune de la législation de 1985. La société placée en liquidation judiciaire était alors dissoute dès l’ouverture de la procédure collective emportant avec elle la perte de fonctions des dirigeants sociaux102. Dès lors, le dirigeant n’a pu participer à la vérification des créances és qualitès, mais a été contraint d’intervenir volontairement à l’instance.

Dans cette situation, l’arrêt nous enseigne que le dirigeant social est face à un choix. Soit il décide d’intervenir volontairement à l’instance d’admission pour faire valoir ses prétentions, soit il n’y intervient pas et pourra par la suite exercer une réclamation à l’état des créances. Mais ces deux possibilités sont exclusives l’une de l’autre !

Cette exclusivité s’explique sous l’angle de l’intérêt à agir en réclamation. Le Code de commerce ouvre ce recours aux personnes intéressées qui ne sont pas des parties sur les décisions du juge-commissaire103. La personne intéressée est celle qui a un intérêt à agir sous réserve qu’elle n’ait été ni partie ni représentée à la décision qu’elle conteste104. En l’espèce, l’intérêt du dirigeant à exercer ce recours faisait défaut en raison de son intervention volontaire à l’instance de vérification du passif. En effet, la réclamation à l’état des créances ne doit pas constituer pour le demandeur un moyen détourné de réitérer le procès dans l’espoir d’un meilleur résultat. En l’espèce, l’intervention volontaire du gérant à l’instance de vérification du passif lui avait déjà permis de présenter ses arguments, ce qui l’a logiquement privé d’intérêt à agir en réclamation.

Benjamin FERRARI

L’ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession d’un immeuble en liquidation judiciaire parfait la vente de sorte que le liquidateur peut en réclamer l’exécution forcée (Cass. com., 11 mars 2020, n° 18-25504).

En l’espèce, un liquidateur obtient du juge-commissaire une ordonnance l’autorisant à vendre à une SCI un immeuble appartenant à la société en liquidation judiciaire. Par la suite, la SCI a refusé de régulariser l’acte de vente et le liquidateur l’a assignée en exécution forcée. L’affaire est portée en appel. Pour le candidat acquéreur, l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession de gré à gré ne vaut pas vente. Il en est déduit que la vente n’est parfaite qu’après passation des actes nécessaires à la réalisation de la vente. Par conséquent, l’exécution forcée de la cession ne pouvait être prononcée. L’argumentation ne convainc pas les juges du fond et la SCI se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation confirme la position adoptée par la cour d’appel. Pour la haute juridiction, si le transfert de la propriété d’un immeuble vendu en exécution d’une ordonnance d’autorisation du juge-commissaire n’intervient qu’à la date du ou des actes postérieurs nécessaires à la réalisation de la vente, celle-ci n’en est pas moins parfaite dès l’ordonnance du juge-commissaire, sous réserve que cette décision acquière force de chose jugée. Ainsi le liquidateur était-il fondé à solliciter l’exécution forcée de la vente.

L’affaire s’inscrit dans une jurisprudence constante105. Au gré des arrêts de la Cour de cassation, les conséquences attachées à la perfection de la vente dès la décision du juge-commissaire se sont précisées. Par exemple, parce que la vente est parfaite dès l’autorisation du juge, un compromis passé au mépris du dessaisissement antérieurement à la décision judiciaire est sans incidence sur la régularité de la cession autorisée par le juge-commissaire106. De la perfection de la vente, la Cour de cassation nous enseigne également que le juge ne peut rétracter sa décision pour la substituer, par exemple, à une autorisation de vente du bien en indivision.

En l’espèce, relevons que si le mandataire a choisi d’agir en exécution forcée de la vente107, d’autres options s’offraient à lui. En effet, le refus d’accomplir les actes de cession par la personne désignée par l’ordonnance aurait pu donner lieu à des dommages et intérêts ou à une condamnation sous astreinte, spécialement si un tel refus affectait l’intérêt collectif des créanciers108.

La solution édictée par l’arrêt doit être approuvée. De surcroît, la formulation employée par la Cour de cassation pour asseoir sa décision a ceci d’intéressant qu’elle est didactique. En effet, les limites à la perfection de la vente par l’ordonnance du juge-commissaire sont mises en exergue par la haute juridiction.

D’abord, la Cour rappelle que pour que la vente soit parfaite dès l’ordonnance du juge-commissaire, encore faut-il que cette décision soit passée en force de chose jugée et donc, qu’elle ne soit plus susceptible de recours suspensif d’exécution. L’affirmation emporte pour conséquence que le candidat retenu pour acquérir le bien peut encore retirer son offre tant que l’ordonnance n’est pas passée en force de chose jugée, c’est-à-dire tant que le débiteur et les créanciers inscrits sur le bien conservent la qualité pour exercer un recours109.

Les spécialistes de la matière ne manqueront pas de se demander si l’offrant peut lui-même exercer un recours contre l’ordonnance d’autorisation du juge-commissaire. Certes, le Code de commerce dispose que toutes les personnes dont les droits et obligations sont affectés par les ordonnances du juge-commissaire peuvent exercer un recours110. Cela étant, la caractérisation de l’intérêt à agir de l’auteur de l’offre retenue pose difficulté. Cet intérêt semble limité au cas où le tribunal imposerait au candidat acquéreur des charges supplémentaires dépassant les termes de son offre111.

Ensuite, la Cour de cassation souligne que le candidat acquéreur peut échapper à la passation des actes de cession dans l’hypothèse où il figure dans son offre une condition suspensive empêchant la perfection de la vente dès l’ordonnance du juge-commissaire112. Si une telle condition est formulée et qu’elle se réalise, le liquidateur ne peut rechercher la responsabilité du candidat acquéreur ni d’ailleurs poursuivre une quelconque exécution forcée de la vente en cas de refus de passation des actes de cession.

Malheureusement pour le demandeur, d’une part, l’ordonnance du juge-commissaire était passée en force de chose jugée, et d’autre part, aucune clause ne conditionnait la perfection de la vente à la réalisation d’un événement particulier. En définitive, il ne pouvait donc pas se soustraire à la réalisation de la cession.

Benjamin FERRARI

2 – L’audience pénale

Le ministère public a qualité pour solliciter la délocalisation d’une procédure collective sur le fondement des articles L. 662-2 et R. 662-7 du Code de commerce lorsque les intérêts en présence le justifient et qu’il y va de la préservation de l’impartialité de la justice (Cass. com., ord. 1re prés., 2 avr. 2020, n° 40785).

Le tribunal territorialement compétent pour connaître de l’ouverture d’une procédure collective d’une personne morale est celui dans le ressort duquel la société a son siège113. Cependant, les articles L. 662-2 et R. 662-7 du Code de commerce permettent de déroger à cette compétence lorsque les intérêts en présence le justifient. L’affaire est alors renvoyée devant une autre juridiction. L’ordonnance commentée illustre le procédé.

Le 5 septembre 2017, le Sporting Club de Bastia était placé en liquidation judiciaire. Par une requête du 3 février 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bastia sollicitait le renvoi de la procédure collective devant une juridiction se situant en dehors du ressort de la cour d’appel bastiaise au regard de l’existence de liens familiaux entre le président du tribunal et l’un des administrateurs de la société en cause. La première présidente de la Cour de cassation fait droit à cette demande sur le fondement de la « préservation de l’impartialité de la justice » et désigne le tribunal de commerce de Lyon pour connaître des suites de la procédure.

La solution est heureuse, tant la présence d’un conflit d’intérêts impose la délocalisation d’un dossier, et ce, même en période de crise sanitaire114.

Sur un plan plus technique, la solution est intéressante en ce qu’elle affine la portée de l’expression « d’intérêts en présence » justifiant le dépaysement d’un dossier115.

Au départ, le terme était cantonné à des intérêts d’ordre économique. Il s’agissait, par exemple, de traiter plus efficacement, par le biais de la délocalisation, les procédures collectives ouvertes contre des sociétés d’un même groupe. Mais la volonté de dépassionner les débats ou des situations de conflits d’intérêts ont également pu justifier le dépaysement de certains dossiers. Nous songeons par exemple à une affaire au sein de laquelle une société créancière dont le dirigeant était un juge consulaire avait assigné en redressement judiciaire son débiteur devant le tribunal où il exerçait ses fonctions. Face à cette situation, le dossier était délocalisé par le premier président de la cour d’appel sur saisine du ministère public116. Dans la même veine, le dépaysement était également ordonné à propos d’un dossier au sein duquel le président d’une juridiction consulaire avait ouvert et suivi une procédure préventive au bénéfice d’une entreprise dont le dirigeant avait des liens étroits de parenté avec l’un des juges de la juridiction117.

Plus généralement, la délocalisation sur le fondement des articles L. 662-2 et R. 662-7 du Code de commerce assoit le rôle prépondérant du ministère public au sein des procédures collectives. Pour s’en convaincre, la Cour de cassation a semblé réticente à admettre que la notion d’intérêts en présence des articles du Code de commerce recoupait le risque de suspicion légitime des articles 341 et suivants du Code de procédure civile justifiant le renvoi d’un dossier devant une autre juridiction. Or si la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime118 n’appartient qu’aux seules parties au procès119, la demande de délocalisation prévue par le Code de commerce peut, quant à elle, être formée par le ministère public y compris lorsque cette requête se fonde sur un conflit d’intérêts120. Ceci est d’autant plus intéressant que la Cour de cassation a distingué la notion d’intérêts en présence de celle de suspicion légitime au sein d’une affaire où le risque ne concernait pas le débiteur personne morale lui-même, mais deux de ses actionnaires121. Ces faits sont donc semblables à ceux de l’ordonnance sous commentaire.

