Chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel (2e semestre 2018)
La chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel est ouverte à l’ensemble des décisions susceptibles d’intéresser le droit constitutionnel dans sa dimension contentieuse considérée de la manière la plus large. C’est ainsi que le contentieux électoral est inclus dans la présente chronique, divisée en quatre parties correspondant aux thèmes principaux du droit constitutionnel contemporain, qui intègre aussi bien les questions institutionnelles que les problèmes de hiérarchie des normes et la place des droits et libertés. La chronique présentée ci-dessous couvre le second semestre de l’année 2018.
I – Les institutions constitutionnelles
A – Les pouvoirs politiques : le pouvoir exécutif (…)
B – Les pouvoirs politiques : le Parlement et la procédure législative
Cons. const., 5 juill. 2018, n° 2018-767 DC, résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d’intérêts des sénateurs. La résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d’intérêts des sénateurs a donné lieu, dans le cadre du contrôle obligatoire des règlements des assemblées et de leurs modifications successives, à la décision éponyme n° 2018-767 DC du 5 juillet 2018. Cette résolution avait été adoptée le 6 juin 2018 à l’unanimité des membres de cette haute assemblée et elle comprend 10 articles, instituant, modifiant ou abrogeant des articles du règlement du Sénat. Elle a été déclarée conforme à la Constitution par cette décision sous deux réserves.
Cette résolution est la conséquence des lois, organique n° 2017-1338 et ordinaire n° 2017-1339 du 15 septembre 2017, toutes deux pour la confiance dans la vie politique qui, elles-mêmes, se sont inscrites dans le contexte particulier des affaires politiques liées à la campagne électorale présidentielle et à l’utilisation des assistants parlementaires rémunérés par le Parlement européen.
Elle avait pour objet de traduire dans le règlement de nouvelles obligations telles que la fin de l’indemnité représentative de frais de mandat et le nouveau cadre légal de prévention et de traitement des conflits d’intérêts des parlementaires.
Le Conseil a délivré un brevet de constitutionnalité au bénéfice de la résolution en déclarant à l’article 3 du dispositif, et à côté de deux réserves d’interprétation, que « les autres dispositions de la même résolution sont conformes à la Constitution ».
Le Conseil constitutionnel se considère, dans le cadre du contrôle obligatoire, tenu de statuer sur la totalité du texte qui lui est soumis, car ce contrôle a priori est la seule occasion pour lui de se prononcer sur cette catégorie de textes, les QPC n’étant pas susceptibles d’être posées pour les règlements des assemblées. Tel n’est pas le cas des lois organiques, autre cas de contrôle obligatoire prévu à l’article 61, mais le Conseil se réserve la possibilité de réouvrir un examen a posteriori, notamment en cas de changement de circonstances.
Dans les visas de la décision n° 767 DC, le Conseil mentionne l’avis du comité de déontologie du Sénat en date du 3 avril 2018. Ce comité a été créé par le bureau du Sénat le 25 novembre 2009, à l’initiative du président Larcher et il a été consacré par l’article 3 de la loi ordinaire n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, créant l’article 4 quater de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ainsi rédigé : « Le bureau de chaque assemblée, après consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts. Il veille à leur respect et en contrôle la mise en œuvre ».
De manière plus habituelle, le Conseil rappelle que les normes de référence, s’agissant du contrôle des règlements des assemblées et en raison des exigences propres à la hiérarchie des normes juridiques dans l’ordre interne, comprennent non seulement la constitution elle-même, mais aussi les lois organiques prévues par celle-ci ainsi que les mesures législatives prises pour son application : « Entrent notamment dans cette dernière catégorie l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ainsi que les modifications qui lui ont été apportées. Ces textes législatifs ne s’imposent à une assemblée parlementaire, lorsqu’elle modifie ou complète son règlement, qu’autant qu’ils sont conformes à la Constitution » (§ 2). Ce considérant de principe est ancien et remonte, avec une rédaction plus brève à la décision n° 66-28 DC du 8 juillet 19661. L’ordonnance du 17 novembre 1958, qui n’a que la valeur d’une loi ordinaire, était déjà citée aux visas de la décision n° 61-12 DC du 30 mai 19612. Le contrôle exercé n’est donc pas seulement un contrôle à l’égard des normes constitutionnelles mais aussi à l’égard des normes considérées comme supérieures aux règlements des assemblées, même si elles n’ont qu’une valeur législative.
La décision n° 767 DC consacre un principe nouveau, susceptible d’être utilisé dans le cadre du contrôle de dispositions législatives et s’interroge sur la façon dont le principe de laïcité est susceptible de s’appliquer aux parlementaires.
Le principe de liberté des membres du Parlement dans l’exercice de leur mandat
La protection de l’institution et du travail parlementaires peut être opérée dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à des dispositions législatives, comme celle affirmant notamment le « respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire »3, ou celle défendant une liberté et une indépendance du Parlement à l’égard des autres pouvoirs4.
Dans la décision n° 767 DC, le Conseil dégage une nouvelle exigence constitutionnelle qui concerne directement l’exercice du mandat parlementaire la « liberté des membres du Parlement dans l’exercice de leur mandat » (§ 3 et § 10). Ce nouveau principe régulateur du droit parlementaire, au contenu assez indéterminé, mais qui peut englober notamment la liberté d’opinion, la liberté d’expression ou la liberté de vote, n’est pas fondé directement sur une disposition constitutionnelle précise, mais résulte d’un ensemble de quatre normes de valeur constitutionnelle, les articles 3, relatif à l’exercice de la souveraineté par des représentants, 26, fixant la protection des parlementaires contre les arrestations et détentions arbitraires, 27, interdisant le mandat impératif et 6 de la déclaration des droits dans sa disposition relative à la formation de la loi.
C’est ce principe qui est ainsi confronté aux dispositions nouvelles du règlement sénatorial. Celui-ci prévoit un nouveau régime de retenue pour absences aux votes et explications de vote, aux réunions des commissions permanentes et spéciales et aux séances de questions au gouvernement. L’article 27 de la Constitution prévoyant un mécanisme de délégation de vote, le Conseil a émis une réserve d’interprétation selon laquelle « pour le calcul de la retenue prévue par l’alinéa 8 de l’article 23 bis, un sénateur votant par délégation ne saurait être regardé comme absent lors d’un vote. Cette réserve ne vaut pas pour les explications de vote » (§ 5). De même, l’alinéa 1er de l’article 91 bis du règlement impose aux sénateurs de faire prévaloir, en toutes circonstances, l’intérêt général sur tout intérêt privé et de veiller à rester libres de tout lien de dépendance à l’égard d’intérêts privés ou de puissances étrangères. Le Conseil a estimé que compte tenu de leur nature, ces obligations ne méconnaissent pas la liberté des membres du Parlement dans l’exercice de leur mandat (§ 10). Un traitement particulier est réservé, dans la décision au principe de laïcité.
Le principe de laïcité appliqué aux parlementaires
L’alinéa 2 de l’article 91 bis impose, au titre des « obligations déontologiques » figurant au chapitre XVI bis du règlement du Sénat, que les sénateurs « exercent leur mandat dans le respect du principe de laïcité et avec assiduité, dignité, probité et intégrité ».
Le nouvel article 99 ter de ce même règlement dispose qu’un sénateur « ayant manqué gravement » à ces différentes obligations encourt les peines disciplinaires prévues à l’article 92, qui vont du rappel à l’ordre à la censure, avec ou sans exclusion temporaire. L’instruction générale du bureau du Sénat avait déjà introduit ces obligations déontologiques (décision du bureau du Sénat du 25 juin 2014, au chapitre XX bis de l’instruction générale du bureau). Le règlement modifié en 2018 reprend, dans une rédaction plus synthétique, une partie des dispositions de cette instruction générale du bureau, au sein d’un nouvel article 91 bis du règlement. Cet article a ajouté que les sénateurs « exercent leur mandat avec assiduité, dignité, probité et intégrité », principes figurant aussi dans l’instruction générale. Le rapporteur de la commission des lois du Sénat a présenté un amendement qui a été adopté par la commission, visant à reprendre la mention du principe de laïcité figurant dans l’instruction générale du bureau parmi les principes déontologiques applicables aux sénateurs et omise par la proposition de résolution. Le rapporteur a néanmoins soulevé qu’un tel principe ne saurait toutefois s’entendre de façon aussi rigoureuse pour un parlementaire que pour un agent public, tenu à une obligation de neutralité : « Si un tel principe emporte incontestablement l’interdiction du prosélytisme, il ne saurait empêcher pour autant nos collègues d’exprimer des opinions religieuses »5.
Le principe de laïcité figure en bonne place dans la constitution, à l’article 1er proclamant que la République française est notamment « laïque » et elle a donné lieu à une abondante jurisprudence, tant constitutionnelle qu’administrative. Parallèlement, et sans que cette norme soit expressément citée dans la décision n° 767 DC, le fondement de la limite à l’affirmation du principe de laïcité se trouve dans l’article 10 de la déclaration des droits selon lequel « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
Dans sa décision du 5 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d’interprétation allant dans le sens d’une certaine neutralisation de la laïcité au sein des assemblées selon laquelle l’obligation pour les sénateurs d’exercer leur mandat dans le respect du principe de laïcité « ne saurait avoir pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté d’opinion et de vote des sénateurs » (§ 8).
Le Conseil a jugé que la portée du texte sénatorial était ainsi trop étendue, car les sénateurs seraient obligés d’exercer leur mandat dans le strict respect du principe de neutralité, comme les agents publics sont obligés de le faire. Or les sénateurs, mais il est évident que cette jurisprudence a vocation à s’appliquer aussi aux députés, ne peuvent être assimilés à des agents publics et ils ne sauraient être privés de leur liberté d’expression au sein des assemblées et lors de leurs votes.
Les sénateurs et les députés sont des élus de nation et doivent ainsi pouvoir bénéficier d’une liberté large dans l’expression de leurs opinions.
CR
1 – Les validations législatives (…)
2 – Le contrôle de la procédure législative
Dans sa décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018, Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le Conseil constitutionnel réaffirme sa jurisprudence relative aux griefs tirés de l’insuffisance de l’étude d’impact. Après avoir longtemps considéré qu’il était compétent pour contrôler si l’étude d’impact était suffisante6, le Conseil a fait évoluer sa jurisprudence dans sa décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il considère désormais que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 ne peut être accueilli que si la conférence des présidents a été saisie d’une « demande tendant à constater que les règles relatives aux études d’impact étaient méconnues »7. Le principe du préalable parlementaire s’applique donc aux griefs tirés de la méconnaissance d’une étude d’impact : si ce grief n’a pas été présenté devant l’une des assemblées, il ne peut l’être devant le Conseil. En l’espèce, le Conseil écarte donc ce grief après avoir relevé que « la conférence des présidents de l’Assemblée nationale n’a été saisie d’aucune demande tendant à constater que les règles relatives aux études d’impact étaient méconnues » (§ 4).
Les requérants faisaient également valoir que « l’introduction à l’Assemblée nationale de nombreuses dispositions nouvelles par voie d’amendement du gouvernement » « aurait permis à ce dernier de contourner l’exigence procédurale d’une étude d’impact » (§ 2). Conformément à une jurisprudence constante, le Conseil a refusé de considérer que le gouvernement pourrait contourner ses obligations relatives aux projets de lois en utilisant son droit d’amendement, garanti par l’article 44 de la Constitution. En conséquence, l’introduction par le gouvernement de dispositions par voie d’amendement ne constitue pas un détournement de procédure8, bien qu’elle permette de ne pas présenter d’étude d’impact sur ces dispositions. Le Conseil a donc rappelé que « l’article 39 de la Constitution et la loi organique du 15 avril 2009 n’imposent la présentation d’une étude d’impact que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements » (§ 5) et a déclaré « inopérant le grief selon lequel le gouvernement aurait méconnu ces exigences procédurales en exerçant le droit d’amendement qu’il tient du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution » (§ 5).
Le Conseil veille à ce que les lois qu’il contrôle ne contiennent pas de cavaliers législatifs. Cela constitue une limite au droit d’amendement en première lecture. Depuis la révision de 2008, l’article 45 de la Constitution dispose en son alinéa premier que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Ainsi le Conseil contrôle, le plus souvent d’office, le respect de cette exigence. En conséquence, des dispositions, qui « ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi », sont considérées comme ayant été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. De telles dispositions furent donc censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018 précitée (§ 59-§ 62, p. 69-71, p. 80-85).
Conformément à une jurisprudence bien établie9, le Conseil constitutionnel veille également au respect de la règle dite « de l’entonnoir » qui restreint le droit d’amendement. Ainsi, après la première lecture, les amendements, qu’ils soient présentés par les membres du Parlement ou par le gouvernement, « doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion »10. Cette règle ne s’applique pas aux « amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle »11. Il a vérifié le respect de cette règle dans sa décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018 précitée (§ 10-§ 13, p. 73-79).
MB
3 – La compétence et le domaine de la loi
Cinq décisions « L » ont été rendues au cours de ce semestre, illustrant l’utilité de cette procédure permettant au gouvernement de modifier des textes de forme législative par décrets. Dans trois de ces décisions, le Conseil a jugé que les dispositions avaient un caractère réglementaire car elles ne mettaient en cause aucun principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi12.
Dans les deux décisions du 27 juillet 201813, le Conseil a opéré un partage entre les domaines législatif et réglementaire. Relèvent du domaine de la loi les modalités de calcul et d’encadrement du prix des baux ruraux à ferme qui constituent une garantie relative au droit de propriété et aux obligations civiles et commerciales14 alors qu’ont un caractère réglementaire, les dispositions relatives au comité national chargé d’élaborer et d’assurer le suivi de la mise en œuvre du pacte territoire-santé et d’établir un bilan annuel des actions engagées15 et celles de l’article L. 247-5 du Code de l’action sociale et des familles qui précisent à quels organismes sont transmis les résultats de l’exploitation des données relatives aux personnes handicapées, dont l’observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap. De même, dans la décision n° 273 L, le Conseil a jugé qu’avaient un caractère réglementaire les mots « en Conseil d’État » figurant à l’article L. 3113-1 du Code général des collectivités territoriales, car le recours à un décret en Conseil d’État pour procéder à la création et à la suppression d’arrondissements et au transfert du chef-lieu d’un arrondissement ne constitue pas une garantie essentielle mettant en cause les règles et les principes fondamentaux que la constitution a placés dans le domaine de la loi. Il en est de même des mots « et le transfert du siège de leur chef-lieu » figurant à l’article L. 3113-2 du même code. En revanche, les mêmes mots « en Conseil d’État » figurant à l’article L. 121-29 du Code de l’urbanisme qui dispose que le schéma d’aménagement de plage est approuvé par décret en Conseil d’État ont un caractère législatif car ces dispositions constituent une garantie essentielle mettant en cause les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, que l’article 34 de la Constitution a réservés à la compétence du législateur.
