Chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel (1re partie)
La chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel est ouverte à l’ensemble des décisions susceptibles d’intéresser le droit constitutionnel dans sa dimension contentieuse considérée de la manière la plus large. C’est ainsi que le contentieux électoral est intégré dans la présente chronique qui est divisée en quatre parties correspondant aux thèmes principaux du droit constitutionnel contemporain qui intègre aussi bien les questions institutionnelles que les problèmes de hiérarchie des normes et la place des droits et libertés.
La chronique présentée ci-dessous couvre les mois de juillet à décembre 2015 et, afin de mieux correspondre aux réalités du contentieux de la Constitution, son plan a été légèrement modifié.
I – Les institutions constitutionnelles
A – Les pouvoirs politiques : le pouvoir exécutif
Saisi de la loi organique n° 2015-911 du 24 juillet 2015 relative à la nomination du président de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le Conseil constitutionnel a, dans la décision n° 2015-714 DC du 23 juillet 2015, examiné la loi, adoptée par application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du 5e alinéa de l’article 13 de la Constitution. Cette loi organique est l’une des conséquences de la loi ordinaire relative au renseignement, examinée dans la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement). Le Conseil prend cependant soin de vérifier que la loi relative au renseignement a bien été adoptée définitivement avant que la loi organique le soit, puisque cette dernière n’est que le complément de la loi ordinaire et ne peut se justifier constitutionnellement que parce que la loi ordinaire existe. Le visa de la décision n° 2015-714 DC mentionne en effet « Vu la loi relative au renseignement adoptée définitivement par le Parlement le 24 juin 2015 ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 ».
Selon l’article 13 de la Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au 3e alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ». C’est le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 précitée qui fixe la liste des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du président de la République s’exerce dans les conditions prévues par ce 5e alinéa. La loi soumise à l’examen se contentant, dans son article unique, d’ajouter à la liste la fonction de président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, il revient au Conseil de vérifier seulement si cet emploi entre dans le champ d’application du 5e alinéa de l’article 13 de la Constitution. Comme tel est le cas, le Conseil ne peut que conclure à la conformité de la loi à la Constitution.
MV
B – Les pouvoirs politiques : le Parlement et la procédure législative
1 – Les validations législatives (…)
2 – Le contrôle de la procédure législative
L’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution prévoit à son alinéa 8 que : « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent ». Dans sa décision n° 2015-715 DC en date du 5 août 2015 relative à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le Conseil a estimé que l’article 8 exige simplement que l’étude d’impact soit complète au moment de son dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie (cons. 5). Il importe donc peu qu’elle ait été incomplète au stade de l’examen par le Conseil d’État. Il estime également qu’au regard de son contenu, l’étude d’impact était suffisante. En conséquence, les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ont été respectées (cons. 5).
Cependant, le Conseil a, dans sa décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, fait évoluer sa jurisprudence sur le contrôle de la suffisance de l’étude d’impact. Il avait, dans un premier temps, considéré qu’il était compétent pour contrôler si l’étude d’impact était suffisante. Il avait alors toujours jugé « qu’au regard du contenu de l’étude d’impact, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 doit être écarté »1. Il considère maintenant que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 ne peut être accueilli que si la Conférence des présidents a été saisie d’une « demande tendant à constater que les règles relatives aux études d’impact étaient méconnues » (cons. 4). Il transpose donc à cette situation la règle du préalable parlementaire, qui exige qu’une contestation soit portée devant l’assemblée parlementaire pour l’être devant le Conseil.
À propos de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, les requérants faisaient également valoir qu’en insérant de nombreuses dispositions par voie d’amendement, le gouvernement aurait contourné l’obligation d’étude d’impact. Le Conseil avait déjà jugé que les griefs tirés de la méconnaissance des exigences relatives aux projets concernant leur examen obligatoire par le Conseil d’État, leur dépôt par priorité sur le bureau du Sénat et leur présentation, étaient inopérants2. Ainsi, il refuse de considérer que le gouvernement pourrait contourner ses obligations relatives aux projets de lois en utilisant son droit d’amendement, garanti par l’article 45 de la Constitution. En conséquence, l’introduction de dispositions par le gouvernement par voie d’amendement ne constitue pas un détournement de procédure3, bien qu’elle permette de ne pas présenter d’étude d’impact sur ces dispositions. Le Conseil le réaffirme dans sa décision n° 2015-715 DC (cons. 7). Le moyen étant considéré comme inopérant, le Conseil n’exerce pas le moindre contrôle et, selon ce raisonnement, le gouvernement serait libre de présenter une « coquille vide » qu’il ne remplirait que par voie d’amendements.