En l’espèce, la décision commentée fait droit à la délocalisation sollicitée par le ministère public sur le fondement de la « préservation de l’impartialité de la justice » lorsqu’il existe des liens familiaux entre le président du tribunal et l’un des administrateurs de la société débitrice. Ces éléments constituaient les « intérêts en présence » requis par la lettre du Code de commerce et légitiment ainsi l’action en délocalisation entreprise par le ministère public.

Benjamin FERRARI

Le droit d’être informé de la nature et de la cause de l’accusation suppose que le président de la cour d’assises donne lecture des questions spéciales qu’il entend poser avant le réquisitoire et les plaidoiries (Cass. crim., 11 mars 2020, n° 19-80366).

Une personne est mise en accusation et renvoyée devant la cour d’assises. Cette juridiction déclare l’accusé coupable. Un appel est interjeté. Le président de la cour d’assises d’appel a donné lecture de trois questions spéciales supplémentaires auxquelles la cour et le jury ont eu à répondre après le réquisitoire et les plaidoiries. Un pourvoi en cassation est alors formé.

Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce « que le président qui envisage de poser des questions spéciales ou subsidiaires doit en donner lecture avant le réquisitoire et les plaidoiries, afin d’informer les parties et de permettre à la défense de faire valoir toute observation utile ; qu’en ayant donné lecture de trois questions spéciales après le réquisitoire et les plaidoiries, le président a méconnu les articles 6-3 de la convention européenne des droits de l’Homme, les articles préliminaire 348, 350, 351, 591 et 593 du Code de procédure pénale et les droits de la défense ».

En prenant pour fondements les articles 6-3 de la convention européenne des droits de l’Homme, 348 et 356 du Code de procédure pénale, la chambre criminelle casse l’arrêt rendu. Elle rappelle le fondement du principe du contradictoire. Il résulte du texte conventionnel susvisé que tout accusé a droit à être informé, dans le plus court délai, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui et doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Ainsi, selon les dispositions des deux derniers textes, s’il résulte des débats que les faits sont susceptibles de comporter une circonstance non prévue par la décision de mise en accusation, le président de la cour d’assises doit avertir le ministère public et les parties, avant les réquisitions et plaidoiries, qu’il envisage de poser une question spéciale, dont il est donné lecture, sauf si les parties y renoncent.

La décision rendue ne pouvait qu’être cassée. Le procès-verbal des débats faisait apparaître, qu’après clôture de ceux-ci, et après avoir donné la parole au ministère public et aux parties, le président avait donné lecture des questions posées dans les termes de la décision de renvoi et de trois questions spéciales, relatives au caractère incestueux des infractions, auxquelles la cour et le jury auraient à répondre, en application de l’article 348 du Code de procédure pénale. Or en procédant ainsi, sans qu’il ressorte des énonciations du procès-verbal des débats que, pour permettre à l’accusé ou à son avocat de faire valoir toutes observations utiles à la défense, le président avait prévenu les parties, avant les plaidoiries et réquisitions, qu’il envisageait de poser, comme résultant des débats, lesdites questions spéciales, celui-ci a violé les textes et les principes susvisés.

Cette décision n’est pas nouvelle. Mais la nécessité d’avoir à le rappeler montre que souvent les règles fondamentales, affirmées depuis plusieurs décennies tant en droit interne qu’en droit européen des droits de l’Homme peuvent encore être oubliées. Le droit à l’information, inscrit par ailleurs dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale, que la Cour ne vise pas, se situant sur le plan européen, est une des manifestations majeures du principe du contradictoire122. Comment l’individu et son défenseur pourrait-il envisager de défendre sur des qualifications qui ne lui pas été soumises ?

Cédric PORTERON

C – L’issue de l’audience

Rentre dans les prévisions des articles 321-1 et 421-2-5 du Code pénal le fait de détenir, à la suite d’un téléchargement effectué en toute connaissance de cause, des fichiers caractérisant l’apologie d’actes de terrorisme. Néanmoins, une condamnation de ce chef n’est compatible avec l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme que si est caractérisée, en la personne du receleur, son adhésion à l’idéologie exprimée dans de tels fichiers (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 19-80136).

À la suite d’une visite, effectuée sur autorisation du juge des libertés et de la détention, du véhicule utilisé par un individu et du domicile de ses parents où il résidait, ont été découverts, dans son ordinateur portable et ses deux téléphones portables, de nombreux documents et des enregistrements audiovisuels faisant l’apologie d’actes de terrorisme. Poursuivi devant le tribunal correctionnel pour recel de biens provenant du délit d’apologie d’actes de terrorisme sur le fondement des articles 321-1 et 421-2-5 du Code pénal, il a été condamné à 5 ans d’emprisonnement dont 1 an avec sursis et mise à l’épreuve, ainsi qu’à une interdiction de séjour et à la confiscation des scellés. L’appel a été interjeté. La décision a été confirmée par la cour d’appel. L’intéressé se pourvoit en cassation, faisant valoir l’interprétation stricte de la loi pénale, corollaire du principe de la légalité, mais également le droit à l’information tel que prévu par le droit européen. Il invoque ainsi la violation des articles 6, 7 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, 111-3, 111-4, 321-1 et 421-2-5 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale.

Pour la Cour de cassation, il rentre dans les prévisions des articles 321-1 et 421-2-5 du Code pénal le fait de détenir, à la suite d’un téléchargement effectué en toute connaissance de cause, des fichiers caractérisant l’apologie d’actes de terrorisme. Cependant, une condamnation de ce chef n’est compatible avec l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme que si est caractérisée, en la personne du receleur, son adhésion à l’idéologie exprimée dans de tels fichiers.

Pour confirmer la déclaration de culpabilité, l’arrêt déféré à la Cour avait énoncé qu’en effectuant des téléchargements volontaires de fichiers faisant l’apologie du terrorisme, le prévenu s’est procuré et a détenu en toute connaissance de cause des choses provenant d’une action qualifiée de crime ou de délit par la loi. Il avait toutefois ajouté que le comportement de la personne poursuivie, la diversité et le caractère volontaire de la sélection des documents téléchargés excluent qu’il ait pu agir de bonne foi par simple curiosité, quête spirituelle ou parce qu’il se retrouvait dans une situation de détresse psychologique, matérielle et familiale ainsi qu’il le prétend. Pour autant, ceci est insuffisant à caractériser une véritable adhésion à une idéologie.

Cédric PORTERON

Rappel des conditions de la responsabilité pénale des personnes morales (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 18-86293).

Outre qu’elle rappelle les modalités de reconnaissance de la responsabilité pénale dans le cadre d’un homicide involontaire, cette décision est intéressante en ce qu’elle rappelle la condition essentielle pour poursuivre une personne morale : il faut qu’elle existe encore au jour de la décision du juge pénal. Dès lors qu’une société a fait l’objet d’une fusion-absorption, elle ne peut être poursuivie. Bien qu’étant un arrêt de rejet, le principe est rappelé : « la société (…) ayant fait l’objet d’une fusion-absorption (…), à une date postérieure à l’arrêt attaqué, et ayant par conséquent perdu son existence juridique en qualité de personne morale, l’action publique à son égard est éteinte par application de l’article 6 du Code de procédure pénale ».

Cette solution n’est pas nouvelle. Elle interpelle toutefois par le manque de nuance. Aucune réserve n’est émise quant aux raisons qui auraient pu motiver à la restructuration. Aucune référence à l’éventualité d’une fraude n’est envisagée. Au contraire, il a été relevé que l’opération de fusion a été réalisée « à une date postérieure à l’arrêt attaqué ». C’est dire que même si une société est condamnée en première instance ou en appel, et qu’après la décision rendue, la fusion-absorption intervient, elle ne pourra plus être poursuivie, pas plus que la société absorbante qui n’a connu aucune faute pénale. Le responsable a disparu. Certes, cela n’exclut pas que la personne physique, complice ou coauteur soit poursuivie. Cependant, la distinction opérée par la loi entre causalité directe ou indirecte s’appliquera. Dès lors, en cas de causalité indirecte, il faudra démontrer l’existence d’une faute délibérée ou d’une faute caractérisée, là où la faute simple aurait suffi pour une personne morale, à condition bien sûr que soit identifiée la personne physique ayant pu engager juridiquement la personne morale. Tel est l’autre rappel d’une condition imposée de manière désormais constante de la chambre criminelle.

Cédric PORTERON

La conciliation du droit d’interroger les témoins et la protection de la présomption d’innocence de ceux-ci (Cass. crim., 17 juin 2020, n° 19-81485).

Un juge d’instruction met en accusation un individu devant la cour d’assises pour meurtre, vol, dégradations volontaires par incendie et conduite sans permis. La cour déclare l’accusé coupable des faits, objet de l’accusation, et le condamne. Par arrêt incident, elle dit qu’elle n’entend pas procéder à l’audition de l’enquêteur cité en qualité de témoin par la défense. C’est le reproche qui a été fait dans le cadre d’un pourvoi.

Au visa des articles 6, § 3, d), de la convention européenne des droits de l’Homme, 329, 330, 331 et 335 du Code de procédure pénale, la Cour de cassation casse la décision rendue.