La procédure de l’article 61 alinéa 2 permet aussi de préciser quelle est la compétence du législateur16. L’article 34 dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux (…) du droit du travail » et il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la constitution (§ 14). C’est le législateur qui a déterminé les modalités selon lesquelles le compte personnel de formation est abondé, l’existence d’un plafond à cette alimentation et le rapport entre la valeur de ce plafond et le montant annuel de l’alimentation. En outre, il a précisé la périodicité selon laquelle une actualisation des droits à cette alimentation peut intervenir17. De même il a fixé, au paragraphe I, de l’article L. 6323-17-2, du Code du travail, les conditions nécessaires pour qu’un salarié puisse utiliser ses droits à la formation professionnelle dans le cadre d’un projet de transition professionnelle, notamment l’existence d’une ancienneté minimale (§ 18). Il n’a donc pas méconnu sa compétence.
MV
C – Le pouvoir juridictionnel (…)
D – Le pouvoir financier
De manière traditionnelle, le contrôle des lois financières repose sur le respect du principe budgétaire de sincérité de la loi financière issu des alinéas 14 et 15 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine. La loi de finances pour 2019 n’a pas échappé à la règle. Son examen n’a cependant révélé aucun motif d’insincérité selon la décision n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018.
Aux termes de l’article 32 de la loi organique du 1er août 2001, la sincérité de la loi financière « s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Il en résulte, d’une manière générale, que la loi de finances pour 2019 n’est pas tenue d’intégrer à ses prévisions de déficit des mesures non encore acquises à la date de son adoption. Cela vaut pour la loi de finances pour 2019 avec toutefois l’obligation pour le gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative si l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire. Par ailleurs, la sincérité de la loi de finances est garantie par le fait que les prévisions de déficit qu’elle retient ne sont pas fondées sur la prise en compte des nouvelles mesures de recettes ou d’économie dont le gouvernement a annoncé envisager l’adoption au cours de l’année 2019.
En tout état de cause, le rôle du Conseil constitutionnel dans l’appréciation du respect du principe de sincérité budgétaire se limite au contrôle de toute absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances. Il ne lui appartient pas d’apprécier le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement votés. Il s’agit là d’un pouvoir général d’appréciation et de décision réservé au Parlement, ce qui ne permet pas au Conseil de se prononcer sur le grief fait à la loi de finances et dénoncé par la saisine, de reconduire pour certains programmes budgétaires, des niveaux de crédits similaires aux années précédentes, alors que plusieurs études ont révélé, par le passé, la sous-dotation de ces programmes.
De manière non moins traditionnelle, le contrôle des lois financières, qu’il s’agisse de la loi de finances pour 2019 ou de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, révèle, une fois de plus, la vigilance avec laquelle le Conseil ainsi que les auteurs de la saisine veillent au respect de leur procédure d’adoption.
C’est ainsi que la loi de finances pour 2019 a été épurée, à l’initiative du Conseil, de sept cavaliers budgétaires qui, pour chacun, fixait des règles dérogatoires de revalorisation de prestations sociales financées par le budget de l’État pour l’année 2020 et non pour l’année 2019 ; octroyait aux gestionnaires du domaine public portuaire la possibilité d’instaurer une majoration de redevance en cas d’occupation irrégulière ; prévoyait une exonération du paiement de l’indemnité compensatoire de défrichement et modifiait le régime de l’autorisation de défrichement ; actualisait des références à la réglementation européenne s’agissant des obligations déclaratives en matière de récolte de raisins ; prévoyait un rapport du gouvernement au Parlement dressant le bilan de la mise en œuvre du plan Préfectures nouvelle génération ; modifiait les règles d’établissement du budget du médiateur de l’énergie ; imposait aux opérateurs en matière de recherche de produire chaque année les données relatives à leurs activités de recherche disponibles dans leurs systèmes d’information ; était relatif à l’information des collectivités territoriales sur les motifs d’évolution des attributions individuelles des composantes de la dotation globale de fonctionnement.
Ces dispositions qui ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État, qui n’ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État, qui n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières et qui ne sont pas, non plus, relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, ne trouvent pas leur place dans une loi de finances.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 a fait l’objet d’une attention similaire par la censure d’office, dans la décision n° 2018-776 DC du 21 décembre 2018, de deux cavaliers sociaux : l’article 45 de la loi qui étendait le champ des expérimentations pour l’innovation au sein du système de santé en vue de développer « la compréhension et la participation active des patients à leur parcours de soins, tant à titre préventif que curatif, notamment via l’éducation thérapeutique » et les 1° et 2° du paragraphe I ainsi que les paragraphes II et III de l’article 50 qui étaient relatifs à la prescription dématérialisée des arrêts de travail. Ces dispositions qui n’avaient pas d’effet ou avaient un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement et qui ne relevaient pas, non plus, des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du Code de la sécurité sociale, ne pouvaient trouver leur place dans une loi de financement de la Sécurité sociale.
Dans le même registre, le Conseil censure comme étrangère au domaine de la loi de financement de la Sécurité sociale après que les députés auteurs de la saisine ont soutenu que cet article n’a pas sa place dans une loi de financement de la Sécurité sociale, l’extension à l’année 2020 de la dérogation apportée à l’article L. 161-25 du Code de la sécurité sociale par le premier alinéa de l’article 68 de la loi de financement. Celui-ci prévoit la revalorisation annuelle de certaines prestations non pas suivant le niveau d’inflation qui est la règle, mais fixe cette revalorisation à 0,3 % aussi bien pour l’année 2019 que 2020. Or les dispositions qui prévoient l’application de la dérogation pour l’année 2020 ne trouvent pas leur place dans la loi de financement de la Sécurité sociale dès lors qu’elles sont dépourvues de caractère permanent au sens du 2°, du C du paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du Code de la sécurité sociale et cela, bien qu’elles aient un effet sur la base de revalorisation des prestations sociales dues au titre des années ultérieures, comme le souligne le Conseil.
En revanche, le Conseil rejette ce même grief qu’adressaient les députés à l’article 51 de la loi de financement, qui ajoutent à l’article L. 165-1 du Code de la sécurité sociale un deuxième alinéa instituant une classe de produits de santé ayant vocation à faire l’objet, avec une adaptation des tarifs de responsabilité, d’une prise en charge renforcée par l’assurance maladie. Le Conseil confirme que ces dispositions ont bien un effet sur les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, ainsi que celles des paragraphes I et II de l’article L. 165-1-4, qui en sont indissociables. Elles trouvent leur place, en tout état de cause, dans une loi de financement de la Sécurité sociale.
LB
E – Les collectivités décentralisées
Libre administration des collectivités territoriales et régime indemnitaire des agents territoriaux (Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-727 QPC, Cne de Ploudiry). Saisi du régime indemnitaire des agents des collectivités territoriales fixé par l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 modifié, le Conseil constitutionnel a de manière habituelle mentionné les dispositions de l’article 34 de la Constitution réservant au législateur la détermination des principes fondamentaux notamment de la libre administration des collectivités territoriales ainsi que les dispositions de l’article 72 de la Constitution établissant le principe de libre administration des collectivités territoriales dans les conditions prévues par la loi. Il a aussi rappelé que les obligations et charges prescrites par le législateur doivent répondre à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d’intérêt général18.
Il a d’abord jugé que « les collectivités territoriales ne peuvent établir de régimes indemnitaires en faveur de leurs agents que “dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l’État” ». Ce faisant, il a repris à son compte la jurisprudence du Conseil d’État telle que formulée dans la décision de renvoi19 et insérée à l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 par la loi du 20 avril 2016, puisqu’il précise qu’« il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d’État que, lorsque les services de l’État servant de référence bénéficient d’un régime indemnitaire tenant compte, pour une part, des conditions d’exercice des fonctions et, pour l’autre part, de l’engagement professionnel des agents, les collectivités territoriales qui décident de mettre en place un régime indemnitaire tenant compte de l’un seulement de ces éléments sont tenues, en vertu des dispositions contestées, de prévoir également une part correspondant au second élément » (§ 6).
Pour déclarer conformes à la Constitution les dispositions déférées, le Conseil constitutionnel a, en premier lieu, rappelé le principe de parité entre le régime indemnitaire applicable aux agents de l’État et celui applicable aux agents des collectivités territoriales, poursuivi par les dispositions contestées, « le législateur [ayant] entendu contribuer à l’harmonisation des conditions de rémunération au sein des fonctions publiques étatique et territoriale et faciliter les mobilités en leur sein ou entre elles deux. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général » (§ 7).
Puis, il a jugé « en second lieu, [que] les collectivités territoriales qui décident de mettre en place un tel régime indemnitaire demeurent libres de fixer les plafonds applicables à chacune des parts, sous la seule réserve que leur somme ne dépasse pas le plafond global des primes octroyées aux agents de l’État. Elles sont également libres de déterminer les critères d’attribution des primes correspondant à chacune de ces parts » (§ 8).
Cette décision du Conseil constitutionnel s’inscrit dans sa jurisprudence habituelle relative au principe de libre administration des collectivités territoriales consacré par une décision de 197920 et figurant au nombre des droits et libertés que la constitution garantit dont la méconnaissance peut être invoquée dans le cadre d’une QPC21. Le Conseil constitutionnel a jugé dans la décision présentée que la liberté de gestion des collectivités territoriales est largement préservée dès lors que la somme des deux indemnités ne dépasse pas le plafond global des primes accordées aux agents de l’État (§8).
La gouvernance d’un établissement public local à caractère industriel et commercial : l’établissement public Paris La Défense (Cons. const., 27 sept. 2018, n° 2018-734 QPC, CE de l’établissement public d’aménagement de la Défense Seine Arche). Dans sa décision n° 2018-734 QPC, le Conseil constitutionnel a été amené à statuer sur la gouvernance de l’établissement public Paris La Défense (EPPLD) sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution sur le principe de libre administration des collectivités territoriales et sur fondement de l’alinéa 5 de l’article 72 de la Constitution interdisant la tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre.
Le Conseil constitutionnel a ainsi écarté plusieurs griefs.
D’abord, il a rappelé que les dispositions contestées de l’article L. 328-8 du Code de l’urbanisme déterminent les collectivités territoriales et groupements représentés au conseil d’administration de l’EPPLD et fixent que le département des Hauts-de-Seine dispose d’une représentation majoritaire et la commune de La Garenne-Colombes seulement d’une voix consultative. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’« en déterminant ainsi, à la fois, les collectivités territoriales et leurs groupements représentés au sein du conseil d’administration de l’établissement public ainsi que les principes régissant l’attribution des droits de vote à leurs représentants, le législateur a suffisamment précisé sur ce point les règles constitutives de l’établissement public qu’il a instauré. Il lui était ainsi loisible de renvoyer au pouvoir réglementaire la détermination du nombre de ces représentants » (§ 7 et 8). Cette décision est conforme à la jurisprudence habituelle en la matière22.
Le Conseil constitutionnel a rejeté l’atteinte au principe d’interdiction de la tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre en jugeant que « la compétence en matière d’aménagement urbain ou de gestion de certains aménagements relatifs aux opérations d’intérêt national (…) ayant été transférée, en vertu des articles L. 328-2 et L. 328-3, à l’établissement public Paris La Défense, le grief tiré de ce qu’il résulterait de la majorité délibérative conférée au département des Hauts-de-Seine au sein du conseil d’administration de cet établissement une méconnaissance du principe d’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre est inopérant », puisque la majorité conférée au département des Hauts-de-Seine ne permettait pas à ce département de peser sur la mise en œuvre par les autres collectivités de leurs compétences. Elle lui accordait seulement un pouvoir décisif dans l’exercice par l’EPPLD de sa propre compétence (§ 9). Cette décision est conforme à la jurisprudence habituelle en la matière23.
Il a rejeté l’atteinte au principe au principe d’égalité devant la loi relativement à la majorité des voix du conseil départemental des Hauts-de-Seine. Pour ce faire, il a rappelé l’article 6 de la déclaration des droits de 1789 ainsi que le principe d’égalité devant la loi tel qu’issu de sa jurisprudence habituelle. Il a relevé que les dispositions contestées du premier alinéa du paragraphe I de l’article L328-8 du Code de l’urbanisme prévoient l’attribution au département des Hauts-de-Seine d’une majorité de voix au sein du conseil d’administration de l’EPPLD, que le conseil départemental des Hauts-de-Seine ne peut conserver la majorité des droits de votes qu’à la condition de contribuer majoritairement aux dépenses de l’établissement public selon une convention, et qu’en l’absence de cette convention ou de sa notification au ministre compétent le département des Hauts-de-Seine conserve une majorité de droits de vote et est soumis à une contribution obligatoire aux dépenses de l’établissement public, déterminée selon un décret en Conseil d’État prenant en compte le rôle conféré à cette collectivité territoriale au sein de l’EPPLD. Le Conseil constitutionnel a pu en déduire « qu’il résulte de ce qui précède que la différence de traitement établie entre le département des Hauts-de-Seine et les autres collectivités territoriales représentées au sein du conseil d’administration de l’établissement public Paris La Défense est ainsi justifiée par une différence de situation. Elle est également en rapport avec l’objet de la loi » (§ 11 à 15).
Il a rejeté l’atteinte au principe au principe d’égalité devant la loi relativement « à la voix délibérative » de la commune de La Garenne-Colombes. Pour ce faire, il a relevé que la commune de La Garenne-Colombes n’est pas tenue à la contribution aux dépenses de l’EPPLD, que la collectivité territoriale ou le groupement membre de l’EPPLD qui refuse de souscrire à la convention prévue perd toute voix délibérative et se trouve alors dans la même situation que la commune de La Garenne-Colombes et qu’en l’absence de signature de la convention, chaque collectivité territoriale et groupement se voit attribuer une voix délibérative pour chacun de ses représentants, différence de traitement justifiée par la moindre emprise sur le territoire de la commune de La Garenne-Colombes des opérations d’intérêt national en cause. En conséquence, il a jugé que « la différence de traitement instaurée entre la commune de La Garenne-Colombes et les collectivités ou leurs groupements mentionnés au premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 328-8 du Code de l’urbanisme est justifiée par une différence de situation. Cette différence de traitement étant en rapport avec l’objet de la loi, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit être écarté » (§ 16 à § 19).
Il apparaît que le législateur a souhaité mettre en place un dispositif incitatif, en ce que les collectivités territoriales et groupements membres de l’établissement public Paris La Défense sont incitées à contribuer aux charges de l’EPPLD soit en recevant une majoration de leurs droits de vote soit en risquant d’être privées de voix délibératives, le législateur veillant à maintenir une différence de traitement avec la commune de La Garenne-Colombes. Cette décision du Conseil constitutionnel s’inscrit dans sa jurisprudence habituelle sur le principe de libre administration et sur le principe d’égalité devant la loi à l’égard duquel le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur un large pouvoir d’appréciation pour traiter de manière distincte les différentes collectivités territoriales24.