Dans cette même décision n° 2015-715 DC, le Conseil refuse de considérer que le droit d’amendement du gouvernement serait limité par le « “rôle constitutionnel” de la commission saisie au fond d’un projet de loi » (cons. 11 à 13). Les requérants faisaient valoir que le gouvernement ne pouvait intégrer « des amendements qui n’avaient fait l’objet d’aucun débat en commission dans le texte considéré comme adopté en application du 3e alinéa de l’article 49 de la Constitution tant en nouvelle lecture qu’en lecture définitive devant l’Assemblée nationale » (cons. 11). Le Conseil avait déjà eu l’occasion de rappeler que « l’exercice de la prérogative conférée au Premier ministre par le 3e alinéa de l’article 49 n’est soumis à aucune condition autre que celles résultant de ce texte »4. Cependant, il n’avait pas été saisi d’un tel grief depuis 2008. La question était donc celle de savoir si la révision de 2008 avait conféré un rôle spécial à la commission saisie au fond, même en cadre de la procédure d’engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte. Le Conseil a donc considéré que « l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un projet ou proposition de loi devant l’Assemblée nationale peut intervenir à tout moment lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, sans qu’il soit nécessaire que les amendements dont il fait l’objet et qui sont retenus par le gouvernement aient été débattus en commission ». Il considère ainsi que les modifications résultant de la révision constitutionnelle « n’ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier les conditions dans lesquelles la prérogative conférée au Premier ministre par le 3e alinéa de l’article 49 de la Constitution est mise en œuvre » (cons. 13).
Dans cette décision, le Conseil a aussi été amené à trancher une question inédite : l’article 42 de la Constitution, prévoyant que la discussion porte en séance publique sur le texte adopté par la commission, est-il applicable lors de la lecture définitive ? Comme le rappelle le Conseil constitutionnel, l’article 45 de la Constitution prévoit que, dans le cas où l’Assemblée nationale est appelée à statuer définitivement, elle « peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat » (cons. 15) et l’article 114 du règlement de l’Assemblée nationale prévoit que « la commission saisie au fond détermine dans quel ordre sont appelés respectivement le texte de la commission mixte et le dernier texte voté par l’Assemblée nationale, modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs des amendements votés par le Sénat » (cons 16). Cependant, le Conseil a estimé que cette réunion de la commission ne conduisait pas à l’adoption d’un texte au sens et pour l’application de l’article 42. Le Conseil a ainsi considéré que « les dispositions du premier alinéa de l’article 42 de la Constitution, selon lesquelles la discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l’article 43 de la Constitution, ne sont pas applicables à cette lecture définitive » (cons. 17).
Le Conseil constitutionnel s’assure également que la mise en œuvre de la procédure du temps législatif programmé ne conduise à méconnaître ni les exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires5 ni à l’article 51-1 de la Constitution conférant des droits aux groupes d’opposition et minoritaires6. Dans sa décision n° 2015-715 DC, le Conseil a estimé que ces exigences ont été respectées en fixant à 50 heures la durée du temps législatif programmé pour l’examen en première lecture du projet de loi, en accordant un temps de 2 heures à chaque président de groupe et en attribuant un temps supplémentaire au cours de l’examen du projet de loi pour permettre la discussion d’articles sur lesquels des amendements avaient été déposés, par le gouvernement ou la commission saisie au fond, après l’expiration du délai opposable aux députés (cons. 10).
À propos de l’adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les sénateurs faisaient valoir que « l’absence de vote ou de consultation des membres de la commission par son président lors de cette réunion a porté gravement atteinte aux exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires » ; « auraient ainsi également été méconnues les exigences de l’article 45 de la Constitution » (cons. 5). Dans sa décision n° 2015-718 DC, le Conseil refuse de s’immiscer dans le fonctionnement interne du parlement et se contente de vérifier que, d’une part, l’article 45 de la Constitution prévoyant que la commission mixte paritaire est « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » est respecté7 (cons. 6) et, d’autre part, il n’y a pas eu d’atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire (cons. 7). Pour ce faire, il s’appuie sur le rapport établi conjointement par les rapporteurs des deux assemblées à l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire. Ainsi, dès lors que « la commission a constaté l’impossibilité de parvenir à l’adoption d’un texte commun » et que « ce constat n’a pas été contesté », « il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de contrôler pour quels motifs ou dans quelles conditions une commission mixte paritaire ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun » (cons. 8). Cette décision est sans doute motivée également par des raisons pragmatiques : la commission paritaire doit parvenir à l’accord entre les deux assemblées ; si les membres de l’une d’entre elles sont déterminés à ne pas fléchir, la perspective d’un accord semble illusoire.