Elle met en avant deux principes. Le premier découle du droit européen des droits de l’Homme : tout accusé dispose du droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la convocation et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Le second découle des textes de droit interne : tout témoin cité par le ministère public ou par les parties, dont le nom a été régulièrement signifié, est acquis aux débats devant la cour d’assises. Il doit déposer, après avoir prêté serment, sauf s’il se trouve dans un cas d’empêchement ou d’incapacité prévu par la loi, ou si toutes les parties ont renoncé à son audition.

Dans le cas d’espèce, il résultait du procès-verbal des débats que la défense avait fait citer comme témoin l’enquêteur qui avait entendu l’accusé au cours de l’enquête. Le ministère public avait présenté des réquisitions s’opposant à l’audition de ce témoin, au motif qu’il était visé nommément par une plainte avec constitution de partie civile, pour faux et usage de faux, déposée par l’accusé devant le doyen des juges d’instruction et que son audition porterait atteinte au secret de l’information et aux droits de la défense. La défense avait protesté et déposé des conclusions pour s’opposer au refus de cette audition.

En dépit de cela, la cour avait choisi de ne pas l’entendre, mettant à l’écart les règles de base qu’elle ramenait ainsi à de simples alternatives. Elle avait jugé en effet n’y avoir lieu à procéder à l’audition, au motif que la plainte déposée visait en particulier les conditions dans lesquelles avait été établi le procès-verbal d’audition de l’accusé au cours de sa garde à vue. Elle prétendait que le visionnage de cette audition, à l’audience de la cour d’assises, apporterait un éclairage suffisant à la cour et au jury sur les propos tenus par l’accusé. Elle entendait remplacer ce qui serait une audition contradictoire avec la possibilité de poser des questions par des images statiques ; ce qui ne pouvait correspondre à l’audition d’un témoin. Elle posait enfin un postulat, partant du principe que l’audition de l’enquêteur, par la cour d’assises, hors la présence de son avocat, à laquelle il a droit, serait de nature à porter atteinte à ses droits et ne serait pas nécessaire à la manifestation de la vérité.

Or d’une part, en l’absence de toute disposition légale dispensant ce témoin, acquis aux débats, de comparaître, la cour ne pouvait énoncer qu’elle n’entendait pas recevoir sa déposition. Ce témoin pouvait par ailleurs refuser de répondre à toute question concernant les faits visés par une plainte avec constitution de partie civile déposée contre lui. D’autre part, il appartenait au président de la cour d’assises, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de l’article 309 du Code de procédure pénale, d’écarter, d’office ou à la demande du ministère public ou des parties, toute question compromettant la dignité des débats, ou étrangère à leur objet. Là étaient les conditions d’une véritable audition d’un témoin, préservant par ailleurs ses droits.

La Cour de cassation rappelle la règle fondamentale : tout accusé ayant le droit d’interroger ou de faire interroger des témoins. Dès lors, l’audition sollicitée ne pouvait être remplacée par le visionnage de l’audition de l’accusé au cours de sa garde à vue. Les droits accordés à la personne poursuivie doivent être concrets et effectifs et non théoriques et illusoires.

Enfin, la cour ne pouvait partir du principe que l’audition demandée n’était pas nécessaire à la manifestation de la vérité. Cette nécessité ne pouvait être appréciée qu’au vu des questions qui seraient posées au témoin et de ses réponses ; ce que la juridiction ne connaissait pas quand elle a écarté la nécessité de cette audition. Par cette décision, la Cour de cassation sauvegarde les droits de chacun. L’accusé a le droit d’interroger le témoin acquis aux débats et la déposition du témoin est réalisée sous le contrôle du président.

Cédric PORTERON

V – Les voies de recours

A – Les voies de recours ordinaires

En l’absence d’indication expresse des chefs du jugement critiqués, la déclaration d’appel ne produit aucun effet dévolutif, quand bien même la nullité de l’acte d’appel n’a pas été sollicitée (Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16954, F-PBI).

Les sanctions d’une déclaration d’appel qui ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués se précisent ! L’arrêt rappelle une solution acquise123 : « En vertu de l’article 562 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ». L’arrêt précise que « seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement », ce qui exclut que les conclusions ultérieures puissent régulariser l’étendue de l’effet dévolutif. « Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé ». En effet, l’irrégularité de la déclaration d’appel entraîne plusieurs conséquences procédurales qu’il est possible d’appliquer successivement.

D’abord, la déclaration d’appel qui ne mentionne aucun chef du jugement critiqué est nulle pour vice de forme (CPC, art. 901). La nullité ne peut donc pas être relevée d’office par le juge, et doit être soulevée par l’intimé in limine litis et avant le dessaisissement du conseiller de la mise en état (CPC, art. 914) sous la forme d’une exception de nullité (l’intimé doit saisir le conseiller de la mise en état par des conclusions qui lui sont spécialement adressées). L’annulation suppose la preuve d’un grief subi par l’intimé, c’est-à-dire d’une entrave à ses droits de la défense. L’appelant peut régulariser son acte d’appel dans les conditions prévues (CPC, art. 115) : il doit donc former une autre déclaration d’appel avant toute forclusion (CPC, art. 910-4, al. 1er : les prétentions au fond doivent être présentées dans les premières conclusions prévues aux articles 905-2 et 908, à savoir, selon le type de procédure, dans les 3 mois de la déclaration d’appel ou dans le mois de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai). La cour d’appel sera alors régulièrement saisie par l’effet dévolutif résultant de la déclaration d’appel régularisée.

Ensuite, si la nullité de la déclaration d’appel n’est pas prononcée ou demandée et si l’appelant n’a pas régularisé, une seconde sanction est mise en œuvre comme en l’espèce, à savoir l’absence d’effet dévolutif. Seule la cour d’appel, en l’état actuel des textes, peut prononcer cette absence d’effet dévolutif (les pouvoirs du conseiller de la mise en état sont restrictivement énumérés). Comme il s’agit d’apprécier l’étendue de sa saisine, la cour dispose sans contestation d’un pouvoir de relever d’office la sanction : doit-elle le faire ? S’agissant des irrecevabilités, seules celles qui sont d’ordre public doivent être relevées d’office (CPC, art. 125) ; néanmoins la Cour de cassation a dit pour avis en 2017 que l’article 562 du Code de procédure civile n’entraîne pas d’irrecevabilité… Elle pourrait néanmoins juger que le contrôle de l’étendue de l’effet dévolutif doit faire l’objet d’un relevé d’office, même s’il ne s’agit pas d’une « irrecevabilité » au sens strict du terme.

Cette sanction produit des effets redoutables : l’absence d’effet dévolutif sera prononcée sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un grief ; elle peut être relevée d’office, dans le respect du contradictoire (CPC, art. 16), après des mois de mise en état de l’affaire ! L’appelant ne pourra plus réitérer sa déclaration d’appel si le jugement a été signifié : l’article 2243 du Code civil précise que l’effet interruptif de la forclusion de la déclaration d’appel est rétroactivement anéanti lorsque la demande est rejetée (or l’absence d’effet dévolutif constitue très certainement une cause procédurale de rejet de la demande). Cette sanction soulève la question du sort de l’appel incident formé régulièrement par l’intimé : peut-il survivre à l’absence d’effet dévolutif de l’appel principal ? Est-il possible de raisonner par analogie avec l’hypothèse d’un appel principal irrecevable prévu à l’article 550 du Code de procédure civile, qui précise que l’appel incident (ou provoqué) formé en dehors du délai d’appel ne sera pas reçu si l’appel principal n’est pas lui-même recevable ou s’il est caduc. En revanche, si l’appelant incident (ou provoqué) a formé l’appel alors qu’il n’était pas forclos pour former l’appel principal (hypothèse dans laquelle le jugement n’a pas été signifié), son appel incident ou provoqué est reçu même si l’appel principal est irrecevable ou caduc. En sera-t-il de même en cas d’absence d’effet dévolutif de l’appel principal ?

En dépit de ces conséquences, la Cour de cassation considère dans l’arrêt commenté que la sanction est conforme au procès équitable issu de l’article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l’Homme : l’obligation d’indiquer les chefs critiqués dans la déclaration d’appel est prévue dans les procédures dans lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, elle est dépourvue d’ambiguïté, elle encadre les conditions d’exercice du droit d’appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel et ne porte donc pas atteinte, en elle-même, à la substance du droit d’accès au juge d’appel. On observe qu’il est rare qu’une restriction de nature procédurale soit considérée comme contraire au procès équitable : le droit au juge est un droit relatif, susceptible de nombreuses entraves justifiées par la bonne administration de la justice et le respect du délai raisonnable du prononcé des jugements !

Il reste qu’en l’espèce, la solution peut paraître sévère. En effet, la déclaration d’appel « se bornait à solliciter la réformation et/ou l’annulation de la décision sur les chefs qu’elle énumérait et que l’énumération ne comportait que l’énoncé des demandes formulées devant le premier juge ». L’arrêt considère que le visa des chefs de demandes ne peut pas être considéré comme équivalent au visa de chefs du dispositif du jugement. Dans le jugement, le tribunal de commerce avait rejeté partiellement les demandes dans son dispositif : la déclaration d’appel devait indiquer l’objet de l’appel (réformation) puis énoncer les chefs du dispositif du jugement critiqué. Lorsque le jugement « rejette toutes autres demandes » sans les détailler, faut-il alors critiquer « en ce que le jugement a rejeté les demandes suivantes : (…) » et reprendre les différentes demandes rejetées en se référant aux dernières conclusions (ou aux conclusions récapitulatives dans les procédures écrites devant le TJ) ? En l’espèce, la déclaration d’appel se bornait à reprendre les demandes formulées dans les conclusions de première instance, y compris des demandes de donner acte, de constat de faits juridiques ou matériels sans aucune référence aux chefs du jugement critiqués, ce qui peut justifier la solution et doit attirer la vigilance des avocats sur la précision exigée dans les mentions de la déclaration d’appel !