CR
F – Droits électoraux, contentieux des élections et des référendums (…)
II – Le procès constitutionnel
A – Les acteurs et les actes devant le Conseil constitutionnel
Dans la décision n° 2018-775 DC du 10 décembre 2018, loi de finances rectificative pour 2018, le Conseil constitutionnel a fait un usage contre-intuitif du contrôle État d’urgence en Nouvelle-Calédonie. Celui-ci permet de contrôler, a priori, les dispositions d’une loi déjà promulguée si la loi soumise à son contrôle la modifie, la complète ou affecte son domaine d’intervention. L’enjeu de ce nouvel office – créé de manière prétorienne en 1985 et maintenu depuis l’entrée en vigueur du contentieux de QPC – est de déterminer comment une loi nouvelle modifie, complète ou affecte le domaine de l’intervention d’une loi ancienne au point d’ouvrir la possibilité d’un contrôle imbriqué des deux lois ; ces occasions sont rares et les saisines appelant ce contrôle le sont tout autant. En l’espèce, les députés entendaient solliciter un contrôle calédonien à propos de la loi de finances initiale. Les requérants faisaient remarquer au Conseil constitutionnel que les ouvertures et annulations de crédits de la mission Défense devaient financer l’intégralité des surcoûts liés aux opérations extérieures en contrariété avec ce qui avait été prévu par la loi du 13 juillet 2018 de programmation militaire pour 2019-2025 qui prévoyait que ces surcoûts soient financés par une enveloppe interministérielle. Au premier regard, il apparaît que les deux dispositions, qui ont le même objet et concernent les mêmes deniers, sont en contradiction. Pour autant, la normativité des deux lois n’est pas la même. Compte tenu du principe d’annualité budgétaire et de la primauté des lois de finances sur les engagements pluriannuels de l’État, la mise en œuvre des lois de programmation est subordonnée à la transposition de celles-ci dans les lois de finances annuelles. La programmation militaire n’a ainsi pas de portée qui lui est propre, ce qui l’affaiblit considérablement.
Cependant, le Conseil constitutionnel n’a pas évoqué ce conflit normatif, déniant l’évidence suivant laquelle les deux lois ont bien le même objet. Il aurait certes été impossible de considérer que la loi de programmation l’emportait sur la loi de finances, dès lors que les deux normes ne se situent pas au même niveau. Cependant, le Conseil a esquivé la question en considérant que la loi de finances déférée, redéployant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement au titre du budget, ne modifiait pas le domaine de la loi de programmation ni ne la complétait. Si l’on considère que les dispositions de la loi de programmation militaire ne sont pas même affectées lorsque la loi de finances les modifie pourtant certainement, il semble qu’elles n’aient plus aucun objet.
Toujours à propos des dispositions législatives susceptibles de contrôle, le Conseil constitutionnel a poursuivi une pratique classique des questions soulevées d’office25, en soulevant d’office plusieurs dispositions de la loi insérées suivant une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Dans le contrôle a priori, la décision confirme la primauté du relevé d’office des griefs de procédure sur ceux du fond.
Le Conseil constitutionnel a confirmé que le changement de circonstances affectant une disposition législative susceptible de contrôle en QPC peut être le fait d’un revirement de jurisprudence26. La disposition déférée, déjà spécialement contrôlée par le Conseil lors de son contrôle a priori dans les motifs et le dispositif de la décision, était bien « identique » à sa version déjà contrôlée a priori ; en d’autres termes, la modification de la loi initiale n’a pas changé le sens de la disposition déférée. Néanmoins, la jurisprudence de la Cour de cassation (dans un seul arrêt du 25 janvier 2017), jugeant que le déséquilibre financier désigné par le 2° du § 1 de l’article L. 442-6 du Code de commerce pouvait résulter d’une inadéquation du prix du bien vendu et qu’un contrôle judiciaire du prix était ouvert par l’article, a été considérée par le Conseil comme un changement de circonstances justifiant le réexamen de la disposition27. Les voies du changement de circonstances sont définitivement obscures puisqu’une seule jurisprudence peut constituer un changement de circonstances. Néanmoins, il serait tout de même risqué d’admettre de manière générale que la simple existence d’une décision de justice rendue au préalable sur la disposition contestée justifie son réexamen constitutionnel28. En l’espèce, le Conseil a considéré que la décision de la Cour de cassation avait suffi pour changer le sens des « circonstances de droit » et justifié son réexamen, sans en faire une règle générale.
Enfin, la décision n° 12 LOM a permis au Conseil constitutionnel de prononcer un non-lieu à statuer instructif29. Les dispositions contestées résultaient d’une ordonnance du 8 décembre 2016 non ratifiée, ce qui était un obstacle au déclassement qui ne peut intervenir qu’à propos d’une loi promulguée. Les dispositions de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française étaient susceptibles de porter à confusion au vu du terme de « loi » qui n’a pas toujours les mêmes contours contentieux. Le parallèle le plus utile ici était l’article 37, alinéa 2 et la procédure de déclassement qui ne peut s’appliquer qu’aux lois promulguées. C’est le principe même du déclassement que de ne pouvoir s’appliquer qu’à des lois et non à des actes administratifs comme le sont les ordonnances non ratifiées, ce qui a justifié la solution d’espèce.
Concernent les acteurs du contentieux30, le Conseil constitutionnel a précisé le sens des interventions extérieures. L’article 6 du règlement de procédure du Conseil relatif au contrôle de QPC, précise que les interventions ne sont recevables que si les intervenants justifient d’un intérêt spécial, s’insèrent dans le délai de communication fixé par le Conseil, et si les conclusions présentées concernent la disposition concernée par la QPC. En l’espèce, la question concernait plutôt les versions du texte contesté. Le Conseil constitutionnel peut restreindre le périmètre de la QPC (à un seul alinéa, une seule phrase, un seul mot…) et ce rétrécissement influe nécessairement sur l’intervention extérieure. Le Conseil considère en effet que s’il n’appréciait pas les conclusions de l’intervenant au vu de l’objet rétréci de l’instance, alors il élargirait indûment l’objet du recours au détriment du requérant. Le Conseil considère pourtant qu’il sert ce même requérant en rétrécissant l’objet de sa demande, ce qui nous semble paradoxal. En l’espèce, au vu de l’objet rétréci du litige, l’intervenant n’a pas été considéré comme justifiant d’un intérêt spécial.
B – La procédure devant le Conseil constitutionnel (…)
C – Les techniques contentieuses (…)
D – L’autorité et les effets des décisions du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a appliqué de nouveau sa jurisprudence concernant les modifications des « versions » de la législation attaquée31. Régulièrement, ce changement dans la législation applicable pose un problème, eu égard à sa qualification procédurale : s’agit-il d’un changement de circonstances ou la disposition législative n’est-elle pas « déjà jugée » ? Le Conseil a précisé que la qualification procédurale du changement de législation dépendait de l’ampleur de ce changement sur la disposition contrôlée. Si ladite disposition est la même dans sa nouvelle version que lorsqu’elle avait déjà été spécialement jugée par le Conseil dans une précédente décision, le changement de circonstances devra être mobilisé pour qu’elle soit examinée de nouveau en QPC. À l’inverse, si la disposition a été modifiée profondément par le changement de version, alors le Conseil considère que la nouvelle législation a modifié les termes de la disposition déjà jugée et qu’il n’est nul besoin de recourir au changement de circonstances pour la juger de nouveau ; elle n’est pas « déjà jugée » par le Conseil. En l’espèce, depuis la précédente décision, la disposition contrôlée avait été modifiée au fond par la loi du 14 juin 2013, la disposition dans sa nouvelle mouture n’avait donc pas déjà été jugée par le Conseil.
Concernant le recours à l’effet différé de l’abrogation, le Conseil constitutionnel en a fait une utilisation classique32. Ainsi, après avoir censuré les dispositions du premier alinéa de l’article 706-113 du Code de procédure pénale en ce qu’elles méconnaissaient les droits de la défense en n’imposant pas à l’officier de police judiciaire, sous la responsabilité duquel se déroule la garde à vue d’une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, d’avertir le curateur ou le tuteur de ce dernier, le Conseil a différé au 1er octobre 2019 les effets de l’abrogation. L’abrogation immédiate aurait en effet eu pour conséquence de supprimer toute obligation pour le procureur de la République et le juge d’instruction d’aviser le curateur ou le tuteur ainsi que les juges des tutelles, en cas de poursuites pénales à l’encontre d’un majeur protégé. Dans l’espèce, le Conseil a également limité les effets de l’abrogation en ne permettant pas que cette dernière puisse être invoquée dans les affaires en cours, c’est la jurisprudence constante en matière de procédure pénale, pour des raisons de sécurité du procès.
La jurisprudence constante de l’effet différé en matière fiscale a été confirmée. Ainsi, censurant pour méconnaissance du principe d’égalité le 2°, de l’article 1449 du Code général des impôts qui excluait certains types de sociétés d’une exonération fiscale, le Conseil constitutionnel a différé les effets de l’abrogation au 1er janvier 2019, pour éviter d’étendre l’imposition à l’ensemble des contribuables33. L’utilisation audacieuse de l’effet différé a de nouveau été confirmée en matière fiscale à propos de l’abrogation d’une sanction, s’appliquant de manière trop générale et sans considération de la bonne foi34. Dans la mesure où l’abrogation immédiate aurait privé d’effet la sanction dans son entier, le Conseil a fait le choix de l’effet différé accompagné d’une réserve transitoire imposant que l’amende instituée par l’alinéa 1, de l’article 1740-1 du Code général des impôts s’applique uniquement aux personnes ayant sciemment délivré des documents permettant à un contribuable d’obtenir indûment un avantage fiscal, donnant non seulement au législateur une piste interprétative, mais une véritable législation de substitution. Le Conseil confirme que, face à la censure d’une inégalité fiscale, il est conduit à proposer plus qu’une abrogation différée mais une véritable législation, ce qui s’apparente à un contrôle de l’omission législative constructif.
L’abrogation pour effet immédiat a également été utilisée de manière usuelle. Le Conseil constitutionnel a considéré35 que les dispositions des articles 1er, 5, 7, 8, 9 et 10 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante – permettant que tout mineur placé en garde à vue pour une durée de 24 heures renouvelable avec pour seul droit d’obtenir un examen médical en cas de prolongation – méconnaissaient les articles 9 et 16 de la déclaration de 1789 et le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. Il a privilégié l’abrogation immédiate afin que l’abrogation bénéficie aux procédures en cours. Les commentaires contiennent une interprétation utile à propos de cette abrogation immédiate en précisant qu’il appartiendra au juge judiciaire de déterminer les conséquences de cette inconstitutionnalité sur la régularité d’actes ou de pièces de procédure en cours.
L’abrogation avec effet immédiat a été utilisée à propos d’une exonération fiscale. Les dispositions du 9° bis de l’article 81 du Code général des impôts affranchissaient d’impôt sur le revenu les rentes viagères visant à réparer un préjudice corporel ayant entraîné une incapacité permanente totale lorsqu’elles sont versées en exécution d’une décision de justice. Néanmoins, les incapacités versées en réparation d’un même préjudice en application d’une transaction ne bénéficient pas de ce régime fiscal. Le Conseil a ainsi considéré que les dispositions contestées instituaient une différence de traitement contraire à l’article 13 de la déclaration de 1789. Cette différence de traitement est sans rapport avec l’objet de la loi, qui est de faire bénéficier d’un régime fiscal favorable les personnes percevant une rente viagère, en réparation du préjudice né d’une incapacité permanente totale. Le Conseil constitutionnel a privilégié l’abrogation immédiate pour mettre fin à l’inégalité. L’abrogation immédiate joue ici un rôle législatif par l’action négative du Conseil constitutionnel qui, en censurant l’exonération inégale, remet la législation « à zéro », laissant ouvert au législateur le champ des possibles. Ceci nous semble être une attitude juridictionnelle préférable à l’édiction d’une législation supplétive36.
De manière originale enfin, le Conseil constitutionnel a contredit l’effet platonique de l’annulation avec effet immédiat d’une législation formellement abrogée ou remplacée en l’utilisant à propos d’une législation qui était restée applicable durant une période transitoire37.
ACB
III – Les normes de références
A – Les sources matérielles
1 – Les textes constitutionnels
Cons. const., 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC, MM. Cédric H. et Pierre-Alain M. Les auteurs des deux QPC faisant l’objet de la décision n° 717/718 QPC du 6 juillet 2018 avaient été poursuivis pour avoir aidé à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’étrangers en France dans la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), organisé un camp d’accueil chez lui, pour l’un, avoir conduit des migrants dans sa voiture, pour l’autre. Ils ont été condamnés en première instance puis en appel, parce que l’hébergement « n’avait pas pour but de leur fournir des conseils, des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins ni de préserver leur intégrité physique, aucune atteinte d’une telle gravité n’étant objectivée », mais s’inscrivait dans une démarche d’action militante en vue de soustraire les étrangers aux contrôles mis en œuvre pour appliquer les dispositions légales relatives à l’immigration.
L’article L. 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), fondement de la poursuite, définit le délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers, et le punit de 5 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Toutefois, son article L. 622-4 prévoit plusieurs cas d’exemption pénale en faveur des personnes mises en cause sur le fondement de ce délit.
Selon les requérants, les dispositions litigieuses portaient atteinte au principe constitutionnel de fraternité, au principe de nécessité des délits et des peines et au principe de légalité des délits et des peines, ainsi qu’au principe d’égalité devant la justice garantis respectivement par les articles 8 et 6 de la déclaration des droits de 1789.
Si ces griefs sont « classiques » en matière de lois pénales, tel n’est pas le cas de celui du principe de fraternité, méconnu parce que les exemptions pénales ne trouvaient pas à s’appliquer à l’entrée et à la circulation d’un étranger en situation irrégulière sur le territoire français, et parce qu’elles ne prévoyaient pas une immunité en cas d’aide au séjour irrégulier pour tout acte purement humanitaire n’ayant donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte. Dans ses arrêts de renvoi, la Cour de cassation a jugé que « la question, en ce qu’elle tend à ériger en principe constitutionnel, la fraternité, qualifiée d’idéal commun par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, et reconnue comme l’une des composantes de la devise de la République par l’article 2 de ladite constitution, principe que méconnaîtraient les dispositions législatives contestées, présente un caractère nouveau ».
C’est aussi ce qu’a retenu le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, dans laquelle il n’a censuré que trois mots figurant au 1er alinéa de l’article L. 622-4 du CESEDA, soit « au séjour irrégulier », en émettant en outre une réserve d’interprétation à propos des dispositions du 3° de ce même article L. 622-4.
La décision n° 717/718 QPC consacre la valeur constitutionnelle du principe de fraternité à partir de l’article 2 de la Constitution poursuivant ainsi la reconnaissance de l’ensemble des dispositions contenues dans la constitution mais l’a concilié avec d’autres normes de même valeur.