À l’occasion du contrôle de la loi sur le financement de la sécurité sociale (ci-après LFSS) (décision n° 2015-723 DC), le Conseil s’assure du respect de l’exigence constitutionnelle de sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale qui résulte de la première phrase du 2° du C du paragraphe I de l’article L.O. 111-3 du Code de la sécurité sociale. Selon une jurisprudence constante, « la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine »; « il s’ensuit, d’une part, que les prévisions de recettes doivent être initialement établies par le gouvernement au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale et des dispositions contenues dans ce projet de loi » et « d’autre part, il appartient au gouvernement d’informer le Parlement, au cours de l’examen de ce projet de loi, lorsque surviennent des circonstances de droit ou de fait de nature à remettre en cause les conditions générales de l’équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et, dans ce cas, de corriger les prévisions initiales »8 (cons. 3). Les requérants considéraient que les articles 59 et 78 n’avaient pas respecté cette exigence. Le Conseil estime au contraire que « les conséquences des dispositions des articles 59 et 78 ont été évaluées et prises en compte dans la détermination des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale » (cons. 4) et en déduit qu’elles ne portent pas atteinte à la sincérité de la LFSS.
Le Conseil veille à ce que les lois qu’il contrôle ne contiennent pas de cavaliers législatifs, financiers et sociaux. Cela constitue une limite au droit d’amendement en première lecture.
Depuis la révision de 2008, l’article 45 de la Constitution dispose en son alinéa 1er que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Ainsi, le Conseil contrôle, le plus souvent d’office, le respect de cette exigence.
Dans sa décision n° 2015-715 DC précitée, relative à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, il a estimé, d’office, que 17 articles introduits par voie d’amendement n’avaient pas respecté cette règle (cons. 165). Il s’agissait d’articles : relatifs à l’activité des sociétés privées de recrutement et de placement des gens de mer (cons. 154), élargissant le champ des bâtiments éligibles au régime fiscal prévu par l’article 156 du Code général des impôts en vertu de l’article 156 bis du même code (cons. 155), modifiant les dispositions des articles 3-1 et 34-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ayant trait à la numérotation des services de télévision (cons 156), modifiant l’article 3 de la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs ainsi que l’article L. 542-10-1 du Code de l’environnement, relatifs au stockage en couche géologique profonde des déchets nucléaires (cons. 157), modifiant l’article L. 541-10 du Code de l’environnement relatif aux cahiers des charges des éco-organismes en matière d’ouverture des données touchant au domaine des déchets (cons. 158), insérant un nouvel article L. 3323-3-1 dans le Code de la santé publique relatif aux dérogations à l’interdiction de la publicité ou de la propagande concernant une boisson alcoolique (cons. 159), prévoyant un droit pour les citoyens de recevoir les documents expédiés par des représentants élus des institutions de la République (cons. 160), modifiant les dispositions de l’article 1019 du Code général des impôts relatives au taux de la taxe spécifique sur la revente de fréquences audiovisuelles (cons. 161), modifiant les articles L. 312-1 et L. 312-1-3 du Code monétaire et financier afin d’instaurer une procédure d’information de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution lorsque la Banque de France a connaissance d’un refus d’ouverture de compte dans le cadre de la procédure de droit au compte bancaire (cons. 162), relatifs aux chambres de commerce et d’industrie de région et territoriales (cons. 163) et relatifs aux chambres de métiers et de l’artisanat (cons. 164). Il les a donc déclarés contraires à la Constitution (cons. 165).