Natalie FRICERO

Lorsque l’avocat de l’appelant a remis au greffe les conclusions dans le délai prévu à l’article 908 du Code de procédure civile, la caducité de la déclaration d’appel ne peut pas être prononcée, même si ces conclusions comportent une erreur dans le numéro de répertoire sous lequel l’affaire a été enregistrée (Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-14745, F-PBI).

Une société interjette appel de deux jugements rendus par le conseil des prud’hommes dans des litiges qui l’opposaient à deux anciens salariés, chaque affaire recevant son numéro de RG. L’avocat de l’appelant remet au greffe et communique à l’avocat des intimés (les deux salariés avaient constitué le même avocat) ses conclusions dans le délai prévu à l’article 908 du Code de procédure civile, mais les conclusions comportaient une mention erronée sur le numéro du répertoire. La cour d’appel confirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état qui lui a été déférée, et prononce la caducité de la déclaration d’appel : « Cette société n’a pas remis ses conclusions au greffe ni adressé celles-ci à M. X avant le 16 janvier 2018, dès lors que la remise au greffe par RPVA, le 11 décembre 2017, des conclusions relatives à cette instance, dans le cadre d’une instance distincte concernant un autre salarié, inscrite au répertoire général du greffe sous le numéro 17/07222, dont elles portaient par erreur le numéro, ne pouvait suppléer l’absence de remise au greffe des conclusions de l’appelante ni valoir remise de ces conclusions dans le dossier numéro 17/07224 ». La cour d’appel considère que la question n’est pas celle d’une erreur sur le numéro de rôle indiqué dans les conclusions, mais celle d’un défaut d’accomplissement d’un acte de procédure dans le délai requis. Elle énonce que la demande de jonction de ces instances est dénuée d’incidence faute de créer une procédure unique et qu’aucune erreur du greffe ni aucun dysfonctionnement du réseau n’est allégué, ce qui justifie le prononcé de la caducité de la déclaration d’appel.

L’arrêt est cassé sur le fondement des articles 748-3, 908 et 930-1 du Code de procédure civile et les articles 2, 4, 5 et 8 de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel. La Cour de cassation considère que « tout en constatant que la société Mixcom avait transmis au greffe de la cour d’appel, dans un délai de 3 mois suivant sa déclaration d’appel, des conclusions relatives à l’instance d’appel l’opposant à M. X, par l’intermédiaire du RPVA, de sorte qu’elle était bien saisie de ces conclusions en dépit de l’indication d’un numéro de répertoire erroné, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les textes susvisés ». Voilà une solution qui rassurera les avocats : si l’article 908 du Code de procédure civile institue une caducité, c’est pour sanctionner, non pas une erreur qui pourrait affecter une mention portée sur les conclusions, mais l’absence de conclusions… Le nouvel arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel124 n’a pas modifié la situation. Techniquement, l’avocat de l’appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d’appel, d’un délai de 3 mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique et la cour d’appel est régulièrement saisie des conclusions que cette partie lui a transmises, par le réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l’objet d’un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces-jointes. La difficulté supplémentaire en l’espèce résultait du fait que l’appelant-employeur avait relevé appel de deux jugements d’un conseil de prud’hommes l’ayant condamné, pour le premier, au profit de M. Y et, pour le second, au profit de M. X. Le premier appel a été enregistré sous le numéro RG 17/07222 et le second sous le numéro RG 17/07224. M. X et M. Y ont constitué le même avocat dans les deux affaires. Il avait remis ses conclusions dans le délai prévu à l’article 908 du Code de procédure civile dans l’instance l’opposant à X, mais en indiquant le numéro de répertoire de l’instance l’opposant à Y. Dans ce contexte, considérer que cette erreur de numéro puisse être assimilée à une absence de conclusions et prononcer la caducité relevait d’une approche par trop formaliste de la règle de procédure civile : la sanction de la caducité eut été disproportionnée !

Natalie FRICERO

L’ordonnance radiant l’appel pour défaut d’exécution du jugement de première instance peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (Cass. 2e civ., 9 janv. 2020, n° 18-19301125).

Les textes qui, en matière de procédure, restreignent ou interdisent l’exercice d’un recours peuvent connaître des exceptions. Les spécialistes des procédures collectives le savent bien. Mais des illustrations existent aussi en droit commun, comme le démontre l’arrêt commenté.

En l’espèce, un jugement condamne des emprunteurs à payer à une société une certaine somme et ordonne l’exécution provisoire du jugement uniquement à l’endroit de l’un d’eux. En appel, le conseiller de la mise en état radie l’affaire pour défaut d’exécution de la décision de première instance. Une requête en déféré est présentée contre cette ordonnance aux motifs que l’exécution provisoire n’avait pas été ordonnée à l’encontre du second appelant. Cette requête est déclarée irrecevable aux motifs que la radiation est une mesure d’administration judiciaire qui n’est sujette à aucun recours. Cette décision est cassée par la Cour de cassation. La haute juridiction énonce que bien que soit qualifiée de mesure d’administration judiciaire la décision de radiation du rôle de l’affaire, « cette décision affecte l’exercice du droit d’appel, de sorte qu’elle peut faire l’objet d’un recours en cas d’excès de pouvoir ».

Avant cet arrêt, le sort des recours contre les décisions rendues au titre de l’incident de radiation de l’appel était réglé par un syllogisme très net :

  • Majeure : « Les mesures d’administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours »126 ; la Cour de cassation a apporté la précision : « fût-ce pour excès de pouvoir »127 ;

  • Mineure : l’ordonnance radiant l’appel pour défaut d’exécution « est une mesure d’administration judiciaire »128 ;

  • Conclusion : l’ordonnance radiant l’appel n’est sujette à aucun recours.

La décision commentée affecte la conclusion de ce raisonnement : l’ordonnance radiant l’appel pour défaut d’exécution est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Cette modification légitime jette un trouble sur les prémisses : les mesures d’administration judiciaire peuvent-elles donc faire l’objet d’un recours contra legem ? Ou l’ordonnance radiant l’appel est-elle autre chose qu’une mesure d’administration judiciaire ?

La conclusion modifiée : l’ouverture d’un recours contre l’ordonnance. Pour justifier l’ouverture du recours, la Cour de cassation observe que la décision de radiation affecte l’exercice du droit d’appel et s’appuie sur l’article 6, § 1, de la convention EDH. L’effectivité du droit au juge est en cause dans ce mécanisme129. Même si la radiation n’est formellement qu’une mesure de suspension de l’instance130, cette radiation « interdit l’examen des appels » (CPC, art. 524). Si un délai de 2 ans s’écoule sans qu’un acte manifestant la volonté d’exécuter soit accompli, c’est un autre mécanisme qui se charge de mettre fin à l’instance : la péremption. Il n’y aura donc aucun examen au fond des mérites de l’appel. Ainsi, la fermeture de tout recours, même en cas d’excès de pouvoir, apparaît comme une atteinte disproportionnée à l’effectivité du droit d’appel.

Le recours n’est ouvert que pour sanctionner un excès de pouvoir. La logique est déjà connue : « Il n’est dérogé à toute règle interdisant ou différant un recours qu’en cas d’excès de pouvoir »131. Telle est la condition pour que le recours qui aurait dû être ouvert132 soit « restauré »133. Le droit fondamental en cause est celui de faire sanctionner un excès de pouvoir du juge134. En l’espèce, le recours rétabli est un déféré-nullité devant la cour d’appel, comme le suggère le visa de l’article 916 du Code de procédure civile. Comme le savent les praticiens des procédures collectives, la caractérisation de l’excès de pouvoir est restrictive135 : selon le critère d’un auteur, il réside dans le fait qu’« en aucun cas, un juge, quel qu’il soit, ne pourrait prendre une telle mesure »136. Il est probable qu’une mauvaise appréciation des conséquences manifestement excessives ne constituera pas un excès de pouvoir. Outre l’absence d’exécution provisoire, les hypothèses sont donc limitées137 : on peut imaginer un excès de pouvoir lorsque ce n’est pas le bon organe juridictionnel qui statue (par exemple, si la radiation est prononcée par la juridiction d’appel au fond138).

Les prémisses bouleversées : quid de la nature juridique de l’ordonnance radiant l’appel ? La Cour de cassation a-t-elle entendu remettre en cause la majeure du raisonnement, à savoir la règle de l’absence de recours contre les mesures d’administration judiciaire ? Comme l’ont fait observer des auteurs, l’ouverture d’un recours contre de telles mesures se justifierait dans des cas limités tel celui de l’espèce où il existe un excès de pouvoir139 et/ou un grief140.