La fraternité, un principe constitutionnel nouveau
La fraternité n’est pas absente de la Constitution. Sa qualité de principe n’empêche pas qu’elle soit assimilée à un droit ou à une liberté que la constitution garantit au titre de la QPC.
L’article 2 semble relever de la catégorie des dispositions dont le contenu apparaît plus symbolique que strictement normatif. Le Conseil constitutionnel le reconnaît néanmoins comme un principe à valeur constitutionnelle, ce que lui avaient déjà donné l’avant-dernier alinéa du titre 1er de la Constitution de 1791 et l’article 301 de la Constitution de l’an III a repris la même formulation : « Il sera établi des fêtes nationales, pour entretenir la fraternité entre les citoyens et les attacher à la Constitution, à la patrie et aux lois ».
C’est le point IV du préambule de la Constitution du 4 novembre 1848 qui, le premier, a inséré expressément la notion de fraternité dans une devise définissant la République qui « a pour principe la liberté, l’égalité et la fraternité. Elle a pour base la famille, le travail, la propriété, l’ordre public ». La fraternité fut à nouveau un élément de la devise officielle depuis la IIIe République, à l’exception de la période du régime de Vichy où elle avait été remplacée par le triptyque « travail, famille, patrie » (article unique de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940).
Il a fallu attendre les constitutions du 27 octobre 1946 et du 4 octobre 1958 pour voir réapparaître la fraternité, au troisième alinéa de l’article 2. Le Conseil, dans sa décision n° 717/718 QPC, a recensé de manière exhaustive deux autres sources textuelles du « principe de fraternité » (§ 7). Dans les trois cas, le terme est associé dans la trilogie républicaine aux mots « liberté et égalité », un peu comme si ces trois termes étaient indissociables ou formaient un tout. Il s’agit de l’alinéa 2 du préambule de 1958 et de l’article 72-3, alinéa 1er, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui proclame que « la République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ». Si le terme d’idéal commun peut avoir une connotation métaphysique ou religieuse, nul doute cependant qu’il renvoie directement à la devise et à une adhésion aux principes républicains. La source première du principe reste néanmoins l’article 2 de la Constitution, alors même que l’argumentation des requérants n’a pas cherché à lui donner un fondement constitutionnel précis.
Malgré les modifications rédactionnelles des articles 1er et 2 par la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995, cet article 2 doit être conçu comme une suite de l’article 1er, ce qui signifie, au-delà de l’évidence numérique, que cet article comprend aussi des éléments de définition de la République. Il en est ainsi du français, qualifié de « langue de la République » et l’adjectif « national », tel qu’il est appliqué à l’hymne (alinéa 2) et au drapeau « l’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge » (alinéa 3), associe implicitement la nation et la République, cette dernière étant la forme politique de la Nation.
Il ressort a priori du lien entre les articles 1er et 2 que toutes ces dispositions devraient posséder une valeur normative et constitutionnelle, sauf à considérer qu’aucune d’entre elles ne pourrait se voir reconnaître de telles qualités. Par volonté de marquer la continuité républicaine en 1958, la première phrase de l’article 1er actuel reprend d’ailleurs, mot pour mot, l’article 1er de la Constitution du 27 octobre 1946.
Si l’article 2 a, sans conteste, une valeur constitutionnelle en ce qui concerne son alinéa 1er, on peut se demander légitimement quelles raisons objectives auraient pu interdire que les autres dispositions de ce même article fussent dotées de la même valeur. Tel est le sens, certes un peu implicite, de la décision n 2003-467 du 13 mars 2003, à propos de sanctions pénales réprimant les outrages publics à l’hymne national ou au drapeau tricolore au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques38.
Restait donc incertaine la reconnaissance des deux autres alinéas, 4 et 5, dont le contenu prescriptif paraissait moins net encore que pour les autres. La décision a donc donné l’occasion au Conseil constitutionnel de se prononcer pour la première fois sur la valeur constitutionnelle de la devise républicaine et donc du principe de fraternité ce qu’il a rappelé dans sa décision, rendue dans le cadre du contentieux a priori39.
Certes, la trilogie de l’article 2 n’est qu’une « devise ». Cet obstacle rédactionnel n’a pas empêché le Conseil d’affirmer qu’il en « découle » que la fraternité est un « principe » à valeur constitutionnelle. La qualification de principe, s’agissant de la fraternité, pouvait, en outre, heurter une des conditions posées pour qu’une QPC puisse être accueillie, celle selon laquelle la disposition litigieuse doit être contraire à un « droit ou une liberté que la constitution garantit ». Néanmoins, le Conseil a jugé qu’il « découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national (§ 8).
Le principe d’égalité, qui appartient aussi au triptyque de la devise républicaine, a été reconnu comme un droit ou une liberté dès les premières décisions QPC40.
La fraternité devient ainsi une liberté d’aider et qui peut de cette manière être intégrée dans la catégorie des droits et libertés. La fraternité est alors celle de celui qui choisit librement d’aider, et il n’est nulle question de la situation, plus ou moins désespérée de celui – ou de celle – qui est aidé, et qui pourrait justifier la fraternité de l’aidant. Cette liberté pourrait, dans cette logique, se transformer en obligation ou en devoir d’aider, et non rester un droit ou une liberté. Mais l’article 61-1 ne consacre pas les devoirs et il fallait alors, pour que la QPC soit accueillie, que la fraternité devienne une liberté. La fraternité pourrait aussi être conçue comme un droit d’être aidé en l’assimilant à la solidarité.
La fraternité et les autres
La reconnaissance de la fraternité comme norme possédant valeur constitutionnelle place celle-ci dans la catégorie des règles et principes de valeur constitutionnelle qui servent notamment de normes de référence pour le Conseil constitutionnel. Possédant toutes la même valeur, elles imposent au juge de procéder à une conciliation permanente, renouvelée à chaque espèce.
Considérer la fraternité comme une norme se situant « au-dessus » ou « à côté » de la Constitution parce qu’elle dominerait l’édifice ou servirait de guide aux autres dispositions, comme semblent le suggérer certains auteurs41, serait en effet dangereux car cela conduirait, en réalité, à faire perdre au principe toute effectivité. Ce n’est pas dans cette voie, dangereuse et incertaine, que le Conseil a voulu s’engager dans la décision n° 717/718 QPC.
Cette nouvelle liberté, qui ne s’arrête pas à un quelconque groupe national ou familial, mais qui peut concerner aussi des étrangers n’est cependant pas absolue, parce qu’il n’existe pas de droit général et absolu en faveur des étrangers (v. § 9 et § 10), comme le répète la décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018.
Cette limite n’est que le rappel d’une jurisprudence constante selon laquelle aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national42. En outre, l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière participant de la sauvegarde de l’ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel juge qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public (§ 9). Par conséquent, le Conseil ne juge contraires à la Constitution que les trois mots « au séjour irrégulier » figurant au premier alinéa de l’article L. 622-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. S’agissant d’étrangers en situation irrégulière, l’exemption de poursuites pénales prévue à ce même article ne peut pas se limiter à l’aide au séjour, mais elle doit s’étendre aussi à l’aide à la circulation lorsqu’elle est effectuée dans un but humanitaire, c’est-à-dire au nom de la fraternité. En réprimant toute aide apportée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l’accessoire de l’aide au séjour de l’étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
L’aide au « séjour » ne peut néanmoins pas aller jusqu’à celle relative à « l’entrée sur le territoire », car cette aide ferait naître une situation illicite, selon la distinction clairement établie par le Conseil au paragraphe 12.
L’inconstitutionnalité constatée par le Conseil est assortie d’effets différés dans le temps. Dans la mesure où l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait eu pour conséquence d’étendre les exemptions pénales prévues par l’article L. 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile aux actes tendant à faciliter ou à tenter de faciliter non seulement la circulation irrégulière mais aussi l’entrée irrégulière sur le territoire français, il a jugé que cette abrogation aurait eu des conséquences manifestement excessives et dangereuses pour la sauvegarde de l’ordre public. L’abrogation a donc été reportée au 1er décembre 2018 mais le Conseil a prévu une réserve transitoire permettant à l’exemption pénale de s’appliquer aux actes tendant à faciliter ou à tenter de faciliter la circulation constituant l’accessoire du séjour d’un étranger en situation irrégulière en France lorsque ces actes sont réalisés dans un but humanitaire (§ 24). Est annihilé l’effet différé, le juge constitutionnel indiquant aux autorités compétentes comment appliquer temporairement la disposition législative ainsi abrogée de facto.
La confrontation d’une décision « DC » et d’une décision « QPC » permet de mesurer la différence de traitement de la question de l’incompétence négative entre ces deux catégories de contrôle. Dans la décision n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018, Société Tel and Com, le Conseil a rappelé que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une QPC que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la constitution garantit alors même qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie en particulier l’article 34 de la Constitution. Comme il n’y a pas d’atteinte au droit de propriété ni à la liberté d’entreprendre car le législateur a suffisamment défini la portée des dispositions contestées, le grief n’a pas été retenu. De même, la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une QPC sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution (§ 14).
À propos de la nouvelle rédaction de l’article L. 111-7-1 du Code de la construction et de l’habitation, qui détermine les conditions dans lesquelles des décrets en Conseil d’État fixent les modalités relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées que doivent respecter les bâtiments nouveaux, les exigences constitutionnelles résultant des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes handicapées. Il est cependant possible au législateur, pour satisfaire à ces exigences, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées, ce dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité, et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu’il estime excessives ou inutiles, sans aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. Le plein exercice de cette compétence, ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, ce qui est le cas en l’espèce43.
MV
2 – Les rapports de systèmes
Le Conseil constitutionnel au cœur du « système » ; (commentaire croisé des décisions Cons. const., 7 déc. 2018, n° 2018-750/751 QPC ; Cons. const., 26 juillet 2018, n° 2018-768 DC ; Cons. const., 23 nov. 2018, n° 2018-745 QPC).
Un contrôle des lois de transposition des directives renouvelé
Le Conseil a fait évoluer sa jurisprudence relative au contrôle des lois de transposition des actes issus du droit de l’Union européenne.
Pour rappel, le contrôle de compatibilité de la loi de transposition à sa directive de référence n’est autre qu’un contrôle de constitutionnalité puisque c’est l’article 88-1 de la Constitution qui exige de la France de transposer les directives européennes. Le Conseil a précisé, dès les premières années qu’il ne pourrait censurer la disposition législative que si elle s’avérait manifestement contraire aux dispositions constitutionnelles, ce qui conduit à une forme « d’erreur manifeste de transposition ». De plus, la transposition de la directive ne doit pas porter atteinte à l’identité constitutionnelle de la France. Enfin, ce contrôle au fond ne peut porter sur une disposition de loi qui transposerait fidèlement une disposition inconditionnelle et précise de la directive, sauf à ce qu’il soit porté atteinte à l’identité constitutionnelle. Les termes « inconditionnelle et précise » sont un emprunt direct à la jurisprudence de la Cour de justice et du Conseil d’État à propos de l’applicabilité directe de la directive aux situations individuelles. Le Conseil a quelque peu modernisé cette approche dans sa décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, en considérant qu’indépendamment du recours à l’identité constitutionnelle – qui concerne la constitutionnalité interne de la directive – il pouvait lui appartenir de contrôler la conformité de la disposition de loi de transposition – même si les termes de la directive sont inconditionnels et précis – à certains éléments de constitutionnalité externe, parmi lesquels le respect des « domaines de compétences » des articles 34 et 37 de la Constitution.
Dans la décision n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018, le Conseil a ajouté à ce contrôle de constitutionnalité externe le respect de l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi. Le Conseil a confronté audit objectif le 2°, de l’article L. 151-8 du Code de commerce – dont il a estimé par ailleurs qu’il se bornait à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises de l’article 5 de la directive du 8 juin 2016 – et l’a écarté.
De plus, la décision a également ouvert une brèche supplémentaire dans le contrôle en proposant une distinction en fonction de la marge de manœuvre dont dispose le législateur national dans la transposition. Le raisonnement paraît être emprunté à celui tenu pour les engagements internationaux contractés par l’Union européenne44. S’agissant des dispositions concernant les compétences exclusives de l’Union, le Conseil ne contrôle leur conformité qu’à l’identité constitutionnelle de la France ; quant aux dispositions concernant les matières relevant d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres, le Conseil constitutionnel vérifie leur compatibilité à la Constitution. C’est ce même type de contrôle que le Conseil a inauguré en l’espèce. Lorsque la loi se borne à tirer les conséquences de dispositions inconditionnelles et précises de la directive, alors le Conseil n’opère pas de contrôle sur le fond, sauf à ce qu’une méconnaissance de l’identité constitutionnelle de la France soit constatée. En revanche, en l’espèce, le Conseil a ajouté que dès lors que la directive laisse une marge de manœuvre au législateur pour « ajouter » au sens de la directive, pour augmenter le niveau de garantie accordé à un droit fondamental, alors le juge constitutionnel peut contrôler les dispositions qu’il a prises en ce sens, et même contrôler si l’absence de ce type de dispositions supplémentaires ne méconnaît pas un droit fondamental garanti par la constitution. En d’autres termes, le contrôle du Conseil est nécessité par la carence du législateur qui n’a pas su combler l’espace laissé par la directive en faveur d’une meilleure garantie des droits. En matière de transposition, le législateur européen laisse ainsi entendre que le législateur national ne peut pas aller en deçà de la directive mais est incité à aller au-delà, ce qui ne favorise pas l’harmonisation des droits entre États membres que les directives sont censées servir.
Après ces deux extensions du contrôle des lois de transposition, le contrôle a également procédé à deux limitations de son étendue.
Tout d’abord le Conseil a rappelé, dans la décision du 26 juillet 2018, le sens de son contrôle de conformité à l’identité constitutionnelle de la France des dispositions de la loi de transposition – quand bien même la directive se bornerait à transposer une disposition inconditionnelle et précise. Le Conseil constitutionnel a en l’espèce confronté la directive à la liberté d’expression, à la liberté d’entreprendre ou au principe d’égalité devant la loi avant de préciser que ces normes de référence ne faisaient pas partie de l’identité constitutionnelle de la France. Les commentaires qualifient cette notion de « clause de sauvegarde », l’apparentant à la jurisprudence constitutionnelle allemande et à la jurisprudence conventionnelle qui défendent la place importante des constitutions dans la culture juridique des États.
Enfin, le Conseil constitutionnel a refusé d’étendre ce contrôle aux décisions du Conseil de l’Union européenne. Ne suivant pas la tendance qui lui avait permis d’étendre la jurisprudence aux actes transposant des règlements ou aux traités contractés par l’Union européenne, le Conseil a opposé un refus timide au contrôle des décisions du Conseil de l’Union européenne. En effet, le Conseil a simplement constaté en l’espèce que la disposition de loi ne se bornait pas à tirer les conséquences de dispositions inconditionnelles et précises de la décision, ce qui laisse l’avenir ouvert45.