Dans sa décision n° 2015-719 DC du 13 août 2015 relative à la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, le Conseil a estimé, en réponse à la saisine sénatoriale, que 26 articles constituaient des cavaliers législatifs. Il a de plus relevé d’office la non-conformité d’un autre article à cette même règle. Il a ainsi censuré comme ayant été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution tous les articles n’ayant pas pour objet de transposer une directive européenne. Ces articles étaient relatifs à l’exercice des fonctions dévolues au service pénitentiaire d’insertion et de probation à Saint-Pierre-et-Miquelon (cons. 9), à l’obligation d’informer une victime de la possibilité de saisir le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (cons. 10), à la majoration d’amendes et sanctions pécuniaires pour financer l’aide aux victimes (cons. 11), au caractère exécutoire de la peine de contrainte pénale lorsqu’elle est prononcée en l’absence de la personne à l’audience (cons. 13), à la durée maximale et au coût maximal, pour le condamné, de la peine d’accomplissement d’un stage (cons. 16), à la motivation de peines d’emprisonnement (cons. 17), aux modalités de destruction des scellés (cons. 21), à l’encadrement des délais d’examen des appels et pourvois en cassation formés contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (cons. 22), aux obligations de la chambre de l’instruction lorsqu’elle rend une ordonnance de renvoi ou un arrêt de mise en accusation (cons. 23), à l’appréciation des efforts sérieux de réadaptation sociale qui peuvent conduire à l’octroi d’une réduction de peine supplémentaire au condamné (cons 26), à l’emprisonnement pour défaut de paiement des jours-amende (cons. 28), à l’information de l’autorité administrative par le ministère public en cas de poursuite ou de condamnation de personnes exerçant certaines activités professionnelles ou sociales (cons. 29), à la sanction de la méconnaissance de l’interdiction d’enseigner, animer ou encadrer une activité sportive ou physique auprès de mineurs, à titre rémunéré ou bénévole (cons. 30), au régime disciplinaire des chefs d’établissements d’enseignement privé du premier degré (cons. 31), à l’impossibilité d’exploiter ou de diriger un établissement, service ou lieu de vie et d’accueil régi par le Code de l’action sociale et des familles en cas de condamnation définitive pour des faits d’infraction sexuelle sur mineurs (cons. 32), à l’accès, par les directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation, au casier judiciaire (cons. 33), au délit de financement illicite des partis politiques (cons. 35) et à l’exécution provisoire de l’emprisonnement dans le cadre de la contrainte pénale (cons. 39) ; permettaient à la juridiction, d’une part, d’ordonner le huis clos pour l’audition de témoins pour le jugement de certains crimes et, d’autre part, de ne pas révéler l’identité de témoins pour le jugement de certains crimes et délits (cons. 12), à la juridiction, lorsqu’elle prescrit à une personne condamnée pour un délit passible d’une peine d’emprisonnement d’accomplir un stage de citoyenneté, de prononcer cette peine en l’absence du prévenu à l’audience (cons. 14), à la juridiction, lorsqu’elle prescrit à une personne condamnée pour un délit passible d’une peine d’emprisonnement d’accomplir un travail d’intérêt général, de prononcer cette peine en l’absence du prévenu à l’audience (cons. 15), à la juridiction, lorsqu’elle assortit le sursis à exécution de la peine d’emprisonnement d’une obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, d’ordonner ce sursis en l’absence du prévenu à l’audience (cons. 19) et au juge de l’application des peines de convertir une peine d’emprisonnement ferme en sursis avec mise à l’épreuve ou en contrainte pénale (cons. 20) ; modifiaient le régime du sursis avec mise à l’épreuve en permettant qu’il soit prononcé en cas de récidive légale (cons. 18) ; portaient de 2 à 6 mois le délai de convocation du prévenu par procès-verbal (cons. 24), de 8 jours à 1 mois le délai d’examen par la chambre criminelle des requêtes dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice (cons. 25) et de 4 à 6 mois le délai d’examen d’un aménagement de peine pour les condamnés non incarcérés (cons. 27). Il les a donc déclarés contraires à la Constitution (cons. 38).
En revanche, il a estimé que les articles relatifs, à l’actualisation d’une référence au droit de l’Union européenne afin de faciliter l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière prévu par la directive européenne du 11 mai 2015 facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière (cons. 34) et aux modalités d’entrée en vigueur de dispositions de la loi déférée, dont certaines étaient présentes dans le projet de loi initial (cons. 36), présentaient « un lien avec le projet de loi initial ». Ils « ont été adoptés selon une procédure conforme à la Constitution » (cons. 37).
Le Conseil veille également à ce que les lois budgétaires ne contiennent pas de dispositions qui serait étrangères à leur domaine.
Ainsi, pour la loi de finances, les dispositions qui « ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État », « n’ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État », « n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières », « ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques » « sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu’il résulte de la loi organique du 1er août 2001 »9. Dans sa décision n° 2015-726 DC du 29 décembre 2015 relative à la loi de finances rectificative pour 2015, le Conseil a jugé que les dispositions modifiant le paragraphe I de l’article 122 de la loi de finances rectificative pour 2005 afin d’étendre le dispositif de prise en charge des dettes sociales des chefs d’exploitation agricole exerçant leur activité en Corse au titre des périodes d’activité comprises entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2014 (cons. 20) et les dispositions des articles L. 5211-12 et L. 5721-8 du Code général des collectivités territoriales relatives au régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes ainsi que des syndicats mixtes (cons. 21) étaient des cavaliers financiers. Il les a donc déclarées contraires à la Constitution (cons. 22).