On peut aussi considérer que c’est la mineure qui se trouve remise en cause, à savoir l’appartenance de l’ordonnance de radiation à la catégorie des mesures d’administration judiciaire. Le critère de qualification de ces mesures est complexe et des incohérences de qualification ont pu être relevées141. Il se pourrait que la qualification de mesure d’administration judiciaire attribuée à l’ordonnance radiant l’appel soit ce qui a pu être appelé de manière générale par un auteur une « fiction qualificative »142. L’emploi dans l’arrêt d’une subordonnée concessive (« bien que… ») semble manifester une volonté de dépassement du texte. L’ordonnance de radiation est traitée comme si le texte se contentait d’affirmer que la décision n’est susceptible d’aucun recours, ce qui autorise la restauration prétorienne d’un recours pour excès de pouvoir.

Si l’ordonnance de radiation pour défaut d’exécution ne devait plus être une mesure d’administration judiciaire, est-ce à dire qu’elle serait une décision juridictionnelle ? Cela pourrait être admis143 : en statuant sur cette question, le juge tranche une contestation susceptible de fermer l’accès à l’examen au fond, comme il le ferait en se prononçant sur une fin de non-recevoir ou une exception de procédure.

Thibault GOUJON-BETAN

Une déclaration d’appel se bornant à mentionner en objet « appel total » et non rectifiée par une nouvelle déclaration d’appel n’opère pas dévolution du litige à la cour d’appel, de sorte que celle-ci excède ses pouvoirs en confirmant le jugement dont appel (Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-22528144).

Depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, hormis lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou que le litige est indivisible, la déclaration d’appel doit comporter « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité »145. Corrélativement, l’article 562 du Code de procédure civile supprime la possibilité de critiquer « implicitement » des chefs de jugement et ne précise plus que la dévolution s’opère pour le tout « lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs ». Dans des avis rendus le 20 décembre 2017146, la Cour de cassation avait eu l’occasion de préciser qu’une déclaration d’appel « total » était nulle pour vice de forme au regard des mentions prescrites par l’article 901 du Code de procédure civile, mais qu’aucune irrecevabilité ne résultait de l’article 562 du Code de procédure civile. Dans l’arrêt commenté, la haute juridiction confère un effet utile aux modifications du décret en jugeant que la déclaration d’appel « total » ne produit aucun effet dévolutif.

Même si la décision adopte la motivation enrichie, elle n’explicite pas clairement la nature de l’absence d’effet dévolutif. Négativement, l’on sait que cette sanction est distincte de la nullité de la déclaration d’appel pour défaut d’indication des chefs de jugement. La nullité pour vice de forme suppose la preuve d’un grief, en pratique difficile à établir147. L’absence d’effet dévolutif n’est pas subordonnée à cette exigence. L’impuissance de l’article 901 est contrebalancée par le caractère couperet de l’article 562.

S’agit-il d’une irrecevabilité ? Non, si l’on s’en tient aux avis rendus en 2017. Il n’est cependant pas interdit de penser que l’arrêt du 30 janvier 2020 s’est affranchi de la position exprimée dans ces avis, comme cela apparaîtra plus tard.

L’absence de saisine de la cour équivaut-elle plutôt à l’inexistence de la déclaration d’appel148 ? Il semble que non puisque la cour est tout de même saisie d’un appel : la déclaration d’appel irrégulière n’en existe pas moins.

Il semble plus opportun de considérer que l’appel existe mais qu’il est dépourvu d’objet : il ne comprend aucune prétention ni ne permet la formulation d’aucune prétention149. C’est le pendant d’une demande sans objet.

Plusieurs questions irrésolues dépendent de la qualification retenue. D’une part, le constat de l’absence d’effet dévolutif est-il un rejet de la demande ? Intuitivement, l’on est tenté de répondre négativement. La cour d’appel semble devoir se contenter de constater qu’elle n’est saisie de rien, ce qui pourrait impliquer l’absence de rejet150. Mais dire qu’il n’y a pas de rejet de la demande, c’est laisser ouverte la possibilité de former une nouvelle déclaration d’appel une fois la décision intervenue. En effet, le délai d’appel est un délai de forclusion. Ce délai est interrompu par la déclaration d’appel151. L’interruption dure jusqu’à l’extinction de l’instance d’appel152. Or s’il n’y a pas de rejet de la demande, l’effet interruptif n’est pas non avenu153. Le principe de concentration des appels154 semble quant à lui inopérant car il ne fait obstacle à une nouvelle déclaration d’appel que s’il y a irrecevabilité ou caducité de la déclaration d’appel.

Par pragmatisme, on est conduit à considérer qu’il y a bien rejet de la demande155. Techniquement, cela se justifie. Il faut distinguer demande et prétention : la cour est saisie d’une demande (la déclaration d’appel) mais celle-ci ne contient aucune prétention (faute d’effet dévolutif). Constatant qu’il n’existe aucune prétention recevable, elle rejette bel et bien la demande.

Mais s’il s’agit d’un rejet, ne devrait-il pas être qualifié d’irrecevabilité de l’appel156, nonobstant les assertions des avis de 2017 ? Faute de prétention, il n’y a pas d’action puisqu’au titre de l’article 30 du Code de procédure civile, l’action « est le droit, pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci (…) ». L’absence d’action est le critère essentiel des fins de non-recevoir157. Si l’on aime mieux se fonder sur l’article 31 du Code de procédure civile, faute de prétention, il n’existe aucun intérêt légitime au succès d’une prétention158. Ce rattachement permettrait de conférer le pouvoir de statuer au conseiller de la mise en état159 pour éviter l’effet « bombe à retardement »160 qui a pu être identifié.

D’autre part, quel est l’office du juge ? Peut-il, ne peut-il pas, ou doit-il relever d’office cette absence d’effet dévolutif ? Si l’on considère que ce moyen est une fin de non-recevoir, il conviendrait de distinguer suivant que celle-ci est ou non d’ordre public. En énonçant que ce dispositif « encadre les conditions d’exercice du droit d’appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel », la Cour de cassation suggère qu’il s’agit d’un moyen d’ordre public que le juge doit relever d’office161, même si sur le fond, comme cela a été indiqué162, la légitimité du but poursuivi par cette nouvelle obligation demeure discutable.

Au soutien d’une obligation de relever d’office163, l’on pourrait invoquer un autre argument. Le principe du dispositif interdit au juge de modifier l’objet du litige164. Or n’est-ce pas modifier cet objet que de statuer sur des prétentions dont la connaissance n’a pas été transmise à la cour d’après la volonté déclarée165 de l’appelant ? En miroir de l’interdiction de modifier l’objet du litige, il pourrait donc exister une obligation de relever d’office l’absence de saisine de la cour d’appel.

Thibault GOUJON-BETHAN

B – Les voies de recours extraordinaires

1 – En matière civile

(…)

2 – En matière pénale

Lorsqu’un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l’état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l’acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue (Cass. crim., 16 juin 2020, n° 19-81477).

Une société fait l’objet de contrôles par des agents du service régional d’enquête des douanes. Des poursuites sont déclenchées à son encontre des chefs d’importation sans déclaration de marchandises réputées prohibées résultant de fraudes, et de fausses déclarations et manœuvres destinées à éluder ou minorer le montant des droits anti-dumping. Le tribunal correctionnel déclare la société coupable et la condamne solidairement à une amende douanière. Sur appel de cette société et appel incident du ministère public, la cour d’appel relaxe la prévenue. Sur pourvoi de l’administration des douanes et droits indirects, la Cour de cassation casse partiellement cette décision, en ce qu’elle a relaxé les prévenus du chef de fausse déclaration d’espèces. Sur renvoi, la cour d’appel a condamné les prévenus. Un nouveau pourvoi a été formé.

Le moyen critiquait l’arrêt attaqué en ce qu’il a dit irrecevables les exceptions présentées ainsi que le moyen tiré de la prescription. Au visa des articles 567 et 609 du Code de procédure pénale, la Cour de cassation casse la décision rendue. Elle énonce un principe. Si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir. Ainsi, lorsqu’un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l’état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l’acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue.

Or pour déclarer irrecevables des exceptions de nullité et un moyen tiré de la prescription soulevés par la société devant les premiers juges et la cour d’appel initialement saisie, l’arrêt énonce que ces exceptions sont irrecevables dans la mesure où la Cour de cassation, cassant et annulant l’arrêt, seulement en ce qu’il a relaxé les prévenus du chef de fausse déclaration d’espèces, a précisé que toutes les autres dispositions de cet arrêt, qui avait notamment écarté les exceptions précitées, étaient expressément maintenues.

En se déterminant ainsi, la cour d’appel a manifestement méconnu le principe rappelé : les exceptions régulièrement soulevées et le moyen pris de la prescription, subsistaient nécessairement dans les débats devant la cour de renvoi. D’une part, une partie des faits dont elle était saisie restaient en discussion, ce qui impliquait que l’action publique persistait. D’autre part, ces moyens n’avaient pu être examinés par la Cour de cassation, aucune des parties n’ayant qualité ou intérêt à les produire.