Le contrôle des directives ainsi renouvelé consiste donc pour le Conseil à examiner dans un premier temps si la loi se borne à transposer les dispositions inconditionnelles et précises de la directive. Dans ce cas, il contrôle, sur le fond, que la disposition de loi ne méconnaît pas l’identité constitutionnelle de la France, et, sur la forme, que cette disposition est claire et intelligible et qu’elle ne méconnaît pas le respect des domaines de compétence. Concernant les dispositions de la loi qui s’ajoutent aux dispositions de transposition inconditionnelles et précises, le Conseil s’est reconnu compétent – pour la première fois en l’espèce – pour en contrôler la constitutionnalité par un contrôle entier « normal », pour reprendre le vocabulaire du contentieux administratif. Le contrôle de la directive est donc particulièrement complexe, souffrant de multiples intensités, de plusieurs nuances qui ne font que manifester la poussée insidieuse en faveur du contrôle du Conseil, y compris dans le champ couvert par le droit de l’Union européenne. La prudence du Conseil ne restant qu’apparente, elle n’a plus rien à voir avec le veto opposé en 1975.
Un recours timide aux questions préjudicielles
La décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018 est une première. Elle nous apprend que le Conseil constitutionnel est une cour suprême de l’État français ; dirigeant l’ordre juridictionnel constitutionnel, le Conseil est un interlocuteur national majeur dans le dialogue préjudiciel avec l’ordre juridique de l’Union européenne, mais également avec l’ordre européen des droits de l’Homme. Depuis la ratification du protocole n° 16 à la convention EDH, la France fait partie du dialogue élargi des juridictions ; le mécanisme ouvert par le protocole est une question préjudicielle classique. Toute haute juridiction d’un État partie peut poser une question motivée relative à l’interprétation et à l’application d’une liberté ou d’un droit contenu dans la convention ou ses protocoles, afin que la Cour rende un avis consultatif non contraignant sur la question. Après l’adoption de la loi du 3 avril 2018 autorisant la ratification du protocole, la France a formulé une déclaration selon laquelle les plus hautes juridictions sont le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation. Dans la décision commentée46, le Conseil constitutionnel a donc, pour la première fois, accepté de recevoir les conclusions présentées en QPC par le requérant aux fins de transmission d’une telle demande pour avis. Aucune réponse pour le moment ne permet de déterminer si le mécanisme sera suivi dans le contrôle a priori. Quant au fond, la décision du Conseil laisse sceptique. Le principe non bis in idem est sûrement le droit fondamental le plus discuté actuellement, tant par les juges nationaux, que par les juges européens ou internationaux qui ne parviennent pas à construire des contours communs à la notion. La controverse entre la conception européenne des droits de l’Homme et les juridictions constitutionnelles nationales qui était née du principe de cumul des poursuites – plus que des sanctions – durant l’année 2015 s’est certes aujourd’hui soldée par une jurisprudence plus nuancée des deux côtés. En somme, le principe non bis in idem n’interdit pas strictement le cumul de deux poursuites de nature différente si la gravité du délit le justifie et si plusieurs autres conditions sont remplies (il est nécessaire que les deux infractions ne répriment pas les mêmes faits, ne protègent pas les mêmes intérêts sociaux et n’aboutissent pas au prononcé de mêmes sanctions par les mêmes ordres de juridictions). Néanmoins, cette harmonie de façade cache un désaccord profond entre la conception bien plus complète de la Cour européenne des droits de l’Homme et la conception plus limitative du Conseil constitutionnel. On aurait donc attendu du Conseil constitutionnel qu’il propose une ouverture au dialogue entre les deux jurisprudences par le mécanisme préjudiciel nouveau, notamment pour permettre qu’une véritable conception commune soit actée. Le Conseil a néanmoins répondu qu’en l’espèce, il n’était pas justifié de recourir au mécanisme préjudiciel.
Quant à la question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil a dénié y recourir dans la décision n° 2018-750/751 QPC du 7 décembre 2018, en précisant qu’il ne recourait à ce mécanisme que dès lors que la question de la validité de l’acte européen avait des effets sur l’appréciation de la conformité de la disposition de loi attaquée aux droits et libertés. Là encore, tout est affaire d’interprétation puisqu’il demeure encore difficile de déterminer quand l’acte européen détermine la validité de l’acte et sa conformité à la Constitution47.
ACB
B – Les droits et libertés
1 – Les libertés
Le Conseil constitutionnel manipule les lois de lutte contre la manipulation de l’information (Cons. const., 20 déc. 2018, n° 2018-773 DC et Cons. const., 20 déc. 2018, n° 2018-774 DC). Le 20 décembre 2018, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la constitution de la loi ordinaire et de la loi organique relatives à la lutte contre la manipulation de l’information (dites anti fake news). Les deux textes soumis au Conseil constitutionnel dans les conditions prévues par l’article 61 de la Constitution présentaient tous les caractères d’une loi de circonstance. S’ils ont été soumis au Conseil d’État dans le cadre de l’article 39, alinéa 5, en raison de leur origine (formellement) parlementaire, ils n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact qui aurait permis, par exemple, de davantage questionner l’utilité de cette réforme au regard de la législation en vigueur. Le choix du gouvernement d’engager la procédure accélérée a, quant à lui, limité les perspectives d’une discussion approfondie sur certains aspects cruciaux des textes, comme la détermination des contours précis de la notion de « fausse information ». L’adoption de ces deux lois s’inscrit dans le contexte des tentatives de déstabilisation dont ont fait l’objet plusieurs scrutins à l’étranger, comme le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni ou les élections présidentielles de 2016 aux États-Unis.
La volonté de lutter contre la manipulation de l’information, entendue comme la diffusion (intentionnelle ou non) d’informations mensongères ou qui, sorties de leur contexte, sont trompeuses pour les destinataires, a conduit à l’adoption de trois nouveaux dispositifs. D’une part, une procédure de référé permettant d’obtenir la cessation de la diffusion de fausses informations en ligne. D’autre part, l’attribution au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’un pouvoir de suspension des diffusions d’un média audiovisuel ayant signé une convention avec un service relevant d’un État étranger ou sous l’influence d’un État étranger. Enfin, une série d’obligations adressées aux opérateurs de plate-forme en ligne, comme la lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations. Ces trois nouveaux dispositifs sont applicables aux élections législatives, sénatoriales, européennes, et aux opérations référendaires. La loi organique, quant à elle, étend leur application aux élections présidentielles.
La promotion du juge des référés et du Conseil supérieur de l’audiovisuel en qualité de « gardiens juridiques de la vérité (…) de l’information politique »48 n’était sans susciter des inquiétudes qui ont été formulées par les sénateurs et députés dans le cadre de leur saisine, mais aussi par le professeur Thomas Hochmann dans le cadre d’une « porte étroite ». À l’instar du législateur au stade de l’élaboration de la loi, le Conseil constitutionnel s’est trouvé à la confluence d’exigences contradictoires. Dans un sens, la lutte contre les « fausses informations » susceptibles de porter atteinte au bon fonctionnement de la démocratie. Dans un autre sens, la protection des conditions d’exercice de certaines libertés susceptibles d’être affectées par les dispositifs introduits par cette réforme. La conciliation que le Conseil a dû opérer est particulièrement bien illustrée par la façon dont il a confronté la loi, suivant des méthodes différentes, à la liberté d’entreprendre et à la liberté d’expression.
À l’issue des contrôles qu’il a exercés sur la plupart des dispositifs introduits par ces deux lois, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur n’avait pas porté d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre (I). En revanche, la protection particulière dont bénéficie la liberté d’expression et de communication l’a conduit à exprimer deux réserves d’interprétation destinées à préciser les mesures susceptibles d’être adoptées par le juge des référés et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (II).
I. Le respect de la liberté d’entreprendre assuré
Parmi les griefs soulevés par les requérants figurait la méconnaissance, par plusieurs dispositions des textes de loi, de la liberté d’entreprendre que le Conseil constitutionnel rattache traditionnellement à l’article 4 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Ce dernier n’a cependant pas donné suite à ces griefs en considérant que la liberté d’entreprendre des opérateurs de plate-forme en ligne (A) et celle des opérateurs de réseaux satellitaires (B) n’avait pas fait l’objet d’une atteinte excessive.
A. La liberté d’entreprendre des opérateurs de plateforme en ligne préservée
La question du respect de la liberté d’entreprendre s’est posée, en premier lieu, pour les dispositions applicables aux opérateurs de plate-forme en ligne, qui sont définis par la loi du 16 octobre 2016 pour une République numérique comme les personnes physiques ou morales « proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne ». Aux termes de l’article 163-1 du Code électoral, ces opérateurs se voient imposer, sous peine d’un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (article L. 112 de ce même code), de délivrer une information « loyale, claire et transparente » aux utilisateurs. Cette information doit porter sur l’identité des personnes versant des rémunérations à la plate-forme, sur le montant de ces rémunérations et sur l’utilisation qui est faite des données personnelles des utilisateurs. L’article 163-1 prévoit, en outre, l’inscription de ces informations dans un registre mis à la disposition du public, la mise en place de dispositifs permettant aux usagers de signaler des fausses informations et enfin l’introduction de mécanismes destinés à lutter contre les comptes à l’origine de la propagation massive de fausses informations.
En application de sa jurisprudence traditionnelle relative à la liberté d’entreprendre49, le Conseil constitutionnel a recherché si, au regard de l’objectif poursuivi, le législateur avait porté une atteinte excessive à cette liberté. Après avoir relevé que l’obligation d’information était destinée à promouvoir « la clarté du débat électoral », il a considéré que, compte tenu du caractère limité dans le temps de la campagne électorale, de l’application exclusive de ces dispositions aux opérateurs de plate-forme dépassant un certain seuil et de la liberté qui leur était laissée dans la détermination des dispositifs permettant le signalement des fausses informations, la loi n’avait pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre (§ 9 et § 89).
B. La liberté d’entreprendre des opérateurs de réseaux satellitaires dépendant de l’étranger préservée
Le Conseil constitutionnel s’est également prononcé sur la conformité à l’article 4 de la déclaration de 1789 des dispositions attribuant une nouvelle compétence au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Aux termes de ces dispositions, en cas de diffusion de fausses informations portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, cet organisme pouvait saisir le juge afin qu’il ordonne la cessation de la diffusion ou de la distribution des services de communication audiovisuelle quand ils sont placés sous le contrôle ou l’influence d’un État étranger. Les critères susceptibles d’être pris en considération pour apprécier cette atteinte étaient nombreux. Le juge, en effet, pouvait s’appuyer sur des « contenus édités sur d’autres services de communication au public par voie électronique par l’éditeur du service en cause ainsi que par ses filiales, la personne morale qui le contrôle ou les filiales de cette dernière ».
Selon les députés requérants et les sénateurs auteurs de la troisième saisine, le dispositif portait une atteinte excessive, notamment, à la liberté d’entreprendre. Là encore, le Conseil constitutionnel a implicitement dénié toute atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre en relevant, en particulier, que les dispositions contestées mettaient en œuvre des exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation (§ 75 et§ 82). La portée laissée par le Conseil aux atteintes à la liberté d’entreprendre n’est pas sans évoquer la traditionnelle retenue dont il fait preuve en ce domaine. Il censure rarement, en effet, des dispositions législatives sur le fondement de l’article 4 de la déclaration des droits. Le contrôle exercé sur le respect de la liberté d’expression et de communication, en revanche, est plus étendu.
II. Le respect de la liberté d’expression conditionné
Suivant une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel assure une protection renforcée au principe de liberté d’expression et de communication en contrôlant la proportionnalité des dispositions législatives portant atteinte à ce principe50. L’exercice de ce contrôle l’a conduit à limiter, d’une part, les attributions dévolues au juge des référés (A), d’autre part, les pouvoirs de suspension du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (B).
A. Les pouvoirs du juge des référés encadrés
Le législateur a inséré à l’article L. 163-2 du Code électoral une procédure de référé permettant d’obtenir, pendant les 3 mois précédant les scrutins électoraux, la cessation de la diffusion de fausses informations sur les services de communication en ligne dans un délai de 48 heures. Selon un argumentaire particulièrement étayé des députés et des sénateurs, la mesure portait une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression en raison des risques d’instrumentalisation de cette voie d’action et de l’importance particulière que revêt cette liberté lors des campagnes électorales (§ 11).
Le Conseil constitutionnel a partiellement donné raison aux auteurs des saisines. Après avoir opéré la conciliation entre le principe de sincérité du scrutin – expressément rattaché, pour la première fois, à l’article 3 de la Constitution – et la liberté d’expression et de communication, il a considéré que la procédure de référé n’était applicable qu’aux cas dans lesquels le caractère inexact ou trompeur de ces informations était manifeste (§ 23). Dans le prolongement de cette réserve d’interprétation, le tribunal de grande instance de Paris a récemment refusé de demander à Twitter France le retrait du tweet par lequel le ministre de l’Intérieur avait dénoncé l’« attaque » dont avait fait l’objet l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière lors d’une manifestation des « gilets jaunes ». Le tribunal a considéré, en effet, que « si le message rédigé par M. Christophe Castaner appara[issait] exagéré en ce qu’il évoque le terme d’attaque (…), cette exagération port[ait] sur des faits qui, eux, sont réels »51.
B. Les pouvoirs de suspension du CSA limités
Le législateur a introduit une disposition habilitant le Conseil supérieur de l’audiovisuel à suspendre la diffusion de services de radio ou de télévision encadrée par une convention conclue avec un organisme contrôlé ou placé sous l’influence d’un État étranger lorsque celui-ci diffuse de fausses informations pendant les périodes électorales. Selon les députés, dans la mesure où la décision de suspension était susceptible de s’étendre sur une longue période et que la notion de « fausses informations » ne faisait l’objet d’une définition précise, la disposition en cause contrevenait à la liberté d’expression et de communication (§ 45).
En réponse aux moyens soulevés par les requérants, le Conseil constitutionnel a émis une seconde réserve d’interprétation. D’une part, il a encadré la portée de la notion de « fausse information » en indiquant qu’elle devait s’entendre comme visant des allégations ou des imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité d’un scrutin à venir dont il est possible de démontrer la fausseté de manière objective (§ 51). D’autre part, il a limité l’application du pouvoir de suspension du Conseil supérieur de l’audiovisuel aux seuls cas dans lesquels le risque d’altération de la sincérité du scrutin est manifeste (§ 51). Cette tentative d’« objectivisation » de la notion de « fausse information » et la limitation des suspensions dans les seuls cas où celle-ci est « manifeste » traduit la volonté de prévenir toute utilisation dévoyée des nouvelles prérogatives attribuées au Conseil supérieur de l’audiovisuel. À la différence de la liberté d’entreprendre, le nécessaire respect de la liberté d’expression et de communication limite donc, selon le point de vue du Conseil constitutionnel, la marge de manœuvre du législateur en matière de lutte contre la manipulation de l’information.