S’agissant de la loi de financement de la sécurité sociale, les dispositions n’ayant pas « pour objet d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale » ne trouvent « pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale »10. Dans sa décision n° 2015-723 DC, il a estimé qu’une disposition prévoyant la remise d’un rapport sur l’extension de l’assurance complémentaire santé d’entreprise (cons. 49) était un cavalier social (cons. 50).
Conformément à une jurisprudence bien établie11, le Conseil constitutionnel veille au respect de la règle dite de « l’entonnoir » qui restreint le droit d’amendement. Ainsi, après la première lecture, les amendements, qu’ils soient présentés par les membres du Parlement ou par le gouvernement, « doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion »12. Cette règle ne s’applique pas aux « amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle »13.
Dans sa décision n° 2015-715 DC, il a estimé que des dispositions instaurant une procédure dérogatoire d’exposition de produits qui ne sont pas conformes à la réglementation lors d’une foire ou d’un salon et permettant à l’autorité administrative de transiger pour les infractions relatives à l’emploi de la langue française (cons. 167), qui avaient été introduites en nouvelle lecture, ne respectaient pas la règle de l’entonnoir.
Dans sa décision n° 2015-718 DC, le Conseil a estimé qu’un article relatif à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le rapport sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, introduit en nouvelle lecture, ne respectait pas la règle de l’entonnoir.
Dans sa décision n° 2015-723 DC, il a considéré que les dispositions modifiant l’article L. 752-1 du Code de la sécurité sociale afin d’étendre le périmètre de gestion de la caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy aux assurés sociaux relevant du régime social des indépendants (cons. 52) et les articles L. 6312-1 du Code de la santé publique et L. 2223-43 du Code général des collectivités territoriales afin de modifier les règles relatives au transport d’enfants décédés de cause médicalement inexpliquée (cons. 53), introduites en nouvelle lecture, ne respectaient pas la règle de l’entonnoir.
3 – Le principe de séparation des pouvoirs en faveur du Parlement
Dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, loi relative au renseignement, (voir commentaire supra), le Conseil a contrôlé la conformité de l’article L. 831-1 du Code de la sécurité intérieure (ci-après CSI) au principe de séparation des pouvoirs. Cet article, créé par la loi relative au renseignement, est relatif à la composition de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (ci-après CNCTR). Elle est composée de 9 membres : 2 députés, 2 sénateurs, 2 magistrats de l’ordre administratif, 2 magistrats de l’ordre judiciaire et 1 personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de communications électroniques. Les députés faisaient valoir que le fait que les membres du parlement soient minoritaires était contraire au principe de séparation des pouvoirs. Selon eux, le pouvoir législatif serait sous-représenté dans cette commission.
Le Conseil n’a pas pris l’argument tiré de l’atteinte au principe de séparation des pouvoirs dans ce sens. Il a, au contraire, souhaité vérifier que la présence de membres du Parlement, en ce qu’elle leur permettrait de divulguer des informations secrètes et d’entraver l’action du pouvoir exécutif, ne porte pas atteinte à ce principe. Il estime que, dès lors, les membres du Parlement sont astreints au respect du secret professionnel et du secret de la défense nationale, leur présence parmi les membres de la CNCTR « n’est pas de nature à porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789 » (cons. 43).
MB
4 – La compétence et le domaine de la loi
a – Le recours aux travaux préparatoires de la loi
La décision n° 2015-492 QPC du 16 octobre 2015, Association communauté rwandaise de France, fait utilisation des travaux préparatoires de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, pour rejeter l’argument selon lequel cette loi aurait réservé aux seules associations défendant les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés, la faculté d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (cons. 7). Le recours aux travaux préparatoires de la loi faisant l’objet du contrôle a posteriori permet ainsi au Conseil de prononcer l’inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, issues précisément de la loi du 13 juillet 1990.