Cédric PORTERON

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. 1re civ., 11 mars 2020, n° 18-26789 : LEDC mai 2020, n° 113b8, p. 3, obs. Guerlin G. ; Dalloz étu., 8 avr. 2020, obs. Hervieu M. ; D. 2020, p. 1380, obs. Leborgne A. ; Contrats, conc. consom. 2020, comm. 95, obs. Leveneur L. ; RLDC 2020, p. 6679, obs. Fleury P. ; RTD civ. 2020, p. 383, obs. Barbier H. ; RTD civ. 2020, p. 383 ; RPR-EJT 2020, p. 17, obs. Cholet D. ; Gaz. Pal. 21 juill. 2020, n° 383c8, p. 55, obs. Habu Groud T. ; JCP E 2020, 1273, obs. Grignon P. ; JCP G 2020, 939, obs. Virassamy G.
  • 2.
    Veyre L., « La clause de conciliation : un régime à perfectionner ! », D. 2020, p. 1046 ; Lasserre V., « Validité et portée des clauses de conciliation ou de médiation », JCP G 2020, 906.
  • 3.
    Bernardini R., Droit criminel. Éléments préliminaires, vol. 1, 2012, Larcier, Masters droit, spéc. n° 269.
  • 4.
    La sanction s’adapte : la force obligatoire de la clause impose ici la neutralisation du titre là où la saisine du juge est sanctionnée par une irrecevabilité. V. not. Barbier H., « Quand la clause de conciliation empêche d’émettre un titre exécutoire », RTD civ. 2020, p. 383.
  • 5.
    En ce sens, v. not. RPR-EJT 2020, p. 17, note Cholet D.
  • 6.
    Comp. Cayrol N., « Une clause de conciliation préalable s’oppose à l’émission directe d’un titre exécutoire », RTD civ. 2020, p. 462 : « Fondamentalement, émettre un titre exécutoire ou agir en justice, c’est toujours demander à être payé ».
  • 7.
    Cayrol N., « Une clause de conciliation préalable s’oppose à l’émission directe d’un titre exécutoire », RTD civ. 2020, p. 462 ; Guerlin G., « Clause de conciliation et mesure d’exécution forcée : nouvelle précision ! », LEDC mai 2020, n° 113b8, p. 3 : « si la clause de conciliation est incluse “dans un titre exécutoire”, le créancier peut immédiatement faire procéder à l’exécution, la clause de conciliation étant désactivée ». La Cour de cassation tend à considérer que la clause ne fait pas obstacle à la mise en œuvre d’une procédure d’exécution forcée sauf stipulation expresse : Cass. 2e civ., 22 juin 2017, n° 16-11975 ; Cass. 2e civ., 21 mars 2019, n° 18-14773.
  • 8.
    Jeuland E., « Les actions interrogatoires en question », JCP G 2016, 737, spéc. n° 2.
  • 9.
    Jeuland E., « Les actions interrogatoires en question », JCP G 2016, 737, spéc. n° 2.
  • 10.
    Le suggérant : JCP G 2020, 939, note Virassamy G.
  • 11.
    Cass. com., 10 juill. 2007, n° 06-14768, Les Maréchaux : Bull. civ. IV, n° 188 – Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 15-22844 ; Cass. com., 3 mai 2018, n° 16-20741.
  • 12.
    Casey J., « Le dol ou l’illusion contractualiste dans la remise en cause de la prestation compensatoire », AJ fam. 2018, p. 95.
  • 13.
    Casey J., comm. Lexbase, n° A81323KE.
  • 14.
    Roux X., Rapp. n° 2095, p. 637.
  • 15.
    Cass. crim., 9 mars 2016, n° 14-86631 : Gaz. Pal. 12 avr. 2016, n° 262h8, p. 66, note Voinot D ; D. 2016, p. 1606, n° 6, note Pichon.
  • 16.
    Ferrari B., Le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire. Contribution à l’étude de la situation du débiteur sous procédure collective, thèse, 2019, Nice, n° 739.
  • 17.
    Sur la définition de l’action tendant à la défense de l’intérêt collectif des créanciers, Cass. com., 2 juin 2015, n° 13-24714 : D. 2015, p. 205, note Lienhard A. ; D. 2015, p. 1974, note Le Corre P.-M. et D. 2015, p. 1977, note Lucas F.-X. ; JCP E 2015, 1422, spéc. n° 7, note Pétel P.
  • 18.
    Cass. crim., 10 févr. 2010, n° 08-87357.
  • 19.
    D. n° 2009-1221, 12 oct. 2009, relatif à la spécialisation des juridictions en matière d’adoption internationale ; COJ, annexe tableau VIII-I.
  • 20.
    L. n° 67-523, 3 juill. 1967, relative à la Cour de cassation, art. 17.
  • 21.
    Le procureur général près la Cour de cassation fait grief au jugement de ne pas relever l’incompétence de la juridiction saisie d’une part, et de ne pas contrôler la procédure édictée par la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale d’autre part. Seul le premier moyen relatif à la compétence est présentement exposé.
  • 22.
    Les deux cas sont, sauf dispositions spéciales, énumérés de manière limitative.
  • 23.
    Rép. pr. civ. Dalloz, v° Incompétence, 2020, n° 44, note Callé P.
  • 24.
    Le cas lié à l’absence de comparution du défendeur n’est pas pertinent, en l’espèce, puisque la matière relative à l’adoption relève de la matière gracieuse.
  • 25.
    Souligné par nous.
  • 26.
    CPC, art. 76, al. 1er, « sauf application de l’article 82-1, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l’être qu’en ces cas ». Souligné par nous.
  • 27.
    JO, 25 mai 2016.
  • 28.
    L. n° 2015-997, 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques : JO, 7 août 2015.
  • 29.
    CA Poitiers, 27 juin 2018, n° 16/04278.
  • 30.
    Circ., 27 mai 2016, fiches techniques, « La procédure prud’homale : le lien d’instance », p. 4.
  • 31.
    Cass. soc., 16 sept. 2020, n° 18-24523.
  • 32.
    CA Aix-en-Provence, 4-2, 25 oct. 2019, n° 16/21634 ; CA Montpellier, 5 févr. 2020, n° 16/00118.
  • 33.
    LPA 27 juill. 2020, n° 152m9, p. 6.
  • 34.
    En tout cas, la première chambre civile et la chambre commerciale.
  • 35.
    Le délai biennal de l’action en garantie des vices cachés est enfermé dans une durée butoir correspondant au délai de prescription extinctive de droit commun, CA Aix-en-Provence, 21 nov. 2019, n° 18/17623.
  • 36.
    Cass. 1re civ., 6 juin 2018, n° 17-17438 ; Cass. com., 16 janv. 2019, n° 17-21477.
  • 37.
    Jourdain P., « Chaînes de contrats et point de départ de la prescription : la Cour de cassation s’obstine ! », RTD civ. 2018, p. 919.
  • 38.
    Devenu quinquennal à la faveur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
  • 39.
    Cass. 3e civ., 6 déc. 2018, n° 17-24111.
  • 40.
    Ex : entreprise titulaire du marché et sous-traitant.
  • 41.
    « L’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l’encontre des sous-traitants (Cass. 3e civ., 19 mai 2016, n° 15-11355) ».
  • 42.
    « La seule solution acceptable pour éviter cette absurdité serait de faire courir le délai de l’action récursoire du jour où le vendeur intermédiaire a été lui-même assigné par les acquéreurs, comme le soutenait le pourvoi, car c’est à cette date qu’il a connaissance du vice, de son obligation de garantie envers les acquéreurs et du préjudice qui en résulte » (Jourdain P., « Chaînes de contrats et point de départ de la prescription : la Cour de cassation s’obstine ! », RTD civ. 2018, p. 919).
  • 43.
    CA Bordeaux, 27 mai 2016, n° 14/03032.
  • 44.
    Cass. 3e civ., 8 févr. 2012, n° 11-11417 : Bull. civ. I, n° 23.
  • 45.
    Cass. 3e civ., 19 janv. 2011, n° 09-71207 : Bull. civ. III, n° 9 ; D. 2011, p. 375.
  • 46.
    Rép. civ. Dalloz, v° Bornage, 2016, n° 23.
  • 47.
    Rép. civ. Dalloz, v° Bornage, 2016, n° 90.
  • 48.
    CA Aix-en-Provence, 17e ch. B, 5 juill. 2018, n° 18/05095 (ord. CME n° 2018/M85) : LPA 29 mai 2019, n° 143d4, p. 6.
  • 49.
    Il s’agit d’une exception de procédure.
  • 50.
    CPC, art. 126 : « Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». « Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance ».
  • 51.
    CPC, art. 546, al. 1er : « Le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé ».
  • 52.
    Cass. 2e civ., 11 mai 2017, n° 16-18464.
  • 53.
    Croze H., « En marche vers un principe d’unicité du droit d’appel », Procédures 2017, comm. 177.
  • 54.
    Bacle F., https://consultation.avocat.fr/blog/florent-bacle/article-19334--appel-sur-appel-non-caduc-ne-vaut.html.
  • 55.
    Plus de 2 ans plus tard…
  • 56.
    Ce mode de rattrapage n’est plus possible depuis le 1er septembre 2017, date d’entrée en vigueur du nouvel article 911-1, alinéa 3, du Code de procédure civile issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : « La partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie ».
  • 57.