BLC
a – Sécurité et libertés
Dans la période récente, le Conseil constitutionnel a apprécié la conciliation opérée par le législateur entre les exigences de protection des atteintes à l’ordre public et l’exercice des libertés garanties par la constitution à l’occasion de sa saisine sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Dans la décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, il a en particulier apprécié la constitutionnalité des dispositions qui modifiaient les conditions de prolongation d’une mesure de rétention administrative prise à l’encontre d’un étranger sous le coup d’une mesure d’éloignement. Dans un considérant de principe, il a rappelé que les atteintes portées à la liberté individuelle devaient être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis (§ 70). En application de celui-ci, le Conseil a considéré que, sous réserve de la possibilité laissée à l’autorité judiciaire d’interrompre à tout moment la prolongation du maintien en détention (§ 75), la disposition fixant à 90 jours la durée maximale de rétention administrative était adaptée, nécessaire et proportionnée à l’objectif de prévention des atteintes à l’ordre public (§ 76). À la différence des restrictions apportées à la liberté individuelle, les atteintes portées à la liberté de circulation ou au droit au respect de la vie privée ne font l’objet que d’un contrôle de l’erreur manifeste. Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel a jugé qu’en attribuant à l’autorité administrative la faculté d’imposer un lieu de résidence à un étranger bénéficiant d’un délai de départ volontaire pour quitter le territoire le législateur « n’a[vait] pas opéré une conciliation manifestement déséquilibrée entre la prévention des atteintes à l’ordre public et le respect de ces libertés » (§ 92).
b – Liberté individuelle, respect de la vie privée, principe de responsabilité (…)
c – Liberté d’expression / Liberté de conscience
Dans la décision n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a contrôlé la constitutionnalité de la loi relative à la protection du secret des affaires. Selon les sénateurs requérants, plusieurs dispositions de ce texte portaient atteinte à la liberté d’expression et de communication que le Conseil constitutionnel rattache à l’article 11 de la déclaration de 1789. Ce dernier n’a pas donné suite à ces griefs. Il a considéré, en effet, que les dispositions contestées se bornaient à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises inscrites dans la directive de l’Union européenne du 8 juin 2016 transposée par la loi contestée (sur cette question, v. la rubrique III, A, 1, « Les rapports de système »).
d – Liberté d’entreprendre, liberté contractuelle
Selon une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel utilise l’article 4 de la déclaration de 1789 comme norme de référence pour le contrôle du respect de la liberté d’entreprendre et de la liberté contractuelle52. Sur le fondement de cet article, dans la décision n° 2018-728 QPC du 13 juillet 2018, il a apprécié la constitutionnalité d’une disposition imposant aux souscripteurs d’un contrat de prévoyance de verser aux organismes assureurs, pendant une période transitoire, une indemnité en cas de résiliation ou de non-renouvellement de ce contrat. Après avoir rappelé que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant », le Conseil a considéré que la disposition en cause ne méconnaissait pas le droit au maintien des conventions légalement conclues (§ 13). Il a souligné, en effet, que la compensation du surcoût provoqué par le report de l’âge de départ à la retraite constituait un motif d’intérêt général (§ 12).
BLC
2 – Le droit de propriété
Le Conseil fait usage de la règle désormais établie selon laquelle en l’absence de privation du droit de propriété au sens de l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, le contrôle de constitutionnalité porte, aux termes de l’article 2 de cette même déclaration, sur les atteintes aux conditions d’exercice de ce droit. Faute d’être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi, elles encourent la censure.
Si dans la décision n° 2018-740 QPC du 19 octobre 2018, la question de constitutionnalité afférant au droit de propriété n’a pas abouti à la reconnaissance d’une privation du droit de propriété au sens de l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, le Conseil a néanmoins assujetti l’exercice du droit de propriété à une réserve relative à la question de la modification des documents d’un lotissement. Étaient en cause les dispositions de l’article L. 442-10 qui permettent à l’Administration avec l’accord seulement d’une majorité de propriétaires, de remettre en cause le cahier des charges d’un lotissement. Si implicitement, le Conseil considère que ces dispositions mettent en cause le droit de propriété, il admet toutefois qu’elles sont justifiées par un objectif d’intérêt général auquel il n’est pas porté d’atteintes disproportionnées, dès lors que les modifications permises par les dispositions contestées n’aggravent pas les contraintes sur les colotis. C’est sous cette réserve que se trouvent garanties les conditions d’exercice du droit de propriété.
3 – Le principe d’égalité
a – Principe d’égalité devant la loi
La jurisprudence en matière d’égalité devant la loi est classiquement fondée sur l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui reconnaît que « la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Il en découle que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».
À propos de la composition et des droits de vote au sein du conseil d’administration de l’établissement public industriel et commercial Paris La Défense, le Conseil considère, dans la décision n° 2018-734 QPC du 27 septembre 2018, que le fait d’attribuer aux collectivités territoriales et au groupement représentés au sein de ce conseil d’administration un nombre de représentants différent ou des droits de vote différents, notamment au bénéfice du département des Hauts-de-Seine et au détriment de la commune de La Garenne-Colombes, ne crée pas entre eux de différence de traitement injustifiée, contraire au principe d’égalité devant la loi. Cette différence de traitement établie entre le département des Hauts-de-Seine et les autres collectivités territoriales représentées au sein du conseil d’administration de l’établissement public Paris La Défense est justifiée par une différence de situation. Tout d’abord, elle résulte du fait que le périmètre des deux opérations d’intérêt national sur lesquelles s’exerce la compétence de cet établissement, qui recouvre le territoire de plusieurs des collectivités qui y sont représentées, est en totalité situé à l’intérieur de ce département. Ensuite, la majoration des droits de vote du département des Hauts-de-Seine est liée à la condition de contribuer majoritairement aux dépenses de l’établissement public.
En ce qui concerne la différence de traitement instaurée entre la commune de La Garenne-Colombes et les autres collectivités du groupement représentées au sein du conseil d’administration de l’établissement public Paris La Défense, elle est justifiée par une différence de situation. Le fait que ces derniers disposent tous de voix délibératives au sein du conseil d’administration, alors que la commune de La Garenne-Colombes n’y dispose que d’une voix consultative, résulte du fait qu’elle n’est pas tenue à la contribution aux dépenses de l’établissement public. Celle-ci est déterminée dans le cadre de la convention prévue à L. 328-10 du Code de l’urbanisme. De sa signature dépend l’attribution d’une voix délibérative. Dans le cas, par ailleurs, où une telle convention ferait défaut et obligerait alors à l’attribution d’une voix délibérative à chaque collectivité territoriale ou groupement visé, la circonstance de ne pas en attribuer une à une collectivité, pourrait rester justifiée par la moindre emprise sur son territoire des opérations d’intérêt national en cause. Une telle différence de traitement ne créerait pas de rupture d’égalité devant la loi.
Il en va également ainsi de l’absence de délai de prescription applicable aux poursuites disciplinaires contre les avocats. Le Conseil rappelle dans la décision n° 2018-738 QPC du 11 octobre 2018, que, par principe, aucun droit ou liberté que la constitution garantit n’impose que les poursuites disciplinaires soient nécessairement soumises à une règle de prescription. Au demeurant, en ce qui concerne plus spécifiquement la profession d’avocat, elle n’est pas placée, au regard du droit disciplinaire, dans la même situation que les autres professions juridiques ou judiciaires réglementées. Dès lors, la différence de traitement instaurée par le premier alinéa de l’article 23 de la loi du 31 décembre 1971, entre les avocats et les membres des professions judiciaires ou juridiques réglementées dont le régime disciplinaire est soumis à des règles de prescription, repose sur une différence de situation qui ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi.
Dans la décision n° 2018-750/751 QPC du 7 décembre 2018, le Conseil ne relève aucune différence de traitement injustifiée issue du régime juridique de l’octroi de mer. Chacune des différences de traitement instaurées est en rapport avec l’objet de la loi, qu’il s’agisse des exonérations en faveur de certains biens exportés en dehors du territoire ultramarin où ils sont produits, des exonérations en faveur de certains biens produits localement, de la différence de traitement entre producteurs ultramarins, de celle entre certains biens importés ou encore de l’octroi de mer régional. Ces différences de traitement s’expliquent par des différences de situations conformes au principe d’égalité devant la loi.
Sur la base de cette même appréciation, le Conseil valide dans la décision n° 2018-776 DC, les mesures de dérogations instaurées par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, relatives au dispositif de suppression de toute mesure de réduction ou d’exonération totale ou partielle de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, en cas notamment de constat d’infraction de travail dissimulé. L’annulation des réductions et exonérations devient partielle dans les cas soit de dissimulation relative à des travailleurs indûment présentés comme travailleurs indépendants, transporteurs routiers indépendants ou dirigeants ou salariés d’une autre entreprise, soit de dissimulation représentant une proportion limitée de l’activité. Dans le premier cas, la différence de traitement est justifiée par le fait que la dissimulation porte non sur l’activité en elle-même mais sur la nature, en réalité salariée, du travail en cause. Dans le second cas, la différence de traitement résulte de la volonté du législateur de proportionner la mesure à l’ampleur du manquement. Ces différences de traitement étant fondées sur une différence de situation et en rapport avec l’objet de la loi, elles sont conformes au principe d’égalité devant la loi.
Dans cette même décision, le Conseil s’est prononcé sur le dispositif de dissociation de l’évolution du montant des prestations du niveau de l’inflation sans qu’il n’ait relevé de différence de traitement injustifiée entre les allocataires de prestations sociales revalorisées suivant le niveau de l’inflation et les allocataires de prestations revalorisées suivant la règle dérogatoire, de revalorisation à 0,3 % pour l’année 2019.
Le Conseil a également jugé dans la décision n° 2018-776 DC, à propos de l’allocation de rentrée scolaire, que le fait de prévoir le principe d’une allocation spécifique dédiée à la prise en charge des frais inhérents à la rentrée scolaire uniquement lorsque l’enfant scolarisé a atteint un certain âge et non plus « pour chaque enfant inscrit en exécution de l’obligation scolaire dans un établissement ou organisme d’enseignement public ou privé », ne prive pas de garantie légale le principe d’égal accès à l’instruction.
Dans la décision n° 2018-777 DC, l’autorisation accordée à l’État de confier à des « prestataires extérieurs » l’encaissement en numéraire de recettes de l’État, des établissements publics de santé ainsi que des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ne méconnaît pas le principe d’égalité devant le service public. La circonstance qu’ils puissent être inégalement répartis sur le territoire n’est pas de nature à rompre l’égalité devant le service public dès lors, d’une part, qu’aucune différence de traitement entre les contribuables selon le lieu de leur résidence n’en résulte, et, d’autre part, qu’il appartiendra, le cas échéant, au pouvoir réglementaire de veiller, dans la sélection des prestataires extérieurs, au respect du principe d’égalité devant le service public.
Le principe d’égalité devant la loi est cependant mis en cause dans la présente décision par les mesures de lutte contre l’immigration irrégulière introduites par la loi de finances pour 2019 en Guyane et qui concernent, plus particulièrement, les conditions d’accès au revenu de solidarité active. Le législateur peut valablement estimer que la stabilité de la présence sur le territoire national est une des conditions essentielles à l’insertion professionnelle et, à ce titre, imposer aux étrangers un délai de détention d’un titre de séjour les autorisant à travailler pour obtenir le bénéfice de celle-ci. Néanmoins n’imposant un délai de détention plus long en Guyane que sur le reste du territoire national, aux seules fins de lutte contre l’immigration irrégulière, il a introduit une condition spécifique pour l’obtention de cette prestation sans lien pertinent avec l’objet de celle-ci et de nature à rompre le principe d’égalité devant la loi.
b – Principe d’égalité devant la loi fiscale et les charges publiques — Droits et libertés en matière fiscale
Les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 desquels le principe d’égalité devant les charges publiques tire sa substance, autorise la loi à déroger à l’égalité pour des raisons d’intérêt général. Il faut toutefois que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit et qu’elle repose sur des critères objectifs et rationnels.
Tel n’a pas été le cas des dispositions figurant au 2° de l’article 1449 du Code général des impôts qui exonèrent de la cotisation foncière des entreprises, au titre de la gestion des ports autres que de plaisance, les collectivités territoriales, les établissements publics et les sociétés d’économie mixte. Si l’institution de cette exonération poursuit un but d’intérêt général de favoriser l’investissement public dans les infrastructures portuaires en réservant le bénéfice de l’exonération aux personnes publiques assurant elles-mêmes la gestion d’un port ainsi qu’aux sociétés à qui elles ont confié cette gestion et dont elles détiennent une part significative du capital, l’exclusion du champ d’application de cette exonération des sociétés susceptibles de gérer un port qui n’ont pas le statut de sociétés d’économie mixte, mais dont le capital peut être significativement, voire totalement, détenu par des personnes publiques, méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques. Pour éviter que les sociétés publiques locales, dont les collectivités territoriales ou leurs groupements détiennent la totalité du capital, se trouvent exclues du bénéfice de l’exonération, le Conseil censure, dans la décision n° 2018-733 QPC du 21 septembre 2018, les mots « ou des sociétés d’économie mixte » figurant au 2°, de l’article 1449 du Code général des impôts doivent être déclarés contraires à la Constitution.
Le Conseil a abouti à cette même conclusion, dans la décision n° 2018-747 QPC du 23 novembre 2018, en ce qui concerne la différenciation de régime fiscal applicable aux rentes viagères visant à réparer un préjudice corporel ayant entraîné une incapacité permanente totale lorsqu’elles sont versées en exécution d’une décision de justice et qui sont alors affranchies de l’impôt sur le revenu, et à celles versées en réparation d’un même préjudice en application d’une transaction qui sont, quant à elles, assujetties à l’impôt.
À propos de la différence de traitement instituée entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l’assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, le Conseil précise, dans la décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, que la seule absence de plafonnement d’une cotisation dont les modalités de détermination de l’assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n’est pas, en elle-même, constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Néanmoins, le dispositif est validé sous réserve que le pouvoir réglementaire fixe ce taux et ces modalités de façon que la cotisation n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
C’est également à une déclaration de conformité sous réserve qu’a abouti, dans la décision n° 2018-748 QPC du 30 novembre 2018, le contrôle du dispositif du 1, du paragraphe IX de l’article 209 du Code général des impôts qui traite différemment les sociétés détentrices des titres de participation au regard du droit à déduction des charges financières afférentes à l’acquisition de ces titres selon la nature de leurs liens avec les sociétés qui exercent le pouvoir de décision et, le cas échéant, le pouvoir de contrôle sur les sociétés acquises. Toutefois, les dispositions en cause ne sauraient, sans instaurer une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi qui est de faire obstacle à une pratique d’optimisation fiscale, interdire la déduction des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation lorsqu’il est démontré que le pouvoir de décision sur ces titres et, le cas échéant, le pouvoir de contrôle effectif sur la société acquise sont exercés par des sociétés établies en France autres que les sociétés-mères ou sœurs de la société détentrice des titres et appartenant au même groupe que cette dernière. Le principe d’égalité devant les charges publiques est garanti sous cette réserve d’interprétation.