b – L’incompétence négative
Ce grief est souvent invoqué par les auteurs de saisines a priori ou de QPC. L’incompétence négative consiste, pour le législateur, à rester en deçà de sa propre compétence en confiant à d’autres autorités publiques, le plus souvent administratives, mais parfois aussi aux autorités juridictionnelles, le soin d’assurer la protection des droits et des libertés par l’édiction de mesures prises sous forme de décrets ou lors de litiges portés devant elles. Dans le cadre du contentieux des QPC, la jurisprudence du Conseil est fixée depuis la décision n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark complétée par la décision n° 2012-254 QPC du 18 juin 2012, Fédération de l’énergie et des mines-Force ouvrière FNEM FO, selon laquelle « la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ». La décision n° 478 QPC du 24 juillet 2015, Association French Data Network et autres, n’échappe pas à ce constat, à propos de la définition insuffisante des données de connexion et des conditions de leur collecte en cas de transmission en temps réel (cons. 9). La compétence du législateur résulte, dans ce cas, de l’article 34 de la Constitution par lequel : « La loi fixe les règles concernant (…) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». La méconnaissance par le législateur de sa compétence, dans la détermination de ces garanties dans le cadre d’une procédure de réquisition administrative de données de connexion, affecte par elle-même le droit au respect de la vie privée. C’est néanmoins au terme d’un examen, ou d’un rappel minutieux du contenu de la loi et des garanties qu’elle offre (cons. 11 et 12), que le Conseil considère que législateur a suffisamment défini les données de connexion, qui ne peuvent porter sur le contenu de correspondances ou les informations consultées, et que le grief tiré de la méconnaissance de sa propre compétence par le législateur dans des conditions affectant le droit au respect de la vie privée, doit être écarté (cons. 14).
Le même grief était invoqué à propos de l’absence de garanties de nature à protéger le secret professionnel des avocats et des journalistes. Pour ces deux professions, l’incompétence négative était susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée, à la liberté d’expression et de communication, ainsi qu’aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, au droit au secret des échanges et correspondances des avocats et au droit au secret des sources des journalistes. Le Conseil constitutionnel a cru, dans ce cas, nécessaire de rappeler les normes de référence applicables en distinguant celles qu’il retient et celles qu’il écarte. Au nombre des libertés constitutionnellement garanties, figurent le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, la liberté d’expression, les droits de la défense et le droit à un procès équitable, protégés par les articles 2, 4, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. En revanche, aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes » (cons. 16). Dans ce cas également, les garanties procédurales sont jugées suffisantes pour écarter le grief selon lequel le législateur aurait insuffisamment exercé sa compétence en ne prévoyant pas des garanties spécifiques pour protéger le secret professionnel des avocats et journalistes (cons. 19). Le grief est aussi rejeté parce que la procédure de réquisition administrative ne peut pas porter sur le contenu des correspondances et qu’elle ne peut être autorisée aux fins de recueillir des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous. Ces objectifs, en soi peu discutables, justifient la constitutionnalité des articles L. 246-1 et L. 246-3 du Code de la sécurité intérieure14.
Dans la décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 M. Johnny M., le Conseil constitutionnel a fait application de cette même jurisprudence, à propos du cadre légal du travail des personnes incarcérées. En subordonnant à un acte d’engagement signé par le chef d’établissement et la personne détenue, la participation de cette dernière aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires et en renvoyant à cet acte d’engagement le soin d’énoncer les droits et obligations professionnels du détenu, sous le contrôle du juge administratif, les dispositions contestées ne privent pas de garanties légales les droits et libertés dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention. Le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant par elles-mêmes les droits et libertés qui découlent des 5e à 8e alinéas du préambule de la Constitution de 1946 et qui sont relatifs aux garanties « sociales » de tous les travailleurs (droit de grève, liberté syndicale, participation à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises). Il est néanmoins évident que, s’agissant de cette catégorie particulière de travailleurs, ces droits ont un caractère plus théorique que réel.
L’incompétence négative a été également écartée dans la décision n° 2015-495 QPC du 20 octobre 2015 Caisse autonome de retraite des médecins de France et autres, à propos de la compensation entre les régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse. Il était reproché au législateur de fixer de manière imprécise le terme de la compensation reposant sur des critères uniquement démographiques entres les régimes d’assurance-vieillesse de salariés et de non-salariés, et de porter ainsi atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime, de clarté de la loi et d’égalité devant la loi et les charges publiques. Au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale, et qui, comme tels, relèvent du domaine de la loi, figurent l’existence même d’un régime de sécurité sociale et la détermination des conditions selon lesquelles une solidarité financière peut être organisée entre les différents régimes de sécurité sociale (cons. 16).