    Il y a d’ailleurs lieu de s’interroger sur les circonstances qui ont pu causer cette erreur. Elle aurait été envisageable si le même avocat avait pu postuler devant les deux cours. Or cette hypothèse est exclue puisqu’en vertu de l’article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa version issue de l’article 51 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, la saisine de chacune des deux cours d’appel concernées ne pouvait être réalisée que par des avocats différents car de barreaux différents qui « peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel », c’est-à-dire une seule cour d’appel. Plus probablement, l’avocat de l’appelant était inscrit à l’un des barreaux du ressort de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, ce qui lui donnait parfaitement compétence pour plaider devant le conseil de prud’hommes d’Ajaccio et, dans la précipitation de la gestion quotidienne de son cabinet, peut-être même à cause des instructions de dernière minute de son client pour interjeter appel, l’avocat a interjeté appel devant « sa » cour d’appel.
  • 58.
    Le Gallou A., « Le règlement des litiges par le bâtonnier de l’Ordre des avocats », RJO 1993, p. 577-594.
  • 59.
    CPC, art. 450 : le président « peut… aviser les parties, à l’issue des débats, que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la juridiction, à la date qu’il indique à moins qu’il ait été fait application du troisième alinéa de l’article 781 ». « S’il décide de renvoyer le prononcé du jugement à une date ultérieure, le président en avise les parties par tout moyen. Cet avis comporte les motifs de la prorogation ainsi que la nouvelle date à laquelle la décision sera rendue ».
  • 60.
    C. trav., art. L1245-2 : « Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’1 mois suivant sa saisine ».
  • 61.
    C. trav., art. L1451-1 : « Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’1 mois suivant sa saisine ».
  • 62.
    Pour au moins deux raisons : une raison juridique (ce délai n’est assorti d’aucune sanction) et une raison pratique (il est trop bref pour inclure à la fois le délai de convocation et le délai de délibéré et plus généralement le délai imposé par le respect du contradictoire).
  • 63.
    En matière de requalification d’un CDD en CDI, l’objectif du législateur était de permettre au salarié d’être fixé sur le sort de son contrat de travail avant le terme de son CDD et donc de rester le cas échéant dans l’entreprise en cas de requalification (Brousez F., « Contrat à durée déterminée. Requalification », JCl. Travail traité, fasc. 2-49, n° 24 : « Le but recherché est d’accélérer la solution au fond permettant au salarié de bénéficier rapidement des effets de la requalification. »). En matière de prise d’acte, l’objectif du législateur était de permettre au salarié d’être rapidement fixé sur son droit à indemnisation du chômage, puisque le salarié qui notifie la prise d’acte de la rupture n’a pas droit aux allocations chômage et n’y aura droit que si la prise d’acte est ensuite requalifiée en rupture aux torts de l’employeur.
  • 64.
    Art. 8 : « Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider qu’elle se déroule selon la procédure sans audience. Il en informe les parties par tout moyen. À l’exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d’un délai de 15 jours pour s’opposer à la procédure sans audience. À défaut d’opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge ».
  • 65.
    CPC, art. 1184 : « Lorsque le juge est saisi, conformément aux dispositions du second alinéa de l’article 375-5 du Code civil, par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, il convoque les parties et statue dans un délai qui ne peut excéder 15 jours à compter de sa saisine, faute de quoi le mineur est remis, sur leur demande, à ses parents ou tuteur, ou à la personne ou au service à qui il était confié ».
  • 66.
    La Cour de cassation avait déjà jugé que l’absence de décision du bâtonnier n’était pas sanctionnée par la nullité de la procédure mais par la possibilité pour la partie de saisir, dans le délai d’1 mois, le premier président de la cour d’appel (Cass. 1re civ., 16 juill. 1991, n° 88-19780 : D. 1991, p. 203).
  • 67.
    Le recours contre la décision tardive du bâtonnier, même formé plus d’1 mois après la date de son dessaisissement, est recevable afin de ne pas « conférer force de chose jugée à une décision rendue hors délai par un bâtonnier » (Cass. 2e civ., 21 mai 2015, n° 14-10518 : D. 2015, p. 1163).
  • 68.
    CPC, art. 481, al. 1er.
  • 69.
    D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 176, al. 2 : « Lorsque le bâtonnier n’a pas pris de décision dans les délais prévus à l’article 175, le premier président doit être saisi dans le mois qui suit ».
  • 70.
    L’article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 n’emploie pas le mot « appel » et d’ailleurs ce n’est pas la cour d’appel qui est saisie mais son premier président. Sur la dualité de juridictions au sein de la cour, v. Strickler Y. et Varnek A., Procédure civile, 9e éd., 2020, Bruylant, Paradigme, n° 495.
  • 71.
    D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 176, al. 1er : « La décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, qui est saisi par l’avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le délai de recours est d’1 mois ».
  • 72.
    La Cour avait déjà jugé que, dans un tel cas, le recours devait être formé dans le délai d’1 mois après la notification de la décision du bâtonnier statuant hors délai (Cass. 2e civ., 14 juin 2018, n° 17-20247 : Dalloz actualité, 29 juin 2018, obs. Deharo G. ; JCP G 2018, 1774, spéc. n° 5, obs. G’Sell F.).
  • 73.
    Tel était le cas dans l’affaire jugée le 5 mars 2020 : saisi le 8 septembre 2017, le bâtonnier avait rendu sa décision le 25 janvier 2018 (au lieu du 8 janvier) et le recours avait été formé le 23 février.
  • 74.
    Contra Caseau-Roche C., « Contestation d’honoraires : délais de recours de l’avocat », Dalloz actualité, 16 juill. 2020.
  • 75.
    V. not. Courtin C. (dir.), La réforme de la prescription pénale, 2017, L’Harmatan.
  • 76.
    Not. Cass. crim., 13 déc. 2005, n° 04-87489 : RSC 2006, p. 638, note Giudicelli G. ; JCP G 2006, I 159, note Maron A.
  • 77.
    Not. Cass. crim., 19 mars 1997, n° 96-83797.
  • 78.
    Sachant qu’une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d’instruction in futurum que si l’instance au fond est ouverte sur le même litige à la date de la requête, Cass. com., 20 févr. 2019, n° 17-27668.
  • 79.
    Héron J., Le Bars T. et Salhi K., Droit judiciaire privé, 7e éd., 2019, Lextenso, p. 348, n° 415.
  • 80.
    Cass. 1re civ., 12 févr. 2020, n° 19-10088 : Dalloz actualité, 3 mars 2020, obs. Bolze A. ; Dalloz étudiants, 27 mars 2020, obs. Hervieu M. ; AJ fam. 2020, p. 307, obs. Casey J. ; D. 2020, p. 576, obs. Fricero N. ; Dr. famille 2020, comm. 68, obs. Boulanger A. ; JCP N 2020, 263, obs. Sauvage F. ; RJPF 2020/4-23, obs. Garé T. ; LEFP avr. 2020, n° 112u3, p. 5, obs. Lemouland J.-J. ; LEFP mars 2020, n° 112s8, p. 5, obs. Mauger-Vielpeau L. ; RTD civ. 2020, p. 353, obs. Leroyer A. -M.
  • 81.
    Bergel J.-L., « La juridiction gracieuse en droit français », D. 1983, Chron. XXVIII, p. 153-158.
  • 82.
    V. aussi RTD civ. 2020, p. 353, note Leroyer A.-M.
  • 83.
    Égéa V., La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, thèse, t. 43, 2010, Defrénois, Doctorat et notariat, préf. Leborgne A. (dir.), spéc. n° 273.
  • 84.
    CPC, art. 68.
  • 85.
    CPC, art. 131, al. 2.
  • 86.
    CPC, art. 131-12.
  • 87.
    Sur le débat, v. Égéa V., La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, thèse, t. 43, 2010, Defrénois, Doctorat et notariat, préf. Leborgne A. (dir.), nos 319 et s.
  • 88.
    Not. Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26437.
  • 89.
    Cass. soc., 13 juin 2012, n° 10-26387.
  • 90.
    V. égal. Cass. soc., 6 nov. 2013, n° 12-15953 ; Cass. soc., 3 mai 2016, n° 15-12256.
  • 91.
    En ce sens, v. not. Cass. soc., 22 oct. 2014, nos 13-16936 et 13-17209 ; Cass. soc., 16 déc. 2015, n° 14-15997 ; Cass. soc., 26 févr. 2020, n° 18-10017.
  • 92.
    Ce nouveau pouvoir ne concerne que les instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
  • 93.
    Cass. 2e civ., 13 mars 2008, n° 07-11384 : Bull. civ. II, n° 68.
  • 94.
    Cass. 3e civ., 10 janv. 2012, n° 10-27926 : « Vu l’article 775 du CPC… Qu’en statuant ainsi, alors que l’ordonnance du 27 mai 2008 ayant rejeté l’exception de nullité de l’assignation, la validité de l’acte pouvait être remise en cause devant le juge du fond, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