En ce qui concerne l’institution d’une exonération de taxe d’habitation au bénéfice des seuls établissements publics d’assistance, sans l’étendre aux établissements privés d’assistance, le Conseil rappelle dans la décision n° 2018-752 QPC du 7 décembre 2018, que le principe d’égalité devant les charges publiques n’impose pas que les personnes privées soient soumises à des règles d’assujettissement à l’impôt identiques à celles qui s’appliquent aux personnes morales de droit public. Le traitement différencié est légitimé par la nature des personnes qui sont placées dans des situations différentes.
Dans la décision n° 2018-777 DC, le Conseil rejette l’ensemble des griefs faits à la loi de finances pour 2019 reposant sur une rupture d’égalité devant les charges publiques. Ainsi, concernant l’assouplissement de certaines conditions auxquelles est subordonnée l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit en cas de transmission des parts ou actions de sociétés faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation, est reconnue la constitutionnalité du nouveau dispositif qui reporte sur l’Administration la charge de réclamer aux contribuables la production de renseignements, là où jusqu’alors l’obligation de production de ces renseignements reposait chaque année sur le contribuable, aux termes du deuxième alinéa du e, de l’article 787 B, du Code général des impôts.
N’entraînent pas non plus de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, les dispositions du 5°, du paragraphe I, de l’article 40 de la loi de finances pour 2019 qui insèrent dans l’article 787 B du Code général des impôts un e ter. Par exception au principe selon lequel la méconnaissance de l’engagement collectif de conservation entraîne la remise en cause de l’exonération entre les mains de tous les bénéficiaires de la transmission, ces dispositions prévoient que, sous certaines conditions, la cession ou la donation de titres faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation n’entraîne qu’une remise en cause limitée de l’exonération. L’égalité devant les charges publiques est respectée dès lors que l’institution de cette exonération a pour but de favoriser la transmission d’entreprise dans des conditions permettant d’assurer la stabilité de l’actionnariat et la pérennité de l’entreprise, que le maintien du bénéfice de l’exonération en cas de cession ou de donation pendant la période d’engagement collectif de conservation ne s’applique que dans le cas où la transmission est opérée au profit d’un autre associé de cet engagement, sachant que les titres cédés ou donnés n’en bénéficient pas, et que la cession de titres à des associés soumis à l’engagement collectif ne remet pas en cause la stabilité de l’actionnariat et la pérennité de l’entreprise.
En ce qui concerne l’abaissement des seuils de détention de droits financiers attachés aux titres faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation, le bénéfice de l’exonération instituée par l’article 787 B du Code général des impôts reste subordonné aux conditions déjà prévues relatives à la stabilité du capital et à la direction de la société étant entendu que les seuils de droits de vote demeurent inchangés. Dans ces conditions, le principe d’égalité devant les charges publiques est garanti.
À propos du sursis de plein droit et de la réduction du délai relatifs à l’imposition des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, valeurs, titres ou droits lors du transfert par un contribuable de son domicile hors de France lorsque ces mêmes droits sociaux, valeurs, titres ou droits représentent au moins 50 % des bénéfices sociaux d’une société ou lorsque leur valeur globale excède 800 000 € à cette même date, les critères retenus par le législateur ne sont pas dépourvus de caractère objectif et rationnel, selon le Conseil qui n’a pas non plus relevé, à cet égard, de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Cette imposition ne concerne que certains dirigeants et actionnaires de sociétés qui, à raison de l’importance des participations qu’ils détiennent, sont susceptibles de vendre leurs titres à l’étranger afin d’éluder l’acquittement de l’imposition sur les plus-values en France. En prévoyant ces mesures, le législateur a entendu favoriser la lutte contre l’évasion fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. Il a, au demeurant, exercé sa faculté issue de l’article 34 de la Constitution, de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives.
Il n’y a pas non plus de méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques par les règles dérogatoires de revalorisation de certaines prestations sociales pour 2019 (l’aide personnalisée au logement, l’allocation de logement familiale, l’allocation de logement social, la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés), dès lors que, selon le Conseil, les titulaires des minima sociaux que sont l’allocation de solidarité spécifique et le revenu de solidarité active ne sont pas placés dans la même situation que les titulaires des prestations affectées par les dérogations instituées, pour 2019, par les dispositions contestées de l’article 210 de la loi de finances pour 2019.
LB
4 – Les droits sociaux
Dans sa décision n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018, Syndicat CFE-CGC France Télécom Orange et a., le Conseil constitutionnel a été amené à statuer au regard du principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales garanti par l’article 1er de la Constitution et du principe de participation des travailleurs garanti par le huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Saisi de sept questions prioritaires de constitutionnalité par la Cour de cassation posées par le syndicat CFE-CGC France Télécom Orange et 32 autres requérants, portant sur différentes dispositions du Code du travail, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots « ou lorsqu’ils sont la conséquence de l’annulation de l’élection de délégués du personnel prononcée par le juge en application des deux derniers alinéas de l’article L. 2314-25 » figurant au second alinéa de l’article L. 2314-7 du Code du travail et les mots « ou s’ils sont la conséquence de l’annulation de l’élection de membres du comité d’entreprise prononcée par le juge en application des deux derniers alinéas de l’article L. 2324-23 » figurant au premier alinéa de l’article L.2324-10 du même code.
En effet, le Conseil constitutionnel a relevé que « selon le troisième alinéa de l’article L. 2314-25 du Code du travail, la constatation par le juge, après l’élection des délégués du personnel, de la méconnaissance, par une liste de candidats à cette élection, des prescriptions imposant à chaque liste de comporter un nombre de femmes et d’hommes proportionnel à leur part respective au sein du collège électoral entraîne l’annulation de l’élection “d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats”. Selon le dernier alinéa du même article, la constatation par le juge, après l’élection, de la méconnaissance par une liste des prescriptions imposant l’alternance d’un candidat de chaque sexe entraîne l’annulation de l’élection des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions. Les troisième et dernier alinéas de l’article L. 2324-23 du Code du travail donnent au juge le même pouvoir d’annulation, pour les mêmes motifs, pour l’élection des représentants du personnel au comité d’entreprise ».
Le Conseil poursuit en relevant que « dans ces différents cas, les dispositions contestées des articles L. 2314-7 et L. 2324-10 du Code du travail dispensent l’employeur d’organiser des élections partielles visant à pourvoir les sièges devenus vacants à la suite de l’annulation de l’élection de délégués du personnel ou de membres du comité d’entreprise, quelle que soit la durée des mandats restant à courir.
En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, d’une part, éviter que l’employeur soit contraint d’organiser de nouvelles élections professionnelles alors que l’établissement des listes de candidats relève des organisations syndicales et, d’autre part, inciter ces dernières à respecter les règles contribuant à la représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les délégués du personnel et au sein du comité d’entreprise ».
Le Conseil note que : « Toutefois, les dispositions contestées peuvent aboutir à ce que plusieurs sièges demeurent vacants dans ces institutions représentatives du personnel, pour une période pouvant durer plusieurs années, y compris dans les cas où un collège électoral n’y est plus représenté et où le nombre des élus titulaires a été réduit de moitié ou plus. Ces dispositions peuvent ainsi conduire à ce que le fonctionnement normal de ces institutions soit affecté dans des conditions remettant en cause le principe de participation des travailleurs ».
Le Conseil constitutionnel en déduit dès lors que : « Par conséquent, même si les dispositions contestées visent à garantir, parmi les membres élus, une représentation équilibrée des femmes et des hommes, l’atteinte portée par le législateur au principe de participation des travailleurs est manifestement disproportionnée » (§ 9 à 13).
Il convient de constater que le Conseil constitutionnel a transposé à l’espèce la solution dégagée dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 201853.
Le Conseil constitutionnel a prononcé cette censure avec effet immédiatement, précisant qu’aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité (§ 15).
Il apparaît toutefois sur un plan pratique et comme des commentateurs ont pu le relever que, même si les dispositions censurées sont formellement abrogées ou remplacées par d’autres dispositions par l’ordonnance du 22 septembre 2017 précitée, les dispositions des articles L. 2314-7 et L. 2324-10 demeurent applicables pendant la période transitoire précédant la mise en place du nouveau comité social et économique. Il en découle qu’en cas d’annulation de l’élection de représentants du personnel pour méconnaissance des règles sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes, des élections partielles devront le cas échéant être organisées.
CR
5 – Les principes du droit répressif
a – Principes de légalité, nécessité et individualisation des délits et des peines
Il résulte de l’article 8 de la déclaration des droits que le principe d’individualisation des peines implique qu’une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions54. Dans ces trois cas, le Conseil a estimé que le principe d’individualisation des peines n’avait pas été méconnu. En outre, le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la déclaration de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire55.
Pour être applicable, l’article 8 doit concerner des sanctions ayant le caractère d’une punition et non seulement les peines prononcées par les juridictions répressives56. L’indemnité versée au salarié qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque sa réintégration dans l’entreprise est impossible, se substitue, soit à la poursuite de son contrat de travail, soit à sa réintégration et constitue ainsi une réparation par équivalent lorsqu’une réparation en nature n’est pas possible ou qu’elle n’est pas demandée par le salarié57. Elle vise à assurer une réparation minimale du préjudice subi par le salarié du fait de la nullité de son licenciement économique et ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition au sens de l’article 8 de la déclaration de 1789.
De même, compte tenu des objectifs qu’il s’assigne en matière d’ordre public dans l’équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, le législateur peut assortir la violation de certaines obligations d’une amende civile à la condition de respecter les exigences des articles 8 et 9 de la déclaration des droits, au rang desquelles figure le principe de légalité des délits et des peines qui lui impose d’énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement58. Le Conseil a repris sa jurisprudence formulée dans sa décision du 13 janvier 2011, les dispositions contestées ne méconnaissant pas le principe de légalité des délits.
b – Principe de proportionnalité des peines
Les peines prononcées doivent être nécessaires et strictement proportionnées au délit commis, en application du même article 8 de la déclaration des droits. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue59. Pas de méconnaissance du principe de proportionnalité des peines par le paragraphe III, de l’article L. 651-5-1 du Code de la sécurité sociale60. Il n’en pas est de même dans la décision n° 018-739 QPC du 12 octobre 2018, Société Dom Com Invest (à propos de l’article 1740 A du Code général des impôts). Si le législateur a entendu lutter contre la délivrance abusive ou frauduleuse d’attestations ouvrant droit à un avantage fiscal et poursuivi ainsi l’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (§ 6), l’amende instituée d’un montant égal à l’avantage fiscal indûment obtenu par un tiers ou à 25 % des sommes indûment mentionnées sur le document sans que soit établi le caractère intentionnel du manquement réprimé, revêt un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de ce manquement.
C’est en se fondant sur l’article 61-1 qui ne lui confère pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, que le Conseil a rappelé qu’il lui incombe de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue61.
c – Droits de la défense
L’absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé de son placement en garde à vue inscrite à l’article 706-113 du Code de procédure pénale est contraire à l’article 16 de la déclaration des droits qui garantit le respect des droits de la défense62. Dans le cas où il n’a pas demandé que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles. Il est alors susceptible d’opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard notamment de l’exercice de son droit de s’entretenir avec un avocat et d’être assisté par lui au cours de ses auditions et confrontations.
L’affaire Grégory a connu un rebondissement supplémentaire avec la décision n° 2018-744 QPC du 16 novembre 2018, Mme Murielle B., relative à la garde à vue des mineurs.
Il était reproché aux articles 1er, 5, 7, 8, 9 et 10 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante dans leur rédaction en vigueur en 1984, à l’époque des faits, de méconnaître la présomption d’innocence et les droits de la défense garantis par les articles 9 et 16 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ainsi que le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, dès lors qu’elles permettraient, dans le cadre d’une instruction, le placement d’un mineur en garde à vue sans que celui-ci bénéficie des garanties nécessaires au respect de ses droits, notamment l’assistance d’un avocat, la notification du droit de garder le silence et l’information de son représentant légal. En permettant que tout mineur soit placé en garde à vue pour une durée de 24 heures renouvelable avec comme seul droit celui d’obtenir un examen médical en cas de prolongation de la mesure, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d’infractions et l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, et il a alors méconnu les articles 9 et 16 de la déclaration de 1789 et contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. De quoi relancer sur le terrain constitutionnel cette affaire qui a défrayé la chronique depuis plus de 30 ans.
MV
6 – Les droits processuels
a – Le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, l’égalité devant la justice et le principe d’impartialité et d’indépendance des juridictions
Le Conseil constitutionnel reconnaît, sur le fondement de l’article 16 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, un droit constitutionnel à un recours juridictionnel effectif63. Ce droit peut donc être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité64.
Par deux décisions, le Conseil a précisé sa jurisprudence relative aux délais de recours et de jugement contre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF).
Dans sa décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, Section française de l’observatoire international des prisons et autres [Délai de recours et de jugement d’une obligation de quitter le territoire français notifiée à un étranger]65, le Conseil avait été saisi des délais de recours et de jugement contre une OQTF, lorsque l’intéressé était placé en détention. Les dispositions législatives prévoyaient que l’étranger disposait d’un délai de recours de 48 heures et que le juge devait ensuite statuer dans un délai de 72 heures. Le Conseil avait relevé qu’au maximum, l’intéressé ne dispose que d’un délai de 5 jours entre la notification de l’OQTF et le moment où le juge statue et qu’il s’agissait d’un « un délai particulièrement bref pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci »66 (§ 7). Il avait considéré que cette brièveté n’était pas justifiée par l’objectif poursuivi par le législateur67, qui était d’assurer l’exécution de l’OQTF et d’éviter qu’un étranger détenu soit placé en rétention administrative à l’issue de sa détention en attendant que le juge se prononce sur son recours. Il avait donc censuré les dispositions en cause.
Le législateur a adopté de nouvelles dispositions pour remplacer celles ayant fait l’objet d’une censure. Les nouvelles dispositions maintiennent un délai de recours de 48 heures, mais allongent le délai dont dispose le juge pour statuer, qui peut être de 6 semaines ou de 3 mois68. Ce délai peut être restreint : lorsque l’Administration, en cours d’instance, informe le juge que le détenu est susceptible d’être libéré avant que sa décision n’intervienne. Il statue alors dans un délai maximum de 8 jours à compter de cette information. Le Conseil s’est prononcé sur la constitutionnalité de ces dispositions dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Il a considéré qu’elles ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif. Pour cela, il s’est appuyé sur le fait qu’en dehors de l’hypothèse d’une libération imminente du détenu, le juge statue dans les délais de droit commun. Il a également relevé que le délai de recours particulièrement bref de 48 heures n’empêchait pas le détenu de présenter tous éléments à l’appui de son recours, à l’appréciation du juge, pendant le délai accordé à ce dernier pour statuer. L’information du détenu de la possibilité de demander, avant même l’introduction de son recours, l’assistance d’un interprète et d’un conseil représenterait également une garantie légale supplémentaire du droit à un recours juridictionnel effectif69. La constitutionnalité d’un délai de recours ne s’apprécie donc pas seule, mais en lien avec le délai de jugement, l’objectif poursuivi par le législateur et l’existence de garanties légales du droit à un recours juridictionnel effectif.