Dans la décision n° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015 M. Gilbert A., c’est par un argument d’ordre chronologique que le grief tiré de l’incompétence négative a été rejeté. C’est parce que les dispositions du 3e alinéa de l’article 96 du Code de procédure pénale sont issues de la loi du 31 décembre 1957 portant institution d’un Code de procédure pénale que le grief tiré de ce que le législateur, en adoptant ces dispositions, aurait méconnu sa propre compétence, doit être écarté (cons. 16). En effet, le grief tiré de l’incompétence négative ne peut être invoqué que contre des dispositions législatives postérieures à la Constitution de 1958 qui a introduit une répartition des compétences normatives dans ses articles 34 et 37. Le Conseil constitutionnel a fait application, sans utiliser son considérant de principe dans ce domaine et comme si cela allait désormais de soi, des décisions n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010, Association Sportive Football Club de Metz et n° 2010-73 QPC du 3 décembre 2010, Société ZETURF Limited qui ont établi ce principe : « Considérant, en outre, que, si la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit, elle ne saurait l’être à l’encontre d’une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958 » (cons. 9 de chacune de ces deux décisions).
c – La répartition des compétences normatives entre la loi et le règlement
Plusieurs décisions « L » rendues au cours de ce semestre illustrent la permanence de l’utilité de cette procédure de déclassement. Dans la décision n° 2015-256 L du 21 juillet 2015 intitulée Nature juridique de dispositions relatives à divers organismes, ont été examinés sous cet angle des textes les plus divers, notamment la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, un article du Code des postes et des communications électroniques, un autre du Code du patrimoine. Relèvent du domaine de la loi au titre de l’article 34, par exemple, les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, ou les principes fondamentaux de la sécurité sociale ou les règles concernant les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens.
Ont de même un caractère législatif, les dispositions des trois premiers alinéas de l’article 2 de la loi du 13 juillet 2011, qui instituent un organisme chargé d’assurer une information publique relative aux techniques de fracturation hydraulique et aux techniques alternatives ainsi qu’aux expérimentations en matière d’exploration et d’exploitation du sous-sol en matière d’hydrocarbures liquides et gazeux, car elles mettent en cause le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi en vertu de l’article 7 de la Charte de l’environnement, d’accéder aux informations relatives à l’environnement. La détermination des modalités de la mise en œuvre de ces dispositions incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives.
Tel est aussi le cas du 1er alinéa du paragraphe VI de l’article L. 542-3 du Code de l’environnement, qui institue un organisme chargé d’assurer une information publique en matière de recherches et d’études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs, et qui met en cause le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi en vertu de l’article 7 de la Charte de l’environnement, d’accéder aux informations relatives à l’environnement.
En revanche, la création du Conseil national des opérations funéraires, organisme compétent sur des questions qui intéressent le service public des pompes funèbres, sa composition, et ses attributions ne mettent pas en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources, lesquels relèvent du domaine de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution.
De même, l’article 66 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique qui prévoit un nombre de représentants des professions judiciaires et juridiques égal à la moitié au moins des membres du Conseil national de l’aide juridique, ne met en cause aucun principe ou aucune règle que la Constitution place dans le domaine de la loi.
C’est par une autre décision « L » (n° 2015-258 L du 15 octobre 2015) que le Conseil constitutionnel a été saisi d’une demande tendant à ce qu’il se prononce sur la nature juridique de plusieurs dispositions du Code de l’éducation. L’article L. 222-1 prévoit que : « La France est divisée en circonscriptions académiques » et aux termes du 2e alinéa de ce même article que « chacune des académies est administrée par un recteur ». Ces dispositions, qui se bornent à organiser les services de l’administration de l’éducation, ne constituent et ne mettent en cause ni les principes fondamentaux de l’enseignement, qui relèvent de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution, ni les garanties de l’indépendance des enseignants-chercheurs, ni aucun autre principe ou règle placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Elles ont, dès lors, un caractère réglementaire.
Quant à l’article L. 822-3 du même code, qui dispose que les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, qui sont des établissements publics, fonctionnent au siège de chaque académie, il se borne à déterminer le siège des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires et les modalités de leur répartition sur le territoire national. Il ne met en cause ni les règles concernant « la création de catégories d’établissements publics », qui relèvent de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution, ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi.
Une troisième décision « L » adoptée au cours du second semestre 2015, a examiné la nature juridique de dispositions relatives à divers organismes15.