  • 95.
    CPC, art. 795 : les décisions du JME qui « statuent sur une exception de procédure » sont susceptibles d’appel immédiat.
  • 96.
    Cass. 1re civ., 16 mai 2018, n° 16-24306.
  • 97.
    Cass. 2e civ., 12 avr. 2018, n° 17-14576, F-PB.
  • 98.
    Cass. com., 28 juin 2005, n° 03-13112 ; Cass. 2e civ., 29 sept. 2008, n° 08-00007, P. La question n’étant pas nouvelle, dès lors que la jurisprudence de la Cour de cassation retient que la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure et que, par arrêt du 13 mars 2008 (Cass. 2e civ., 13 mars 2008, n° 07-11384), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que c’est seulement lorsque, en statuant sur une exception de procédure, l’ordonnance du conseiller de la mise en état met fin à l’instance, que cette ordonnance a, au principal, autorité de la chose jugée et peut être déférée à la cour d’appel.
  • 99.
    Adde C. com., art. L. 641-14 et C. com., art. L. 631-18, al. 3.
  • 100.
    Cass. com., 28 sept. 2004, n° 03-10660.
  • 101.
    Cass. com., 18 févr. 2003, n° 99-20631.
  • 102.
    C. civ., art. 1844-7, 7° anc.
  • 103.
    C. com., art. R. 624-8.
  • 104.
    Cass. com., 10 mars 2004, n° 01-00860.
  • 105.
    Cass. com., 4 oct. 2005, n° 04-15062 : Bull. civ. IV, n° 191.
  • 106.
    Cass. com., 11 juin 2014, nos 13-16194 et 13-20375 : Bull. civ. IV, n° 100.
  • 107.
    Cass. com., 1er oct. 2013, n° 12-23999 : Bull. civ. IV, n° 144.
  • 108.
    Cass. com., 7 juin 2005, n° 04-10685.
  • 109.
    Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-19622 : Bull. civ. IV, n° 74.
  • 110.
    C. com., art. R. 621-21, al. 3.
  • 111.
    Comp. C. com., art. L. 661-6, III.
  • 112.
    Cass. com., 27 sept. 2016, n° 14-23372 : Bull. civ. IV, n° 794.
  • 113.
    C. com., art. R. 600-1.
  • 114.
    Par ex. TJ Strasbourg, 14 avr. 2020, n° 20/00460.
  • 115.
    C. com., art. R. 662-7.
  • 116.
    CA Douai, ord. 1er prés., 19 juill. 2018, n° 18/04050.
  • 117.
    CA Douai, ord. 1er prés., 14 nov. 2017, n° 17/06358.
  • 118.
    CPC, art. 342.
  • 119.
    Cass. 2e civ., 8 sept. 2005, n° 03-18862 : Bull. civ. II, n° 215.
  • 120.
    CA Rennes, ord. 1er prés., 19 mars 2019, n° 2019/00545/1515 ; Cass. com., ord. 1er prés., 25 juill. 2019, n° 40776.
  • 121.
    Cass. com., ord. 1er prés., 10 févr. 2017, n°40664.
  • 122.
    V. not. Porteron C., Droit à l’information et procédure pénale. Contribution à l’étude des droits de la défense de la personne poursuivie, thèse, 2002, Nice.
  • 123.
    V. infra le commentaire de Goujon-Bethan T. sous Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-22528.
  • 124.
    JO n° 0124, 21 mai 2020, texte n° 15.
  • 125.
    Cass. 2e civ., 9 janv. 2020, n° 18-19301, PBI : JCP G 2020, 708, spéc. n° 9, obs. Jeuland E. ; Gaz. Pal. 28 avr. 2020, n° 377x5, p. 51, obs. Théron J. ; Dalloz actualité, 4 févr. 2020, obs. Laffly R. ; JCP G 2020, 302, note Laher R. ; RTD civ. 2020, p. 449, obs. Théry P. ; Procédures 2020, comm. 56, obs. Croze H.
  • 126.
    CPC, art. 537.
  • 127.
    Cass. 1re civ., 16 nov. 2004, n° 02-14528 : Bull. civ. I, n° 266.
  • 128.
    CPC, art. 524 (anc. art. 526) et CPC, art. 383 (pour les radiations de droit commun).
  • 129.
    Lacabarats A. et Lacroix-Andrivet J.-P., « La procédure de radiation du rôle des articles 526 et 1009-1 du Code de procédure civile et le droit d’accès au juge », in Mélanges en l’honneur de Serge Guinchard, 2010, Dalloz, p. 783-793 et les réf. citées ; Guinchard S., « Petit à petit, l’effectivité du droit à un juge s’effrite », in Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, 2006, Dalloz, p. 275-287, spéc. p. 287.
  • 130.
    CPC, art. 381 et s.
  • 131.
    Cass. ch. mixte, 28 janv. 2005, n° 02-19153.
  • 132.
    Guinchard S. et a., Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, 10e éd., 2019, Dalloz, Précis, n° 348, évoquant des recours-nullité qui sont des « “clones” des recours supprimés ».
  • 133.
    Cagnoli P., Essai d’analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, thèse, Héron J. et Le Bars T. (dir.), t. 368, 2002, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, Le Bars T.(préf.), p. 392 et s., nos 476 et s.
  • 134.
    Fricero N., « L’excès de pouvoir en procédure civile », RGDP 1998/1, p. 17-44.
  • 135.
    Sommer J.-M., « L’excès de pouvoir du juge dans la jurisprudence de la Cour de cassation », in Cadiet L. et Loriferne D. (dir.), La réforme de la procédure d’appel, 2011, IRJS Éditions, p. 107-135.
  • 136.
    Cagnoli P., Essai d’analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, thèse, Héron J. et Le Bars T. (dir.), t. 368, 2002, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, Le Bars T.(préf.), n° 499.
  • 137.
    Dans le même sens, v. JCP G 2020, 302, note Laher R.
  • 138.
    Cass. 2e civ., 23 sept. 2010, n° 09-14864 : Bull. civ. II, n° 160.
  • 139.
    Jeuland E., Droit processuel général, 4e éd., 2018, LGDJ, spéc. nos 396 et 448 ; adde JCP G 2020, 708, n° 9, note Jeuland E. ; Procédures 2020, comm. 56, note Croze H.
  • 140.
    Jeuland E., Droit processuel général, 4e éd., 2018, LGDJ, spéc. n° 90 ; Degoffe M. et Jeuland E., « Les mesures d’administration judiciaire en droit processuel : problèmes de qualification », in Justice et droits fondamentaux. Études offertes à J. Normand, 2003, Litec, p. 141-165.
  • 141.
    Théron J., « Les mesures d’administration judiciaire, proposition d’un critère », D. 2010, p. 2246.
  • 142.
    Guiguet-Schelé Q., « Les présomptions et fictions (dis) qualificatives », in Nicod M. (dir.), Les affres de la qualification juridique, 2015, PUT1, Colloques IFR, p. 203-224.
  • 143.
    En ce sens, v. Gaz. Pal. 28 avr. 2020, n° 377x5, p. 51, note Théron J. ; v. déjà : « Les mesures d’administration judiciaire, proposition d’un critère », D. 2010, p. 2246, spéc. II, B 2, § 2.
  • 144.
    Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-22528 ; Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. Laffly R. ; JCP G 2020, 708, spéc. n° 8, obs. Mayer L. ; Gaz. Pal. 28 avr. 2020, n° 377y0, p. 45, note Amrani-Mekki S. ; D. 2020, p. 576, obs. Fricero N. ; Procédures 2020, comm. 55, obs. Croze H. ; JCP G 2020, 336, note Gerbay P. ; Act. proc. coll. 2020, alerte 102, obs. Le Bars T. ; Gaz. Pal. 31 mars 2020, n° 373c8, p. 34, obs. Guyonnet A. ; Lexbase, éd. privée, 27 févr. 2020, n° 814, n° A89403C4, note Joseph-Ratineau J. ; RTD civ. 2020, p. 458, obs. Cayrol N. ; RTD civ. 2020, p. 448, note Théry P.
  • 145.
    CPC, art. 901, 4°.
  • 146.
    Cass., avis, 20 déc. 2017, nos 17-70034, 17-70035 et Cass., avis, 20 déc. 2017, n° 17-70036, PB.
  • 147.
    CPC, art. 114.
  • 148.
    Hypothèse évoquée in RTD civ. 2020, p. 448, I, note Théry P.
  • 149.
    En ce sens, v. Act. proc. coll. 2020, alerte 102, n° 3, note Le Bars T.
  • 150.
    Gaz. Pal. 28 avr. 2020, n° 377y0, p. 45, n° 6, note Amrani-Mekki S.
  • 151.
    C. civ., art. 2241.
  • 152.
    C. civ., art. 2242.
  • 153.
    C. civ., art. 2243.
  • 154.
    CPC, art. 910-1.
  • 155.
    En ce sens, v. D. 2020, p. 576, IV A, note Fricero N.
  • 156.
    En ce sens, v. Héron J., Le Bars T. et Salhi K., Droit judiciaire privé, 7e éd., 2019, Lextenso, n° 774 ; contra Fricero N., obs. sous Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16954 : Journ. spéc. sociétés juill. 2020, p. 39-42, n° 9 ; JCP G 2020, 336, 1B, note Gerbay P. ; Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. Laffly R. ; Procédures 2020, comm. 55, note Croze H. ; Lexbase éd. privée, n° A89403C4, IB, note Joseph-Ratineau J.
  • 157.
    CPC, art. 32 et CPC, art. 122.
  • 158.
    Comp. Cass. 1re civ., 13 déc. 1994, n° 92-21464 : Bull. civ. I, n° 366.
  • 159.
    Sur ce souhait, v. Journ. spéc. sociétés juill. 2020, p. 39-42, n° 14, note Fricero N.
  • 160.
    Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. Laffly R.
  • 161.
    Le suggérant, v. D. 2020, p. 576, IV A, note Fricero N.
  • 162.
    JCP G 2020, 708, spéc. n° 8, note Mayer L. ; Gaz. Pal. 28 avr. 2020, n° 377y0, p. 45, n° 5, note Amrani-Mekki S.
  • 163.
    V. supra le commentaire de Fricero N. sous Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16954.
  • 164.
    CPC, art. 4.
  • 165.
    Sur le lien avec la volonté, v. RTD civ. 2020, p. 458, note Cayrol N.
X