Dans la décision n° 2018-741 QPC du 19 octobre 2018, M. Belkacem B. [Délai de recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière], le Conseil avait à connaître des délais de recours et de jugement contre un APRF. Les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière pouvaient être pris, en application de l’article L. 533-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile70 (CESEDA), à l’encontre de l’étranger dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public ou qui a méconnu la législation du travail. Le délai de recours contre ces arrêtés était de 48 heures et le délai de jugement était soit de 3 mois, soit de 72 heures si l’intéressé était placé en rétention ou assigné à résidence (§ 7). Le Conseil a estimé en l’espèce que l’objectif poursuivi par le législateur était d’« assurer l’exécution des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et éviter la prolongation des mesures de rétention ou d’assignation à résidence imposées, le cas échéant, à l’étranger, afin de garantir la mise en œuvre de l’arrêté » (§ 9). Il a d’abord estimé que le délai de recours de 48 heures ne méconnaissait pas le droit à un recours juridictionnel effectif, « compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur » (§ 13). Il suit le même raisonnement que dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018précitée. D’une part, il existerait une garantie légale du droit à un recours juridictionnel effectif car « l’étranger doit se voir informer, dès la notification de la mesure d’éloignement, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend, de son droit d’obtenir l’assistance d’un interprète et d’un conseil » (§ 11). D’autre part, l’étranger serait en mesure de présenter tous les éléments à l’appui de sa requête, à l’appréciation du juge et pendant le délai accordé à ce dernier pour statuer (§ 12). S’agissant du délai total de 3 mois et 2 jours imparti à l’étranger pour former son recours et au juge pour statuer, le Conseil a considéré qu’il ne portait pas atteinte au droit à un recours juridictionnel « compte tenu des garanties énoncées précédemment » (§ 14). Il a également validé le délai maximal de 5 jours, qu’il avait pourtant censuré dans le cadre des OQTF, dans sa décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018. Il estime qu’en l’espèce, « le législateur a ainsi entendu, non seulement assurer l’exécution des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, mais aussi ne pas prolonger les mesures privatives ou restrictives de liberté précitées ». Il en déduit que « compte tenu des garanties énoncées précédemment, le législateur a également opéré une conciliation équilibrée entre le droit à un recours juridictionnel effectif et l’objectif poursuivi » (§ 15). L’encadrement du recours dans des délais particulièrement brefs ne porte pas atteinte au droit au recours d’après le Conseil, dès lors que ces délais sont justifiés par l’objectif poursuivi par le législateur.
b – Le principe de sécurité juridique
Depuis sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances pour 2006, le Conseil constitutionnel considère que la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la déclaration de 1789 implique que le législateur ne doit pas porter aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. Depuis sa décision n° 2013-336 QPC en date du 19 décembre 2013, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, il estime que la garantie des droits implique également que le législateur ne remette pas en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations, sans motif d’intérêt général suffisant.
La décision n° 2018-743 QPC du 26 octobre 2018, Société Brimo de Laroussilhe [Inaliénabilité et imprescriptibilité des biens du domaine public], est relative à L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que « les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ». Les requérants estimaient que les dispositions législatives auraient dû prévoir une « dérogation aux principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité du domaine public en faveur des acquéreurs de bonne foi de biens mobiliers appartenant à ce domaine ». Les dispositions en cause « menaceraient la “sécurité des transactions” » en exposant « ces acquéreurs, à tout moment, à une action en revendication de ces biens par les personnes publiques ». Ils faisaient donc valoir qu’elles méconnaîtraient, d’une part, le « droit à la protection des situations légalement acquises et à la préservation des effets pouvant légitimement être attendus de telles situations » et, d’autre part, le « droit au maintien des conventions légalement conclues » (§ 2).
Le Conseil a estimé que la possession d’un bien mobilier de l’État, même acquis de bonne foi, ne constitue pas une situation légalement acquise. Il a relevé, d’une part, « qu’aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être valablement constitué au profit de tiers » et, d’autre part, « qu’un tel bien ne peut faire l’objet d’une prescription acquisitive en application de l’article 2276 du Code civil au profit de ses possesseurs successifs, même de bonne foi ». Les acquéreurs d’un bien mobilier appartenant au domaine public ne peuvent jamais être considérés comme propriétaires de ce bien et n’ont en conséquence par de droit acquis sur ce dernier. La disposition législative ne pouvait donc pas porter atteinte à une situation qui n’était pas légalement acquise, ni remettre en cause les effets d’une telle situation (§ 7).
MB
Notes de bas de pages
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1.
Résolution tendant à modifier les articles 18, 42, 54 et 60 du règlement du Sénat et à compléter celui-ci par l’adjonction d’un article 21 bis, cons. 2.
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2.
Résolution modifiant les articles 10 et 37 du règlement de l’Assemblée nationale, relatifs au renouvellement du bureau et des commissions.
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3.
V. not. Cons. const., 8 sept. 2017, n° 2017-752 DC, loi pour la confiance dans la vie politique, § 2, à propos de la procédure d’adoption de la loi.
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4.
Cons. const., 8 déc. 2016, n° 2016-741 DC, loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, § 25 et s.
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5.
Bas P., rapp. Sénat n° 517, 30 mai 2018, p. 34-35.
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6.
Cons. const., 16 mai 2013, n° 2013-667 DC, loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, cons. 4 ; Cons. const., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC, loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 4 ; Cons. const., 16 janv. 2014, n° 2013-683 DC, loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, cons. 6 ; Cons. const., 23 janv. 2014, n° 2013-687 DC, loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles cons. 48.
-
7.
Cons. const., 13 août 2015, n° 2015-718 DC, loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, cons. 4.
-
8.
Cons. const., 17 mai 2013, n° 2013-669 DC, loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 77-78 ; Cons. const., 5 août 2015, n° 2015-715 DC, loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, cons. 7.
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9.
Cons. const., 19 janv. 2006, n° 2005-532 DC, loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, cons. 26.
-
10.
Cons. const., 19 janv. 2006, n° 2005-532 DC, loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, cons. 26.
-
11.
Cons. const., 19 janv. 2006, n° 2005-532 DC, loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, cons. 26.
-
12.
Cons. const., 11 oct. 2018, n° 2018-275 L, à propos de la L. n° 83-550, 30 juin 1983, instituant un comité chargé de proposer des lieux et des actions qui garantissent la pérennité à travers les générations de la mémoire du crime d’esclavage ; Cons. const., 15 nov. 2018, n° 2018-276 L, relative à diverses dispositions du Code de l’éducation et de deux lois, se bornant à désigner l’autorité administrative habilitée à exercer, au nom de l’État, des attributions qui, en vertu de la loi, relèvent de la compétence du pouvoir exécutif et Cons. const., 22 nov. 2018, n° 2018-277 L à propos de la nature juridique de plusieurs dispositions relatives à l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, le choix de la dénomination d’un établissement public ne mettant pas en cause l’article 34 qui dispose que « la loi fixe les règles concernant (…) la création de catégories d’établissements publics ».
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13.
Cons. const., 27 juill. 2018, n° 2018-273 L et Cons. const., 27 juill. 2018, n° 2018-274 L.
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14.
C. rur., art. L. 411-11 ; Cons. const., 27 juill. 2018, n° 2018-274 L.
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15.
CSP, art. L. 1434-14.
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16.
Cons. const., 4 sept. 2018, n° 2018-769 DC, loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
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17.
C trav., art. L. 6323-11, al. 6.
-
18.
Pour une illustration de la formulation du principe, v. Cons. const., 8 juill. 2011, n° 2011-146 QPC, Dpt des Landes (aides publiques en matière d’eau potable ou d’assainissement), cons. 4.
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19.
CE, 18 mai 2018, n° 418726, §3.
-
20.
Cons. const., 23 mai 1979, n° 79-104 DC, loi modifiant les modes d’élection de l’Assemblée territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l’aide technique et financière contractuelle de l’État, cons. 9.
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21.
Pour une illustration, v. Cons. const., 2 juin 2017, n° 2017-633 QPC, Coll. territoriale de la Guyane (rémunération des ministres du culte en Guyane), § 14 et § 15 : LPA 25 juill. 2018, n° 138f9, p. 12.
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22.
Pour une illustration : Cons. const., 12 déc. 1967, n° 67-47 L, nature juridique de certaines dispositions de ord. n° 59-151, 7 janv. 1959, art. 1er, relative à l’organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne, § 4
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23.
Pour une définition négativement de la tutelle : Cons. const., 9 déc. 2010, n° 2010-618 DC, loi de réforme des collectivités territoriales, cons. 22.
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24.
Pour une illustration en matière de collectivités territoriales : Cons. const., 21 oct. 2016, n° 2016-589 QPC, Assoc. des maires de Guyane et a.
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25.
Cons. const., 4 août 2016, n° 2016-736 DC, loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
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26.
Cons. const., 30 nov. 2018, n° 2018-749 QPC, Sté Interdis et a.
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27.
V. par ex., Cons. const., 20 sept. 2013, n° 2013-340 QPC. De même, Cons. const., 2 mars 2018, n° 2017-694 QPC.
-
28.
Cons. const., 20 sept. 2013, n° 2013-340 QPC, M. Alain G. ; Cons. const., 2 mars 2018, n° 2017-694 QPC, M. Ousmane K. et a.
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29.
Cons. const., 27 juill. 2018, n° 2018-12 LOM.
-
30.
Cons. const., 7 déc. 2018, n° 2018-752 QPC.
-
31.
Cons. const., 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC.
-
32.
Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-730 QPC.
-
33.
Cons. const., 21 sept. 2018, n° 2018-733 QPC.
-
34.
Cons. const., 12 oct. 2018, n° 2018-739 QPC.
-
35.
Cons. const., 16 nov. 2018, n° 2018-744 QPC.
-
36.
Cons. const., 23 nov. 2018, n° 2018-747 QPC.
-
37.
Cons. const., 13 juill. 2018, n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC.
-
38.
Loi pour la sécurité intérieure, cons. 99 et s.
-
39.
Cons. const., 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC, loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, § 103 et § 104.
-
40.
V. not. Cons. const., 6 oct. 2010, n° 2010-39 QPC, Mmes Isabelle D. et Isabelle B.
-
41.
Comme l’affirme Schoettl J.-É., « Fraternité et constitution. Fraternité et souveraineté », RFDA 2018, p. 959.
-
42.
V. not. Cons. const., 13 août 1993, n° 93-325 DC, loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, cons. 2.
-
43.
Cons. const., 15 nov. 2018, n° 2018-772 DC, loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, § 39.
-
44.
Cons. const., 31 juill. 2017, n° 2017-749 DC.
-
45.
Cons. const., 7 déc. 2018, n° 2018-750/751 QPC.
-
46.
Cons. const., 23 nov. 2018, n° 2018-745 QPC.
-
47.
V. par ex. Cons. const., 17 déc. 2010, n° 2010-79 QPC, M. Kamel D.
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48.
Altwegg-Boussac M., « Vérité et sincérité v. liberté politique. Quelques observations sur le dispositif anti fake news en période électorale », JP blog, 21 mars 2019.
-
49.
Cons. const., 20 mai 2011, n° 2011-132 QPC.
-
50.
Cons. const., 10 juin 2009, n° 2009-580 DC.
-
51.
TGI Paris, 17 mai 2019, n° 19/53935.
-
52.
Cons. const., 1er juill. 2004, n° 2004-497.
-
53.
Cons. const., 21 mars 2018, n° 2018-761 DC, loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la L. n° 2017-1340, 15 sept. 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, § 59 à § 62.
-
54.
Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-731 DC, § 5, à propos de l’article 415 du Code des douanes ; Cons. const., 26 oct. 2018, n° 2018-742 QPC, § 5, à propos de la période de sûreté de plein droit qui ne constitue pas une peine s’ajoutant à la peine principale, mais une mesure d’exécution de cette dernière, laquelle est expressément prononcée par le juge, premier alinéa de l’article 132-23 du Code pénal.
-
55.
Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-754 QPC, Sté Viagogo et a., § 4.
-
56.
Cons. const., 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC, Sté Tel and Com, § 15.
-
57.
C. trav., art. L. 1235-11.
-
58.
Cons. const., 30 nov. 2018, n° 2018-749 QPC, Sté Interdis et autres, § 8.
-
59.
Cons. const., 5 oct. 2018, n° 2018-736 QPC, Sté CSF, § 4.
-
60.
V. dans le même sens, Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-731 DC.
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61.
Cons. const., 14 déc. 2018, n° 2018-754 QPC, Sté Viagogo et a., § 3 ; CPP, art. 313-6-2.
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62.
Cons. const., 14 sept. 2018, n° 2018-730 QPC, M. Mehdi K.
-
63.
Implicitement : Cons. const., 21 janv. 1994, n° 93-335 DC, loi portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction et, explicitement : Cons. const., 9 avr. 1996, n° 96-373 DC, loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, cons. 83.
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64.
Cons. const., 11 juin 2010, n° 2010-2 QPC.
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65.
V. le numéro précédent de cette chronique : LPA 23 sept. 2019, n° 145p7, p. 5 ; LPA 24 sept. 2019, n° 148k5, p. 4 ; LPA 25 sept. 2019, n° 148k6, p. 5 ; LPA 26 sept. 2019, n° 148k7, p. 6 ; LPA 27 sept. 2019, n° 148k8, p. 6 ; LPA 30 sept. 2019, n° 148k9, p. 5.
-
66.
Cons. const., 1er juin 2018, n° 2018-709 QPC, Section française de l’observatoire international des prisons et autres [Délai de recours et de jugement d’une obligation de quitter le territoire français notifiée à un étranger], § 7.
-
67.
Cons. const., 1er juin 2018, n° 2018-709 QPC, Section française de l’observatoire international des prisons et autres [Délai de recours et de jugement d’une obligation de quitter le territoire français notifiée à un étranger], § 8.
-
68.
Cons. const., 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC, loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, § 80.
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69.
Cons. const., 6 sept. 2018, n° 2018-770 DC, loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, § 82.
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70.
Cet article, créé par L. n° 2011-672, 16 juin 2011, a été abrogé par L. n° 2016-274, 7 mars 2016.