L’article 51 de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités prévoit qu’un décret institue un comité de suivi chargé d’évaluer l’application de cette loi. Ces dispositions, qui ne mettent en cause aucun principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi, ont le caractère réglementaire. Il en est de même de l’article L. 114-3-1 du Code de l’action sociale et des familles créant un Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap, de l’article 21 de la loi du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique qui institue une commission spécialisée nationale chargée de la mise en œuvre de la reconnaissance, de la validation et des équivalences des formations et expériences des sapeurs-pompiers volontaires et qui la charge de proposer à la Commission nationale de la certification professionnelle et du 2nd alinéa de l’article L. 176-2 du Code de la sécurité sociale instituant une commission chargée de remettre au Parlement et au gouvernement un rapport triennal évaluant « le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ».
Il en est encore de même de l’article L. 162-21-2 du Code de la sécurité sociale qui crée un Conseil de l’hospitalisation, chargé de contribuer à l’élaboration de la politique de financement des établissements de santé ainsi qu’à la détermination des objectifs de dépenses d’assurance-maladie relatives aux frais d’hospitalisation. Pour aucun de ces organismes, les dispositions concernées ne mettent en cause des règles ou des principes que la Constitution place dans le domaine de la loi.
MV
(À suivre)
C – Le pouvoir juridictionnel (…)
D – Le pouvoir financier
E – Les collectivités territoriales
F – Droits électoraux, contentieux des élections et des référendums
II – Le procès constitutionnel
A – Les acteurs et les actes devant le Conseil constitutionnel
B – La procédure devant le Conseil constitutionnel
C – Les techniques contentieuses
D – L’autorité et les effets des décisions du Conseil constitutionnel
III – Les normes de référence
A – Les sources matérielles
1 – Les textes constitutionnels
2 – Les rapports de systèmes
B – Les droits et libertés
1 – Les libertés
a – Sécurité et libertés : décision du Conseil constitutionnel n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, loi sur le renseignement
b – Liberté individuelle, respect de la vie privée, principe de responsabilité
c – Liberté d’expression / liberté de conscience (…)
d – Liberté d’entreprendre, liberté contractuelle
2 – Le droit de propriété
3 – Le principe d’égalité
a – Principe d’égalité devant la loi
b – Principe d’égalité devant la loi fiscale et les charges publiques – droits et libertés en matière fiscale
c – Principe d’égal accès aux emplois publics (…)
4 – Les droits sociaux
5 – Les principes du droit répressif
a – Principes de légalité, nécessité et individualisation des délits et des peines (art. 8 de la Déclaration des droits)
b – Principe de la présomption d’innocence (art. 9 de la Déclaration des droits).
6 – Les droits processuels
a – Le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, l’égalité devant la justice et le principe d’impartialité et d’indépendance des juridictions
b – Principe de sécurité juridique
(À suivre)
Notes de bas de pages
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1.
Cons. const., 16 mai 2013, n° 2013-667 DC, loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, cons. 4 ; Cons. const., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC, loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 4 ; Cons. const., 16 janv. 2014, n° 2013-683 DC, loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, cons. 6 ; Cons. const., 23 janv. 2014, n° 2013-687 DC, loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, cons. 48.
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2.
Cons. const., 9 déc. 2010, n° 2010-618 DC, loi de réforme des collectivités territoriales, cons. 8.
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3.
Cons. const., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC, loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe cons. 77-78.
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4.
Cons. const., 29 déc. 1989, n° 89-268 DC, loi de finances pour 1990, cons. 6 ; Cons. const., 9 janv. 1990, n° 89-264 DC, cons 3 ; Cons. const., 22 janv. 1990, n° 89-269 DC, loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, cons. 4 ; Cons. const., 12 août 2004, n° 2004-503 DC.
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5.
Cons. const., 9 nov. 2010, n° 2010-617 DC, loi portant réforme des retraites, cons. 2 à 4 ; Cons. const., 9 juin 2011, n° 2011-631 DC, loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, cons. 5-6.
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6.
Cons. const., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC, préc., cons. 5 à 7.
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7.
Cons. const., 17 janv. 2002, n° 2001-454 DC, loi relative à la Corse, cons. 2-3.
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8.
V. par exemple Cons. const., 19 déc. 2013, n° 2013-682 DC, loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
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9.
Cons. const., 29 déc. 2005, n° 2005-530 DC, loi de finances pour 2006, cons. 103.
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10.
Cons. const., 16 déc. 2010, n° 2010-620 DC, loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, cons. 20.
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11.
Cons. const., 19 janv. 2006, n° 2005-532 DC, loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, cons. 26.
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12.
Idem.
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13.
Idem.
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14.
Sur le même sujet, v. l’analyse, infra, de la décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, loi relative au renseignement.
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15.
Cons. const., 15 oct. 2015, n° 2015-259 L.